Monde à plat, monde en relief | Antoine Le Bos | TEDxRennes
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0:07 - 0:10Est-ce que vous savez,
qu'à l'origine de la photographie, -
0:10 - 0:13donc on est à la fin 19e siècle,
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0:13 - 0:15à l'origine de la photographie,
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0:15 - 0:18la photographie à plat
n'intéressait pas grand monde. -
0:19 - 0:23Ce qui fascinait le monde des photographes
amateurs, professionnels, -
0:23 - 0:25comme étant l'étape d'après la peinture,
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0:25 - 0:28c'est-à-dire une manière
de continuer à explorer le monde, -
0:28 - 0:31c'était la photographie en relief.
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0:31 - 0:34Les grosses boites en bois
dans les greniers des grand-mères, -
0:34 - 0:35avec les plaques en verre.
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0:38 - 0:40Guerre industrielle ensuite,
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0:40 - 0:42c'est la photographie à plat
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0:42 - 0:44qui a pu été reproduite dans les journaux.
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0:44 - 0:47La photographie à plat a gagné la guerre
contre la photographie en relief. -
0:48 - 0:52Et la photo à plat,
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0:52 - 0:54l'image à plat, est devenue
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0:54 - 0:58communément admise comme
fenêtre sur le monde, pour nous. -
0:58 - 1:02Aujourd'hui, y compris,
une fenêtre toute petite, -
1:02 - 1:04vous le savez, avec des portables.
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1:06 - 1:10L'histoire que je veux vous raconter
démarre en Finistère, -
1:10 - 1:11avec ce décor-là :
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1:12 - 1:13Côte-Nord.
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1:15 - 1:16On est chez les durs,
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1:18 - 1:19granite,
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1:19 - 1:22on est du côté de Kerlouan, Brignogan.
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1:25 - 1:31Dans ce coin, on a mis en place un lieu
qui s'appelle le Groupe Ouest, -
1:33 - 1:36un lieu un peu décroché du monde,
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1:37 - 1:39se servant de la force de ce paysage
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1:39 - 1:43pour essayer d'aider des auteurs
à accoucher d'histoires. -
1:44 - 1:48Donc c'est devenu un lieu de résidence
coachée pour des auteurs, -
1:48 - 1:50surtout pour le cinéma.
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1:50 - 1:52Des auteurs qui viennent
du monde entier pour travailler là. -
1:53 - 1:55Et c'est devenu le premier lieu
en Europe en la matière. -
1:57 - 2:01Dans cet endroit, notre obsession,
c'est d'essayer de faire que, -
2:01 - 2:05dans un monde devenu par moment
un poil désespérant, -
2:07 - 2:09ce contre quoi TED lutte,
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2:10 - 2:12dans ce monde-là,
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2:12 - 2:16l'idée est d'aider des auteurs à fabriquer
des histoires qui fabriquent du sens. -
2:17 - 2:20Pour nous, pour la société
des hommes globalement, -
2:20 - 2:22pour nos enfants demain,
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2:22 - 2:27donc de préférence un peu à l'opposé
d'une vision un peu mécanisée du récit, -
2:27 - 2:30qu'Hollywood nous envoie
trop souvent en ce moment, -
2:30 - 2:32avec le super-héros comme figure modèle.
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2:35 - 2:38Il se trouve que dans ce lieu, en 2010,
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2:38 - 2:40alors que notre métier,
c'est de fabriquer des films, -
2:40 - 2:42de fabriquer des récits pour des films,
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2:42 - 2:45dans du cinéma « à plat »,
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2:45 - 2:47on peut dire maintenant aujourd'hui.
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2:47 - 2:48On ne voyait pas la différence.
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2:48 - 2:51Pour nous, le cinéma,
c'était forcément à plat. -
2:51 - 2:53On fabriquait le relief par le récit.
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2:54 - 2:58Et on a vécu une expérience en 2010,
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2:59 - 3:04une expérience assez folle qu'on a vécue
avec le Pôle Images et Réseaux breton, -
3:04 - 3:09donc groupe de laboratoires de recherche,
universités etc., -
3:09 - 3:15qui s'intéresse à l'avenir de l'image,
du son, et de l'Internet, etc. -
3:16 - 3:19Et ce projet de recherche
avait comme objectif -
3:21 - 3:22d'étudier
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3:25 - 3:26la question fondamentale :
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3:26 - 3:29est-ce qu'à partir d'un moment
où on se met -
3:29 - 3:33à fabriquer des images en relief,
est-ce qu'il faut écrire différemment ? -
3:37 - 3:41En faisant des essais à partir de récits
qu'on a inventés au Groupe Ouest, -
3:41 - 3:44en faisant des essais
dans les rochers à Kerlouan, -
3:44 - 3:50on a fait venir avec nous un grand
Monsieur de l'image en relief, -
3:50 - 3:52un Professeur Tournesol
du relief, qui est français, -
3:52 - 3:55le grand Monsieur du relief en Europe,
qui s'appelle Alain Derobe. -
3:57 - 4:02Et Alain nous fait travailler
avec cet engin étrange que vous voyez là : -
4:02 - 4:04une caméra, plus complexe qu'une caméra.
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4:05 - 4:07Il appelle ça un rig-miroir.
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4:07 - 4:10Nous, on est dans l'écriture,
on ne connaît pas ces machines, -
4:11 - 4:16et on découvre que le relief à l'origine,
c'est deux caméras mises côte à côte, -
4:16 - 4:19avec un écart entre les deux centres
optiques des caméras -
4:19 - 4:21de 6,5 cm en théorie.
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4:21 - 4:23C'était la théorie,
notamment américaine, sur le sujet. -
4:23 - 4:276,5 cm étant l'écart moyen
entre les deux yeux humains. -
4:29 - 4:31Effectivement, deux caméras côte-côte,
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4:31 - 4:34ça fabriquait le fait que compte tenu
de l'encombrement des caméras, -
4:34 - 4:38c'était difficile de les rapprocher,
et puis c'était très bien comme ça, -
4:38 - 4:43parce que le cinéma américain cherchait
surtout à explorer du cinéma d'action, -
4:44 - 4:45en relief.
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4:48 - 4:50Sauf que dès le moment
où on a voulu essayer -
4:51 - 4:54de faire que ce cinéma explore
autre chose que de l'action, -
4:55 - 4:58du cinéma épileptique,
on s'est dit : « On a un problème, -
4:58 - 5:02dès qu'on veut essayer de rapprocher
les caméras écartées -
5:02 - 5:04pour filmer ce qui est proche,
l'intime, on a un problème : -
5:05 - 5:09les droites se croisant tout près,
les axes optiques, -
5:09 - 5:14l'arrière-plan devient complétement
insynchronisable pour le cerveau humain. -
5:15 - 5:18C'est là qu'Alain Derobe
et toute son équipe de fous furieux -
5:18 - 5:22ont inventé un système,
qui a servi sur Avatar ensuite, -
5:22 - 5:24qui s'appelle le rig-miroir.
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5:24 - 5:26Au lieu de placer les caméras côte-côte,
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5:26 - 5:30on les place l'une dans l'axe,
l'autre au dessus ou en dessous. -
5:30 - 5:34Par le biais d'un miroir, on fait
que l'axe optique de la caméra -
5:34 - 5:36se rapproche de celui
de la caméra de face, -
5:36 - 5:40et on peut quasiment venir rapprocher
les deux axes optiques. -
5:40 - 5:44Donc avec cette invention très technique,
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5:44 - 5:49on a là un outil qui nous permet d'aller
filmer l'intime, le tout près, la présence -
5:49 - 5:51pour la première fois.
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5:51 - 5:54Et là, dans les rochers à Kerlouan,
-
5:55 - 5:58on se retrouve complétement sidérés
par les images qu'on découvre. -
5:58 - 6:03Dans les rochers, on découvre
une sensation très étrange -
6:03 - 6:05comme si les rochers
se mettaient à parler. -
6:05 - 6:07Le comédien qui est au premier plan,
on s'en fout. -
6:07 - 6:09L'égo du comédien disparaît.
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6:09 - 6:12Par contre, la matière minérale
se met à nous parler. -
6:12 - 6:14On dit : « Merde ! »
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6:17 - 6:20Il y a des druides là-bas.
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6:22 - 6:27Du coup, on est tellement sidérés
par ce qu'on voit qu'on se dit : -
6:27 - 6:30« C'est pas possible, il faut
en faire en projet de recherche. » -
6:30 - 6:32On crée, avec les Anglais
-
6:32 - 6:35et avec des partenaires
des deux côtés de la Manche, -
6:35 - 6:38une douzaine, des centres de recherche,
des lieux de création, -
6:38 - 6:40Sud Angleterre et Bretagne,
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6:40 - 6:43on a créé ce projet de recherche
qui a duré quatre ans. -
6:44 - 6:49Dans ce projet qui mêle esprit français
et pragmatisme anglo-saxon, -
6:49 - 6:50passionnant, pas toujours simple,
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6:50 - 6:53-- en tout cas,
on s'enrichit mutuellement, -- -
6:53 - 6:57on met autour de la table des auteurs,
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6:58 - 7:00on a fait preuve d'une certaine naïveté,
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7:00 - 7:03des gens qui normalement
ne se parlent pas, -
7:03 - 7:05il a fallu qu'ils se parlent :
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7:05 - 7:08des auteurs, des cinéastes,
des chercheurs en neurosciences, -
7:08 - 7:11des gens de l'informatique de l'image,
de la post-production, -
7:11 - 7:14de la diffusion en salles...
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7:15 - 7:18Les premiers jours, c'était
un peu la cacophonie, -
7:18 - 7:21et puis au bout d'un moment
on se parlait un langage commun. -
7:22 - 7:25Et au fil du temps,
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7:25 - 7:29- là vous êtes à l'intérieur
de l'ancien hangar à échalottes -
7:29 - 7:31du Groupe Ouest, à l'étage,
-
7:31 - 7:35où il y a tout un tas de cerveaux-clés
du relief européen autour de la table - -
7:35 - 7:42et là, on découvre,
via une chercheuse anglaise, -
7:42 - 7:46la différence d'impact sur le cerveau
entre de l'image à plat en 2D -
7:46 - 7:48et l'image en 3D en relief.
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7:49 - 7:53Et on découvre, sidérés,
que, d'accord ! -
7:53 - 7:55les sensations incroyables qu'on ressent
-
7:55 - 7:59sur lesquelles on ne sait pas mettre
de nom, sont provoquées par le fait -
7:59 - 8:01que la région du cerveau
provoquée par des images à plat -
8:01 - 8:05n'est pas du tout la même que celle
provoquée par de l'image en relief. -
8:05 - 8:08La région du cerveau provoquée
par de l'image à plat -
8:08 - 8:11est la région du cerveau cognitif,
-
8:11 - 8:13- ça parlera peut-être
à certains d'entre vous - -
8:13 - 8:16la partie du cerveau
qui s'intéresse à l'analyse, -
8:16 - 8:19qui met à distance, qui analyse,
qui rationalise. -
8:19 - 8:24Et puis, le cerveau stimulé
majoritairement par l'image en relief, -
8:24 - 8:27c'est complètement de l'autre côté,
c'est le cerveau reptilien, -
8:28 - 8:32le cerveau lié aux émotions fondamentales,
à la peur, au désir. -
8:33 - 8:36C'est pas ça, le geste,
comme mimer le désir ? -
8:36 - 8:37(Rires)
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8:37 - 8:39Tu me diras...
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8:46 - 8:49Dans la foulée de cette découverte,
quand même assez étonnante, -
8:51 - 8:53il s'agit vraiment de deux choses
-
8:53 - 8:55qui relèvent de quelque chose
d'absolument différent -
8:55 - 8:58- on comprend via le travail
de cette chercheuse anglaise, -
8:58 - 9:01on approche ce phénomène
qui est la résonance motrice. -
9:01 - 9:05Par le biais de l'image en relief,
notamment avec de l'image en mouvement, -
9:05 - 9:08des chaînes musculaires
toutes petites dans le corps -
9:08 - 9:11sont stimulées, c'est-à-dire
que l'intérieur du corps -
9:11 - 9:13est en prise avec l'image.
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9:15 - 9:17On découvre aussi
qu'une neurologue américaine, -
9:17 - 9:19Susan Barry,
-
9:20 - 9:22a fait cette étude assez étonnante
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9:23 - 9:25parce que, brillante neurologue,
-
9:26 - 9:28à l'âge de 6 ans, elle a été opérée
pour un strabisme, -
9:29 - 9:33et pour remettre les deux yeux dans l'axe,
-
9:33 - 9:35ils lui ont enlevé la stéréopsie,
-
9:35 - 9:40c'est-à-dire la capacité à appréhender
la réalité avec les deux yeux, -
9:40 - 9:43donc en construisant un relief.
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9:44 - 9:46Elle ne voit pas en relief,
elle voit à plat. -
9:46 - 9:48Elle a un œil qui voit correctement
-
9:48 - 9:50et l'autre qui fait comme il peut.
-
9:52 - 9:53Elle traîne ça toute sa vie
-
9:53 - 9:56comme ceux qui ont
ce type de problématique, -
9:56 - 9:59sans doute 3 ou 4% la population.
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10:01 - 10:04Elle arrive à peu près à conduire,
certes plus lentement que les autres, -
10:04 - 10:07mais elle s'en débrouille, et à 50 ans,
elle se dit : -
10:07 - 10:09« Ça me plairait bien d'essayer. »
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10:09 - 10:13On lui parle de systèmes
de kinésithérapie des yeux -
10:13 - 10:18qui permet de remuscler ce manque,
-
10:18 - 10:21et à 50 ans elle découvre la stéréopsie,
-
10:21 - 10:25c'est-à-dire la possibilité d'appréhender
la réalité avec les deux yeux. -
10:26 - 10:30Et là, pareil, elle se dit : « Merde !
c'est exactement pareil, ce que je vois, -
10:30 - 10:32sauf que c'est complètement différent. »
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10:34 - 10:37Elle va voir des médecins : tabou,
pas question d'en parler. -
10:39 - 10:42Puis elle se dit : « Ok, c'est mon métier
d'étudier ces trucs-là, -
10:42 - 10:44je m'y colle en tant que neurologue. »
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10:44 - 10:47Elle passe des années
à étudier le phénomène. -
10:47 - 10:52Elle découvre des enfants autistes
coupés du monde -
10:52 - 10:57qui quand on leur corrige
un défaut de stéréopsie -
10:57 - 11:01et que via par exemple des nouvelles
lunettes, on leur redonne la stéréopsie, -
11:01 - 11:03l'appréhension du relief,
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11:04 - 11:10l'enfant sort avec ses nouvelles lunettes
de la voiture, un exemple sidérant, -
11:10 - 11:13et se retrouve à quatre pattes
dans les pâquerettes : -
11:13 - 11:17« La coccinelle, ouah !
Les hautes herbes, ah ! » -
11:17 - 11:20Le gamin fasciné par le monde,
et plus sidérant encore, -
11:21 - 11:23le gamin se met à devenir,
lui qui était coupé des autres, -
11:23 - 11:26un assoiffé des rapports humains.
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11:26 - 11:27Merde !
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11:30 - 11:32On découvre, dans la foulée de ce bouquin
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11:32 - 11:34et de cette chercheuse américaine,
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11:34 - 11:38d'abord c'est les Russes qui attirent
notre attention sur Susan Berry : -
11:38 - 11:41ils ont fait des études incroyables
sur le sujet dans les années 50, 60, -
11:41 - 11:43avant que ça s'effondre,
-
11:44 - 11:46et on découvre qu'à l'IRCAM,
-
11:46 - 11:50lieu fantastique en France
de recherche sur le son, à Paris, -
11:50 - 11:55il y a des chercheurs qui travaillent
sur comment le son en relief, -
11:55 - 11:59comment l'appréhension via le son
de la profondeur de l'espace, -
11:59 - 12:04sert à aider des enfants autistes
à se reconnecter au monde -
12:04 - 12:07via le son en relief.
-
12:07 - 12:09Tout ça ça va quand même
dans le même sens -
12:10 - 12:13et on essaie de trouver des mots
pour comprendre ce truc. -
12:15 - 12:17Et les mots, on ne les trouve pas !
-
12:18 - 12:20Comme on perd un peu
toutes les nuances -
12:20 - 12:23pour décrire les couleurs, le toucher,
les textures, etc, -
12:23 - 12:26les mots pour décrire
les différences de profondeur -
12:26 - 12:29et de ce qui entre en contact avec moi
par le biais de la profondeur, -
12:29 - 12:30on ne les trouve pas.
-
12:32 - 12:36On cherche et on tombe sur
un chorégraphe néo-zélandais nous dit : -
12:36 - 12:41« Mais vous êtes cons ! Il y a un Français
qui s'appelle Maurice Merleau-Ponty, -
12:42 - 12:45fantastique philosophe, français,
phénoménologue, -
12:45 - 12:48Maurice a les clés. »
-
12:49 - 12:56On se plonge dans Merleau-Ponty,
et on découvre qu'il a découvert, -
12:56 - 13:01dans la foulée d'un bouquin immense,
« La Phénoménologie de la perception », -
13:01 - 13:03dans la deuxième partie de son œuvre,
après 1945, -
13:03 - 13:08il découvre une fascination
pour l'image en relief. Pourquoi ? -
13:09 - 13:13Il dit dans ses écrits, le relief,
l'image en relief, -
13:13 - 13:17est ce qui permet de prendre conscience,
qui permet de réouvrir l'être humain -
13:17 - 13:21trop habitué à une perception
du monde arithmétique, -
13:21 - 13:23euclidienne, pour les matheux,
-
13:23 - 13:27une perception du monde basée sur la
quantité, sur la mesure de la quantité, -
13:28 - 13:31l'image en relief attire notre attention
sur le fait que finalement, -
13:31 - 13:35on perd, à force d'être obsédé
par des logiques cartésiennes -
13:35 - 13:38et par un balisage quantitatif du monde,
-
13:38 - 13:40on perd l'appréhension,
-
13:40 - 13:42la conscience de l'épaisseur du monde.
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13:44 - 13:51Il a cette phrase très belle :
« La profondeur n'est pas mesurée, -
13:51 - 13:52elle est habitée. »
-
13:55 - 13:56Maurice...
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13:57 - 13:59Et, notamment,
-
14:01 - 14:04il nous dit, face à un arbre,
par exemple, -
14:04 - 14:06- mettons cet arbre au fond,
dans le brouillard. -
14:07 - 14:09Face à un arbre,
-
14:09 - 14:13dans une photo à plat,
l'arbre, ok, c'est un arbre. -
14:13 - 14:17je peux débouler avec ma tronçonneuse,
le dégommer, où est le problème ? -
14:17 - 14:20C'est quoi mon lien avec l'arbre ?
Aucune idée. -
14:20 - 14:21Dans une photo en relief,
-
14:21 - 14:25si je vous montrais la même chose
en relief, cet arbre devient -
14:25 - 14:29une présence dans le monde
au même titre que la mienne. -
14:30 - 14:34Et cette chose très étrange, même
si je suis à distance de l'arbre, -
14:34 - 14:37j'ai l'impression que je peux le toucher
et que je pressens déjà à distance -
14:37 - 14:41quel va être le contact que j'aurais
avec l'écorce si je le touche. -
14:41 - 14:43Est-ce que c'est l'arbre
-
14:43 - 14:47qui rentre en moi,
pour que je le sente, à distance, -
14:47 - 14:49ou moi qui me jette sur lui
et le prends dans mes bras ? -
14:49 - 14:53Aucune idée, en tout cas s'établit
une conscience symétrique -
14:53 - 14:56dans laquelle l'arbre est présent,
-
14:56 - 14:57l'arbre est presque conscient de moi
-
14:57 - 14:59en même temps que moi de lui.
-
14:59 - 15:02Pour le dégommer
avec ma tronçonneuse, plus compliqué. -
15:03 - 15:08On se met du coup à courir partout
en disant : « Attendez, les gars ! -
15:08 - 15:10le cinéma, ce que nous envoient
les Américains, -
15:10 - 15:18avec du cinéma en relief, très...
d'action, violent, brutal en montage, -
15:18 - 15:21épileptique, presque, avec des effets
spéciaux dans tous les sens, -
15:21 - 15:25c'est absurde, totalement incohérent
avec le fonctionnement du cerveau humain, -
15:25 - 15:28qui a besoin de temps pour synchroniser
cette complexité de la profondeur. -
15:30 - 15:33Et on se dit, merde, il n'y a aucun
cinéaste qui s'y colle ! -
15:33 - 15:35Pourquoi, parce qu'on est tous envahis
-
15:35 - 15:38par cette vision
d'un cinéma d'entertainment -
15:38 - 15:40qui n'est pas là pour enrichir
nos palettes de sensations, -
15:40 - 15:44il est là pour nous en coller
plein la gueule, si on peut dire. -
15:46 - 15:49Et là, il y a quinze jours,
Festival de Cannes. -
15:50 - 15:53Grand moment, d'abord parce que
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15:54 - 15:58cinq auteurs passés
par le Groupe Ouest dans le Finistère -
15:58 - 16:02se retrouvent sélectionnés à Cannes,
pour nous c'était... dont le Grand Prix. -
16:02 - 16:06Mais à Cannes, il se passe aussi le fait
qu'on a un face à face -
16:06 - 16:10entre deux mondes :
Mad Max d'un côté, Le Duel, relief, -
16:10 - 16:12Love de l'autre.
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16:14 - 16:17Un film de guerre contre un film d'amour.
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16:21 - 16:25Donc un film de la logique quantitative
du chiffre, des effets spéciaux partout, -
16:25 - 16:27on augmente la quantité partout !
-
16:27 - 16:29Ta ta ta !
-
16:29 - 16:32Mon fils va faire la gueule
parce qu'il adore Mad Max. -
16:33 - 16:36De l'autre côté, un film d'amour
-
16:36 - 16:39qui arrête tout, qui pose la caméra,
sur un pied, tranquille, -
16:39 - 16:41qui regarde des êtres humains s'approcher,
-
16:41 - 16:45s'aimer à la folie et qui s'intéresse
à leur interaction avec le monde. -
16:46 - 16:49Un bijou, il sortira en salle
d'ici quelque temps, -
16:49 - 16:50un petit peu scandaleux,
-
16:51 - 16:53mais incroyable, un virage !
-
16:55 - 16:56Miracle pour nous,
-
16:56 - 16:59et qui m'amène à poser
cette question de fond : -
17:01 - 17:03après avoir été pendant un siècle,
-
17:04 - 17:06plus d'un siècle, un siècle et demi,
-
17:07 - 17:10après que les technologies de l'image
-
17:10 - 17:13ont été souvent
un vecteur de rétrécissement -
17:14 - 17:16de notre connexion avec le monde,
-
17:17 - 17:21je dirais presque un facteur d'autisme,
-
17:23 - 17:24pour qu'on considère
-
17:24 - 17:27qu'une fenêtre sur le monde valable
est un objet grand comme ça -
17:27 - 17:28dans la poche toute la journée
-
17:28 - 17:31qui nous permet de rentrer
en contact avec le monde, -
17:31 - 17:34il faut qu'on soit devenus
abîmés d'une certaine manière -
17:34 - 17:35- désolé, Orange ! -
-
17:41 - 17:45Dans le même temps, il y a là un truc
super étonnant de se dire, tiens, -
17:45 - 17:48mais pourquoi, ces mêmes technologies,
-
17:48 - 17:51prises autrement, en reprenant
l'embranchement là où on l'a raté. -
17:53 - 17:56Fin 19e siècle,
le relief nous fascinait, -
17:56 - 17:59dans quelle mesure,
en reprenant là où on a raté le pas, -
17:59 - 18:04peut-être fin 19e, dans quelle mesure
il n'y a pas là, au travers du relief, -
18:04 - 18:09une manière de reprendre le chemin
de là où le monde palpite. -
18:09 - 18:10Voilà.
-
18:12 - 18:15(Applaudissements)
- Title:
- Monde à plat, monde en relief | Antoine Le Bos | TEDxRennes
- Description:
-
Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.
Antoine Le Bos nous raconte son histoire avec la vision 3D stéréoscopique et dans quelle mesure au travers du relief, le monde reprend le chemin là où il palpite.
Antoine fait partie d’un groupe qui a pour objet de soutenir la création cinématographique en Bretagne dans une démarche de coopération européenne et d’encouragement à l’innovation. C'est donc en débutant l'aventure dans le Finistère, que le groupe s'est demandé de quelle façon est-ce que les récits d'auteurs Bretons ou peu connus peuvent être mis en avant grâce à l'innovation. Comment peut-on donner du sens à de telles si histoires alors qu’aujourd’hui notre principale fenêtre sur le monde se trouve être un écran de smartphone ? C’est grâce à l’intervention d’un imagiste, Alain Derobe, qui leur propose de travailler avec un rig-miroir. Le résultat est stupéfiant.
Diplômé de l’ESCP-Europe, il démarre une première vie professionnelle dans le monde de la voile, en travaillant pour le défi français pour la Coupe de l’America, ou comme marin en charter. Il reprend alors des études (doctorat de philosophie à la Sorbonne entre autres), puis devient scénariste pour le cinéma (une vingtaine de scénarii au compteur), metteur en scène, et coach/consultant en écriture de scénario dans une vingtaine de pays. Il crée en 2006 Le Groupe Ouest en Finistère, premier « Film Lab » français et désormais référence à l’échelle européenne en training d’auteurs et de cinéastes en résidence.
- Video Language:
- French
- Team:
- closed TED
- Project:
- TEDxTalks
- Duration:
- 18:24
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Elisabeth Buffard edited French subtitles for Monde à plat, monde en relief | Antoine Le Bos | TEDxRennes | ||
Elisabeth Buffard edited French subtitles for Monde à plat, monde en relief | Antoine Le Bos | TEDxRennes |