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S'entendre dans un monde à voix multiples | Stéphane de Freitas | TEDxChampsElyseesSalon

  • 0:13 - 0:15
    Bonjour à tous.
  • 0:15 - 0:16
    Ça va ?
  • 0:16 - 0:20
    Ouah ! Ne vous inquiétez pas,
    ça va être rapide.
  • 0:20 - 0:22
    (Rires)
  • 0:25 - 0:27
    Le 27 octobre 2005,
  • 0:28 - 0:33
    deux jeunes adolescents, Zyed et Bouna,
    meurent électrocutés dans un poste EDF
  • 0:33 - 0:35
    en tentant d'échapper
    à un contrôle de police.
  • 0:37 - 0:40
    Du coup, des jeunes de Clichy-sous-Bois
    se soulèvent contre la police,
  • 0:40 - 0:42
    qui rétorque quelques jours plus tard
  • 0:42 - 0:44
    en envoyant une bombe lacrymogène
  • 0:44 - 0:46
    au pied d'une mosquée
    en plein mois de ramadan.
  • 0:46 - 0:49
    S'ensuivent des émeutes
    dans les quartiers,
  • 0:49 - 0:51
    d'abord dans le 9-3,
  • 0:51 - 0:53
    puis dans tous les quartiers de France.
  • 0:55 - 0:57
    J'avais à l'époque 19 ans,
  • 0:57 - 0:59
    et j'ai grandi en Seine-Saint-Denis
  • 0:59 - 1:00
    ainsi que toute ma famille,
  • 1:00 - 1:03
    une partie de mon enfance
    et de mon adolescence.
  • 1:03 - 1:06
    Je me suis senti très concerné
    par ce qui se passait
  • 1:06 - 1:08
    parce que comme une bonne partie
    de ces jeunes
  • 1:08 - 1:10
    qui eux s'exprimaient par la violence,
  • 1:10 - 1:13
    j'étais moi-même issu de l'immigration
  • 1:13 - 1:17
    et je pouvais ressentir le malaise
    qu'ils avaient vis à vis du système
  • 1:17 - 1:19
    ou de la France.
  • 1:19 - 1:22
    Ce qui m'a vraiment frappé à ce moment-là,
  • 1:22 - 1:25
    c'est le traitement
    des médias à double tranchant.
  • 1:25 - 1:28
    D'un côté, le gamin que j'étais me disait,
    tout le monde en parle.
  • 1:28 - 1:31
    Les pouvoirs publics ne vont pas
    pouvoir ignorer la difficulté
  • 1:31 - 1:33
    qu'il y a en France, l'harmonie,
  • 1:33 - 1:37
    la problématique qu'on a à unifier
    des Français qui sont divers
  • 1:37 - 1:39
    et notamment dans certains quartiers,
  • 1:39 - 1:41
    ces problématiques qui se sont accumulées
  • 1:41 - 1:43
    depuis des dizaines d'années
  • 1:43 - 1:47
    et que l’État n'arrive pas
    et n'arrive toujours pas à endiguer.
  • 1:48 - 1:52
    De l'autre, en fait, c'était cette peur
  • 1:52 - 1:55
    en voyant semaine après semaine,
  • 1:55 - 1:58
    se poser une caricature
    de cette fracture sociale
  • 1:58 - 2:01
    qui s'imposait comme une chape
    de plomb sur la société,
  • 2:01 - 2:03
    ce dialogue de société
  • 2:03 - 2:05
    qui était dû notamment
    au langage approximatif
  • 2:05 - 2:07
    d'abord employé par les médias
  • 2:07 - 2:10
    puis qui se répandait au niveau des gens
    dans leur dialogue au quotidien.
  • 2:10 - 2:13
    On entendait parler de guerre civile.
  • 2:13 - 2:16
    Le terme improprement employé
    était celui-là qui était répandu.
  • 2:16 - 2:22
    On entendait parler que la France
    était à feu et à sang.
  • 2:22 - 2:24
    Pourtant, les quartiers concernés,
    si on les additionne,
  • 2:24 - 2:29
    ne représenteraient
    qu'à peine 0,01% du territoire.
  • 2:30 - 2:33
    On a même parlé à un moment
    de révolte musulmane.
  • 2:33 - 2:37
    Bref, les approximations de langage
    en fait qui composaient, qui polluaient
  • 2:37 - 2:39
    et qui perturbent le dialogue de société,
  • 2:39 - 2:42
    se retrouvaient au niveau
    des gens et a fortiori,
  • 2:42 - 2:46
    dans une société diverse,
    créaient une complexité.
  • 2:46 - 2:49
    J'ai vu au fil des semaines,
    se poser
  • 2:49 - 2:51
    une rhétorique implicite
    du « eux » contre « nous »
  • 2:51 - 2:53
    avec deux camps.
  • 2:53 - 3:01
    D'un côté, plutôt une population
    qui serait blanche, conservatrice,
  • 3:01 - 3:02
    au moins, voire raciste,
  • 3:02 - 3:06
    et qui aurait un intérêt à entretenir
    des plafonds de verre
  • 3:06 - 3:10
    et le système discriminatoire
    l'arrangerait, donc le maintenir.
  • 3:12 - 3:13
    De l'autre côté,
  • 3:14 - 3:16
    une population immigrée
  • 3:17 - 3:22
    qui serait soit fainéante
    et/ou génétiquement violente
  • 3:23 - 3:28
    et qui bien entendu soit porte le voile,
  • 3:28 - 3:30
    la capuche et --
  • 3:30 - 3:32
    mesdames et messieurs bien sûr --
  • 3:35 - 3:37
    la fameuse
  • 3:37 - 3:38
    casquette
  • 3:38 - 3:39
    à l'envers.
  • 3:48 - 3:51
    Le dialogue de société,
  • 3:51 - 3:52
    perturbé
  • 3:52 - 3:54
    comme il l'était à ce moment-là,
  • 3:55 - 3:56
    était non seulement offensant,
  • 3:56 - 3:59
    offensant pour les uns
    comme pour les autres.
  • 3:59 - 4:03
    D'autant plus que nous devons
    faire face à deux défis.
  • 4:04 - 4:07
    Le premier, c'est celui de la diversité.
  • 4:07 - 4:10
    Nos sociétés sont diverses
    et vont l'être de plus en plus,
  • 4:10 - 4:12
    qu'on le veuille ou non.
  • 4:12 - 4:13
    L'explosion des flux migratoires,
  • 4:13 - 4:15
    nous-mêmes étudiants en France,
  • 4:15 - 4:18
    on a la chance de pouvoir partir
    facilement en Erasmus à l'étranger,
  • 4:18 - 4:21
    et pourquoi pas ? s'expatrier, y vivre.
  • 4:21 - 4:23
    De même, on peut venir
    chez nous plus facilement
  • 4:23 - 4:27
    mais cet enjeu n'est pas seulement
    l'enjeu qui se passe en France,
  • 4:27 - 4:29
    c'est l'enjeu
    pour toutes les sociétés du monde
  • 4:29 - 4:32
    et c'est un mouvement
    avec lequel il va falloir dealer.
  • 4:35 - 4:38
    Le second événement historique
    auquel nous assistons --
  • 4:38 - 4:40
    je ne veux pas parler
    du 4e titre consécutif
  • 4:40 - 4:43
    que le PSG va remporter cette année...
  • 4:44 - 4:45
    Zlatan, si tu nous entends,
  • 4:46 - 4:48
    paix à ton âme, plutôt.
  • 4:50 - 4:52
    Je veux parler bien entendu
    de la crise d'Internet.
  • 4:55 - 4:58
    Les remaniements qui sont dus
    à l'essor et à l'explosion du numérique,
  • 4:58 - 4:59
    de l'ère du réseau,
  • 4:59 - 5:02
    où chaque domaine de la société
    est frappé et remis en question
  • 5:02 - 5:05
    par les valeurs collaboratives,
    participatives,
  • 5:05 - 5:08
    qui bien sûr ouvrent un champ
    des possibles incroyable
  • 5:08 - 5:11
    mais aussi ouvrent une ère de doute
    et de remise en question.
  • 5:11 - 5:15
    Il était beaucoup plus facile
    pour le Général de Gaulle
  • 5:15 - 5:17
    posé devant l'ORTF à 20h,
  • 5:17 - 5:21
    pendant que les Français buvaient leur
    soupe de nous raconter le récit national
  • 5:21 - 5:23
    et de nous raconter
    la grandeur de la France
  • 5:23 - 5:25
    et de créer quelque part du lien social.
  • 5:25 - 5:31
    Aujourd'hui nous sommes potentiellement
    7,5 milliards chaînes d'information
  • 5:31 - 5:34
    capables d'émettre de l'information
    et d'en recevoir.
  • 5:35 - 5:38
    On est passé en somme
    d'une société à voix dominante
  • 5:38 - 5:43
    à une société à voix multiples
    où tous peuvent s'exprimer.
  • 5:43 - 5:47
    L'agora 2.0 pour ne pas dire l'agora 3.0,
    en réalité,
  • 5:47 - 5:49
    est une agora où
    on n'est plus réellement représenté
  • 5:49 - 5:53
    par une petite partie de personnes
    qui parlent au nom de tout le monde
  • 5:53 - 5:55
    mais bien de 7,5 milliards
    de personnes potentielles
  • 5:55 - 5:58
    qui ont leur avis, leurs idées,
    leur créativité, leurs notions
  • 5:58 - 6:01
    mais aussi leurs violences,
    leur ras-le-bol.
  • 6:02 - 6:05
    Aujourd'hui,
    tout ça est un phénomène nouveau.
  • 6:07 - 6:12
    On est aussi dans cette génération
    face à cet essor des personnes
  • 6:12 - 6:15
    qui peuvent s'exprimer
    dans une culture du clash.
  • 6:15 - 6:18
    La parole est devenue
    assimilée au conflit.
  • 6:19 - 6:23
    C'est l'ère des trolleurs,
    des haters, de la provoc,
  • 6:23 - 6:26
    pour faire des vues, des likes,
    attirer sur sa page.
  • 6:26 - 6:28
    C'est même devenu une stratégie politique,
  • 6:28 - 6:32
    une stratégie un peu offensive,
    de poser des punchlines.
  • 6:32 - 6:34
    C'est devenu le code.
  • 6:34 - 6:38
    La parole est devenue un sport
    presque de combat,
  • 6:38 - 6:41
    obligée dans le temps court
    pour attirer les gens
  • 6:41 - 6:42
    par peur, pour attirer la peur.
  • 6:42 - 6:46
    C'est le sensationnel qui nous permet
    de nous faire entendre.
  • 6:46 - 6:48
    En réalité, c'est même une stratégie.
  • 6:48 - 6:50
    C'est comme ça que les émissions
    de télé sont faites.
  • 6:52 - 6:55
    On cultive cette culture du sensationnel
  • 6:55 - 6:57
    et qui est en train,
    dans l'inconscient collectif,
  • 6:57 - 7:01
    de structurer la parole
    à un sport de combat.
  • 7:02 - 7:03
    En réalité,
  • 7:05 - 7:09
    tout le monde peut prendre la parole,
    mais on ne s'écoute plus vraiment.
  • 7:09 - 7:11
    Dans ce brouhaha,
    je me suis posé la question ;
  • 7:11 - 7:13
    à un moment donné, je me suis dit :
  • 7:13 - 7:16
    « Comment recréer,
    dans la société, des espaces
  • 7:17 - 7:20
    où la communication,
    le dialogue, pourraient se faire
  • 7:21 - 7:24
    de manière profonde,
    sincère et constructive ? »
  • 7:26 - 7:31
    En 2012, je me suis rendu
    à l'université de Seine-Saint-Denis
  • 7:31 - 7:32
    pour y créer deux choses :
  • 7:34 - 7:36
    un concours de prise de parole en public
  • 7:36 - 7:38
    et plus tard, une année après,
  • 7:38 - 7:40
    une formation
    à la prise de parole en public.
  • 7:41 - 7:44
    Ce concours,
    ces programmes dits « Eloquentia »
  • 7:45 - 7:48
    consistaient en deux temps.
  • 7:48 - 7:52
    Le premier : un concours ouvert
    à tous les jeunes de Seine-Saint-Denis
  • 7:52 - 7:53
    entre 18 et 30 ans
  • 7:53 - 7:54
    qui peuvent venir
  • 7:54 - 7:57
    et défendre le propos qu'ils souhaitent,
  • 7:57 - 7:59
    que ce soit une idée, leur créativité,
  • 7:59 - 8:02
    s'ils ont envie de tenir une parole
    de colère contre la société.
  • 8:02 - 8:03
    Tout le monde peut s'exprimer
  • 8:03 - 8:07
    que ce soit en rap, slam, alexandrins,
    prose, discours, peu importe
  • 8:07 - 8:10
    dès lors que ce que tu viens
    nous dire est sincère.
  • 8:11 - 8:14
    Très rapidement, des dizaines de jeunes,
  • 8:14 - 8:16
    dès la première année,
    ont participé au concours.
  • 8:16 - 8:19
    On a eu des amphithéâtres pleins à craquer
  • 8:19 - 8:21
    et pourtant on était en plein cœur du 9-3
  • 8:21 - 8:25
    et dans la société on avait déjà
    une crispation sur la liberté d'expression
  • 8:25 - 8:28
    qui se mettait en place,
    en décalage complet avec ce qui se passait
  • 8:28 - 8:30
    en plein cœur
    de la Seine-Saint-Denis.
  • 8:32 - 8:36
    Le deuxième programme était une formation
    à la prise de parole en public
  • 8:36 - 8:39
    pour travailler sur la confiance en soi
    et justement travailler la parole
  • 8:40 - 8:42
    avec un collectif, en groupe.
  • 8:43 - 8:48
    Une formation
    qui s'articule sur cinq temps :
  • 8:48 - 8:52
    le premier, c'est travailler sur la prise
    de parole en milieu professionnel.
  • 8:52 - 8:53
    On leur demande :
  • 8:53 - 8:54
    « Quel est ton rêve ?
  • 8:54 - 8:56
    Que veux-tu faire ? »
  • 8:56 - 8:58
    On s'adapte sur 60 heures
    de semaine en semaine
  • 8:58 - 9:02
    à les accompagner, à leur donner les codes
    pour pouvoir aller au bout de leur rêve.
  • 9:02 - 9:05
    Le second point : structurer la pensée,
    structurer le discours.
  • 9:05 - 9:07
    C'est la partie
    un peu plus aristotélicienne,
  • 9:07 - 9:08
    le discours d'Aristote :
  • 9:08 - 9:13
    l’exorde, une intro, l'argumentation,
    la réfutation, la péroraison.
  • 9:13 - 9:14
    Structurer la pensée.
  • 9:15 - 9:16
    Troisième temps : un rapport.
  • 9:16 - 9:19
    La parole n'est pas uniquement
    quelque chose de personnel.
  • 9:19 - 9:22
    C'est ce qu'on fait
    avec un groupe, avec les autres.
  • 9:22 - 9:25
    Comprendre pourquoi est-ce que
    là mon cœur,
  • 9:25 - 9:28
    juste avant de rentrer,
    battait à 2 000 à l'heure ?
  • 9:28 - 9:31
    Le comprendre, gérer son stress,
    le positionnement de son corps,
  • 9:31 - 9:34
    appréhender, en fait, le rapport
    aux autres au-delà du simple fait
  • 9:34 - 9:37
    de parler et d'interagir avec les autres.
  • 9:37 - 9:40
    Le reste, c'était
    de travailler sur la créativité.
  • 9:40 - 9:44
    Aller vers des prises de paroles
    différentes par le slam, la poésie,
  • 9:44 - 9:46
    le théâtre,
    qui permettent l'introspection,
  • 9:46 - 9:47
    la remise en question
  • 9:47 - 9:50
    et essayer d'appréhender la parole
    sous de nouveaux codes.
  • 9:53 - 9:54
    Très rapidement,
  • 9:55 - 9:58
    on a obtenu des résultats dingues
    dès la première année.
  • 9:58 - 10:01
    Des dizaines de participants.
  • 10:01 - 10:05
    L'événement est devenu un événement
    référencé en Seine-Saint-Denis
  • 10:05 - 10:07
    où des jeunes pas uniquement
    de l'université,
  • 10:07 - 10:08
    d'ailleurs jamais de l'université,
  • 10:08 - 10:11
    assistaient aux battles.
  • 10:11 - 10:14
    En ce qui concerne la formation,
  • 10:14 - 10:16
    il y avait un phénomène particulier
    qui se créait :
  • 10:16 - 10:18
    quand les jeunes parlaient,
  • 10:18 - 10:22
    ils venaient, ils s'ouvraient aux autres
    mais d'abord à eux-mêmes.
  • 10:22 - 10:26
    Dans ce cadre très intime,
    en s'ouvrant aux autres,
  • 10:26 - 10:27
    il y avait une empathie,
  • 10:27 - 10:30
    un collectif capable
    d'aborder tous les sujets
  • 10:30 - 10:33
    et de co-construire une réflexion,
    pas toujours de changer d'avis,
  • 10:33 - 10:36
    mais en tout cas d'évoluer
    et de s'enrichir les uns les autres.
  • 10:40 - 10:42
    En 2015, pour la deuxième année
    de la formation,
  • 10:42 - 10:46
    comme on était à contre-courant
    avec ce qu'il se passait dans la société,
  • 10:46 - 10:47
    j'ai décidé de réaliser un film
  • 10:47 - 10:50
    qui suivrait le plus fidèlement
    possible ce qu'il se passait
  • 10:50 - 10:52
    au niveau de la formation et du concours.
  • 10:52 - 10:54
    En suivant ces jeunes ordinaires,
  • 10:54 - 10:56
    -- 22 000 jeunes
    à l'université de Saint-Denis,
  • 10:56 - 10:59
    et 25 000 à côté,
    à l'université de Villetaneuse,
  • 10:59 - 11:01
    50 000 jeunes
    qui ne sont pas tous de banlieue
  • 11:01 - 11:02
    mais pour beaucoup
    d'entre eux oui,
  • 11:02 - 11:04
    qui ont intelligence, créativité,
  • 11:04 - 11:06
    des propos, des militantismes,
  • 11:06 - 11:08
    qui, au demeurant,
    dans cette ère collective
  • 11:08 - 11:10
    sont indispensables pour refaire société.
  • 11:11 - 11:14
    Mettre la lumière sur eux,
    suivre ce qu'il se passait.
  • 11:14 - 11:16
    Et à la fois, ils avaient
    une dimension extraordinaire
  • 11:16 - 11:19
    parce que pendant 60 heures,
    ils venaient le samedi
  • 11:19 - 11:22
    de 9h30 à 19h30 pour se battre,
    pour être accompagnés,
  • 11:22 - 11:23
    pour qu'on les accompagne
  • 11:23 - 11:26
    à dire ce qu'ils avaient
    à apporter à la société
  • 11:26 - 11:30
    et qu'ils aillent au bout de leurs rêves,
    professionnels notamment.
  • 11:33 - 11:37
    Le premier jour de tournage,
    c'était le 7 janvier 2015.
  • 11:37 - 11:40
    La première fois qu'on les a filmés,
    au même moment,
  • 11:40 - 11:44
    la France entamait l'apogée de sa crise
    sur la liberté d'expression.
  • 11:45 - 11:47
    Les attentats de Charlie Hebdo justement,
  • 11:47 - 11:49
    et les six semaines suivantes,
  • 11:49 - 11:51
    pendant que toute la société se tendait,
  • 11:51 - 11:56
    que le dialogue de société était
    vraiment très très compliqué,
  • 11:56 - 11:59
    à nouveau une famille se formait,
  • 11:59 - 12:03
    était capable d'aborder tous les sujets
    y compris celui de Charlie Hebdo,
  • 12:03 - 12:07
    dans une dimension de respect,
    d'écoute mutuelle et de co-construction.
  • 12:08 - 12:10
    Le film s'appelle « À voix haute ».
  • 12:10 - 12:12
    Je vous propose de regarder
    un court extrait.
  • 12:13 - 12:15
    J'ai dit ce que je pensais.
  • 12:15 - 12:18
    Quand j'ai parlé des cordes arrachées,
    je l'ai vraiment pensé
  • 12:18 - 12:20
    quand tu l'as dit.
  • 12:20 - 12:21
    Je voyais la scène...
  • 12:21 - 12:24
    - Ça ne m'a pas blessée.
    - OK Cool.
  • 12:24 - 12:26
    Si ça blesse l'autre,
    on ne peut pas rire de tout.
  • 12:26 - 12:28
    Il faut s'adapter à la situation inverse
  • 12:28 - 12:31
    Si ça le bloque, ce n'est peut-être
    pas un manque de respect
  • 12:31 - 12:33
    mais c'est délicat de rire
    de ça devant lui.
  • 12:33 - 12:35
    Comment tu fais
    pour savoir que ça le bloque ?
  • 12:35 - 12:36
    Oui c'est ça...
  • 12:36 - 12:39
    En fait, tout le monde
    a une sensibilité différente.
  • 12:39 - 12:43
    Il faudrait une limite pour
    chaque personne, ce n'est pas possible.
  • 12:43 - 12:45
    On peut avoir
    des sensibilités différentes,
  • 12:45 - 12:47
    si on a la culture de l'autodérision.
  • 12:47 - 12:48
    On peut rire de tout en France.
  • 12:48 - 12:50
    Si on s'attaque
    à une autre culture,
  • 12:50 - 12:51
    il faut faire attention.
  • 12:51 - 12:53
    Si tu dis : « C'est du domaine privé,
  • 12:53 - 12:55
    on n'y touche pas,
  • 12:55 - 12:58
    C'est une autre culture,
    on ne peut pas en rigoler. »
  • 12:58 - 13:00
    Si on commence comme ça,
    on arrête l'humour.
  • 13:00 - 13:03
    L'humour, c'est un combat.
    La parole, c'est un combat, une arme.
  • 13:03 - 13:05
    Je pense et j'ai envie de faire
    des blagues
  • 13:05 - 13:06
    qui vont dans mon sens.
  • 13:06 - 13:07
    Je sais qu'en face,
  • 13:07 - 13:10
    il y en a qui ne pensent pas comme moi.
  • 13:10 - 13:11
    Dieudonné, je le déteste.
  • 13:11 - 13:14
    Je suis très content
    qu'il puisse s'exprimer.
  • 13:14 - 13:17
    Je vais utiliser mon humour,
    ma parole pour le combattre.
  • 13:17 - 13:20
    On a tous des sujets qu'on n'aborde pas,
    d'autres qu'on aborde.
  • 13:20 - 13:23
    Je n'empêche personne de le faire
    mais personnellement,
  • 13:23 - 13:26
    je sais que si je vais blesser,
    je ne le ferais pas.
  • 13:26 - 13:28
    Si j'ai le choix de blesser ou non,
    je ne le ferais pas.
  • 13:28 - 13:30
    On fait tous les hypocrites.
  • 13:30 - 13:31
    C'est pas possible.
  • 13:31 - 13:32
    On va tous rire.
  • 13:32 - 13:35
    On le sait très bien,
    il y a des choses dont on va rire.
  • 13:35 - 13:37
    Mais quand ça nous vise,
    on va en pleurer.
  • 13:37 - 13:41
    Toute cette histoire, c'est un travail
    qu'il faut faire sur nous-mêmes.
  • 13:41 - 13:42
    Faut qu'on arrête d'être hypocrite.
  • 13:43 - 13:46
    Personnellement, j'ai dépassé ce stade.
    Je peux rire de moi.
  • 13:46 - 13:47
    Il n'y a pas de problème.
  • 13:47 - 13:49
    Si mes parents meurent et
    qu'on fait une blague,
  • 13:49 - 13:51
    si je la trouve drôle,
    je vais rire, c'est sadique
  • 13:51 - 13:52
    complètement fou,
  • 13:52 - 13:54
    mais moi si ça me fait rire, je ris.
  • 13:54 - 13:56
    Sinon, je ne ris pas.
  • 13:56 - 13:57
    Je ne vais pas faire une polémique.
  • 13:57 - 14:00
    Faut arrêter d'être hypocryte
    au bout d'un moment.
  • 14:00 - 14:01
    Vivre et laisser vivre.
  • 14:01 - 14:03
    S'il y en a qui veulent en rire,
    qu'ils en rient.
  • 14:12 - 14:13
    Fraise ?
  • 14:17 - 14:21
    (Applaudissements)
  • 14:28 - 14:29
    Merci beaucoup.
  • 14:29 - 14:32
    Le message que j'aimerais
    vous faire passer en fait,
  • 14:32 - 14:34
    c'est que dans cette crise,
  • 14:34 - 14:37
    dans cette ère à multiples voix
    dans laquelle nous vivons,
  • 14:37 - 14:40
    on est capable de se parler
    et aussi de se comprendre.
  • 14:41 - 14:46
    On a obtenu des résultats
    qui valent ce qu'ils valent.
  • 14:46 - 14:48
    On est depuis 4 ans
    à 1 000 étudiants formés.
  • 14:48 - 14:51
    Cette année, on va passer
    entre 800 et 1 500 jeunes
  • 14:51 - 14:54
    qui vont être concernés
    par notre programme.
  • 14:54 - 14:55
    Le Conseil Général de Seine-Saint-Denis
  • 14:55 - 14:58
    nous laisse travailler sur 50 collèges
  • 14:58 - 15:00
    pour initier les jeunes
    à la prise de parole
  • 15:00 - 15:01
    et l'importance de la parole citoyenne
  • 15:01 - 15:04
    et de les impliquer dans la vie
    de leur établissement.
  • 15:06 - 15:10
    Le concours Eloquentia a commencé
    à Nanterre, à Grenoble, à Limoges.
  • 15:10 - 15:14
    Mais j'ai envie de dire,
    on est sur quatre universités,
  • 15:14 - 15:16
    il en existe 72 potentiellement.
  • 15:16 - 15:18
    On a travaillé
    avec 1 000 jeunes jusqu'ici.
  • 15:18 - 15:22
    Il en existe des millions
    qui seraient prêts et qui le sont,
  • 15:22 - 15:24
    c'est leur montée de terrain.
  • 15:24 - 15:25
    Génération métissée, interconnectée,
  • 15:25 - 15:27
    les Millenials ont ça dans leur ADN.
  • 15:27 - 15:30
    Ils n'attendent que ça, qu'on offre
    des cadres éthiques, sains.
  • 15:30 - 15:33
    Ça passe bien entendu
    par les institutions.
  • 15:33 - 15:37
    L'Éducation Nationale s'empare du sujet
  • 15:37 - 15:38
    sur les questions de prise de parole.
  • 15:38 - 15:40
    Mais il faut continuer.
  • 15:40 - 15:45
    C'est d'ailleurs à mon sens,
    l'enjeu prioritaire de société,
  • 15:45 - 15:49
    avant même d'essayer de nous convaincre
    d'être socialiste, d'être libéraux ;
  • 15:49 - 15:51
    d'essayer de nous convaincre
    d'être de gauche, de droite,
  • 15:51 - 15:53
    avant même d'essayer
    de nous convaincre
  • 15:53 - 15:56
    qu'il faut peut-être travailler plus,
  • 15:56 - 15:59
    peut-être participer plus
    par l'impôt au nom d'un idéal commun.
  • 16:00 - 16:04
    Le préalable, c'est comment
    on réapprend à communiquer
  • 16:04 - 16:06
    dans cette ère à multiples voix
    qui donne le vertige
  • 16:06 - 16:08
    et comment on recrée un espace
  • 16:08 - 16:10
    et des conditions d'un dialogue collectif
  • 16:10 - 16:15
    qui va permettre de co-construire
    à nouveau une identité citoyenne commune.
  • 16:18 - 16:22
    Alors comme le dit Eddy dans le film,
  • 16:22 - 16:24
    il faut qu'on bosse sur nous-même.
  • 16:24 - 16:27
    Ça concerne toutes les personnes
    de la société sans exception.
  • 16:27 - 16:28
    Les riches, les pauvres,
  • 16:28 - 16:30
    les gens des banlieues,
    les gens de la ville,
  • 16:30 - 16:34
    toutes les religions, les musulmans,
    les juifs, les catholiques,
  • 16:34 - 16:36
    les bouddhistes,
    tout le monde est concerné.
  • 16:36 - 16:39
    C'est d'abord pour réussir
    ce défi collectif de société,
  • 16:39 - 16:40
    c'est d'abord
    une révolution personnelle
  • 16:40 - 16:42
    qu'on doit entamer sur nous-même
  • 16:42 - 16:44
    puis dans notre cercle familial,
  • 16:44 - 16:46
    puis avec nos potes, au boulot,
  • 16:46 - 16:47
    et c'est uniquement par ce biais-là,
  • 16:47 - 16:50
    et si on prend conscience
    de l'urgence de cela
  • 16:50 - 16:52
    que l'on peut refaire société
    collectivement
  • 16:52 - 16:54
    et les institutions accompagneront.
  • 16:54 - 16:58
    Mais c'est d'abord une prise de conscience
    qu'on doit faire individuellement.
  • 17:00 - 17:04
    Je signe chacune de mes œuvres
    par un maillon
  • 17:05 - 17:07
    parce que j'appartiens moi-même
    à une chaîne,
  • 17:08 - 17:10
    à laquelle nous appartenons tous.
  • 17:10 - 17:14
    Nous sommes la génération la plus
    interconnectée de l'Histoire.
  • 17:14 - 17:15
    En vrai, on est ensemble.
  • 17:17 - 17:22
    Nos vies, nos destins, sont liés
    les uns aux autres.
  • 17:22 - 17:25
    Apprenons simplement maintenant
    à en parler.
  • 17:25 - 17:26
    Merci à tous.
  • 17:26 - 17:29
    (Applaudissements)
Title:
S'entendre dans un monde à voix multiples | Stéphane de Freitas | TEDxChampsElyseesSalon
Description:

Stéphane de Freitas est un artiste et un entrepreneur social (Projet Indigo), fondateur du concours Eloquentia. Lançons-nous dans une société qui opère en réseaux coopératifs (les valeurs d'écoute, de bienveillance, de soutien et d'échange)...

Stéphane de Freitas est artiste et travaille sur le concept de mixité des opposés. Avec « Indigo », il associe les couleurs opposées de notre imaginaire : le rouge et le bleu, qu'il utilise sous différentes formes pour des performances artistiques. En 2012, il fonde La Coopérative Indigo, une association à but non lucratif. La structure soutient le développement de son concept au cœur d'interactions quotidiennes. Les projets développés ont pour mission d'innover dans la réflexion et la création du lien social et améliorer le vivre ensemble. Elle se distingue notamment par son programme éducatif de prise de parole « Eloquentia ».

Stéphane de Freitas a réalisé un documentaire qui retrace le parcours des étudiants participants à la formation et au concours d'éloquence à l'Université de Saint-Denis, « A Voix Haute ». Aujourd'hui, il développe Indigo, un réseau social d'entraide, une plateforme solidaire d'échanges gratuits de biens et de services, qui récompense la générosité de ses utilisateurs.

Cette présentation a été donnée lors d'un évènement TEDx organisé indépendamment des conférences TED. http://ted.com/tedx

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
17:38

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