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Stay Human - The Reading Movie (2013)

  • 0:13 - 0:21
    Chers Hermanos,
    notre adage “Restons Humains” devient un livre.
  • 0:21 - 0:25
    Et dans ce livre le récit
    de trois semaines de massacre,
  • 0:25 - 0:28
    écrit au mieux de mes possibilités,
  • 0:28 - 0:31
    dans des situations de précarité absolue,
  • 0:31 - 0:36
    la plupart du temps en transcrivant
    sur un carnet froissé l’enfer autour de moi...
  • 0:36 - 0:39
    ...plié sur une ambulance
    en marche toutes sirènes hurlantes,
  • 0:39 - 0:44
    ou en tapant, hébété,
    sur le clavier d’un ordinateur de fortune...
  • 0:44 - 0:50
    ...dans des édifices secoués comme
    des pendules rendus fous par les explosions.
  • 0:50 - 0:55
    Je vous préviens, le seul fait de feuilleter ce livre
    pourrait s’avérer dangereux
  • 0:55 - 0:59
    parce que ce sont des pages nocives,
    barbouillées de sang
  • 0:59 - 1:04
    imprégnées de phosphore blanc,
    incrustées d’éclats d’explosif tranchants.
  • 1:04 - 1:11
    Si vous les lisez dans la quiétude de vos chambres
    à coucher les murs retentiront de nos cris de terreur,
  • 1:11 - 1:14
    et je m’inquiète pour les parois de votre cœur
  • 1:14 - 1:18
    parce que je sais que la douleur
    ne les a pas encore insonorisées.
  • 1:18 - 1:23
    Mettez cet ouvrage en lieu sûr,
    à la portée des enfants,
  • 1:23 - 1:28
    afin qu’ils puissent connaître dès maintenant
    un monde qui n’est pas loin d’eux,
  • 1:28 - 1:35
    où l’indifférence et le racisme déchirent les enfants
    de leur âge comme des poupées de chiffons.
  • 1:35 - 1:43
    Afin qu’à leur âge précoce ils puissent être vaccinés
    contre cette épidémie de violence envers l’autre,
  • 1:43 - 1:50
    contre cette indolence envers l’injustice.
    Afin qu’ils puissent, à l’avenir, rester humains.
  • 1:50 - 1:53
    Je compte sur vous, qui comptez sur moi,
  • 1:53 - 1:57
    non pas pour les morts
    mais pour les blessés à mort de cet horrible massacre.
  • 1:57 - 2:04
    Je vous embrasse en suivant les contours de la Méditerranée
    qui tout en nous séparant, nous unit.
  • 2:04 - 2:06
    Restons humains.
  • 2:06 - 2:19
    A vous, à jamais insoumis, Vik.
  • 2:19 - 2:21
    27 décembre 2008
  • 2:21 - 2:24
    Guernica à Gaza
  • 2:24 - 2:26
    Mon logement à Gaza donne sur la mer.
  • 2:26 - 2:30
    La vue panoramique m’a souvent remonté le moral;
  • 2:30 - 2:36
    chaque fois quand je me sentais complètement épuisé
    par les conditions misérables d’une vie vécue sous le blocus.
  • 2:36 - 2:41
    Jusqu’à ce matin.
    Ce fut là que le feu de l’enfer se déclencha devant ma fenêtre.
  • 2:41 - 2:45
    Aujourd’hui nous avons été réveillés tôt par les bombes...
  • 2:45 - 2:49
    ...et un grand nombre
    est tombé à une centaine de mètres de mon domicile.
  • 2:49 - 2:53
    Beaucoup de mes amis sont enterrés sous les décombres.
  • 2:53 - 3:01
    Actuellement, nous comptons 210 tués, mais ce chiffre
    va encore grimper. Un bain de sang sans précédent.
  • 3:01 - 3:05
    Ils ont rasé le port et ramené le commissariat central
    de police au niveau du sol.
  • 3:05 - 3:10
    On m’annonce que les médias occidentaux
    ont avalé la pilule,
  • 3:10 - 3:15
    rabâchant à l’unisson les communiqués de l’armée israélienne,
    largement propagés,
  • 3:15 - 3:22
    selon lesquels les attaques étaient ciblées
    de manière "chirurgicale" sur les bases du Hamas.
  • 3:22 - 3:28
    En réalité, nous avons vu à l’hôpital Al-Shifa,
    le plus grand de la ville de Gaza, les corps allongés dans la cour
  • 3:28 - 3:38
    − certains dans l’attente de soins, toutefois la plupart
    sans aucun doute morts − et parmi eux des dizaines de civils.
  • 3:38 - 3:40
    Pouvez-vous imaginer ce qu’est Gaza?
  • 3:40 - 3:45
    Chaque maison est imbriquée dans l’autre,
    chaque construction appuyée sur une autre.
  • 3:45 - 3:49
    Gaza est l’endroit au monde
    avec la plus forte densité humaine,
  • 3:49 - 3:53
    ce qui rend inévitable le fait,
    qu’en lâchant des bombes depuis 10000 mètres d’altitude,
  • 3:53 - 3:56
    tu vas provoquer un massacre
    au sein de la population civile.
  • 3:56 - 4:02
    Tu sais cela et tu en prends la responsabilité;
    il ne s’agit pas d’une "erreur", de "dommages collatéraux".
  • 4:02 - 4:08
    Et au moment où le commissariat central de police
    saute en l’air en plein centre du quartier d’Al-Abbas,
  • 4:08 - 4:13
    l’école primaire juste à côté
    est endommagée par les explosions.
  • 4:13 - 4:17
    C’était la fin des cours et les enfants
    venaient de sortir dans la rue,
  • 4:17 - 4:22
    lorsque des dizaines de sacs d’écoliers bleus tachés
    de sang volèrent à travers les airs.
  • 4:22 - 4:26
    Lors de l’attaque
    contre l’école de police Daïr Al-Balah,
  • 4:26 - 4:32
    des personnes présentes au souk tout proche,
    le marché central de Gaza, furent également tuées et blessées.
  • 4:32 - 4:41
    Nous vîmes s’écouler en ruisseaux sur l’asphalte
    le sang d’animaux et d’êtres humains se mélangeant.
  • 4:41 - 4:46
    Un Guernica sorti de son cadre
    pour se transformer en réalité.
  • 4:46 - 4:51
    J’ai vu de nombreux cadavres difformes
    dans les différents hôpitaux que j’ai visités.
  • 4:51 - 4:53
    Je connaissais un grand nombre de jeunes gens.
  • 4:53 - 4:58
    Nous échangions nos saluts tous les jours
    sur le chemin menant au port, ou le soir,
  • 4:58 - 5:01
    lorsque je me rendais dans les cafés du centre.
  • 5:01 - 5:07
    J’en connaissais certains par leur nom.
    Un nom, une histoire, une famille déchirée.
  • 5:07 - 5:11
    La grande majorité étaient des jeunes gens,
    âgés de 18 à 20 ans,
  • 5:11 - 5:14
    la plupart d’entre eux n’appartenaient
    ni au Fatah ni au Hamas:
  • 5:14 - 5:19
    après leurs études, ils avaient présenté
    leur candindature auprès de la police,
  • 5:19 - 5:23
    à la recherche d’un emploi stable dans un Gaza
  • 5:23 - 5:30
    qui connaissait un taux de chômage de 60%
    dû au blocus criminel des Israéliens.
  • 5:30 - 5:33
    Je ne m’occupe pas de propagande,
  • 5:33 - 5:40
    je laisse s’exprimer mon regard, mon ouïe résonnant
    des hurlements des sirènes et du grondement des explosions.
  • 5:40 - 5:45
    Je n’ai pas vu de terroristes parmi les victimes,
    uniquement des civils et des policiers.
  • 5:45 - 5:51
    Le jour d’avant, j’avais plaisanté avec eux parce
    qu’ils s’étaient emmitouflés contre le froid.
  • 5:51 - 5:56
    Je souhaite que justice puisse au moins être rendue
    à ces morts par la restitution de la vérité.
  • 5:56 - 6:00
    Au grand jamais ils n’ont tiré le moindre coup de feu
    en direction d’Israël, ni même essayé de le faire,
  • 6:00 - 6:07
    parce que ce n’était pas leur tâche. Ils étaient occupés
    à régler la circulation et à assurer la sécurité intérieure,
  • 6:07 - 6:13
    d’autant plus que le port se trouvait
    à l’opposé de toute frontière israélienne.
  • 6:13 - 6:18
    Je dispose d’une petite caméra vidéo et me rends compte
    aujourd’hui que je suis un bien mauvais caméraman;
  • 6:18 - 6:23
    je suis incapable de filmer les corps broyés et les visages
    noyés sous les larmes. Je n’y arrive pas, tout simplement.
  • 6:23 - 6:27
    Je n’y arrive pas, parce qu’à ce moment précis,
    moi aussi je fonds en lar-mes.
  • 6:27 - 6:31
    Je suis parti en compagnie d’autres membres d’ISM
    (International Solidarity Movement)
  • 6:31 - 6:35
    à l’hôpital Al-Shifa
    pour donner notre sang.
  • 6:35 - 6:39
    Sur place, nous reçûmes un appel téléphonique:
    Sara, notre chère amie,
  • 6:39 - 6:47
    avait été mortellement blessée par les éclats d’une bombe
    dans son logis du camp de réfugiés de Jabalia.
  • 6:47 - 6:53
    Personne chaleureuse au tempérament enjoué,
    elle était partie peu avant chercher du pain pour sa famille.
  • 6:53 - 6:56
    Partie en laissant treize enfants.
  • 6:56 - 6:59
    Il y a peu, Tofiq m’a appelé de Chypre.
  • 6:59 - 7:06
    Tofiq est l’un des étudiants palestiniens qui ont eu de la chance.
    Grâce à nos bateaux du Free Gaza Movement,
  • 7:06 - 7:13
    il a pu quitter l’immense prison à ciel ouvert
    de la Bande de Gaza et commencer une nouvelle vie ailleurs.
  • 7:13 - 7:20
    Il m’a demandé si j’étais allé rendre visite à son oncle et si,
    comme promis, je lui avais transmis son bonjour.
  • 7:20 - 7:25
    J’ai hésité, puis je me suis excusé
    parce que je n’avais pas encore eu le temps de le faire.
  • 7:25 - 7:30
    Trop tard. Avec beaucoup d’autres,
    il est resté sous les décombres du port.
  • 7:30 - 7:33
    Une terrible menace nous arrive d’Israël:
  • 7:33 - 7:40
    ce n’est que le premier jour d’une campagne de bombardements
    qui pourrait s’étendre sur deux semaines.
  • 7:40 - 7:44
    Ils feront le vide et ils l’appelleront paix.
  • 7:44 - 7:50
    Le silence du "monde civilisé" est beaucoup
    plus assourdissant que les explosions qui couvrent la ville...
  • 7:50 - 7:53
    ...comme un linceul de terreur et de mort.
  • 7:53 - 8:10
    Restons Humains.
  • 8:10 - 8:13
    29 décembre 2008
  • 8:13 - 8:15
    Mort lente devant temoin inoperants
  • 8:15 - 8:18
    Une odeur suffocante de soufre
    est suspendue dans l’air,
  • 8:18 - 8:22
    des éclairs déchirent le ciel,
    interrompus par les grondements de coups de tonnerre.
  • 8:22 - 8:25
    Entre-temps,
    le bruit des explosions m’a rendu sourd...
  • 8:25 - 8:29
    ...et mes yeux sont asséchés d’avoir trop pleuré
    à la vue des cadavres
  • 8:29 - 8:33
    Je suis devant l’hôpital Al-Shifa,
    le plus important de Gaza,
  • 8:33 - 8:35
    et à l’instant nous est parvenue une menace terrible:
  • 8:35 - 8:39
    les Israéliens veulent bombarder la nouvelle annexe
    encore en construction au premier étage.
  • 8:39 - 8:44
    Cela ne serait pas une grande nouvelle en soi,
    car, hier déjà, la clinique Wea’m fut bombardée.
  • 8:44 - 8:49
    En même temps qu’un entrepôt de médicaments à Rafah,
    l’université islamique détruite et différentes mosquées
  • 8:49 - 8:55
    réparties sur l’ensemble de la bande de Gaza.
    À côté d’un grand nombre d’installations publiques.
  • 8:55 - 8:57
    C’est comme si, ne trouvant plus d’objectifs "sensibles",
  • 8:57 - 9:01
    l’armée de l’air et la marine s’étaient un peu entraînées
    en prenant comme cibles dans leurs viseurs
  • 9:01 - 9:03
    des villes saintes, des écoles et des hôpitaux.
  • 9:03 - 9:07
    Ici, chaque heure est un 11 septembre, chaque minute;
  • 9:07 - 9:12
    et leur lendemain n’est qu’un aujourd’hui
    répété de deuil, avec toujours le même désespoir.
  • 9:12 - 9:15
    Hélicoptères et avions traversent continuellement le ciel;
  • 9:15 - 9:20
    si tu aperçois leur lumière, c’est que tu es déjà mort.
  • 9:20 - 9:25
    Il n’y a pas d’abris sűrs pour se protéger des bombes
    dans la bande de Gaza, aucun endroit n’est sűr.
  • 9:25 - 9:27
    Je n’ai plus aucun contact avec mes amis à Rafah;
  • 9:27 - 9:30
    je n’arrive pas à joindre
    ceux qui se trouvent au nord de Gaza-ville.
  • 9:30 - 9:34
    J’espère que cela est uniquement dű à des lignes saturées.
    Je l’espère...
  • 9:34 - 9:38
    Voilà soixante heures que je n’arrive plus à fermer l’oeil,
    aussi peu que les Gazaouis.
  • 9:38 - 9:46
    Hier j’ai passé la nuit avec trois de mes camarades d’ISM
    à l’hôpital Al-Awda, dans le camp de réfugiés de Jabalia.
  • 9:46 - 9:52
    Nous y sommes allés car je m’attendais à l’offensive terrestre
    planifiée de longue date et qui n’était toujours pas déclenchée.
  • 9:52 - 9:57
    Tout le long de la frontière de la bande de Gaza,
    les chars israéliens sont en position;
  • 9:57 - 10:01
    leurs chenilles vont sans doute se mettre en mouvement
    cette nuit dans un rythme mortel.
  • 10:01 - 10:06
    Vers 23 h 30, une bombe éclata
    à environ 800 mètres de l’hôpital,
  • 10:06 - 10:13
    l’onde de choc fit voler des vitres en éclats,
    aggravant encore l’état des patients déjà meurtris.
  • 10:13 - 10:19
    Une ambulance passa, ils venaient de bombarder une mosquée,
    heureusement vide de visiteurs à ce moment-là.
  • 10:19 - 10:23
    Malheureusement,
    même s’il ne s’agit pas de malheur
  • 10:23 - 10:28
    mais plutôt d’une volonté criminelle et terroriste de la part d’Israël
    de provoquer des massacres au milieu de la population civile,
  • 10:28 - 10:32
    malheureusement donc, l’explosion avait démoli
    et complètement détruit l’immeuble voisin.
  • 10:32 - 10:36
    Des décombres, on retira les restes de six soeurs,
    toutes étaient encore des fillettes
  • 10:36 - 10:42
    cinq d’entre elles étaient mortes, une blessée très grièvement.
    On avait étendu les corps des enfants sur l’asphalte carbonisé;
  • 10:42 - 10:46
    ils ressemblaient à de petites poupées disloquées,
    jetées là parce qu’elles ne servaient plus à rien.
  • 10:46 - 10:49
    Il ne peut pas s’agir là d’une "erreur",
    mais bien d’un acte atroce volontaire et cynique.
  • 10:49 - 10:53
    Maintenant on parle de 320 tués
    en plus d’environ 1 000 blessés dont,
  • 10:53 - 10:55
    d’après les informations données
    par un médecin de l’hôpital Al-Shifa,
  • 10:55 - 10:58
    60 % n’allaient pas survivre au-delà des prochaines heures
  • 10:58 - 11:02
    ou mourir après une longue et atroce agonie
    dans les prochains jours.
  • 11:02 - 11:04
    Des dizaines de corps ont été déchiquetés;
  • 11:04 - 11:07
    dans les hôpitaux, depuis deux jours,
    de nombreuses femmes errent à la recherche de leurs époux
  • 11:07 - 11:09
    ou enfants, souvent en vain.
  • 11:09 - 11:12
    Les morgues offrent de bien macabres spectacles.
  • 11:12 - 11:16
    Une infirmière me raconta qu’une femme palestinienne,
    partie à la recherche de son mari
  • 11:16 - 11:19
    et faisant le tour des chambres froides
    oů étaient entreposés les restes de cadavres
  • 11:19 - 11:23
    reconnut, après des heures, dans une main détachée
    celle de son mari.
  • 11:23 - 11:25
    C’était tout ce qui restait de son mari,
  • 11:25 - 11:29
    avec au doigt l’anneau nuptial
    par lequel ils s’étaient promis un amour éternel.
  • 11:29 - 11:33
    D’une maison, occupée par deux familles,
    et qui avait été rasée jusqu’aux fondations,
  • 11:33 - 11:36
    il ne subsistait que peu de choses: uniquement les corps
    d’êtres humains enterrés sous les gravats.
  • 11:36 - 11:39
    On présenta aux voisins la moitié d’un torse et trois jambes.
  • 11:39 - 11:46
    En ce moment, un des bateaux de notre mouvement
    Free Gaza sort du port de Larnaca à Chypre.
  • 11:46 - 11:52
    J’ai pu parler à mes amis à bord.
    Des héros: ils ont bourré le bateau de médicaments.
  • 11:52 - 11:56
    Il devrait arriver demain vers huit heures dans le port de Gaza.
  • 11:56 - 12:00
    Si le port résiste
    à une autre nuit de bombardements continus, bien sûr.
  • 12:00 - 12:03
    Je vais rester constamment en contact avec eux.
  • 12:03 - 12:05
    Il faut que quelqu’un arrête ce cauchemar.
  • 12:05 - 12:10
    Rester muet sans bouger
    équivaudrait à soutenir le génocide en cours.
  • 12:10 - 12:14
    Puisse notre indignation trouver un écho
    dans chaque capitale du "monde civilisé",
  • 12:14 - 12:19
    que nos cris de douleur et de terreur
    atteignent chaque ville et chaque lieu.
  • 12:19 - 12:23
    Une partie de l’humanité agonise dans une pieuse attente.
  • 12:23 - 12:54
    Restons humains.
  • 12:54 - 12:58
    30 Décembre 2008
  • 12:58 - 13:02
    LES USINES À FABRIQUER DES ANGES
  • 13:02 - 13:14
    Jabalia, Beit Hanoun, Rafah, Gaza-ville
    sont les étapes de mon parcours sur la carte de l’enfer.
  • 13:14 - 13:22
    Malgré tout ce que pourront répéter
    dans leurs communiqués les porte-parole de l’armée israélienne,
  • 13:22 - 13:31
    et que diffusent
    à travers tous leurs canaux les mass media européens,
  • 13:31 - 13:42
    je fus chaque jour le témoin oculaire des bombardements
    sur des mosquées, des écoles,
  • 13:42 - 13:51
    des universités, des hôpitaux,
    des marchés et des dizaines d’habitations privées.
  • 13:51 - 13:57
    Le médecin-chef de l’hôpital Al-Shifa me confirma
  • 13:57 - 14:04
    avoir reçu des appels téléphoniques de l’armée israélienne,
  • 14:04 - 14:17
    lui enjoignant de faire évacuer l’hôpital sans délai,
    faute de quoi il allait se mettre à pleuvoir des bombes.
  • 14:17 - 14:23
    Il ne se laissa pas intimider.
  • 14:23 - 14:28
    Le port, là où j’ai été obligé de dormir, bien que
    l’on n’arrive plus à fermer l’oeil à Gaza depuis quatre jours,
  • 14:28 - 14:35
    se trouve constamment pris sous des tirs nocturnes.
  • 14:35 - 14:45
    En face, plus aucune sirène d’ambulances
    se croisant mutuellement n’est audible,
  • 14:45 - 15:02
    tout simplement parce que, dans le port et autour,
    personne n’a survécu, tout le monde est mort,
  • 15:02 - 15:11
    C’est comme si l’on pénétrait
    dans un cimetière après un tremblement de terre.
  • 15:11 - 15:23
    La situation est bien celle d’une catastrophe "non naturelle",
    d’un raz de marée de haine et de cynisme
  • 15:23 - 15:35
    submergeant le peuple palestinien
    et dont l’opération "Plomb durci" qui détruit des vies humaines,
  • 15:35 - 15:45
    à l’inverse de ce qui était prévu,
    ne fait que souder encore plus les Palestiniens entre eux:
  • 15:45 - 15:59
    des gens qui ne se seraient même pas salués avant,
    du fait de leur appartenance à des factions différentes,
  • 15:59 - 16:09
    se retrouvent à présent unis en tant que victimes
    d’une tragédie épouvantable.
  • 16:09 - 16:20
    Lors que les bombes s’écrasent au sol
    depuis une hauteur de dix mille mètres,
  • 16:20 - 16:30
    pas de problème, elles ne font aucune différence
    entre les drapeaux du Hamas et ceux du Fatah...
  • 16:30 - 16:34
    ...placés sur les appuis des fenêtres.
  • 16:34 - 16:43
    Il n’existe pas d’opérations militaires
    de précision "chirurgicale":
  • 16:43 - 16:56
    quand l’armée de l’air et les avions de la marine entrent en action,
    les uniques opérations chirurgicales
  • 16:56 - 17:06
    sont celles des médecins qui vont amputer
    les membres déchiquetés des victimes sans le temps de la réflexion,
  • 17:06 - 17:14
    même si bras et jambes pourraient souvent être sauvés.
  • 17:14 - 17:28
    Par manque de temps, tout étant fait dans l’urgence,
    le traitement nécessaire à un membre gravement touché
  • 17:28 - 17:38
    pourrait signifier la condamnation à mort
    pour le prochain blessé attendant une transfusion.
  • 17:38 - 17:55
    600 blessés graves sont allongés à l’hôpital Al-Shifa,
    mais on n’y dispose que de 29 appareils respiratoires.
  • 17:55 - 18:03
    Il manque de tout, avant tout de personnel qualifié.
  • 18:03 - 18:11
    Pour cette raison, découragés
  • 18:11 - 18:24
    par l’inaction et l’omerta des gouvernements occidentaux
    se rendant ainsi complices de fait des crimes d’Israël,
  • 18:24 - 18:37
    nous avions décidé de faire partir de Larnaca (Cipro)
    un petit bateau de Free Gaza Movement
  • 18:37 - 18:44
    avec à son bord du personnel médical et trois tonnes de médicaments.
  • 18:44 - 18:56
    J’avais attendu en vain dans le port,
    ils auraient dû arriver à huit heures ce matin.
  • 18:56 - 19:07
    Ils ont été interceptés à 90 milles marins au large de Gaza
    par onze navires de guerre israéliens,
  • 19:07 - 19:13
    lesquels tentèrent à plusieurs reprises
    de les heurter et les couler en pleine mer.
  • 19:13 - 19:19
    Ils heurtèrent le bateau à trois reprises,
  • 19:19 - 19:25
    provoquant une avarie du moteur
    ainsi qu’une voie d’eau dans la coque.
  • 19:25 - 19:32
    L’équipe et les passagers survécurent par un pur hasard
  • 19:32 - 19:41
    et réussirent à rejoindre la terre ferme
    dans le port de Tyr, au sud Liban.
  • 19:41 - 19:51
    Toujours plus frustrés
    par le silence assourdissant du monde "civilisé",
  • 19:51 - 19:58
    mes amis ne vont pas tarder à démarrer une nouvelle tentative;
  • 19:58 - 20:06
    ils ont réussi à planquer le chargement de médicaments du “Dignity”,
  • 20:06 - 20:17
    et à le transborder sur un autre bateau,
    fin prêt à partir en direction de Gaza.
  • 20:17 - 20:24
    De nombreux journalistes me demandent dans les interviews...
  • 20:24 - 20:31
    ...de rendre compte
    de la situation humanitaire des Palestiniens à Gaza,
  • 20:31 - 20:40
    comme s’il s’agissait d’un problème de rationnement alimentaire,
    de manque d’eau, de coupures d’électricité ou de pénurie de carburant
  • 20:40 - 20:49
    et non pas de la question de savoir qui provoquait ces problèmes
    par la fermeture des passages de frontière...
  • 20:49 - 21:04
    ...ainsi que le bombardement des transformateurs électriques
    et autres centres de distribution d’eau.
  • 21:04 - 21:10
    À l’hôpital Al-Awda de Jabalia,
    j’ai vu comment les blessés et les tués
  • 21:10 - 21:25
    arrivaient non pas en ambulance,
    mais sur de petites charrettes en bois tirées par des animaux.
  • 21:25 - 21:34
    C’est à l’aide de chars d’assaut, d’avions de chasse,
    de drones et d’hélicoptères de combat Apache...
  • 21:34 - 21:37
    ...qu’une des plus importantes
    et puissantes forces armées du monde
  • 21:37 - 21:54
    déchaîne ses attaques sur une population
    qui se déplace encore à dos d’âne, comme au temps de Jésus.
  • 21:54 - 22:02
    Le Centre pour les Droits humains Al-Mizan informe, qu’au moment
    de l’annonce, 55 enfants ont été impliqués dans les bombardements,
  • 22:02 - 22:10
    20 d’entre eux ont été tués et les 35 autres gravement blessés.
  • 22:10 - 22:16
    Selon "Al Mizan", un centre pour les droits humains,
  • 22:16 - 22:26
    Israël a transformé les hôpitaux palestiniens
    en autant de fabriques d’anges
  • 22:26 - 22:37
    et ne voit pas la haine qui est ainsi attisée
    en Palestine et dans le monde entier.
  • 22:37 - 22:47
    Les fabricants d’anges sont en action permanente, ce soir également,
  • 22:47 - 22:59
    je le ressens à travers le vacarme incessant
    des bombes devant ma fenêtre.
  • 22:59 - 23:13
    Ces petits corps déchiquetés et amputés,
    récoltés avant la première floraison,
  • 23:13 - 23:23
    seront présents dans mes cauchemars pour le restant de mes jours
  • 23:23 - 23:29
    et s’il me reste la force pour rendre compte de leur fin,
  • 23:29 - 23:49
    alors ce sera uniquement pour demander justice
    aussi bien pour ceux qui désormais ne peuvent plus parler,
  • 23:49 - 23:56
    qu’à ceux qui n’ont jamais voulu entendre.
  • 23:56 - 24:41
    Restons Humains.
  • 24:41 - 24:44
    1er janvier 2009
  • 24:44 - 24:46
    Une Catastrophe "Non Naturelle"
  • 24:46 - 24:52
    La nouvelle année a remplacé l’ancienne,
    les perspectives vers la mort et la désolation sont restées.
  • 24:52 - 24:55
    Depuis le début, jamais je n’ai vu tomber autant de bombes
    près de mon appartement.
  • 24:55 - 25:00
    À moins de cent mètres de distance,
    une explosion a secoué l’ensemble des sept étages de l’immeuble
  • 25:00 - 25:03
    qui s’est mis à osciller dans tous les sens
    comme un balancier hors de contrôle.
  • 25:03 - 25:08
    Un moment, j’ai pensé qu’il allait s’écrouler;
    les vitres des armoires volèrent en éclats.
  • 25:08 - 25:10
    Dans la panique, j’implorai le bon Dieu
  • 25:10 - 25:15
    d’avoir fait en sorte que les connaissances des normes antisismiques
    avaient été appliquées lors de la construction du bâtiment,
  • 25:15 - 25:17
    bien que dans mon espoir trompeur,
  • 25:17 - 25:21
    je savais bien que Gaza
    se trouvait sur une bande qui n’a jamais connu de séisme.
  • 25:21 - 25:25
    Ici, le séisme s’appelle Israël.
  • 25:25 - 25:30
    Je suis à la recherche désespérée de mes amis
    qui ne répondent plus au téléphone.
  • 25:30 - 25:33
    J’ai trouvé Ahmed chez lui,
  • 25:33 - 25:38
    dans l’une des rares maisons restée debout
    dans le centre du quartier Tal Al-Hawa de Gaza-ville.
  • 25:38 - 25:39
    Tout autour,
  • 25:39 - 25:44
    un décor d’apocalypse règne,
    faisant penser au quartier chiite de Beyrouth
  • 25:44 - 25:48
    après le déluge de bombes en 2006;
  • 25:48 - 25:52
    des bombes de même fabrication
    et de même origine tombent aussi sur nous ces jours-ci.
  • 25:52 - 25:54
    Ahmed va bien
  • 25:54 - 25:56
    ainsi que sa famille,
  • 25:56 - 25:59
    seule sa mère s’était trouvée en grand danger samedi.
  • 25:59 - 26:03
    Elle est professeur à l’école Balqees de l’Onu
  • 26:03 - 26:06
    et ce jour-là, elle s’attarda plus longtemps que d’habitude
    dans la salle de cours,
  • 26:06 - 26:08
    ce qui lui sauva la vie.
  • 26:08 - 26:10
    Alors qu’ils attendaient à l’arrêt de bus,
  • 26:10 - 26:17
    un grand nombre parmi ses étudiants furent enterrés
    sous les décombres des explosions.
  • 26:17 - 26:20
    Une bombe est tombée sur l’auto d’Ahmed,
  • 26:20 - 26:22
    une petite voiture vert pistache,
  • 26:22 - 26:27
    avec laquelle nous étions partis dans cette ville le soir d’avant
    à la recherche de pain
  • 26:27 - 26:31
    dont la farine est au prix de l’or.
  • 26:31 - 26:34
    J’ai enfin réussi à joindre également Rafiq au téléphone:
  • 26:34 - 26:37
    sa voix profonde semblait sortir d’un tonneau sans fond,
  • 26:37 - 26:40
    d’un tunnel de solitude et de désespoir
  • 26:40 - 26:47
    car il venait d’apprendre que trois de ses meilleurs amis
    avaient perdu la vie dans l’offensive contre le port.
  • 26:47 - 26:50
    Dans l’un des derniers cafés encore ouverts dans la bande de Gaza
  • 26:50 - 26:54
    et bénéficiant d’un accès internet, que j’utilise
    tant que les bombes et le réseau électrique le permettent,
  • 26:54 - 26:58
    j’ai montré autour de moi, avec un sourire en coin,
    affichée sur l’écran de mon ordinateur portable
  • 26:58 - 27:02
    l’information qu’il y avait eu un mort et 382 blessés.
  • 27:02 - 27:07
    Pour l’occasion, il ne s’agit pas des chiffres des victimes
    des tirs de roquettes Qassam hier sur Israël,
  • 27:07 - 27:10
    qui n’avaient heureusement fait aucune victime,
  • 27:10 - 27:15
    mais des chiffres du "massacre" causé par les pétards
    et feux d’artifice, annoncés chaque fin d’année en Italie.
  • 27:15 - 27:18
    J’expliquai à mes amis que les gens du Hamas étaient des blancs-becs
  • 27:18 - 27:22
    de s’imaginer mener la guerre contre Israël
    avec leurs jouets de fabrication artisanale.
  • 27:22 - 27:26
    Ils devraient plutôt aller suivre un stage de formation à Naples
    pour apprendre comment on construit...
  • 27:26 - 27:30
    ...des roquettes réellement meurtrières.
  • 27:30 - 27:36
    En tant que pacifiste, partisan de la non-violence,
    j’ai en horreur toute attaque des Palestiniens contre les Israéliens,
  • 27:36 - 27:39
    mais il y en a assez d’entendre toujours le même refrain
  • 27:39 - 27:42
    selon lequel le massacre perpétré au sein de la population
  • 27:42 - 27:47
    n’est que la réponse d’Israël
    aux modestes tirs de "missiles" palestiniens.
  • 27:47 - 27:50
    Il est à noter au passage que les tirs de Qassam
  • 27:50 - 27:54
    ont provoqué 18 morts depuis 2002 jusqu’à ce jour,
  • 27:54 - 27:57
    alors qu’ici en quelques heures de la journée de samedi
  • 27:57 - 28:03
    nous avons décompté dans les hôpitaux plus de 250 tués.
  • 28:03 - 28:09
    Je demande un avis aux clients du café, sur le cessez-le-feu proposée
    par l'Union européenne et rejetée par Israël,
  • 28:09 - 28:15
    puisqu’il possède dans ses entrepôts militaires de nombreuses
    réserves de matériel de guerre prêt pour un prochain usage.
  • 28:15 - 28:17
    Tout le monde secoue la tête.
  • 28:17 - 28:19
    Y a-t-il eu une seule fois un cessez-le-feu
  • 28:19 - 28:23
    avant le début de cette attaque sauvage
    contre une population sans défense?
  • 28:23 - 28:28
    Rien qu’en novembre, l’armée israélienne a tué 17 Palestiniens
  • 28:28 - 28:32
    (43 au total depuis le début du "cessez-le-feu").
  • 28:32 - 28:36
    Auparavant déjà, le blocus illégal de la Palestine
  • 28:36 - 28:40
    avait causé plus de 200 décès parmi les malades qui,
  • 28:40 - 28:45
    bien que munis de toutes les autorisations,
    étaient à la recherche d’une assistance médicale à l’étranger
  • 28:45 - 28:50
    et n’avaient ainsi plus pu quitter le pays.
  • 28:50 - 28:54
    L’économie, de toute manière déjà fragile,
    se retrouve à genoux du fait du blocus criminel;
  • 28:54 - 28:57
    le taux de chômage a dépassé les 60 %,
  • 28:57 - 29:02
    faisant que 80 % des familles vivent
    grâce aux aides humanitaires et en sont dépendantes.
  • 29:02 - 29:08
    Des aides qui ne traversent plus qu’avec difficulté
    le rideau de fer qu’Israël a déployé
  • 29:08 - 29:14
    autour de la plus vaste prison à ciel ouvert de la planète:
    la bande de Gaza.
  • 29:14 - 29:17
    Dès la énième annonce téléphonique,
    il nous fallut alors fuir ce café à toutes enjambées:
  • 29:17 - 29:24
    dans les minutes à venir, le local allait être bombardé.
  • 29:24 - 29:27
    Hier, dans le camp de Jabalia,
  • 29:27 - 29:32
    un chasseur bombardier F-16 a tiré un missile sur une ambulance:
  • 29:32 - 29:36
    le médecin, Ihab El Madhoun
  • 29:36 - 29:39
    et son collaborateur dévoué et aide-soignant,
    Mohamed Abou Hasira périrent.
  • 29:39 - 29:44
    Suite à quoi, nous, les représentants internationaux d’ISM,
  • 29:44 - 29:46
    décidâmes d’annoncer une conférence de presse
  • 29:46 - 29:50
    qui se tiendrait en même temps
    face aux caméras d’une chaîne TV palestinienne très populaire:
  • 29:50 - 29:54
    pour informer Israël, qu’à partir de cette nuit,
  • 29:54 - 29:58
    nous accompagnerions les ambulances
    afin de soutenir les secouristes de première urgence.
  • 29:58 - 30:03
    Espérant que notre façon de réagir
    aurait au moins un effet dissuasif sur Israël,
  • 30:03 - 30:06
    lui faisant porter la responsabilité
    des crimes commis contre l’humanité.
  • 30:06 - 30:12
    Lorsque nous nous retrouvons parfois ensemble,
    la conversation prend une tournure lugubre
  • 30:12 - 30:15
    car nous sommes conscients que l’un ou l’autre d’entre nous
  • 30:15 - 30:21
    augmentera probablement le nombre des tués ou disparus
    de cette horrible attaque.
  • 30:21 - 30:25
    Mais nous refusons d’y penser, nous continuons.
  • 30:25 - 30:58
    Restons Humains.
  • 30:58 - 31:00
    3 janvier 2009
  • 31:00 - 31:03
    Des fantômes réclament justice
  • 31:03 - 31:06
    Au moment où j’écris,
    les blindés israéliens ont envahi la bande de Gaza.
  • 31:06 - 31:10
    La journée commença comme la précédente s’était achevée,
  • 31:10 - 31:13
    avec la terre qui tremblait continuellement sous nos pieds;
  • 31:13 - 31:16
    ciel et mer tissent sans répit
  • 31:16 - 31:19
    e destin de plus de 1,5 million d’êtres humains,
  • 31:19 - 31:22
    passant de la tragédie du blocus
    jusqu’à la catastrophe des bombardements
  • 31:22 - 31:26
    qui font de la population civile une cible prédestinée.
  • 31:26 - 31:29
    L’horizon est cerné de flammes:
  • 31:29 - 31:35
    des coups de canonnières sont tirés du côté de la mer
    et des bombes tombent du ciel pendant toute la matinée.
  • 31:35 - 31:40
    Les bateaux de pêcheurs que nous avons escortés
    jusqu’en pleine mer il y a tout juste quelques jours,
  • 31:40 - 31:45
    bien au-delà de la frontière maritime de 6 milles marins
    fixée en toute illégalité par les occupants criminels d’Israël,
  • 31:45 - 31:48
    ont été réduits à l’état de petits tas incandescents
    de charbon de bois.
  • 31:48 - 31:52
    En cas d’intervention des pompiers pour une tentative d’extinction,
  • 31:52 - 31:56
    ces derniers se transforment en cibles
    pour les mitrailleuses des chasseurs F-16:
  • 31:56 - 31:59
    cela est déjà arrivé hier.
  • 31:59 - 32:01
    Lorsque cette offensive massive sera terminée
  • 32:01 - 32:07
    et que l’on aura fait le décompte des tués,
    si tant est que cela soit possible un jour,
  • 32:07 - 32:11
    alors il faudra reconstruire cette ville sur un désert de gravats.
  • 32:11 - 32:14
    La ministre des affaires étrangères israélienne Livni
  • 32:14 - 32:19
    déclarera à l’opinion mondiale qu’
    "il n’y a en aucun cas état d’urgence humanitaire à Gaza".
  • 32:19 - 32:23
    Visiblement, la négation de la Shoah n’est pas seulement à la mode
  • 32:23 - 32:28
    dans l’entourage du président iranien Ahmadinedjad.
  • 32:28 - 32:32
    Il y a une chose sur laquelle les Palestiniens
    sont bien d’accord avec Livni,
  • 32:32 - 32:38
    traitée par Joseph, le chauffeur d’ambulance,
    d’"ex-tueuse en série du Mossad",
  • 32:38 - 32:41
    les denrées alimentaires entrées ce mois dans la bande de Gaza
  • 32:41 - 32:44
    sont en augmentation, certes, mais c’est parce que le mois dernier
  • 32:44 - 32:47
    la clôture de barbelés des Israéliens était tellement resserrée
    que pratiquement rien ne pouvait passer de ce côté-ci de la bande.
  • 32:47 - 32:53
    Mais quel intérêt à aller servir du pain frais dans un cimetière?
  • 32:53 - 32:57
    La nécessité de l’instant serait l’arrêt immédiat des bombardements,
  • 32:57 - 33:01
    bien avant la reprise en main
    de l’approvisionnement en denrées alimentaires.
  • 33:01 - 33:03
    Les cadavres ne mangent rien,
  • 33:03 - 33:05
    ils servent encore simplement d’engrais pour la terre qui,
  • 33:05 - 33:11
    ici à Gaza, est devenue fertile comme jamais elle ne le fut auparavant,
    du fait de la décomposition des chairs humaines.
  • 33:11 - 33:15
    Les images des cadavres d’enfants déchiquetés
  • 33:15 - 33:19
    devraient en revanche développer le sentiment de culpabilité
    de tous ceux qui sont restés indifférents,
  • 33:19 - 33:22
    bien qu’ils auraient pu entreprendre quelque chose contre cela.
  • 33:22 - 33:27
    Les images d’un Obama souriant, jouant au golf à Hawaï,
  • 33:27 - 33:30
    étaient visibles sur toutes les chaînes satellitaires arabes
  • 33:30 - 33:34
    et furent ressenties comme un affront
    face au deuil qui s’est répandu dans les pays de la contrée.
  • 33:34 - 33:38
    En tout cas, ici, personne ne s'est jamais laissé bercer
    par l’illusion de croire qu’une certaine pigmentation de peau...
  • 33:38 - 33:43
    ...à elle seule pourrait suffire à infléchir
    la politique étrangère américaine de manière radicale.
  • 33:43 - 33:47
    Hier, Israël a ouvert le passage près d’Eretz,
  • 33:47 - 33:51
    afin d’évacuer les quelques étrangers restés dans la bande de Gaza.
  • 33:51 - 33:53
    Nous, les membres du groupe d’ISM,
  • 33:53 - 33:55
    sommes les seuls à rester sur place.
  • 33:55 - 34:00
    Pour apporter une réponse à Tel-Aviv,
    nous avons tenu aujourd’hui une conférence de presse,
  • 34:00 - 34:04
    au cours de laquelle nous avons expliqué notre motivation
    qui nous a décidé de ne pas quitter les lieux.
  • 34:04 - 34:09
    Cela nous écoeure de voir s’ouvrir tout grand les points de passage
    pour évacuer les ressortissants étrangers,
  • 34:09 - 34:12
    seuls témoins éventuels de ce massacre,
  • 34:12 - 34:15
    mais dans le sens inverse, les passages restent fermés
  • 34:15 - 34:18
    aux nombreux médecins et personnels soignants européens,
  • 34:18 - 34:24
    prêts à venir épauler leurs héroïques collègues palestiniens.
  • 34:24 - 34:26
    Nous ne partirons pas,
  • 34:26 - 34:28
    car nous considérons d’une importance capitale le fait,
    qu’en restant,
  • 34:28 - 34:34
    nous devenons les témoins oculaires des crimes commis ici,
    d’heure en heure, de minute en minute,
  • 34:34 - 34:37
    contre une population civile sans défense.
  • 34:37 - 34:40
    Nous en sommes à 445 tués,
  • 34:40 - 34:45
    plus de 2 300 blessés, des dizaines de disparus;
  • 34:45 - 34:50
    avec 73 mineurs déchiquetés par des bombes
    à l’instant où j’écris ces lignes.
  • 34:50 - 34:54
    Jusqu’à présent, Israël compte 3 victimes au total.
  • 34:54 - 34:56
    Si nous ne sommes pas partis,
  • 34:56 - 34:59
    comme nos consulats nous l’ont ordonné,
  • 34:59 - 35:04
    c’est aussi parce que nous sommes parfaitement conscients
    de notre rôle de boucliers humains pour les ambulances
  • 35:04 - 35:08
    et leurs personnels de premiers secours;
    cela pourrait servir à sauver des vies.
  • 35:08 - 35:14
    Hier déjà, une ambulance a essuyé des tirs à Gaza-ville
  • 35:14 - 35:17
    et le jour précédent,
    deux médecins ont été tués dans le camp de réfugiés de Jabalia,
  • 35:17 - 35:21
    touchés par un missile
    tiré à partir d’un hélicoptère de combat Apache.
  • 35:21 - 35:24
    Mes motivations personnelles de ne pas m’en aller,
  • 35:24 - 35:27
    ce sont mes amis, en me demandant de ne pas les abandonner,
    qui me les ont fournies.
  • 35:27 - 35:30
    Ceux, toujours en vie, mais aussi ceux, déjà morts,
  • 35:30 - 35:33
    qui peuplent à présent comme des fantômes mes nuits sans sommeil.
  • 35:33 - 35:37
    Leurs visages évanescents continuent à m’adresser leurs sourires.
  • 35:37 - 35:39
    19 h 33:
  • 35:39 - 35:42
    hôpital du Croissant-Rouge de Jabalia.
  • 35:42 - 35:46
    Pendant que j’étais au téléphone
    avec les manifestants venus en masse à Milan,
  • 35:46 - 35:49
    deux bombes tombèrent devant l’hôpital.
  • 35:49 - 35:50
    Les vitres de la façade avant furent brisées,
  • 35:50 - 35:55
    mais comme par miracle les ambulances s’en tirèrent sans dommage.
  • 35:55 - 36:00
    Durant les dernières heures,
    le rythme et la puissance des bombardements se sont intensifiés.
  • 36:00 - 36:03
    Près d’ici, la mosquée Ibrahim Al-Maqadmé
  • 36:03 - 36:06
    vient de s’écrouler sous les bombes;
  • 36:06 - 36:08
    c’est la dizième mosquée en une semaine à subir ce sort.
  • 36:08 - 36:12
    Bilan: onze tués, une cinquantaine de blessés.
  • 36:12 - 36:15
    Une femme palestinienne âgée, croisée cet après-midi dans la rue,
  • 36:15 - 36:21
    me demanda si les Israéliens se croyaient revenus au Moyen Âge,
  • 36:21 - 36:26
    car maintenant que leurs frappes "chirurgicales"
    s’abattaient sur des mosquées,
  • 36:26 - 36:30
    tout semblait indiquer
    qu’ils menaient une guerre de religion personnelle...
  • 36:30 - 36:33
    ...contre les villes saintes de l’islam à Gaza.
  • 36:33 - 36:38
    Encore une pluie de bombes sur Jabalia,
    puis pour finir, ce fut l’invasion.
  • 36:38 - 36:43
    Les chenilles des chars blindés en position
    depuis des jours le long de la frontière
  • 36:43 - 36:49
    se sont mis en mouvement vers une zone au nord-est de Gaza,
    aplatissant au passage les maisons, mètre par mètre.
  • 36:49 - 36:55
    Ils ensevelissent le passé et le futur, des familles entières,
    une population qui,
  • 36:55 - 36:58
    en 1948 de sa propre terre,
  • 36:58 - 37:04
    n’avait trouvé d’autre abri qu’un baraquement parmi d’autres
    dans un camp de réfugiés.
  • 37:04 - 37:08
    Suite à une menace terrible tombée vendredi soir
    sous forme de pluie déversée du ciel,
  • 37:08 - 37:11
    nous nous sommes immédiatement rendus à Jabalia.
  • 37:11 - 37:13
    Des centaines de tracts avaient été balancés des avions
    de chasse israéliens;
  • 37:13 - 37:17
    ils exigeaient l’évacuation des camps de réfugiés.
  • 37:17 - 37:20
    Cette fois, il ne s’agissait malheureusement
    pas d’une menace en l’air.
  • 37:20 - 37:25
    Les plus chanceux furent ceux qui s’en furent sans délai,
    rassemblant à la hâte
  • 37:25 - 37:27
    un téléviseur, un lecteur DVD
  • 37:27 - 37:33
    et les quelques babioles leur rappelant la vie dans une Palestine
  • 37:33 - 37:36
    occupée et perdue il y a maintenant soixante ans.
  • 37:36 - 37:39
    La plupart d’entre eux
    n’avait aucun endroit pour fuir et se mettre à l’abri.
  • 37:39 - 37:43
    Ils allaient devoir affronter les chenilles avides de vies humaines
  • 37:43 - 37:45
    avec l’unique arme qui leur restait:
  • 37:45 - 37:49
    la dignité de mourir la tête haute.
  • 37:49 - 37:54
    Mes camarades et moi-même sommes
    bien conscients des grands risques auxquels nous nous exposons
  • 37:54 - 37:57
    durant cette nuit et les autres;
  • 37:57 - 38:01
    incontestablement,
    nous nous sentons plus à l’aise au beau milieu de l’enfer ici à Gaza
  • 38:01 - 38:05
    plutôt que dans les métropoles paradisiaques
    européennes ou américaines
  • 38:05 - 38:08
    où les gens fêtent le Nouvel An
  • 38:08 - 38:11
    et ne comprennent
    pas qu’ils se rendent en fait quelque part complices
  • 38:11 - 38:16
    de cet homicide contre des civils innocents.
  • 38:16 - 38:51
    Restons humains.
  • 38:51 - 38:55
    5 janvier 2009
  • 38:55 - 39:03
    Soignants transformés en Anges:
    Arafa Abed Al-Dayem, R.I.P.
  • 39:03 - 39:09
    "Aux habitants innocents de Gaza:
    notre guerre n’est pas dirigée contre vous, mais contre le Hamas.
  • 39:09 - 39:16
    Tant que celuici n’arrête pas de tirer
    des missiles sur nous, vous serez en danger".
  • 39:16 - 39:24
    Tel est le message enregistré que l’on entend lorsque
    l’on reçoit un appel téléphonique en ce moment à Gaza.
  • 39:24 - 39:28
    L’armée israélienne le diffuse dans l’hypothèse erronée,
  • 39:28 - 39:31
    selon laquelle les Palestiniens
    n’auraient ni yeux ni oreilles.
  • 39:31 - 39:38
    Pas d’yeux pour voir que les bombes
    touchent presque exclusivement des cibles civiles,
  • 39:38 - 39:40
    des mosquées...
  • 39:40 - 39:47
    (quinze, la dernière en date aujourd’hui fut
    celle d’Omar Bin Abd Al-Azeez à Beit Hanoun),
  • 39:47 - 39:53
    des écoles, l’université, des marchés, des hôpitaux.
  • 39:53 - 39:59
    Et pas d’oreilles pour entendre
    les cris de douleur des enfants,
  • 39:59 - 40:01
    eux aussi victimes innocentes...
  • 40:01 - 40:07
    ...et néanmoins
    cibles convenues de chaque bombardement.
  • 40:07 - 40:11
    Selon les sources hospitalières,
    au moment où j’écris,
  • 40:11 - 40:15
    120 mineurs ont déjà perdu la vue sous les bombes...
  • 40:15 - 40:19
    ...sur un total de 548 tués...
  • 40:19 - 40:26
    ...et plus de 2 700 blessés. À cela, il faut ajouter
    des dizaines et des dizaines de disparus.
  • 40:26 - 40:33
    Il y a deux jours, à l’hôpital du Croissant-Rouge dans le camp
    de réfugiés de Jabalia, c’était comme s’il faisait jour en pleine nuit.
  • 40:33 - 40:39
    Les hélicoptères de combat Apache
    tiraient sans discontinuer des fusées éclairantes,
  • 40:39 - 40:43
    au point de nous empêcher
    de distinguer le lever du coucher du soleil.
  • 40:43 - 40:48
    Les tirs incessants d’un blindé
    à moins d’un kilomètre de distance...
  • 40:48 - 40:52
    ...ont lourdement fissuré
    les murs du bâtiment;
  • 40:52 - 40:58
    nous avons néanmoins tenu bon à l’intérieur jusqu’au matin.
  • 40:58 - 41:03
    Vers 10 heures, des bombes au phosphore blanc
    ont frappé le bâtiment mitoyen...
  • 41:03 - 41:07
    ...et les tirs de mitrailleuses
    ont commencé à retentir tout autour.
  • 41:07 - 41:13
    Les médecins du Croissant-Rouge comprirent
    qu’il s’agissait d’un avertissement à notre encontre:
  • 41:13 - 41:16
    évacuation immédiate
  • 41:16 - 41:18
    ou condamnation à mort.
  • 41:18 - 41:21
    Nous avons aussitôt transféré les blessés
    vers d’autres unités de l’hôpital...
  • 41:21 - 41:26
    ...et placé l’ambulance d’urgence sur la route Al-Nady:
  • 41:26 - 41:31
    le personnel, assis sur le trottoir,
    attend les prochaines interventions...
  • 41:31 - 41:34
    ...qui vont se succéder à une allure frénétique.
  • 41:34 - 41:37
    Pour la première fois depuis l’attaque israélienne,
  • 41:37 - 41:41
    j’ai vu les cadavres de combattants
    de la résistance palestinienne.
  • 41:41 - 41:45
    En proportion modeste par rapport aux victimes civiles,
  • 41:45 - 41:52
    dont le nombre s’est mis à croître
    rapidement suite à l’offensive terrestre.
  • 41:52 - 41:54
    Après l’attaque contre la mosquée de Jabalia...
  • 41:54 - 41:59
    (en même temps que l’entrée des blindés)
    qui fit onze morts et une cinquantaines de blessés,
  • 41:59 - 42:04
    pendant que nous escortions les ambulances
    durant toute la nuit de vendredi à samedi,
  • 42:04 - 42:11
    il nous apparut clairement quelle était
    l’incroyable puissance destructrice
  • 42:11 - 42:16
    des lance-grenades dont étaient équipés
    les chars israéliens.
  • 42:16 - 42:17
    À Beit Hanoun,
  • 42:17 - 42:21
    une famille, en train de se
    réchauffer chez elle devant le poêle à bois,
  • 42:21 - 42:24
    fut frappée par un de ces tirs mortels.
  • 42:24 - 42:27
    Nous avons rassemblé quinze blessés...
  • 42:27 - 42:30
    ...dont quatre dans un état désespéré.
  • 42:30 - 42:31
    Ensuite,
  • 42:31 - 42:34
    vers trois heures du matin,
  • 42:34 - 42:36
    arriva un autre appel d’urgence:
  • 42:36 - 42:38
    trop tard,
  • 42:38 - 42:42
    trois femmes effondrées en larmes...
  • 42:42 - 42:46
    ...déposent entre nos bras un enfant de quatre ans,
    enveloppé dans son drap.
  • 42:46 - 42:49
    Son linceul, déjà froid.
  • 42:49 - 42:54
    Encore une famille touchée à vif, à Jabalia cette fois,
  • 42:54 - 42:58
    deux adultes avec des éclats d’obus dans le corps.
  • 42:58 - 43:01
    Les deux fils n’avaient que des blessures légères,
  • 43:01 - 43:06
    mais à entendre leurs cris d’horreur, on se
    rendait compte de la portée du traumatisme psychique vécu...
  • 43:06 - 43:10
    ...qui allait les marquer pour la vie...
  • 43:10 - 43:14
    ...bien plus qu’une égratignure sur la joue.
  • 43:14 - 43:16
    Même si personne ne pourra s’en faire le porte-parole,
  • 43:16 - 43:20
    il s’agit de milliers d’enfants
    atteints de graves troubles mentaux...
  • 43:20 - 43:25
    ...suite aux bombardements incessants,
  • 43:25 - 43:33
    et plus grave encore, à la vision de leurs parents,
    frères et soeurs déchiquetés par les obus.
  • 43:33 - 43:39
    Les crimes pour lesquels Israël est en train de se salir...
  • 43:39 - 43:42
    ...dépassent toute possibilité de représentation.
  • 43:42 - 43:46
    Les soldats ne permettent
    pas que l’on apporte de l’aide...
  • 43:46 - 43:48
    ...aux survivants de cette catastrophe "non naturelle".
  • 43:48 - 43:54
    Lorsque les blessés se trouvent à proximité des blindés
    israéliens à partir desquels on a leur a tiré dessus,
  • 43:54 - 44:01
    il nous est impossible de nous approcher d’eux avec
    les ambulances du Croissant-Rouge
  • 44:01 - 44:06
    car les militaires font immédiatement feu sur nous.
  • 44:06 - 44:10
    Pour cela, il nous faut maintenant
    une ambulance de la Croix-Rouge,
  • 44:10 - 44:17
    en accord avec le commandement militaire israélien,
  • 44:17 - 44:21
    afin d’essayer rapidement de sauver des vies.
  • 44:21 - 44:25
    Essayez de vous imaginer le temps que cela
    va prendre pour mettre en pratique cette procédure,
  • 44:25 - 44:27
    équivalant à une condamnation à mort certaine...
  • 44:27 - 44:31
    ...pour les blessés nécessitant rapidement transfusions
    de sang ou soins d’urgence.
  • 44:31 - 44:38
    C’est d’autant plus difficile que la Croix-Rouge
    s’occupe inlassablement d’autres blessés graves
  • 44:38 - 44:44
    et ne pourra en aucun cas répondre à toutes nos demandes.
  • 44:44 - 44:50
    Il ne nous reste plus grand-chose à faire,
    sinon d’attendre dans l’ambulance
  • 44:50 - 44:58
    que les familles nous amènent leurs proches,
    blessés ou mourants, qu’ils transportent sur leurs épaules.
  • 44:58 - 45:01
    Ce fut aussi le même tableau ce matin, vers 5 h 30,
  • 45:01 - 45:05
    lorsque nous avons garé notre ambulance
    en plein croisement, moteur en marche,
  • 45:05 - 45:11
    pour signaler notre position par
    téléphone portable à un parent.
  • 45:11 - 45:13
    Au bout de dix minutes d’attente nerveusement éreintantes,
  • 45:13 - 45:17
    au moment oů le chauffeur allait passer la première...
  • 45:17 - 45:20
    ...pour se rendre à toute vitesse vers
    le prochain lieu d’appel d’urgence,
  • 45:20 - 45:26
    nous vîmes une carriole, chargée de personnes et tirée par un âne,
    tourner le coin et venir lentement dans notre direction.
  • 45:26 - 45:29
    Un couple et ses deux garçonnets.
  • 45:29 - 45:34
    La meilleure image pour décrire cet état de "non guerre".
    En fait, il ne s’agit pas là d’une guerre,
  • 45:34 - 45:37
    parce qu’il n’y a pas deux forces
    face-à-face sur une ligne de front.
  • 45:37 - 45:42
    Il s’agit plutôt d’une occupation unilatérale par une
    force militaire (aviation, marine et infanterie)
  • 45:42 - 45:52
    parmi les plus puissantes et disposant sűrement
    de l’équipement techniquement le plus avancé au monde
  • 45:52 - 45:56
    qui s’attaque à une bande de terre...
  • 45:56 - 45:59
    ...de 360 km2
  • 45:59 - 46:04
    dont la population se déplace encore à dos de mulets...
  • 46:04 - 46:12
    ...ne disposant que d’une résistance armée médiocre et qui a
    pour unique force d’être préparée à toutes les formes de martyre.
  • 46:12 - 46:17
    Lorsque la charrette fut suffisamment proche,
  • 46:17 - 46:22
    nous allâmes à sa rencontre pour découvrir
    avec effroi son funeste chargement.
  • 46:22 - 46:25
    Un des enfants y gisait, le crâne écrasé,
  • 46:25 - 46:29
    les yeux littéralement sortis de leurs orbites
  • 46:29 - 46:35
    et pendouillant au milieu du visage tels ceux d’un crabe;
    il respirait encore au moment oů nous le prîmes en charge.
  • 46:35 - 46:39
    Son frère, lui, avait la cage thoracique entrebaîllée et,
  • 46:39 - 46:44
    à travers les lambeaux de chair déchirée,
    on voyait distinctement la blancheur de chaque côte.
  • 46:44 - 46:48
    La mère recouvrait de ses mains la cage thoracique
  • 46:48 - 46:52
    comme si elle voulait réparer ce qui représentait
    le fruit de son amour
  • 46:52 - 46:56
    et que la haine d’un soldat anonyme,
    obéissant aux ordres,
  • 46:56 - 46:58
    avait détruit à tout jamais.
  • 46:58 - 47:03
    Un crime de plus...
  • 47:03 - 47:05
    ...et le énième parmi les cas de décès
    dont nous nous sommes occupés.
  • 47:05 - 47:10
    L’armée israélienne continue de prendre
    les ambulances pour cibles.
  • 47:10 - 47:14
    Après la mort du médecin et de l’aide-soignant
    il y a quatre jours à Jabalia,
  • 47:14 - 47:21
    ce fut le tour hier de notre ami Arafa Abed Al-Dayem,
  • 47:21 - 47:23
    qui s’en va, laissant quatre orphelins.
  • 47:23 - 47:29
    Hier, vers 8 h 30 du matin,
    nous reçűmes un appel de Gaza-ville:
  • 47:29 - 47:33
    deux civils avaient été abattus par des tirs
    de mitrailleuses provenant d’un blindé.
  • 47:33 - 47:39
    Une de nos ambulances du Croissant-Rouge
    se mit immédiatement en route.
  • 47:39 - 47:43
    Arafa et un aide-soignant portèrent
    les deux blessés jusqu’à la voiture
  • 47:43 - 47:45
    et fermèrent les portières pour repartir
    aussi vite que possible vers l’hôpital,
  • 47:45 - 47:48
    lorsqu’un obus tiré par un char
    les atteignit de plein fouet.
  • 47:48 - 47:54
    L’un des deux blessés fut décapité
    et notre ami tué sur le coup;
  • 47:54 - 47:58
    l’aide-soignant avait eu beaucoup de chance...
  • 47:58 - 48:02
    ...et se retrouve à présent allongé
    à l’hôpital oů il travaille habituellement.
  • 48:02 - 48:08
    Arafa, qui était instituteur, s’était proposé comme aide
    médical bénévole dès que le besoin s’en était fait sentir.
  • 48:08 - 48:15
    Sous les obus qui pleuvaient et dans une situation
    aussi risquée, personne n’avait oser le rappeler.
  • 48:15 - 48:20
    Arafa était venu de lui-même et travaillait
    en étant pleinement conscient des risques encourus,
  • 48:20 - 48:23
    persuadé, qu’en dehors de sa famille
  • 48:23 - 48:27
    il existait d’autres personnes à défendre et à aider.
  • 48:27 - 48:30
    Il nous manque par ses plaisanteries,
  • 48:30 - 48:34
    son sens de l’humour irrésistible et communicatif
  • 48:34 - 48:38
    qui lui permettait d’affronter le côté dramatique
    des situations les plus déprimantes.
  • 48:38 - 48:41
    Il faut absolument que quelqu’un stoppe ce bain de sang.
  • 48:41 - 48:44
    Ces jours-ci j’ai assisté à des scènes,
  • 48:44 - 48:50
    respiré des odeurs et des puanteurs pestilentielles
    qu’il me sera très difficile à raconter...
  • 48:50 - 48:56
    ...à mes futurs enfants.
  • 48:56 - 48:59
    Se sentir abandonné et esseulé...
  • 48:59 - 49:05
    ...ne peut être plus désolant que la vision
    d’un quartier de Gaza après une attaque aérienne.
  • 49:05 - 49:07
    Samedi soir,
  • 49:07 - 49:11
    j’ai reçu un appel des participants
    à une manif à Milan:
  • 49:11 - 49:17
    j’ai passé mon portable aux médecins
    et aides-soignants avec qui nous travaillons
  • 49:17 - 49:21
    et les ai vus retrouver tout leur courage pour un moment.
  • 49:21 - 49:25
    Les manifestations qui s’organisent partout dans le monde prouvent
    qu’il y a encore des personnes en qui croire,
  • 49:25 - 49:32
    même si elles n’ont pas encore la force de persuasion nécessaire
    pour convaincre leurs gouvernements...
  • 49:32 - 49:35
    ...d’empêcher les crimes d’Israël,
  • 49:35 - 49:44
    de le rendre responsable
    des crimes de guerre et contre l’humanité.
  • 49:44 - 49:50
    Ces jours-ci, à cause du stress dű à la terreur ambiante, un
    nombre étonnant de femmes donnent naissance à des prématurés.
  • 49:50 - 49:55
    J’en ai accompagnées trois à la maternité.
  • 49:55 - 49:59
    L’une d’elles, Samira, enceinte au septième mois,
  • 49:59 - 50:03
    a mis au monde un tout petit
    et adorable fils prénommé Ahmed.
  • 50:03 - 50:06
    Pendant le trajet en sa compagnie vers l’hôpital à Auda,
  • 50:06 - 50:11
    voyant dans le rétroviseur les scènes de destruction et de mort
  • 50:11 - 50:16
    au cours desquelles nous venions de rassembler les cadavres,
  • 50:16 - 50:21
    j’ai pensé un moment que cette nouvelle vie
    pouvait être un heureux présage
  • 50:21 - 50:24
    vers un avenir rempli de paix et d’espoir.
  • 50:24 - 50:28
    Cette illusion se dissipa avec la chute
    des premières bombes tout près,
  • 50:28 - 50:32
    sur le chemin de retour d’Auda à Jabalia.
  • 50:32 - 50:36
    Ces "Mères Courage" mettent au monde des enfants...
  • 50:36 - 50:41
    ...dont les premières impressions se résument
    au vert kaki des tenues militaires, des tanks,
  • 50:41 - 50:45
    jeeps ainsi que des éclairs et du vacarme des bombes.
  • 50:45 - 50:51
    Quel genre d’adultes deviendront un jour ces enfants?
  • 50:51 - 51:34
    Restons Humains
  • 51:34 - 51:38
    6 janvier 2009
  • 51:38 - 51:40
    Al-Nakbah
  • 51:40 - 51:44
    La peur au ventre, ils font les cent pas, le regard dirigé en l'air,
  • 51:44 - 51:49
    fixant un ciel qui déverse sur eux angoisse et terreur,
  • 51:49 - 51:51
    sur un sol tremblant à chaque pas,
  • 51:51 - 51:56
    offrant soudain au regard des cratères
    là où se trouvaient avant des maisons,
  • 51:56 - 52:02
    des écoles, l'université, des marchés et des hôpitaux
    et où toute forme de vie se trouve ensevelie.
  • 52:02 - 52:07
    J'ai vu des files de Palestiniens désespérés
  • 52:07 - 52:13
    fuyant Jabalia, Beit Hanoun ainsi que les autres camps de réfugiés
    de la bande de Gaza,
  • 52:13 - 52:20
    cherchant refuge dans les écoles bondées des Nations unies,
    comme les victimes de tremblement de terre.
  • 52:20 - 52:23
    Comme les victimes d'un tsunami,
  • 52:23 - 52:30
    renouvelé ici chaque jour,
    s'abattant sur la bande de Gaza et sa population civile,
  • 52:30 - 52:37
    sans compassion, sans le moindre respect des droits humains,
    les Conventions de Genève sont passées aux oubliettes.
  • 52:37 - 52:48
    Et avant tout, sans qu'un seul gouvernement occidental
    ne bouge un cil pour arrêter ce massacre,
  • 52:48 - 52:57
    envoyer du personnel médical
    et mettre fin à ce génocide dont Israël se rend coupable.
  • 52:57 - 53:06
    Les attaques dirigées sans distinction contre des hôpitaux
    et le personnel médical se poursuivent au quotidien.
  • 53:06 - 53:12
    Hier, après avoir quitté l'hôpital Al-Awda à Jabalia,
    j'ai reçu un appel d'Alberto,
  • 53:12 - 53:16
    un camarade espagnol d'ISM.
  • 53:16 - 53:20
    Une bombe venait de tomber sur l'hôpital.
  • 53:20 - 53:25
    Un aide-soignant, Abou Mohammed, a été gravement blessé à la tête.
  • 53:25 - 53:34
    Justement lui qui est communiste
    et qui avait raconté peu avant le bombardement,
  • 53:34 - 53:39
    au cours d'une pause café, les actions héroïques
  • 53:39 - 53:50
    des leaders du front populaire, ses idoles:
    Georges Habache, Abou Ali Mustapha, Ahmad Al-Sadat.
  • 53:50 - 53:54
    Une lueur s'était allumée dans ses yeux lorsque je lui avais raconté
  • 53:54 - 54:01
    que les premières notions
    sur l’interminable tragédie du peuple palestinien...
  • 54:01 - 54:04
    ...me furent transmises oralement par mes parents,
  • 54:04 - 54:08
    eux aussi communistes convaincus.
  • 54:08 - 54:17
    Il m'avait demandé quels avaient été les dirigeants révolutionnaires
    réels au cours de l'histoire de la gauche en Italie
  • 54:17 - 54:23
    et j'avais répondu en citant le nom d'Antonio Gramsci.
  • 54:23 - 54:31
    Et ceux de nos jours? Je me suis donné du temps pour la réponse,
    comptant la lui apporter aujourd'hui.
  • 54:31 - 54:41
    À present, Abou Mohammed
    est allongé à l'hôpital où il travaille habituellement, dans le coma
  • 54:41 - 54:46
    et s'épargnant une réponse évasive de ma part.
  • 54:46 - 54:50
    Vers minuit, je reçois un autre appel, cette fois d'Eva.
  • 54:50 - 54:54
    Le bâtiment où elle se trouvait était pris sous les tirs.
  • 54:54 - 55:00
    Je connais très bien cet immeuble au cœur de Gaza-ville,
    siège des médias les plus importants.
  • 55:00 - 55:10
    Je venais d'y passer récemment une nuit
    en compagnie de quelques amis, journalistes photographes,
  • 55:10 - 55:14
    qui essayaient de rendre compte à l'aide d'images et d'articles
  • 55:14 - 55:22
    de la catastrophe "non naturelle"
    qui nous a surpris il y a dix jours.
  • 55:22 - 55:29
    Reuters, Fox news, Russia today
    et des dizaines d'autres agences locales et étrangères
  • 55:29 - 55:36
    se retrouvent sous le tir de sept missiles
    lancés à partir d'un hélicoptèr de combat.
  • 55:36 - 55:43
    Ils parvinrent tous à évacuer
    juste à temps les lieux avant d'avoir à déplorer des blessés graves:
  • 55:43 - 55:50
    les cameramen, photographes et journalistes
    sont actuellement en majorité des Palestiniens,
  • 55:50 - 55:59
    car Israël a procédé au bouclage total de Gaza,
    empêchant tout passage aux journalistes étrangers.
  • 55:59 - 56:04
    Aux alentours de cet édifice, il n'y a ni "cibles stratégiques"
  • 56:04 - 56:12
    ni résistance contre l'avancée meurtrière
    des véhicules blindés tout-terrain israéliens,
  • 56:12 - 56:17
    avancée qui a lieu bien plus loin au nord.
  • 56:17 - 56:26
    Visiblement, il se trouve quelqu'un à Tel-Aviv
    qui ne supporte pas du tout que les images de massacres de civils
  • 56:26 - 56:36
    viennent se superposer aux briefings
    régulièrement renouvelés à destination des journalistes "aux ordres".
  • 56:36 - 56:41
    À l'aide de ces conférence de presse,
    ils essaient de convaincre le monde
  • 56:41 - 56:47
    que la cible de leurs bombes
    se trouvent être exclusivement les terroristes du Hamas
  • 56:47 - 56:58
    et non pas les cadavres d'enfants affreusement estropiés
    que nous retirons tous les jours des ruines des maisons.
  • 56:58 - 57:02
    À Zaïtoun, à environ dix kilomètres de Jabalia,
  • 57:02 - 57:09
    un immeuble bombardé s'est affaissé sur une famille,
    faisant une vingtaine de morts.
  • 57:09 - 57:14
    Les secouristes durent attendre plusieurs heures
    avant de pouvoir s'approcher du bâtiment
  • 57:14 - 57:19
    car les militaires continuaient à tirer sans ârret.
  • 57:19 - 57:24
    Ils tirent sur les ambulances et bombardent les hôpitaux.
  • 57:24 - 57:29
    Il y a quelques jours,
    sur les ondes d'une station radio milanaise réputée,
  • 57:29 - 57:33
    une "pacifiste" israèlienne m'a asséné
  • 57:33 - 57:41
    que dans cette guerre, deux adversaires se font face,
    chacun mettant en œuvre la totalité de ses armes.
  • 57:41 - 57:53
    Par la présente, j'invite cordialement Israël de nous balancer sur la tête
    une des ses très nombreuses bombes atomiques secrètes
  • 57:53 - 57:59
    qu'il a accumulé
    en dépit de tous les traités de non-prolifération nucléaire.
  • 57:59 - 58:04
    Ils devraient nous envoyer cette bombe de la solution finale,
  • 58:04 - 58:10
    de sorte que l'agonie inhumaine
    des milliers de corps déchirés...
  • 58:10 - 58:17
    ...amassés dans les couloirs bondés des hôpitaux
    trouve enfin son épilogue.
  • 58:17 - 58:24
    Hier, j'ai pris quelques photos
    en noir et blanc de la carriole tirée par un mulet,
  • 58:24 - 58:31
    remplie d'enfants qui agitaient les bras,
    maintenant un chiffon blanc vers le ciel,
  • 58:31 - 58:38
    montrant en même temps des visages blêmes et déformés par la peur.
  • 58:38 - 58:48
    Lorsque j'ai regardé une fois encore les images
    de ces personnes obligées de fuir leurs maisons, j'en avais la chair de poule.
  • 58:48 - 58:59
    En superposant les photos prises hier à celles de 1948,
    qui elles témoignent de la Nakbah,
  • 58:59 - 59:02
    on obtiendrait un assemblage parfait.
  • 59:02 - 59:09
    Sous le silence lâche des États et gouvernements
    qui se désignent comme démocratiques,
  • 59:09 - 59:13
    une nouvelle catastrophe est en train de se dérouler,
  • 59:13 - 59:21
    un nouveau nettoyage ethnique frappe le peuple palestinien.
  • 59:21 - 59:29
    Jusqu'à ce matin, on a compté 650 morts dont 153 enfants,
  • 59:29 - 59:35
    plus de 3.000 blessés et des dizaines de disparus.
  • 59:35 - 59:43
    Le décompte de tués en Israël
    reste heureusement jusqu’à aujourd’hui stabilisé à quatre.
  • 59:43 - 59:52
    Après l'après-midi de cette journée, il va falloir actualiser
    tragiquement le poids de la balance côté palestinien,
  • 59:52 - 59:59
    car l'armée israélienne
    a commencé à bombarder les écoles des Nations unies.
  • 59:59 - 60:05
    Précisément celles-là même
    qui avaient accueilli les milliers de personnes évacuées...
  • 60:05 - 60:08
    ...sous la menace incessante d'une attaque.
  • 60:08 - 60:17
    Elle furent chassées des camps de réfugiés et des villages,
    uniquement dans le but de les rassembler en un endroit
  • 60:17 - 60:21
    où elles formeraient une cible facile.
  • 60:21 - 60:31
    Trois écoles ont été mitraillées aujourd'hui.
    La dernière fut Al-Fakhoura à Jabalia,
  • 60:31 - 60:36
    touchée de plein fouet. Plus de 40 tués.
  • 60:36 - 60:41
    En peu de temps, hommes, veillards, femmes et enfants,
  • 60:41 - 60:51
    qui s'imaginaient se trouver en sécurité derrière les murs peints
    en bleu aux couleurs onusiennes, furent fauchés.
  • 60:51 - 60:58
    Maintenant les vingt
    autres écoles des Nations unies vivent dans la peur.
  • 60:58 - 61:01
    Il n'y a aucune possibilité de fuite à Gaza,
  • 61:01 - 61:07
    nous ne sommes pas au Liban où la population vivant dans le sud
    a pu éviter les bombes israéliennes
  • 61:07 - 61:13
    en fuyant vers le nord ou vers la Syrie ou encore la Jordanie.
  • 61:13 - 61:26
    Cette immense prison à ciel ouvert qui s'appelle Gaza
    s'est transformée en piège mortel.
  • 61:26 - 61:28
    On se regarde d'un air perturbé
  • 61:28 - 61:34
    en se demandant si le Conseil de sécurité de l'ONU
    va enfin se résoudre
  • 61:34 - 61:41
    à prononcer une condamnation unanime,
    à la suite du mitraillage en règle
  • 61:41 - 61:47
    de ses propres écoles. Là dehors, il doit se trouver quelqu'un
  • 61:47 - 61:52
    qui a décidé de laisser derrière lui un cimetière
  • 61:52 - 61:57
    afin de pouvoir ainsi enfin parler de paix.
  • 61:57 - 62:07
    Une longue nuit nous attend dans l'ambulance,
    même si ici toute nouvelle journée se montre incertaine.
  • 62:07 - 62:17
    Les relais de téléphonie mobile ont été entièrement détruits
    dans la bande de Gaza, nous avons abandonné l'idée de les compter.
  • 62:17 - 62:26
    Tous mes amis que je ne peux plus entendre,
    j'espère les revoir un jour, mais je ne me fais aucune illusion.
  • 62:26 - 62:37
    Dans la bande de Gaza, nous sommes tous devenus
    des cibles mobiles, sans la moindre exception.
  • 62:37 - 62:47
    Le consulat italien m'a contacté à l'instant:
    demain, ils vont évacuer notre dernière ressortissante,
  • 62:47 - 62:55
    une religieuse âgée qui vit depuis 20 ans
    à proximité de l'église catholique de Gaza
  • 62:55 - 63:01
    et qui avait été totalement acceptée ici par les Palestiniens.
  • 63:01 - 63:07
    Le consul me pria amicalement de profiter de cette dernière occasion
  • 63:07 - 63:14
    pour me joindre à la sœur afin de fuir à mon tour cet enfer.
  • 63:14 - 63:22
    Je le remerciai pour son offre généreuse,
    mais je ne bougerai pas d'ici, je ne peux pas.
  • 63:22 - 63:26
    À travers l'affliction vécue sur place,
  • 63:26 - 63:37
    nous sommes tous, Italiens, Espagnols,
    Anglais ou Australiens devenus entretemps des Palestiniens.
  • 63:37 - 63:48
    Aujourd'hui, si tous ensemble nous nous décidions
    pendant une seule minute d'avoir la même attitude, la même empathie
  • 63:48 - 63:53
    que la grande majorité d'entre nous
    éprouve envers les juifs au moment de la Shoah,
  • 63:53 - 64:03
    alors je suis sûr que ce massacre aurait pu nous être épargné ici.
  • 64:03 - 64:32
    Restons humains
  • 64:32 - 64:34
    7 janvier 2009
  • 64:34 - 64:38
    Lance-pierres contre bombes au phospore
  • 64:38 - 64:42
    "Prends des jeunes chats,
    de doux chatons et fourre-les dans une boîte"
  • 64:42 - 64:47
    me dit Jamal,
    chirurgien au sein du plus important hôpital de Gaza, Al-Shifa,
  • 64:47 - 64:50
    pendant que juste au même instant, un aide-soignant dépose
    effectivement plusieurs cartons entachés de sang...
  • 64:50 - 64:52
    ...sur le sol devant nous.
  • 64:52 - 64:56
    "Ficelle bien le carton et ensuite tu sautes dessus à pieds
    joints en y mettant tout ton poids et ta force...
  • 64:56 - 65:03
    ...jusqu’à entendre le craquement des osselets
    et le dernier miaulement".
  • 65:03 - 65:08
    Je fixai les cartons d’un air désemparé
    tandis que le toubib poursuivait:
  • 65:08 - 65:12
    "Essaie maintenant d’imaginer ce qui se passerait – à juste
    titre d’ailleurs, après l’émission, si une telle scène
  • 65:12 - 65:15
    était montrée à la télé, les réactions de colère
    légitimes de l’opinion publique internationale,
  • 65:15 - 65:18
    les plaintes des sociétés protectrices des animaux etc.";
  • 65:18 - 65:20
    le médecin continue de parler...
  • 65:20 - 65:24
    ...tandis que je n’arrive pas à détacher
    les yeux des cartons posés à mes pieds.
  • 65:24 - 65:29
    "Israël a enfermé des centaines de civils
    dans une école, comme s’il s’agissait d’une caisse,
  • 65:29 - 65:35
    des dizaines d’enfants,
    puis ils ont écrasé la caisse de toute la force de leurs bombes.
  • 65:35 - 65:38
    Et quelle fut la réaction de l’opinion publique internationale?
  • 65:38 - 65:40
    Pratiquement aucune.
  • 65:40 - 65:44
    Il eût mieux valu être né plutôt en tant qu’animal
    que comme Palestinien;
  • 65:44 - 65:48
    nous aurions été mieux protégés".
  • 65:48 - 65:54
    À ce moment précis, le médecin se baisse
    et ouvre une des boîtes devant moi.
  • 65:54 - 66:00
    À l’intérieur se trouvent des membres déchirés,
    bras et jambes du genou vers le bas...
  • 66:00 - 66:08
    ...ou d’autres avec les cuisses dont les blessés de l’école
    des Nations unies Al-Fakhoura à Jabalia ont dû être amputés;
  • 66:08 - 66:12
    pour l’instant, il y a plus de 50 victimes.
  • 66:12 - 66:15
    Je simule un coup de fil important
    et prends congé de Jamal;
  • 66:15 - 66:19
    en réalité, je pars en courant
    jusqu’aux toilettes pour dégueuler.
  • 66:19 - 66:25
    Peu de temps auparavant, j’avais eu une discussion
    avec l’ophtalmologiste, le Dr.Abdel,
  • 66:25 - 66:29
    au sujet des rumeurs circulant depuis un moment
    dans toute la bande de Gaza et d’après lesquelles...
  • 66:29 - 66:33
    ...Israël veut nous recouvrir sous un déluge d’armes non-
    conventionnelles, justement interdites par la Convention de Genève.
  • 66:33 - 66:36
    Des bombes “Cluster” et des obus au phosphore blanc.
  • 66:36 - 66:41
    Exactement les mêmes que Tsahal,
    pendant la récente guerre contre le Liban,
  • 66:41 - 66:47
    et les USA, à Falloudjah en Irak en 2004, ont utilisé
    en violation des conventions et règles internationales.
  • 66:47 - 66:51
    Devant l’hôpital Al-Awda, nous fûmes témoins, et l’avons
    également filmé, de l’utilisation d’obus au phosphore blanc...
  • 66:51 - 66:55
    ...tombés à environ 500 mètres de distance;
  • 66:55 - 67:02
    trop loin pour juger si des civils se trouvent
    sous les hélicoptères de combat Apache,
  • 67:02 - 67:05
    mais terriblement proches de nous.
  • 67:05 - 67:08
    Les conventions de Genève de 1980...
  • 67:08 - 67:13
    ...prévoient que le phosphore blanc ne doit pas être utilisé
    en tant qu’arme dans les zones de guerre habitées,
  • 67:13 - 67:18
    mais uniquement comme écrans de fumée
    ou fusées éclairantes.
  • 67:18 - 67:21
    Sans le moindre doute et de toute façon,
    au départ c’est un crime...
  • 67:21 - 67:25
    ...que d’utiliser de telles armes à Gaza,
  • 67:25 - 67:28
    une bande de terre où se trouve la plus
    forte densité de population au monde.
  • 67:28 - 67:32
    Le docteur Abdel
    me relate que l’hôpital Al-Shifa
  • 67:32 - 67:36
    ne dispose pas de compétences militaires
    et médicales suffisantes...
  • 67:36 - 67:42
    ...pour établir que les blessures de certains cadavres autopsiés
    ont été occasionnées par des armes illégales.
  • 67:42 - 67:46
    A detta sua però,
    in venti anni di mestiere...
  • 67:46 - 67:51
    ...non ha mai visto casi di decessi
    come quelli portati all'ospedale nelle ultime ore.
  • 67:51 - 67:54
    Il m’explique que les traumatismes crâniens,
  • 67:54 - 68:02
    fractures du vomer, des maxillaires, du zygoma,
    du nez et du pharynx indiquent clairement...
  • 68:02 - 68:08
    ...qu’un choc d’une grande violence
    a frappé les victimes en plein visage.
  • 68:08 - 68:12
    Ce qui, d’après lui, semble néanmoins inexplicable
    est l’absence totale des globes oculaires...
  • 68:12 - 68:18
    qui auraient dû rester en place lors d’un traumatisme
    comparable ou du moins laisser des traces au niveau crânien.
  • 68:18 - 68:24
    Eh bien, à la place, on voyait débarquer dans
    les hôpitaux palestiniens des cadavres sans yeux,
  • 68:24 - 68:30
    comme si quelqu’un les avait prélevés chirurgicalement
    chez le médecin légiste avant leur arrivée.
  • 68:30 - 68:35
    Israël nous a fait savoir qu’on nous accordait la faveur
    d’un cessez-le-feu de trois heures "pleines",
  • 68:35 - 68:38
    soit de "13 à 16 heures".
  • 68:38 - 68:42
    Ce communiqué du commandement israélien
    est accueilli par la population palestinienne
  • 68:42 - 68:46
    avec la même confiance que ceux des leaders du Hamas
    lorsqu’ils annoncent les frappes destructrices...
  • 68:46 - 68:50
    ...contre les soldats israéliens
    qu’ils affirment avoir effectuées.
  • 68:50 - 68:58
    Une simple explication: les pires ennemis des soldats de Tel-Aviv
    se trouvent être les combattants à l’étoile de David eux-mêmes.
  • 68:58 - 69:02
    Hier, devant le port de Gaza, un navire de guerre
  • 69:02 - 69:06
    avait repéré un "groupe de combattants palestiniens"...
  • 69:06 - 69:10
    ...lourdement armés qui se déplaçaient
    en formation serrée autour de Jabalia...
  • 69:10 - 69:12
    ...et ouvert le feu sur eux.
  • 69:12 - 69:18
    Il s’agissait en fait de leurs propres troupes,
    après quoi le bilan était de trois soldats israéliens tués...
  • 69:18 - 69:22
    ...et quelque vingt autres blessés.
  • 69:22 - 69:26
    De toute façon, personne ici ne croit plus aux sorties
    de drapeaux pour des cessez-le-feu bidon,
  • 69:26 - 69:32
    et effectivement, aujourd’hui même, vers "14 heures",
    Rafah fut prise sous le feu de l’aviation...
  • 69:32 - 69:36
    ...et à Jabalia il y eut un énième
    bain de sang touchant des enfants:
  • 69:36 - 69:41
    trois fillettes de la famille Abed Rabouh,
  • 69:41 - 69:44
    âgées respectivement de 2, 4 et 6 ans.
  • 69:44 - 69:51
    Une demi-heure avant, également à Jabalia,
    nos ambulances furent à nouveau placées sous le feu de tirs.
  • 69:51 - 69:59
    Mes amis d’ISM, Eva et Alberto, qui se trouvaient
    dans l’ambulance avec nous, ont filmé l’agression
  • 69:59 - 70:03
    et transmis immédiatement la vidéo et les photos
    aux plus importants médias.
  • 70:03 - 70:08
    Les tireurs d’élite israéliens ont touché Hassan à une jambe,
    lui qui est toujours endeuillé par la mort de son meilleur ami Araf,
  • 70:08 - 70:14
    aide-soignant abattu il y a deux jours au moment
    où il portait secours aux blessés à Gaza.
  • 70:14 - 70:18
    Mes camarades de l’ambulance du Croissant-Rouge avaient
    insisté pour aller ramasser dans la rue le corps d’un homme...
  • 70:18 - 70:23
    ...mortellement touché, lorsqu’ils furent atteints
    à leur tour par une dizaine de projectiles.
  • 70:23 - 70:29
    Une balle blessa Hassan à la jambe,
    les autres transpercèrent l’ambulance.
  • 70:29 - 70:34
    Lorsque nous nous trouvions
    en route vers l’hôpital Al-Qouds,
  • 70:34 - 70:39
    dans un des derniers taxis zigzagant...
  • 70:39 - 70:42
    ...comme un véritable casse-cou pour éviter
    les bombes de ce concours de tir,
  • 70:42 - 70:48
    j’aperçus au bord de la route un groupe d’adolescents crasseux,
    debout dans leurs frusques rapiécées
  • 70:48 - 70:53
    me rappelant ceux que portaient les cireurs
    de chaussures chez nous en Italie après la guerre.
  • 70:53 - 70:57
    À l’aide de leurs lance-pierres,
    ils envoyaient des cailloux vers le ciel,
  • 70:57 - 71:01
    en direction d’un ennemi bien trop lointain et intouchable,
    mais jouant un drôle de jeu avec leurs vies.
  • 71:01 - 71:10
    Un symbole dingue, qui restitue en instantané une image
    de l’absurdité de ces temps et de cette région.
  • 71:10 - 71:37
    Restons humains.
  • 71:37 - 71:39
    8 janvier 2009
  • 71:39 - 71:42
    "Je ne quitterai pas mon pays"
  • 71:42 - 71:47
    Dentifrice, brosse à dents,
    lames de rasoir et mousse à raser.
  • 71:47 - 71:53
    Les vêtements sont ceux que je porte, le sirop pour la toux,
    cette toux lancinante qui me tenaille depuis des semaines,
  • 71:53 - 71:58
    les cigarettes pour Ahmed,
    le tabac pour mon narguilé.
  • 71:58 - 72:03
    Mon téléphone portable, l’ordi portable sur le clavier duquel
    je pianote comme un forcené...
  • 72:03 - 72:08
    ...afin d’apporter
    mon témoignage sur l’enfer qui m’entoure.
  • 72:08 - 72:14
    À Gaza, tout le nécessaire pour une vie frugale
    et un tant soit peu digne nous parvient d’Égypte
  • 72:14 - 72:21
    par les tunnels pour finir
    sur les rayonnages des magasins.
  • 72:21 - 72:30
    Ces mêmes tunnels qui ont été bombardés massivement par les
    chasseurs-bombardiers F-16 pendant les douze dernières heures
  • 72:30 - 72:36
    et durant lesquelles des milliers de maisons
    à Rafah, près de la frontière, furent détruites.
  • 72:36 - 72:41
    Il y a quelques mois, j’ai fait réparer
    trois de mes dents en piteux état;
  • 72:41 - 72:49
    je me rappelle, à la fin du traitement, avoir demandé à mon dentiste
    palestinien d’où il parvenait à obtenir tout son matériel dentaire,
  • 72:49 - 72:54
    produits anesthésiants, seringues,
    couronnes céramique et outillage.
  • 72:54 - 72:59
    Mon dentiste fit un mouvement
    suggestif de la main: de sous la terre.
  • 72:59 - 73:06
    Cela ne fait aucun doute, bien sûr, qu’il
    y a aussi des armes et des munitions,
  • 73:06 - 73:15
    servant aujourd’hui à ralentir l’avancée tant redoutée
    des blindés israéliens, qui transitent par les tunnels de Rafah,
  • 73:15 - 73:22
    mais c’est sans aucun rapport avec les tonnes et les tonnes
    de denrées alimentaires et autres biens de consommation...
  • 73:22 - 73:26
    ...qui affluent dans une bande de Gaza occupée
    de manière criminelle et condamnée à la famine.
  • 73:26 - 73:36
    Il est facile d’aller voir sur Internet des photos qui montrent comment
    même des animaux arrivent à passer la frontière égyptienne...
  • 73:36 - 73:44
    ...par le biais de ces tunnels. Chèvres et bœufs sont endormis,
    puis descendus à l’aide de cordes dans les puits égyptiens
  • 73:44 - 73:50
    avant de refaire surface de ce côté-ci pour
    ravitailler Gaza en lait, fromage et viande.
  • 73:50 - 73:55
    Jusqu’aux hôpitaux les plus importants
    qui s’approvisionnent par cette chaîne.
  • 73:55 - 74:03
    Les tunnels représentent pour les Palestiniens
    l’unique moyen de survivre au blocus:
  • 74:03 - 74:10
    blocus qui avait généré bien avant
    les bombardements un taux de chômage de 60%
  • 74:10 - 74:17
    et contraint 80% de la population à faire appel
    aux aides humanitaires.
  • 74:17 - 74:23
    Nos camarades d’ISM à Rafah nous décrivent
    l’énième exode dont ils viennent d’être les témoins.
  • 74:23 - 74:25
    Des files entières de désespérés abandonnant leurs maisons
    à la frontière égyptienne,
  • 74:25 - 74:33
    sur des charrettes tirées par des ânes
    et toutes sortes de moyens de transport.
  • 74:33 - 74:41
    La répétition de ce qui s’était déjà passé quand, il y a quelques
    jours, des tracts sommaient la population à l’évacuation;
  • 74:41 - 74:48
    Israël met toujours ses menaces à exécution,
    les bombes se remettent à pleuvoir.
  • 74:48 - 74:53
    Les "évacués" de la journée vont aller passer la nuit à Gaza,
    chez la famille, amis ou connaissances.
  • 74:53 - 75:00
    Après le massacre de Jabalia,
    plus personne ne se fie aux écoles des Nations unies.
  • 75:00 - 75:07
    Néanmoins, de nombreuses personnes ne sont pas parties car
    elles ne disposent d’aucun refuge sûr où se rendre.
  • 75:07 - 75:11
    Elles vont passer la nuit à prier un Dieu
    de les laisser en vie,
  • 75:11 - 75:16
    compte tenu du fait que personne
    ne semble s’intéresser à leur existence.
  • 75:16 - 75:26
    Jusqu’à maintenant, 768 Palestiniens sont morts,
    3129 ont été blessés et 219 enfants tués.
  • 75:26 - 75:34
    Le décompte des tués civils en Israël
    est heureusement resté fixe: quatre seulement.
  • 75:34 - 75:39
    Al-Zaïtoun, quartier est de Gaza-ville:
    les ambulances de la Croix-Rouge,
  • 75:39 - 75:45
    après concertation avec
    le commandement militaire israélien,
  • 75:45 - 75:49
    mirent des heures pour atteindre le lieu d’un carnage.
  • 75:49 - 75:54
    Lorsqu’elles arrivèrent enfin sur place,
    on découvrit 17 cadavres et dix blessés,
  • 75:54 - 75:58
    tous appartenant à la même famille, Al-Samouni.
  • 75:58 - 76:00
    Une exécution en bonne et due forme:
  • 76:00 - 76:04
    sur les corps des enfants, il était facile
    de voir qu’ils n’avaient pas été touchés...
  • 76:04 - 76:10
    ...par des éclats perdus d’obus ou de bombes
    mais bel et bien par des tirs directs.
  • 76:10 - 76:15
    Les deux dernières nuits à l’hôpital de Gaza-ville
    furent plus calmes que d’habitude;
  • 76:15 - 76:19
    il ne nous fallut secourir que plusieurs dizaines
    de blessés au lieu de centaines.
  • 76:19 - 76:23
    Avec le massacre de l’école Al-Fakhoura des Nations unies,
  • 76:23 - 76:28
    l’armée israélienne avait visiblement
    atteint le contingent hebdomadaire de civils tués,
  • 76:28 - 76:34
    qu’il devait présenter à son gouvernement
    en vue des élections imminentes.
  • 76:34 - 76:41
    Nous avons le fort pressentiment que, dès cette nuit,
    ils vont à nouveau faire le plein dans les morgues.
  • 76:41 - 76:48
    Toutes sirènes hurlantes, nous continuons à transporter vers
    l’hôpital les femmes enceintes pour accoucher d’enfants prématurés.
  • 76:48 - 76:53
    C’est comme si la nature,
    dans la façon qu’avaient...
  • 76:53 - 77:00
    ...ces "Mères Courage" à faire
    avancer la naissance de leurs enfants,
  • 77:00 - 77:03
    voulait compenser le nombre toujours croissant des morts.
  • 77:03 - 77:07
    En y réfléchissant, les premiers cris
    de ces nouveaux-nés couvrent...
  • 77:07 - 77:12
    ...un moment le vacarme des bombes.
  • 77:12 - 77:18
    Leila, une membre d’ISM,
    demanda aux enfants de nos voisins...
  • 77:18 - 77:22
    ...dans l’immeuble d’écrire ce qu’ils pensaient
    de l’épouvantable catastrophe actuelle.
  • 77:22 - 77:29
    Voici quelques extraits de leurs rédactions:
    les affres de la guerre vues à travers un regard pur et innocent,
  • 77:29 - 77:32
    celui des enfants de Gaza.
  • 77:32 - 77:34
    Suzanne, 15 ans:
  • 77:34 - 77:39
    "La vie à Gaza est très difficile.
    On ne peut pas vraiment tout décrire.
  • 77:39 - 77:43
    Nous n’arrivons pas à dormir,
    ne pouvons pas aller à l’école ni apprendre.
  • 77:43 - 77:47
    Nous avons beaucoup de sensations,
    parfois la peur et nous sommes inquiets...
  • 77:47 - 77:52
    ...parce que les avions et les navires tirent
    24 heures sur 24.
  • 77:52 - 78:01
    Parfois aussi on s’ennuie, quand il n’y a pas de lumière à l’école
    et que nous avons seulement de l’électricité...
  • 78:01 - 78:05
    ...quatre heures le soir;
    alors on regarde les nouvelles à la télé.
  • 78:05 - 78:11
    On y voit beaucoup d’enfants
    et de femmes qui sont blessés ou morts".
  • 78:11 - 78:14
    Fatma, 13 ans:
  • 78:14 - 78:17
    "C’était la semaine la plus difficile de toute ma vie.
  • 78:17 - 78:21
    Le premier jour, nous étions à l’école
    pour nos examens du premier trimestre,
  • 78:21 - 78:27
    puis les explosions ont commencé
    et beaucoup d’élèves ont été tués ou blessés...
  • 78:27 - 78:32
    ...et parmi les autres chacun
    a perdu un parent ou un voisin.
  • 78:32 - 78:35
    Il n’y a plus d’électricité, plus de nourriture ni de pain.
  • 78:35 - 78:38
    Que pouvons-nous faire?
    C’est à cause des Israéliens!
  • 78:38 - 78:45
    Dans le monde entier on fête la nouvelle année,
    nous aussi on la fête, mais d’une toute autre façon".
  • 78:45 - 78:49
    Sara, 11 ans:
  • 78:49 - 78:56
    "Gaza vit sous un blocus, c’est comme une grande prison:
    pas d’eau, pas d’électricité.
  • 78:56 - 79:01
    Les gens ont peur et ne dorment pas la nuit et chaque jour
    de nouvelles personnes sont assassinées.
  • 79:01 - 79:08
    Jusqu’à maintenant il y a plus de 700 morts
    et plus de 3 000 blessés.
  • 79:08 - 79:12
    Et au moment où les élèves passent leur examen trimestriel,
  • 79:12 - 79:18
    Israël a attaqué les écoles, le ministère de l’Éducation
    et beaucoup d’autres ministères.
  • 79:18 - 79:21
    Chaque jour, les gens demandent
    quand ce sera fini...
  • 79:21 - 79:27
    ...et attendent plus de bateaux avec
    des militants comme Vittorio et Leila".
  • 79:27 - 79:30
    Darween, 8 ans:
  • 79:30 - 79:35
    "Je suis une jeune fille palestinienne
    et je ne quitterai pas mon pays;
  • 79:35 - 79:39
    comme ça, j’aurai des avantages parce que
    je ne quitterai pas mon pays...
  • 79:39 - 79:45
    ...et même si j’entends les missiles
    je ne quitterai pas mon pays!"
  • 79:45 - 79:47
    Meriam est âgée de quatre ans
  • 79:47 - 79:51
    et ses frères l’ont questionnée:
    "Qu’est-ce que tu ressens quand tu entends les missiles?"
  • 79:51 - 79:54
    Elle a répondu:
    "J’ai peur!",
  • 79:54 - 80:00
    et a vite couru vers son papa
    pour se cacher derrière ses jambes.
  • 80:00 - 80:04
    Depuis dix jours, Gaza est enveloppée
    dans une pénombre de désolation;
  • 80:04 - 80:08
    il n’y a guère que dans les hôpitaux qu’il nous est autorisé
    de recharger les batteries de nos ordinateurs et téléphones portables
  • 80:08 - 80:15
    et de regarder la télévision en compagnie des médecins
    et aides-soignants, tout en attendant la prochaine intervention.
  • 80:15 - 80:21
    Nous entendons au loin le tonnerre des bombes, à peine
    quelques minutes plus tard, les chaînes satellitaires arabes...
  • 80:21 - 80:25
    ...indiquent avec précision les points
    où les explosions se sont produites.
  • 80:25 - 80:36
    Nous voyons souvent sur l’écran comment les cadavres sont retirés
    des décombres, comme si cela ne suffisait pas de le voir en live.
  • 80:36 - 80:40
    Hier, en zappant sur la télécommande,
    je suis tombé tout à coup sur une chaîne israélienne.
  • 80:40 - 80:48
    Ils montraient un festival de musique traditionnelle israélienne avec
    de nombreuses danseuses court vêtues et des feux d’artifices au final.
  • 80:48 - 80:53
    Nous retournons vers notre horreur,
    pas celle sur l’écran, mais celle des ambulances.
  • 80:53 - 81:01
    Israël a tous les droits de rire et de chanter,
    même si, pendant ce temps, il massacre son voisin.
  • 81:01 - 81:07
    Les Palestiniens n’ont plus qu’un souhait
    à formuler: celui de mourir d’une autre manière,
  • 81:07 - 81:13
    par exemple de vieillesse.
  • 81:13 - 81:45
    Restons Humains.
  • 81:45 - 81:50
    9 janvier 2009
  • 81:50 - 81:54
    Ils ont assassiné Hippocrate
  • 81:54 - 81:59
    À Gaza, un peloton d’exécution
  • 81:59 - 82:06
    a placé Hippocrate contre un mur, visé et fait feu.
  • 82:06 - 82:13
    Les déclarations monstrueuses d’un porte-parole
    des services secrets israéliens
  • 82:13 - 82:19
    selon lesquelles l’armée avait reçu le feu vert
    pour tirer sur les ambulances,
  • 82:19 - 82:27
    était qu’il fallait prendre en compte la possibilité qu’elles pouvaient
    transporter à leur bord des membres de la résistance palestinienne,
  • 82:27 - 82:33
    ce qui est très révélateur de la valeur accordée
    par les Israéliens à une vie humaine,
  • 82:33 - 82:38
    en l’occurence la vie d’un ennemi.
  • 82:38 - 82:41
    Cela vaut la peine de se rappeler
  • 82:41 - 82:45
    le serment d’Hippocrate
  • 82:45 - 82:48
    que chaque médecin se doit de prêter
  • 82:48 - 82:51
    avant de pouvoir exercer sa profession,
  • 82:51 - 82:58
    en particulier les passages:
  • 82:58 - 83:09
    "Au moment d’être admis au nombre des membres
    de la profession médicale, je prends l’engagement solennel
  • 83:09 - 83:18
    de consacrer ma vie au service de l'humanité,
    j’exercerai mon art avec conscience et dignité,
  • 83:18 - 83:25
    je ne permettrai
    pas que des considérations de religion, de race,
  • 83:25 - 83:31
    de parti ou de classe sociale
    viennent s’imposer entre mon devoir et mon patient,
  • 83:31 - 83:35
    je garderai le respect absolu de la vie humaine dès sa conception,
    même sous la menace,
  • 83:35 - 83:38
    je n’admettrai pas de faire usage
    de mes connaissances médicales...
  • 83:38 - 83:44
    ...contre les lois de l’humanité.
    Je fais ces promesses solennellement, librement, sur l’honneur."
  • 83:44 - 83:52
    Neuf membres de la communauté des "blouses blanches"
    ont perdu la vie depuis le début des bombardements,
  • 83:52 - 83:58
    quelque dix ambulances
    ont essuyé les tirs de l’artillerie israélienne.
  • 83:58 - 84:01
    Les survivants tremblent de peur,
  • 84:01 - 84:04
    mais néanmoins ne renoncent pas.
  • 84:04 - 84:07
    Les gyrophares rouge carmin des ambulances
  • 84:07 - 84:14
    sont les seuls éclairs lumineux
    que l’on aperçoit pendant les nuits noires de Gaza,
  • 84:14 - 84:19
    à l’exception bien sûr des éclairs précédant les explosions.
  • 84:19 - 84:25
    Pierre Wettach, le directeur de la Coix-Rouge à Gaza
    déclarait d’un ton accusateur:
  • 84:25 - 84:34
    à Al-Zaïtoun, à l’est de Gaza-ville, ses ambulances
    ont obtenu l’autorisation d’accès vers le lieu du massacre
  • 84:34 - 84:38
    seulement 24 heures après l’attaque israélienne.
  • 84:38 - 84:40
    Les secouristes expliquèrent
  • 84:40 - 84:45
    quel fut le spectacle d’horreur qui s’offrit à leurs yeux:
  • 84:45 - 84:53
    "Dans une des maisons il y avait quatre petits enfants
    à côté du corps sans vie de leur mère.
  • 84:53 - 84:58
    Ils étaient trop affaiblis pour se tenir debout.
  • 84:58 - 85:07
    Un autre homme fut également trouvé encore en vie,
    lui aussi trop faible pour tenir sur ses jambes.
  • 85:07 - 85:13
    Nous trouvâmes en tout douze corps allongés sur des matelas".
  • 85:13 - 85:21
    Les témoins de cette énième scène de boucherie
    racontent comment les soldats israéliens,
  • 85:21 - 85:24
    après avoir investi le quartier,
  • 85:24 - 85:31
    provoquèrent l’entassement d’une dizaine
    de membres de la famille Al-Samouni dans un bâtiment
  • 85:31 - 85:38
    qu’ils placèrent ensuite à nouveau sous le feu de leurs armes.
  • 85:38 - 85:45
    Depuis plusieurs jours, mes camarades d’ISM
    et moi-même sommes souvent la cible de tirs pendant nos trajets
  • 85:45 - 85:48
    dans les ambulances du Croissant-Rouge.
  • 85:48 - 85:53
    C’est pourtant notre devoir que d’aller
    chercher les malades et les blessés...
  • 85:53 - 85:56
    ...et non pas d’emmener des combattants valides
    dans nos ambulances.
  • 85:56 - 86:02
    Et lorsque nous ramassons sur le bord de la route
    quelqu’un en train de se vider de son sang,
  • 86:02 - 86:09
    personne n’a le temps de vérifier ses papiers
    ou de lui demander s’il est sympathisant du Hamas ou du Fatah.
  • 86:09 - 86:16
    Et, habituellement, les blessés, encore moins les morts,
    ne répondent pas aux questions...
  • 86:16 - 86:19
    Lorsque nous chargeâmes,
  • 86:19 - 86:23
    il y a quelques jours, un blessé grave,
  • 86:23 - 86:27
    un autre homme qui visiblement
    n’était que très légèrement blessé ou à peine atteint,
  • 86:27 - 86:32
    en profita pour tenter de monter à bord de l’ambulance.
  • 86:32 - 86:35
    Nous refusâmes de l’emmener,
  • 86:35 - 86:39
    afin de bien montrer aux mouchards présents dans le ciel
  • 86:39 - 86:45
    que nous ne servions pas de taxi
    pour le transport des membres de la résistance armée.
  • 86:45 - 86:53
    À l’hôpital Al-Qouds de Gaza-ville,
    on vit débarquer la nuit dernière Miriam, une fille de 17 ans,
  • 86:53 - 86:55
    prise par les premières contractions.
  • 86:55 - 87:05
    La veille, durant la matinée, on avait amené dans le même hôpital
    les cadavres de son père et de sa belle-soeur,
  • 87:05 - 87:12
    victimes à leur tour d’un des nombreux bombardements
    effectués au hasard sur les civils.
  • 87:12 - 87:16
    Cette nuit, Miriam a donné vie à un beau bébé,
  • 87:16 - 87:18
    ignorante du fait que
  • 87:18 - 87:22
    pendant qu’elle se trouvait en salle d’accouchement,
  • 87:22 - 87:30
    le corps de son jeune mari venait d’être livré à la morgue,
    un étage plus bas.
  • 87:30 - 87:32
    Même l’Onu
  • 87:32 - 87:36
    finit par remarquer qu’ici à Gaza
  • 87:36 - 87:40
    chacun était traité sur un même pied d’égalité,
  • 87:40 - 87:44
    représentant à chaque instant
    une cible mobile pour les tireurs d’élite israéliens.
  • 87:44 - 87:50
    Le bilan à ce jour se monte à 789 tués,
  • 87:50 - 87:53
    3.300 blessés
  • 87:53 - 87:58
    dont 410 au pronostic réservé,
  • 87:58 - 88:03
    230 enfants tués
    et toujours des dizaines et des dizaines de disparus.
  • 88:03 - 88:07
    Le nombre des victimes de guerre israéliennes
  • 88:07 - 88:12
    en est toujours à quatre, fort heureusement.
  • 88:12 - 88:19
    À travers le porte-parole de l’Unrwa
    (Délégation de l’Onu aux réfugiés palestiniens), John Ging,
  • 88:19 - 88:23
    les Nations unies ont annoncé l’interruption
  • 88:23 - 88:28
    de l’aide humanitaire pour la bande de Gaza.
  • 88:28 - 88:33
    J’ai rencontré Ging dans les bureaux de l’agence de presse Ramattan
  • 88:33 - 88:41
    au moment où, saisi de colère, montrant les caméras de télévision,
    il levait un index accusateur contre Israël.
  • 88:41 - 88:48
    L’Onu met ses activités en veille suite au meurtre
    de deux de ses collaborateurs durant la journée d’hier:
  • 88:48 - 88:52
    l’ironie du sort voulut
    que cela se passa pendant les trois heures de cessez-le-feu...
  • 88:52 - 88:58
    ...annoncées comme d’habitude
    et qu’Israël ne respecta pas.
  • 88:58 - 89:08
    "La population civile de Gaza
    dispose de trois heures par jour pour survivre,
  • 89:08 - 89:12
    les 21 heures restantes sont à la disposition des soldats israéliens
  • 89:12 - 89:16
    pour les exterminer!",
  • 89:16 - 89:22
    furent les paroles que prononça Ging à deux mètres de moi.
  • 89:22 - 89:29
    Yasmine, la femme d’un des nombreux journalistes,
    m’écrit de Jérusalem pour me relater qu’au passage à Eretz,
  • 89:29 - 89:35
    de longues files attendent l’obtention d’un laissez-passer
    qu’Israël refuse toujours de délivrer.
  • 89:35 - 89:41
    Il est interdit de rendre compte
    de ce massacre vers l’extérieur du pays.
  • 89:41 - 89:43
    Voici ce qu’elle écrit:
  • 89:43 - 89:47
    "Je suis partie en voiture avant-hier
    pour observer Gaza de l’extérieur.
  • 89:47 - 89:53
    Les journalistes venus du monde entier ont été rassemblés
    sur un monticule de sable,
  • 89:53 - 89:57
    à quelques kilomètres de la frontière.
  • 89:57 - 90:01
    Des dizaines de caméras sont braquées dans votre direction.
  • 90:01 - 90:05
    On entend des avions nous survoler, mais on ne les voit pas,
  • 90:05 - 90:09
    cela semble être une illusion mentale
  • 90:09 - 90:14
    jusqu’à l’instant où une fumée noire est visible à l’horizon.
  • 90:14 - 90:21
    Le monticule est aussi devenu une sorte d’attraction touristique
    pour les Israéliens des alentours.
  • 90:21 - 90:27
    Ils débarquent, munis de jumelles puissantes et d’appareils photo
  • 90:27 - 90:32
    pour suivre et vivre les bombardements
    comme s’ils assistaient à un show".
  • 90:32 - 90:39
    Tandis que je recopie cette correspondance,
  • 90:39 - 90:44
    une bombe s’abat sur le bâtiment voisin.
  • 90:44 - 90:47
    Les vitres des fenêtres tremblent, les tympans font mal,
  • 90:47 - 90:56
    je me dirige vers la fenêtre et je vois qu’ils ont touché l’immeuble
    où se trouvent concentrés les grands médias du monde arabe.
  • 90:56 - 91:00
    Il s’agit de l’un des immeubles les plus élevés de Gaza-ville,
  • 91:00 - 91:03
    le Al-Jaawhara Building.
  • 91:03 - 91:07
    Sur son toit se trouve en permanence une équipe de cameramen,
  • 91:07 - 91:09
    je les vois se tordre de douleur par terre
  • 91:09 - 91:15
    et demander de l’aide en agitant les bras,
    au milieu d’un nuage de fumée noire.
  • 91:15 - 91:22
    Aide-soignant et journaliste
    sont les métiers les plus héroïques au coeur de ce bout du monde.
  • 91:22 - 91:26
    Hier, à l’hôpital Al-Shifa, j’ai rendu visite à Tamim,
  • 91:26 - 91:31
    un reporter qui a survécu à une attaque aérienne.
  • 91:31 - 91:36
    Il m’explique que selon lui, Israël utilise les mêmes méthodes
  • 91:36 - 91:39
    et techniques terroristes qu’Al-Qaida:
  • 91:39 - 91:42
    d’abord on bombarde un immeuble,
  • 91:42 - 91:45
    puis on attend l’arrivée des ambulances et des journalistes,
  • 91:45 - 91:48
    et puis on envoie encore une bombe
  • 91:48 - 91:51
    qui, à l’instar de la première,
    va provoquer un nouveau massacre.
  • 91:51 - 91:54
    D’après son opinion, c’est la raison pour laquelle
  • 91:54 - 91:59
    il y a de nombreuses victimes
    parmi le personnel soignant et les journalistes;
  • 91:59 - 92:03
    les aides-soignants autour de nous opinent du chef.
  • 92:03 - 92:09
    D’un air rigolard, Tamim me montre ses moignons.
  • 92:09 - 92:15
    Il a perdu ses deux jambes, c’est vrai, mais pas la vie
  • 92:15 - 92:18
    comme son collègue Mohammed,
  • 92:18 - 92:24
    fauché par une seconde bombe alors qu’il prenait des photos.
  • 92:24 - 92:30
    Entre-temps, je suis allé aux nouvelles:
    la bombe qui venait de s’écraser sur l’immeuble voisin
  • 92:30 - 92:35
    a blessé deux journalistes, tous deux Palestiniens,
  • 92:35 - 92:41
    l’un de la Libian TV, l’autre de Dubaï Television.
  • 92:41 - 92:52
    Un autre appel du pied à tous ceux qui prétendent
    qu’il n’y a pas d’information de ce massacre de population civile.
  • 92:52 - 92:55
    Il ne me reste plus qu’à espérer
  • 92:55 - 93:00
    que personne au sein du commandement militaire israélien
  • 93:00 - 93:03
    ne lira Il Manifesto
  • 93:03 - 93:09
    et que personne là-bas ne se rendra sur mon blog.
  • 93:09 - 93:30
    Restons humains.
  • 93:30 - 93:36
    10 Janvier 2009
  • 93:36 - 93:40
    Déstruction totale: attention travaux!
  • 93:40 - 93:49
    Des familles palestiniennes
    nous ont remis des tracts tombés du ciel ces derniers jours,
  • 93:49 - 93:56
    lancés par l'armée de l'air israélienne à la place des bombes.
  • 93:56 - 94:01
    Tract n. 1, traduit de l'arabe:
  • 94:01 - 94:05
    " À toutes les personnes domiciliées dans ce secteur.
  • 94:05 - 94:14
    En raison des actions terroristes dirigées contre Israel
    par des terroristes vivant dans votre secteur,
  • 94:14 - 94:22
    les Forces de Dèfense israéliennes se voient dans l'obligation
    de réagir immédiatement et d'intervenir aussi dans votre secteur.
  • 94:22 - 94:29
    Pour votre sécurité,
    nous vous demandons de quitter le secteur sans délai.
  • 94:29 - 94:32
    Les Forces de Défence israéliennes."
  • 94:32 - 94:37
    Sur le terrain,
    les soldats israèliens se rendent de maison en maison...
  • 94:37 - 94:41
    ...en suspendant des pancartes "attention travaux!"
    sur les portes d'entrée,
  • 94:41 - 94:46
    avant de raser des quartiers entiers,
  • 94:46 - 94:52
    effacant à tout jamais des projets de vie.
  • 94:52 - 95:01
    Ensevelissant également sous des tonnes de gravats
    ceux qui n'avaient aucun endroit où aller.
  • 95:01 - 95:08
    Il y a peu te temps,
    ils nous ont prévenus du largage de nouveaux tracts
  • 95:08 - 95:13
    sur lesquels il était annoncé
    le "Début de la troisième phase de la guerre contre le terrorisme".
  • 95:13 - 95:18
    Ils sont vraiment polis, ces soldats israéliens;
  • 95:18 - 95:24
    ils demandent d'abord à la population de Gaza de collaborer
    avant de les écraser comme des insectes.
  • 95:24 - 95:27
    Au cas où les tracts ne se montreraient pas assez persuasifs,
  • 95:27 - 95:34
    l'armée de l'air prendra le relais
    pour "frapper doucement à la porte"... des toits des maisons de Gaza.
  • 95:34 - 95:43
    Ces derniers jours, une nouvelle facon d'agir se met en place:
    les bombes qui tombent semblent un peu moins destructrices,
  • 95:43 - 95:54
    mais suffisantes pour arracher les toits des maisons
    et inviter la population à l'évacuation.
  • 95:54 - 96:05
    Ils reviennent dans un interval de deux à trois minutes,
    et pui s'il ne reste plus rien d'un bâtiment.
  • 96:05 - 96:09
    Évacuer, mais pour aller où?
  • 96:09 - 96:13
    Il ne reste plus le moindre endroit sur dans toute la bande de Gaza,
  • 96:13 - 96:17
    moi-meme je crains de plus en plus pour ma vie
    lorsque je suis en route à bord de l'ambulance...
  • 96:17 - 96:20
    ...ou quand je passe à pied
    à proximité d'une école ou d'une mosquée,
  • 96:20 - 96:29
    toute comme d'un batiment officiel encore debout.
  • 96:29 - 96:32
    La nuit dernière, à vinght metrès de mon lieu d'habitation,
  • 96:32 - 96:36
    les Israéliens ont détruit la caserme de pompiers.
  • 96:36 - 96:45
    Aujourd'hui j'ai decouvert que la rue parallèle au port
    était couverte de cratères de trois mètres de profondeur,
  • 96:45 - 96:56
    comme s'il était mis à tomber une pluie de météorites
    dans un film de science fiction.
  • 96:56 - 97:03
    La difference, c'est qu'ici les effets spéciaux font vraiment mal.
  • 97:03 - 97:08
    En déambulant dans les couloirs de l'hôpital Al-Shifa,
    surchargé de blessés dans l'attente de soins,
  • 97:08 - 97:12
    on peut croiser un médecin
    qui à l'évidence ne présente aucune apparence arabe:
  • 97:12 - 97:18
    il s'agit de Mads Gilbert, un Norvégien de l'ONG Norwac.
  • 97:18 - 97:23
    Gilbert est anesthésiste et confirme les soupçons
    de l'utilisation par Israel d'armes prohibées...
  • 97:23 - 97:27
    ..contre la population civile de la bande de Gaza:
  • 97:27 - 97:35
    "De nombreux blessées arrivent avec lésions les plus graves,
    les deux jambes complètement broyées;
  • 97:35 - 97:40
    je pense que ce genre de blessures
    ne peuvent être provoqées que par des DIME munitions".
  • 97:40 - 97:44
    Il s'agit s'un nouveau type de munition innovatrice,
  • 97:44 - 97:57
    l'utilisation de cette arme a pour but de provoquer
    le plus de dégats possible en touchant ses cibles).
  • 97:57 - 98:05
    À la suite de cela, Navy Pillay,
    le Haut Commissaire aux Droits humains de l'ONU,
  • 98:05 - 98:14
    dénonce "le plus graves atteintes aux droits humains
    que peuvent continuer des crimes de guerre".
  • 98:14 - 98:21
    Le dernier en date de ces crimes
    fut perpétré il y a quelques heures à l'est de Jabalia.
  • 98:21 - 98:27
    La famille d'Abed Rabbo était sortie
  • 98:27 - 98:30
    faire ses courses dans l'un des derniers
    petits magasins d'alimentation encore ouverts...
  • 98:30 - 98:39
    lorsque ce dernier fut bombardé: huit morts, dix blessés graves.
  • 98:39 - 98:46
    L'impression générale est qu'Israel semble prendre son temps;
  • 98:46 - 98:52
    les bombes tombent à un rythme régulier
    et les troupes terrestres avancent plutôt lentement.
  • 98:52 - 99:01
    Les soldats n'ont aucun problèmes à se procurer leurs rations "K",
    les rations alimentaires militaires,
  • 99:01 - 99:07
    à l'inverse des gens de Gaza qui ne trouvent meme plus de pain.
  • 99:07 - 99:11
    Après s'etre retrouvés en pénurie de matières premières,
  • 99:11 - 99:20
    es boulangers se sont mis à mélanger des céréales fourragéres
    à la farine pour faconner leurs miches de pain.
  • 99:20 - 99:26
    le pain rassis des semaines écoulées,
    recouvert de moisissures vertes.
  • 99:26 - 99:30
    à déguster réchauffé sur un petit feu de déchets de bois;
  • 99:30 - 99:38
    sans pour autant représenter, c'est clair, un plat vraiment exquis.
  • 99:38 - 99:50
    Israel continue à diffuser des photos aériennes,
    notamment par le biais d'Internet,
  • 99:50 - 99:55
    prétendant prouver
    combien précises et ciblées sont les attaques contre
  • 99:55 - 100:02
    le "terroristes" ou d'Hypothetiques dépots d'armes e d'explosifs.
  • 100:02 - 100:07
    Le nombre très élevé de victimes civiles suffit,
    à lui seul, pour réfuter ces images vidéos.
  • 100:07 - 100:17
    Je me demande comment Israel
    peut se définir en tant que société "civilisée" et démocratique,
  • 100:17 - 100:20
    si, pour débusquer et tuer un ennemi
    qui s'est caché dans une maison habitée,
  • 100:20 - 100:30
    l'armée israélienne n'hésite pas un instant à abattre l'immeuble entier
    et ainsi enterrer vivants des dizaines d'innocents.
  • 100:30 - 100:37
    Supposons un court instant que l'armée italienne
  • 100:37 - 100:43
    se mette à bombarder lourdement le centre de Palerme
    pour y neutraliser un dangereux parrain de la mafia...
  • 100:43 - 100:54
    Actuellement on dénombre 821 Palestiniens tués
  • 100:54 - 101:03
    dont 93 femmes, 235 enfants,
  • 101:03 - 101:22
    12 secouristes dans l'exercice de leur fonction,
    3 journalistes. En y ajoutant 3 350 blessées
  • 101:22 - 101:25
    dont plus de la moitié sont des mineurs.
  • 101:25 - 101:32
    Suivant les données du Centre Al-Mezan pour les Droits humains,
    connu pour le serieux de son travail,
  • 101:32 - 101:41
    le taux des victimes civiles palestiniennes
    tuées sur le nombre total de morts est de 85%.
  • 101:41 - 101:48
    Quant au nombre de victimes civiles israéliennes,
    il est heureusement resté stabilisé comme précédemment à quatre.
  • 101:48 - 101:53
    Si les Nations Unies n'arrivent pas à protéger la population civile
  • 101:53 - 101:58
    contre les nombreux et graves manquement
    aux engagements humanitaires internationaux d'Israel,
  • 101:58 - 102:04
    ce seront mes amis du mouvement Free Gaza,
  • 102:04 - 102:10
    s'apprêtant à embarquer pour la bande de Gaza
    d'ici quelques jours, qui tenteront de le faire.
  • 102:10 - 102:15
    Il s'agit de médecins,
    aides-soignants et militants des droits humains
  • 102:15 - 102:25
    dont le devoir moral affiché consiste à mettre humainement
    tout en oeuvre pour assurer le respect de mesures de protection.
  • 102:25 - 102:33
    Le 31 Décembre,
    ils avaient déjà essayé de débarquer ici d'à bord du "Dignity",
  • 102:33 - 102:38
    mais la marine israélienne avait volontairement heurté notre bateau
    dans les eaux maritimes internationales
  • 102:38 - 102:47
    et tenté de le couler,
    ce qui fut aussitôt après annoncé comme "accident".
  • 102:47 - 102:54
    Je vais aller attendre mes amis et leur cargaison d'aide humanitaire
    dans les décombres de ce qu'il reste encore du port
  • 102:54 - 103:02
    en espérant fortement qu'il ne va pas à nouveau
    se produire quelque "accident" dans les eaux internationales.
  • 103:02 - 103:12
    Le second tract tombé du ciel,
    que nous avons traduit est une véritable perle:
  • 103:12 - 103:18
    "Aux habitants de Gaza.
    Prenez la mesure de votre responsabilité dans ce qui vous arrive!
  • 103:18 - 103:24
    Les terroristes de Gaza et ceux qui tirent des roquettes sur Israel
    représentent une menace pour vous
  • 103:24 - 103:27
    et votre famille.
  • 103:27 - 103:32
    Tout ce que vous devez faire,
    si vous voulez aider votre famille et vos frères de Gaza,
  • 103:32 - 103:39
    est d'appeler le numéro de téléphone ci-dessus et de nous indiquer
  • 103:39 - 103:43
    les endroits où se trouvent les responsables des tirs de roquettes
  • 103:43 - 103:48
    et les responsables des milices terroristes
    qui font de vous les premières victimes de leurs actions.
  • 103:48 - 103:55
    à présent, votre responsabilité consiste
    à prévenir la mise en oeuvre de ces atrocités. N'hésitez pas!
  • 103:55 - 104:00
    Une discrétion absolue est garantie.
  • 104:00 - 104:03
    Vous pouvez nous contacter au numéro suivant: 02-5829749.
  • 104:03 - 104:07
    Ou bien vous pouvez nous écrire à cette adresse électronique...
  • 104:07 - 104:15
    où vous pouvez nous donner toute information
    dont vous disposez sur toute activité terroriste".
  • 104:15 - 104:27
    De mon coté, j'invite toutes les personnesqui m'écrivent sur mon blog
    à exprimer leur solidarité, leur indignation
  • 104:27 - 104:34
    face à la tragédie que nous subissons, d'aller aussi manifester
    et de montrer au créneau pour défendre les droits humains.
  • 104:34 - 104:39
    Et s'il leur reste en outre cinq minutes de temps supplémentaire
    et un jeton de téléphone,
  • 104:39 - 104:48
    alors les instructions données sur le dernier tract
    pourraient s'avérer utiles pour faire part de leur opinion
  • 104:48 - 104:59
    à ceux qui, à partir des airs, de la mer et de la terre
    décident cyniquement du destin d'un million et demi de personnes.
  • 104:59 - 105:05
    Jamais un jeton de téléphone
    ne saurait trouver meilleure utilisation!
  • 105:05 - 105:15
    Ceux 235 enfants vous demandent ca.
  • 105:15 - 105:47
    Restons humains
  • 105:47 - 105:51
    13 janvier 2009
  • 105:51 - 105:54
    Des vautours et des chasseurs de primes
  • 105:54 - 105:59
    À partir de la mer, encore et encore,
    nous cherchons à mettre en place un corridor de secours,
  • 105:59 - 106:06
    d’ouvrir une brêche vers cette terre martyrisée prise
    dans un carcan et séquestrée, dont chaque parcelle est violentée,
  • 106:06 - 106:14
    réduite à un cimetière où les dépouilles ne trouvent pas le repos.
  • 106:14 - 106:16
    Car en effet, depuis quelques jours
  • 106:16 - 106:20
    les enterrements sont devenus à leur tour les cibles
    des attaques aériennes israéliennes,
  • 106:20 - 106:27
    comme si les Palestiniens méritaient d’être punis
    même après leur mort.
  • 106:27 - 106:32
    Du reste, s’il subsiste encore l’espoir d’un couloir humanitaire
  • 106:32 - 106:36
    pour porter secours à cette population
    dans un état d’extrême faiblesse,
  • 106:36 - 106:38
    ce sera par le biais du Spirit of Humanity
  • 106:38 - 106:44
    un de nos bateaux placé sous les couleurs de Free Gaza Movement.
  • 106:44 - 106:47
    Après son départ aujourd’hui de Larnaca à Chypre,
  • 106:47 - 106:51
    il va essayer d’atteindre le port de Gaza pour débarquer,
    non seulement des tonnes de médicaments,
  • 106:51 - 106:57
    mais également 40 médecins, des aides-soignants, des journalistes,
  • 106:57 - 107:01
    des députés du Parlament européen
    et des militants des droits humains,
  • 107:01 - 107:05
    soit au total
    des représentants de quelque dix-sept pays.
  • 107:05 - 107:08
    Des personnes qui sont de véritables humanistes,
  • 107:08 - 107:10
    à l’image de celles, très nombreuses en Italie,
    me faisant part de leur indignation:
  • 107:10 - 107:13
    préférant se montrer prêtes à risquer leur vie
  • 107:13 - 107:16
    plutôt que de rester dans leur coin
  • 107:16 - 107:18
    à recevoir sans arrêt des bribes d’information
  • 107:18 - 107:27
    ne rendant compte que pour une infime part du carnage
    dont nous sommes les victimes ici.
  • 107:27 - 107:30
    En date du 29 décembre,
  • 107:30 - 107:35
    mes amis avaient déjà fait une tentative à bord du “Dignity”;
  • 107:35 - 107:39
    ils furent pris d’assaut par la marine israélienne
    et faillirent couler.
  • 107:39 - 107:44
    Après avoir envoyé un S.O.S.,
    ils réussirent à accoster sains et saufs au Liban
  • 107:44 - 107:48
    avec une avarie de moteur et une voie d’eau dans la coque du bateau.
  • 107:48 - 107:53
    Par pure coïncidence,
    personne ne fut gravement atteint dans cette tourmente:
  • 107:53 - 107:54
    nous souhaitons et espérons
  • 107:54 - 108:01
    que demain leurs vies ainsi que les droits humains soient respectés.
  • 108:01 - 108:06
    Il se produit sur cette planète d’horribles
    et inéluctables catastrophes naturelles
  • 108:06 - 108:09
    — tels que séismes et cyclones.
  • 108:09 - 108:15
    Actuellement se déroule à Gaza
    une catastrophe humaine "non naturelle",
  • 108:15 - 108:18
    perpétrée à l’encontre d’un peuple qu’Israël aimerait
  • 108:18 - 108:23
    réduire à la misère la plus noire
    et contraindre à une soumission totale.
  • 108:23 - 108:29
    Une population désespérée
    qui ne trouve plus ni lait ni pain pour nourrir ses enfants.
  • 108:29 - 108:33
    Qui n’a plus de larmes à verser sur son deuil
  • 108:33 - 108:37
    car même les yeux doivent observer le régime le plus sec.
  • 108:37 - 108:40
    La terre tout entière ne peut détourner les yeux de cette tragédie,
  • 108:40 - 108:45
    et même si elle le fait, nous décidons de ne plus en faire partie.
  • 108:45 - 108:50
    Chaque jour, nous implorons nos gouvernements
    de mettre un terme à ce génocide en cours.
  • 108:50 - 108:52
    Pour demain matin,
  • 108:52 - 108:56
    notre seule demande sera que notre petit navire puisse débarquer
  • 108:56 - 109:00
    son chargement apportant compréhension, paix, amour et compassion.
  • 109:00 - 109:05
    Toutes ces choses à propos desquelles l’ensemble des Palestiniens
    dispose des mêmes droits dont profitent les Israéliens
  • 109:05 - 109:10
    et tous les autres peuples de cette planète.
  • 109:10 - 109:13
    La mer comme symbole d’espoir,
  • 109:13 - 109:19
    la mer comme instrument de destruction.
  • 109:19 - 109:22
    Après la dépêche de l’agence de presse palestinienne Ma’an,
    confirmée par Reuters,
  • 109:22 - 109:28
    les États-Unis s’apprêtent à livrer 300 tonnes d’armes,
  • 109:28 - 109:31
    chargées sur deux navires porte-conteneurs en provenance de Grèce.
  • 109:31 - 109:36
    Des armes et un sacré paquet d’explosifs et de détonateurs,
  • 109:36 - 109:38
    tout ce qu’il faut
  • 109:38 - 109:43
    pour l’aplanissement de la bande de Gaza
    et de ses milliers d’habitations.
  • 109:43 - 109:50
    Entre-temps, 120 000 personnes ont évacué Gaza vers Jabalia,
  • 109:50 - 109:53
    mais la grande majorité des gens,
    y compris un grand nombre de mes amis,
  • 109:53 - 109:56
    n’ont pas bougé de leurs habitations
    parce qu’ils ne savent pas où aller.
  • 109:56 - 110:00
    Journalistes, médecins et croquemorts:
  • 110:00 - 110:08
    voici les métiers les plus sollicités,
    sans la moindre interruption depuis les seize derniers jours.
  • 110:08 - 110:17
    En plus des chasseurs bombardiers, des vautours nous procurent
    les plus grandes inquiétudes tout en provoquant notre écoeurement,
  • 110:17 - 110:24
    en particulier ceux qui, hier encore, étaient considérés
    comme les successeurs du très regretté Arafat
  • 110:24 - 110:33
    (1929-2004),
    ancien président de l'Organisation de Libération de la Palestine,
  • 110:33 - 110:41
    et qui attendent de reprendre un pouvoir exclusif
    pour disposer de l’avenir de Gaza.
  • 110:41 - 110:45
    On en est à présent à 923 tués,
  • 110:45 - 110:48
    4 150 blessés,
  • 110:48 - 110:55
    255 enfants palestiniens atrocement massacrés.
  • 110:55 - 111:01
    Le décompte des tués civils israéliens est,
    comme auparavant, stabilisé à quatre.
  • 111:01 - 111:10
    La rumeur court qu’Olmert aurait déclaré à son proche entourage
  • 111:10 - 111:21
    que le chiffre de 1 000 victimes civiles était la limite du supportable
    atteinte par cette offensive criminelle.
  • 111:21 - 111:27
    Cela me rappelle le spectacle dans les abattoirs de Palerme
  • 111:27 - 111:32
    où les quartiers de boeuf se vident de leur sang à l’air libre
  • 111:32 - 111:37
    et l’on négocie le prix de la viande au kilo.
  • 111:37 - 111:49
    Toute la bande de Gaza suit avec impatience
    les interventions télévisées d’Ismaïl Haniyeh
  • 111:49 - 111:56
    On ne peut parler de trêve
    sans décider préalablement de la fin du siège.
  • 111:56 - 112:03
    La poursuite du siège de Gaza,
    à présent transformée en véritable champ de ruines,
  • 112:03 - 112:06
    la prohibition sur l’importation d’aliments et de médicaments,
  • 112:06 - 112:09
    l’interdiction faite aux malades et blessés
    de se rendre à l’étranger,
  • 112:09 - 112:14
    tout cela est synonyme de condamnation à une agonie prolongée.
  • 112:14 - 112:20
    Voilà en résumé les paroles des chefs de file politiques du Hamas,
  • 112:20 - 112:30
    bien accueillies à Gaza.
  • 112:30 - 112:36
    Le discours d’un responsable qui aurait aussi bien
    pu fuir vers un autre pays
  • 112:36 - 112:44
    plutôt que rester et s’exposer aux bombes comme tout un chacun.
  • 112:44 - 112:48
    Pendant que je suis au téléphone,
  • 112:48 - 112:52
    arrive l’habituel message de menace
  • 112:52 - 112:56
    appelant à l’évacuation du bâtiment avant son bombardement.
  • 112:56 - 113:03
    Je me trouve dans l’immeuble abritant les sièges des grands médias,
  • 113:03 - 113:10
    parmi eux Al-Jazira, Ramattan et Reuters.
  • 113:10 - 113:17
    Nous nous précipitons dans les escaliers pour atterrir en pleine rue,
  • 113:17 - 113:21
    scrutant intensément le ciel
  • 113:21 - 113:26
    d’où la frappe destructrice va tomber.
  • 113:26 - 113:33
    Cette nuit, aucune caméra de télévision ni aucun reporter
    ne pourront faire état du massacre à l’encontre de la population civile
  • 113:33 - 113:40
    et la crainte justifiée d’un bilan encore plus lourd
    de victimes innocentes apparaît clairement.
  • 113:40 - 113:46
    Dans la rue, je dévisage mon camarade Alberto
    et lui adresse un clin d’oeil;
  • 113:46 - 113:50
    il s’approche et je lui chuchote à l’oreille
  • 113:50 - 113:58
    s’il tient pour plausible que cet appel d’alerte
    puisse être exclusivement réservé à nous,
  • 113:58 - 114:01
    après notre découverte concernant une page internet
    sur un site d’extrême-droite aux États-Unis
  • 114:01 - 114:05
    mettant nos têtes à prix:
  • 114:05 - 114:10
    “Il faut allerter les forces de défense israéliennes
    pour combattre le mouvement ISM
  • 114:10 - 114:17
    Lorsque les caches du Hamas et d’ISM sont repérées,
    voici les numéros à appeler.
  • 114:17 - 114:20
    À partir de l’Amérique,
  • 114:20 - 114:28
    composez le 011-972-2-5839749.
  • 114:28 - 114:31
    À partir des autres pays, le préfixe 011 n’est pas nécessaire.
  • 114:31 - 114:35
    Aidez-nous à neutraliser l’ISM
  • 114:35 - 114:40
    qui est devenu un élément fort du Hamas depuis le début de la guerre.
  • 114:40 - 114:46
    Cible n° 1 d'ISM
    pour les forces armées aériennes israéliennes et terrestres d'IDF
  • 114:46 - 114:54
    APPEL À L’ASSASSINAT DE VITTORIO ARRIGONI
    QUI SOUTIENT ACTUELLEMENT LE HAMAS À GAZA.”
  • 114:54 - 114:59
    (Source: www.stoptheism.com)”
  • 114:59 - 115:02
    Ne vous hâtez pas pour vous rendre sur ce site internet
  • 115:02 - 115:06
    ou pour créer un lien à partir de vos blogs.
  • 115:06 - 115:13
    Cela ne représente
    qu’un sujet d’études pour les sociologues du futur.
  • 115:13 - 115:16
    L’avenir arrivera à la conclusion définitive
  • 115:16 - 115:21
    — après analyse de cette époque,
  • 115:21 - 115:26
    que la haine était devenue le plus fort de tous les sentiments
  • 115:26 - 115:32
    et la rancoeur envers l’AUTRE avait mobilisé des peuples entiers
  • 115:32 - 115:37
    et soudé ensemble une grande masse de personnes.
  • 115:37 - 115:41
    Inutile que mes tortionnaires
  • 115:41 - 115:46
    et ceux qui veulent me voir mort appellent ce numéro,
  • 115:46 - 115:50
    car l’armée israélienne sait parfaitement où me trouver cette nuit,
  • 115:50 - 115:55
    à savoir dans l’ambulance de l’hôpital Al-Qouds de Gaza-ville.
  • 115:55 - 115:57
    Restons humains
  • 115:57 - 116:39
    Restons humains
  • 116:39 - 116:42
    14 janvier 2009
  • 116:42 - 116:46
    Les "enfants d’Allah laissés à l’abandon"
    continuent de subir l’héritage d’une haine...
  • 116:46 - 116:51
    ...transmise depuis des générations
    à cause d’une faute dont ils n’ont pas à répondre.
  • 116:51 - 116:57
    Les soldats israéliens
    s’avèrent parfaits dans leur rôle d’Hérode des temps modernes:
  • 116:57 - 117:02
    déjà 253 enfants massacrés grâce à cette offensive.
  • 117:02 - 117:04
    Une horreur sans fin,
  • 117:04 - 117:07
    pour laquelle aucun soldat, aucun officier de l’armée
  • 117:07 - 117:15
    et aucun gouvernement israélien
    ne sera jamais rendu responsable et inculpé pour crimes de guerre.
  • 117:15 - 117:18
    Même si, durant quelques heures ces victimes innocentes
    vont connaître une accalmie,
  • 117:18 - 117:21
    la même chose ne s’appliquera pas aux lieux
    où leurs jouets sont restés,
  • 117:21 - 117:24
    ni à leurs rêves et espérances de futurs adultes,
  • 117:24 - 117:29
    ni aux parents qui leur ont été arrachés.
  • 117:29 - 117:33
    Les orphelinats sont devenus le havre privilégié
    des "oiseaux de malheur mécaniques" israéliens:
  • 117:33 - 117:37
    les chasseurs larguent leurs bombes sur les orphelinats.
  • 117:37 - 117:41
    Les camarades de Rafah m’écrivent:
  • 117:41 - 117:45
    "Dimanche, vers trois heures,
  • 117:45 - 117:51
    les chasseurs F-16 ont bombardé le Centre d’accueil pour orphelins
    de l’organisation Dar al-Fadila
  • 117:51 - 117:55
    qui jouxte également une école, un collège, un centre d’information
  • 117:55 - 118:02
    ainsi qu’une mosquée de la rue Taha Hussein,
    dans le quartier Kherbat al-’Adas au nord-est de Rafah.
  • 118:02 - 118:08
    Une partie des bâtiments a été entièrement détruite
    et les autres gravement endommagées.
  • 118:08 - 118:13
    L’école dispensait son enseignement à environ 500 enfants
    restés sans parents".
  • 118:13 - 118:19
    Le très personnalisé "djihad israélien"
    contre les lieux saints de l’islam le long de la bande de Gaza
  • 118:19 - 118:23
    se poursuit avec l’approbation silencieuse
    de la communauté internationale:
  • 118:23 - 118:25
    avec la mosquée de Kherbat al-’Adas,
  • 118:25 - 118:29
    cela fait maintenant vingt mosquées qui ont été rasées.
  • 118:29 - 118:34
    Par bonheur, aucune roquette Qassam
    n’a encore "effleuré" les murs de la moindre synagogue,
  • 118:34 - 118:41
    sinon des cris d’orfraie poussés jusqu’au ciel
    auraient fait le tour du monde.
  • 118:41 - 118:46
    Dieu devrait faire preuve de gratitude
    envers les prières palestiniennes.
  • 118:46 - 118:51
    Sur un total de 950 tués il y a 85 % de civils.
  • 118:51 - 118:58
    La machine infernale de destruction israélienne
    continue sa lente progression dans tout Gaza,
  • 118:58 - 119:02
    détruisant maisons, écoles, université, hôpitaux,
  • 119:02 - 119:08
    sans le moindre signe tangible ou volonté de sanctions
    de la part des gouvernements occidentaux.
  • 119:08 - 119:11
    À présent, c’est nous qui sommes sollicités,
  • 119:11 - 119:13
    nous simples citoyens de tous les pays.
  • 119:13 - 119:18
    Une seule et unique appartenance nous lie:
  • 119:18 - 119:19
    la grande famille humaine.
  • 119:19 - 119:25
    Il devient urgent de mettre des bâtons dans les rouages
    de ce foutu engrenage infernal.
  • 119:25 - 119:30
    J’ai rencontré le Dr. Haidar Eid,
    professeur à l’université Al-Qouds de Gaza-ville.
  • 119:30 - 119:36
    Il s’agit d’un de ces intellectuels de gauche,
    aussi coriace qu’enjoué, passionné et généreux,
  • 119:36 - 119:38
    comme on n’en trouve plus aujourd’hui en Italie,
  • 119:38 - 119:41
    tout effacés qu’ils sont ou enterrés dans le tombeau de leur mémoire
  • 119:41 - 119:44
    parce qu’ils ne sont plus capables
    d’endosser l’uniforme au-dessus des partis,
  • 119:44 - 119:48
    postfascistes et postcommunistes marchant main dans la main,
  • 119:48 - 119:54
    unis dans une même litanie contre l’autojustification
    déclarée d’Israël après chacun de ses massacres.
  • 119:54 - 119:57
    Haidar se présente à moi comme porte-parole de PACBI
  • 119:57 - 120:01
    (Palestinian Campaign
    for the Academic and Cultural Boycott of Israel)
  • 120:01 - 120:06
    et de BDS (Boycott,
    Divestment & Sanctions Campaign National Commitee)
  • 120:06 - 120:10
    et je discute avec lui au sujet du boycott.
  • 120:10 - 120:13
    L’Histoire nous enseigne, mais elle n’a pas d’élèves...
  • 120:13 - 120:17
    et Mandela ainsi que le Mahatma Gandhi
    ne sont actuellement plus en mesure de refaire l’Histoire.
  • 120:17 - 120:24
    Pourtant, l’histoire si particulière de l’Afrique du Sud
    nous trace un chemin pour contraindre au compromis
  • 120:24 - 120:26
    un Israël raciste et colonialiste.
  • 120:26 - 120:31
    À l’époque, celui qui ne boycottait
    pas le régime de l’apartheid était déclaré complice,
  • 120:31 - 120:33
    où est la différence par rapport à aujourd’hui?
  • 120:33 - 120:36
    Tout comme moi, une majorité de Palestiniens...
  • 120:36 - 120:40
    ...pense que la meilleure réponse à l’occupation israélienne
    et au massacre actuel
  • 120:40 - 120:44
    ne se trouve pas dans les attentats,
    les kamikazes ou les roquettes sur Sdérot.
  • 120:44 - 120:47
    Le boycott est une réponse pacifique et non-violente,
  • 120:47 - 120:51
    et par conséquent humainement la meilleure
    et la plus consensuelle face à la "barbarisation" d’un conflit...
  • 120:51 - 120:54
    ...qui, d’emblée,
    donne à la moindre action une signification inhumaine.
  • 120:54 - 120:57
    Et la meilleure arme au sein de l’arsenal de l’attitude non-violente,
  • 120:57 - 121:01
    ainsi que Naomi Klein nous le mit une fois encore sous les yeux
    à travers un éditorial du Guardian.
  • 121:01 - 121:06
    Haidar peut même trouver quelque chose de positif
    au bain de sang dans lequel nous sombrons actuellement.
  • 121:06 - 121:12
    Tout comme autrefois à Sharpeville,
    en Afrique du Sud, lorsque le 21 mars 1960,
  • 121:12 - 121:21
    78 noirs furent découpés en morceaux par un régime barbare
    et que le monde entier se mobilisa pour crier STOP!
  • 121:21 - 121:24
    de la même façon le carnage sans précédent
    de mille Palestiniens...
  • 121:24 - 121:28
    ...pourrait s’avérer comme le départ
    d’une vaste campagne de mobilisation
  • 121:28 - 121:30
    pour le châtiment des crimes israéliens.
  • 121:30 - 121:35
    Haidar milite aussi
    pour la réunion d’Israël et de la Palestine en un seul
  • 121:35 - 121:38
    et unique État qui devra être universel,
    démocratique et interreligieux;
  • 121:38 - 121:44
    selon lui, la seule issue pragmatique pour sortir d’un conflit
    qui ne présente aucune autre solution viable.
  • 121:44 - 121:48
    Il me parle de manière très personnelle de la Nakbah,
    qui lui fut épargnée à quelques années près,
  • 121:48 - 121:52
    même si plus tard il la vécut intensément
    à travers les récits de sa famille.
  • 121:52 - 121:56
    En tant qu’enfant de l’après-catastrophe,
    il trouve les mots justes pour décrire
  • 121:56 - 121:59
    comment al-Nakbah fut transmise et comment elle s’est installée
  • 121:59 - 122:03
    dans l’inconscient collectif de milliers de Palestiniens.
  • 122:03 - 122:08
    Le cauchemar a repris de plus belle le 27 décembre 2008,
    le voilà qui cogne les toits
  • 122:08 - 122:12
    et ne s’arrête plus depuis, procurant des nuits sans sommeil.
  • 122:12 - 122:16
    Haidar m’invite à transmettre son appel à tous les Italiens
  • 122:16 - 122:22
    de ne plus acheter de produits "Made in Israël"
    et je m’empresse de le noter dans mon calepin en loques.
  • 122:22 - 122:28
    Les produits israéliens sont facilement repérables
    dans les rayonnages grâce aux codes barres qu’ils portent:
  • 122:28 - 122:32
    729 sont les premiers chiffres.
  • 122:32 - 122:38
    La liste complète des produits peut être téléchargée sur Internet
    à l’adresse: boycottisraeligoods.org.
  • 122:38 - 122:41
    Imprimez cette liste et collez-la sur la porte de votre frigo...
  • 122:41 - 122:46
    ...ou glissez-la dans le cabas de votre mère ou femme
    lorsqu’elles partent faire les courses.
  • 122:46 - 122:50
    "Si tu achètes,
    ne serait-ce qu’un verre d’eau en provenance d’Israël,
  • 122:50 - 122:57
    tu achètes aussi dans le même temps une balle qui,
    tôt ou tard, s’enfoncera dans le coeur de nos enfants".
  • 122:57 - 123:02
    Le mouvement de boycott, né en 2005,
  • 123:02 - 123:07
    progresse à grands pas et s’élargit à des millions de consommateurs.
  • 123:07 - 123:11
    Le président vénézuélien Chavez
    a expulsé le consul israélien de son pays
  • 123:11 - 123:15
    et rompu toute relation avec l’état qui étrangle la Palestine,
  • 123:15 - 123:18
    ce qui devrait en faire un modèle pour tous nos hommes politiques.
  • 123:18 - 123:25
    Les leaders sud-africains du combat contre le régime de l’apartheid,
    Mandela, Ronnie Kasrils et Desmond Tutu,
  • 123:25 - 123:31
    confirment que la répression israélienne envers les Palestiniens
    est de loin pire que celle que connut l’Afrique du Sud.
  • 123:31 - 123:35
    Un avis certainement plus crédible que celui de Frattini et Fassino.
  • 123:35 - 123:39
    Un certain nombre de juifs en Israël se sont joints au boycottage,
  • 123:39 - 123:43
    environ 500 jusqu’ici. Parmi eux Ilan Pappé et Neta Golan,
  • 123:43 - 123:48
    ainsi que des survivants de la Shoah, au cri de "Plus jamais!".
  • 123:48 - 123:51
    Le poète israélien Aharon Shabtaï lance un appel à l’action:
  • 123:51 - 123:54
    "Je compte sur l’appui des Européens,
  • 123:54 - 123:57
    les descendants de Voltaire et de Rousseau vont aider Israël,
  • 123:57 - 124:03
    car ce dernier ne mettra pas fin à l’occupation
    tant que l’Europe ne dira pas “Basta! Ça suffit!”
  • 124:03 - 124:10
    Seule la pression des états évolués et démocratiques
    peut provoquer un changement de situation pour ramener la sérénité.
  • 124:10 - 124:14
    Le contexte actuel, dans lequel l’armée dicte sa loi,
  • 124:14 - 124:17
    ne pourra pas être modifié de l’intérieur.
  • 124:17 - 124:23
    Par les valeurs qu’elle représente,
    l’Europe ne pourra pas continuer à collaborer avec Israël.
  • 124:23 - 124:28
    Les chiffres 729 des codes barres
    doivent devenir notre Shoah à nous:
  • 124:28 - 124:31
    plus jamais!"
  • 124:31 - 125:06
    Restons Humains
  • 125:06 - 125:09
    15 janvier 2009
  • 125:09 - 125:13
    Journéès d’enfer à Jabalia
  • 125:13 - 125:17
    Dante lui-même n’aurait jamais pu imaginer
    une descente aux enfers...
  • 125:17 - 125:23
    ...comme celle vécue
    dans les couloirs de l’hôpital de Jabalia.
  • 125:23 - 125:26
    La loi du talion se trouve ici cul par-dessus tête.
  • 125:26 - 125:33
    Plus une victime est innocente au départ
    et moins le martyre des bombes lui sera épargné.
  • 125:33 - 125:40
    À Kamal Odwan tout comme à l’hôpital Al-Awda, le carrelage
    du service d’admission en urgence est toujours bien astiqué,
  • 125:40 - 125:46
    les agents de nettoyage sont occupés à plein temps
    à éponger le sang qui pisse des corps...
  • 125:46 - 125:52
    ...littéralement massacrés et arrivant sans cesse.
  • 125:52 - 126:01
    Iyad Moutawaq marchait dans la rue
    lorsqu’une bombe tomba sur un bâtiment des environs.
  • 126:01 - 126:05
    Avec d’autres passants,
    il se précipita pour porter secours,
  • 126:05 - 126:09
    lorsqu’un second tir toucha le bâtiment,
  • 126:09 - 126:13
    tuant un père de neuf enfants, deux frères...
  • 126:13 - 126:20
    ...et l’un des passants qui était venu sur place
    apporter son aide en compagnie d’Iyad.
  • 126:20 - 126:25
    Le scénario habituel qui se répète, pour la énième fois.
  • 126:25 - 126:33
    La technique préconisée par les terroristes
    est copiée à la perfection par Tsahal, les forces armées israéliennes.
  • 126:33 - 126:37
    On lance une bombe, on attend
    que les secours arrivent sur place,
  • 126:37 - 126:40
    puis on balance encore une bombe
    sur les personnes présentes.
  • 126:40 - 126:48
    Selon Iyad, il s’agit de bombes américaines, mais elles
    portent la signature de Moubarak le président-dictateur d’Égypte,
  • 126:48 - 126:55
    en concurrence ici à Gaza avec Olmert dans le concours
    d’attribution de la plus forte dose de haine exprimée.
  • 126:55 - 127:03
    Derrière le lit d’Iyad se trouve un vieil homme
    avec les deux bras dans le plâtre, le regard vissé au plafond,
  • 127:03 - 127:09
    n’émettant pas le moindre son;
    on me raconta qu’il avait tout perdu, famille et maison.
  • 127:09 - 127:11
    Khaled fixe les fissures dans les murs
    dont l’enduit se détache par morceaux,
  • 127:11 - 127:18
    comme s’il cherchait une réponse
    à la destruction de son existence.
  • 127:18 - 127:24
    Il a travaillé pendant 25 années en Israël,
    jusqu’à la dernière Intifada.
  • 127:24 - 127:28
    En guise de remerciements, non seulement
    Tel-Aviv ne lui a pas attribué de retraite,
  • 127:28 - 127:32
    mais à la place a balancé une série
    de missiles sol-air sur sa maison;
  • 127:32 - 127:36
    son corps entier porte les blessures des éclats d’obus.
  • 127:36 - 127:41
    Je lui demande oů il compte aller à sa sortie de l’hôpital.
  • 127:41 - 127:46
    Il me répond: là oů vivent désormais
    toutes les personnes de sa famille, dans la rue...
  • 127:46 - 127:50
    Le sort de sa famille est partagé par de
    nombreuses autres qui ne savent plus oů trouver un abri.
  • 127:50 - 127:56
    Les plus chanceux trouvent refuge chez des parents
    ou connaissances, ainsi que nous avons pu le constater,
  • 127:56 - 127:59
    mais peut-on appeler cela vivre
    lorsqu’une centaine de personnes...
  • 127:59 - 128:04
    ...est obligée de se partager
    deux appartements comportant chacun trois pièces?
  • 128:04 - 128:08
    Deux obus sur la maison d’Ahmed Jaber
    ont provoqué la fuite de sa famille,
  • 128:08 - 128:12
    mais trop tard: une troisième explosion...
  • 128:12 - 128:16
    ...a enseveli sous les décombres
    sept membres de la famille
  • 128:16 - 128:21
    ainsi que deux enfants du voisinage
    âgés de huit et neuf ans.
  • 128:21 - 128:28
    Il déclare: "Ils nous ont renvoyés à notre
    situation d’expulsés de 1948.
  • 128:28 - 128:32
    C’est notre punition, parce que nous
    sommes restés fidèles à notre terre.
  • 128:32 - 128:40
    Ils peuvent bien m’arracher bras et jambes du corps,
    ils ne réussiront pas à me faire déguerpir de ma terre".
  • 128:40 - 128:47
    Un médecin me prend à part pour me confier que la
    fillette de 7 ans d’Ahmed a été déposée en menus morceaux
  • 128:47 - 128:52
    rassemblés dans un petit carton.
  • 128:52 - 128:59
    On n’avait pas eu le courage de le lui
    annoncer afin de ne pas aggraver son état de santé précaire.
  • 128:59 - 129:06
    Le soir, on enleva également le téléphone près du lit
    d’Iyad pour lui éviter l’annonce de mauvaises nouvelles.
  • 129:06 - 129:12
    Un obus tiré par un char avait atteint la maison
    de sa soeur qui fut décapitée.
  • 129:12 - 129:17
    En fin de compte, notre bateau du mouvement
    Free Gaza n’a pas réussi à atteindre le port de Gaza.
  • 129:17 - 129:21
    À une centaine de milles marins du but,
    il fut intercepté dans les eaux internationales
  • 129:21 - 129:25
    par quatre bâtiments de guerre israéliens...
  • 129:25 - 129:33
    ...prêts à ouvrir le feu et à assassiner notre équipage composé
    de médecins, aides-soignants et militants des droits humains.
  • 129:33 - 129:40
    Personne ne peut se hasarder à déranger la traque des civils
    qui se prolonge sans interruption depuis trois semaines.
  • 129:40 - 129:44
    À l’est de Jabalia, à proximité de la frontière,
  • 129:44 - 129:50
    des témoins racontent avoir vu des dizaines de cadavres
    en décomposition dans les rues
  • 129:50 - 129:53
    dont la chair putréfiée était dévorée
    par les chiens errants.
  • 129:53 - 129:59
    On parle aussi de centaines d’ "encerclés"
    avec des blessés parmi eux:
  • 129:59 - 130:06
    les ambulances ne peuvent pas aller jusqu’à eux
    car partout des tireurs d’élite sont embusqués.
  • 130:06 - 130:13
    Les Palestiniens en ont marre d’être ainsi massacrés
    dans l’indifférence générale
  • 130:13 - 130:17
    et nombreux sont ceux qui accusent également
    la Croix-Rouge et l’Onu de ne pas se montrer assez réactifs,
  • 130:17 - 130:25
    de ne pas remplir totalement leurs obligations, de ne pas
    risquer leurs vies pour sauver des centaines d’autres vies.
  • 130:25 - 130:32
    À pied et armés de brancards, nous,
    les membres d’ISM partons là oů
  • 130:32 - 130:40
    l’humanité a transgressé ses limites
    et se trouve en plein naufrage.
  • 130:40 - 130:43
    Les radoteurs idiots assis sur leurs gros culs se vautrent
    sur les canapés de la haute politique...
  • 130:43 - 130:46
    ...et développent dans le détail
    les stratégies de la guerre contre le Hamas,
  • 130:46 - 130:51
    pendant qu’ici nous nous faisons littéralement éradiquer.
  • 130:51 - 130:53
    Ils bombardent les hôpitaux...
  • 130:53 - 130:57
    ...et il y a effectivement toujours des voix qui s’élèvent
    pour oser parler du "droit d’Israël à se défendre".
  • 130:57 - 131:02
    Dans tout état, même s’il se définit de façon
    approximative comme civilisé,
  • 131:02 - 131:06
    l’autodéfense doit être de nature proportionnée
    avec l’attaque qui a précédé.
  • 131:06 - 131:13
    Depuis les vingt dernières journées,
    nous avons décompté 1 075 tués palestiniens,
  • 131:13 - 131:19
    plus de 5 000 blessés parmi lesquels
    plus de la moitié sont des mineurs.
  • 131:19 - 131:24
    303 enfants horriblement massacrés.
  • 131:24 - 131:31
    Par bonheur, seulement quatre tués civils israéliens.
  • 131:31 - 131:34
    Comme s’il existait pour Israël un droit au carnage et,
  • 131:34 - 131:43
    pour chacun de leur civil tué,
    d’éliminer au moins 250 ennemis.
  • 131:43 - 131:49
    Vous voudrez bien me dire, si ce rapport sans commune mesure
    entre défense et attaque ne vous remémore pas les pires
  • 131:49 - 131:55
    excès criminels utilisés comme mesures de représailles aux
    moments les plus sombres de l’histoire moderne européenne.
  • 131:55 - 132:00
    Pour en arriver au point suivant:
    s’agit-il ici de légitime défense?
  • 132:00 - 132:05
    À tous ceux qui, tels Marco Travaglio, Piero Ostellino,
    Pierluigi Battista et Angelo Panbianco
  • 132:05 - 132:11
    qui nous servent toujours la même rengaine en désignant
    le Hamas, comme responsable de ce massacre génocidaire,
  • 132:11 - 132:14
    parce qu’il aurait rompu la trêve
  • 132:14 - 132:19
    entre Israël et la Palestine, J’aimerais tout de même rappeler
    la prise de position de l’Onu.
  • 132:19 - 132:25
    Le professeur Richard Falk, Rapporteur des Nations unies
    sur les Droits de l’homme
  • 132:25 - 132:28
    a sur ce point précis formulé une présentation claire:
  • 132:28 - 132:32
    c’est bien effectivement Israël qui a rompu la trêve,
  • 132:32 - 132:36
    lorsque dix-sept Palestiniens furent tués
    en novembre, en pleine accalmie.
  • 132:36 - 132:41
    Durant le mois de novembre on enregistra
    zéro victime israélienne,
  • 132:41 - 132:46
    ainsi que le mois précédant et en septembre.
  • 132:46 - 132:53
    Cela fut également rappelé par l’ex-président
    des États-Unis et prix Nobel, Jimmy Carter.
  • 132:53 - 132:56
    Il est à regretter qu
    e des journalistes comme Travaglio...
  • 132:56 - 133:03
    ...que nous prenions pour les bastions
    d’une information libre et digne de foi,
  • 133:03 - 133:06
    aient revêtu le casque lourd israélien
  • 133:06 - 133:11
    et divertissent les gens devant leur télé,
  • 133:11 - 133:15
    s’intéressant ici au sport et là à la mode, avec,
    en guise d’intermède,
  • 133:15 - 133:18
    du tir aux pigeons pratiqué sur des enfants.
  • 133:18 - 133:22
    Je suis devant un ordinateur dans un bureau
    de l’agence de presse Ramattan.
  • 133:22 - 133:28
    Les reporters palestiniens autour de moi portent
    des gilets pare-balles et des casques lourds.
  • 133:28 - 133:32
    Ils ne sont ni en route pour le front ni devant des blindés,
  • 133:32 - 133:36
    mais simplement assis devant leurs ordinateurs.
  • 133:36 - 133:41
    À l’instant, deux étages plus haut, les bureaux
    de Reuters viennent d’être atteints par un missile:
  • 133:41 - 133:44
    deux blessés graves.
  • 133:44 - 133:49
    Actuellement, pratiquement tous les étages sont vides, seuls les
    plus courageux d’entre les journalistes sont restés sur place.
  • 133:49 - 133:54
    D’une manière ou d’une autre, il faut bien continuer
    à assurer l’information à partir de cet enfer.
  • 133:54 - 134:00
    Peu de temps auparavant, l’armée avait assuré
    à Reuters que leurs bureaux étaient en sécurité
  • 134:00 - 134:03
    et que ce n’était pas la peine de les évacuer.
  • 134:03 - 134:08
    Ce matin, le bâtiment des Nations unies
    a été bombardé et détruit:
  • 134:08 - 134:12
    il avait été érigé avec les fonds du gouvernement italien.
  • 134:12 - 134:15
    Berlusconi, tu m’entends?
  • 134:15 - 134:18
    Il y eut plusieurs morts et blessés.
  • 134:18 - 134:21
    John Ging, directeur de l’Unrwa,
  • 134:21 - 134:26
    parle de bombes au phosphore blanc
    en tant que témoin oculaire.
  • 134:26 - 134:33
    Dans le quartier Tal el-Hawa de Gaza-ville, une aile
    de l’hôpital Al-Qouds est la proie des flammes:
  • 134:33 - 134:41
    à l’intérieur, enfermée en compagnie de 40 médecins
    et aides, soignants ainsi qu’une centaine de patients,
  • 134:41 - 134:46
    se trouve aussi Leila, notre camarade d’ISM.
  • 134:46 - 134:51
    Elle nous a tenu au courant par téléphone
    de la tournure dramatique de ces dernières heures.
  • 134:51 - 134:57
    Un blindé a pris position devant l’hôpital et des tireurs
    d’élite, disséminés autour, tirent sur tout ce qui bouge.
  • 134:57 - 135:00
    Tout est détruit dans les alentours.
  • 135:00 - 135:06
    Pendant la nuit, ils assistèrent de leurs fenêtres
    à l’incendie d’une maison touchée par un obus
  • 135:06 - 135:10
    et entendirent les cris effroyables de familles entières
    et d’enfants...
  • 135:10 - 135:12
    ...appelant à l’aide.
  • 135:12 - 135:15
    Ils restèrent là sans bouger, impuissants...
  • 135:15 - 135:20
    ...impuissants devant la vision de corps
    transformés en torches vivantes, se roulant sur la chaussée...
  • 135:20 - 135:23
    ...et réduits à l’état de cendres.
  • 135:23 - 135:30
    L’enfer est bien cul par-dessus tête et, en son épicentre,
    en plein coeur affolé de Gaza,
  • 135:30 - 135:33
    nous les damnés,
  • 135:33 - 135:36
    sommes devenus la cible
    d’une haine inhumaine.
  • 135:36 - 136:22
    Restons Humains
  • 136:22 - 136:24
    16 janvier 2009
  • 136:24 - 136:27
    Une topographie chamboulée
  • 136:27 - 136:33
    On raconte l’histoire de ce vieux Palestinien
    sortant un jour de sa maison pour aller acheter,
  • 136:33 - 136:36
    durant une des rares accalmies, de quoi se nourrir.
  • 136:36 - 136:39
    Une fois sur le chemin du retour,
    il ne fut plus en mesure de retrouver sa maison.
  • 136:39 - 136:44
    Les bombardements
    ont non seulement modifié radicalement la topographie de la ville,
  • 136:44 - 136:47
    mais également son tissu social.
  • 136:47 - 136:53
    Contraintes à une fuite dans toutes les directions imaginables
    et dispersées à travers tout Gaza,
  • 136:53 - 136:58
    des centaines de familles
    qui avaient vécu depuis des années en voisinage
  • 136:58 - 137:01
    perdirent subitement tout contact entre elles.
  • 137:01 - 137:06
    À présent, pour arriver jusqu’au quartier Tal el-Hawa,
  • 137:06 - 137:09
    il faut traverser à pied un paysage lunaire.
  • 137:09 - 137:12
    Au bout de 48 heures d’occupation,
  • 137:12 - 137:18
    les blindés israéliens se sont retirés hier en cours de matinée,
    laissant derrière eux cratères et montagnes de décombres.
  • 137:18 - 137:26
    En arrière-plan de cette dévastation
    flotte le parfum malsain et âcre de la mort.
  • 137:26 - 137:34
    Je pars à la recherche de la maison d’Ahmed en trébuchant
    à travers les débris d’immeubles et de maisons,
  • 137:34 - 137:37
    entre les carcasses calcinées de voitures et d’ambulances.
  • 137:37 - 137:43
    Ce ne fut pas une tâche aisée,
    en raison de la métamorphose de quartiers entiers
  • 137:43 - 137:49
    "ramenés" au niveau du sol.
  • 137:49 - 137:54
    Je me rappelai qu’Ahmed habitait au bout d’une rue non asphaltée,
  • 137:54 - 138:01
    mais il était tout bonnement impossible de voir encore la différence
  • 138:01 - 138:03
    depuis que les chenilles des blindés
    avaient littéralement tout labouré dans les environs.
  • 138:03 - 138:09
    Au cas où l’on prendrait une photographie par satellite de Gaza
    à la fin de cette offensive massive et génocidaire,
  • 138:09 - 138:15
    on aura du mal à persuader quelqu’un
    qu’il s’agit bien de la même ville...
  • 138:15 - 138:18
    ...photographiée il y a tout juste vingt jours.
  • 138:18 - 138:21
    J’ai serré Ahmed dans mes bras
  • 138:21 - 138:24
    et pour tous deux ce fut comme des retrouvailles
  • 138:24 - 138:28
    après de nombreuses années ou un long voyage
    ou au retour d’un pays lointain.
  • 138:28 - 138:32
    Hélas, pour notre voyage au bout de la nuit,
    pour l’instant il n’est pas prévu d’aube
  • 138:32 - 138:41
    qui ne soit affectée par la haine que les généraux
    et leurs troupes ont suscitée par cette extermination.
  • 138:41 - 138:45
    Mon ami me montre l’endroit
    où les chars israéliens avaient pris position,
  • 138:45 - 138:47
    en face de son jardin.
  • 138:47 - 138:54
    Sa famille était restée enfermée tout ce temps
    dans un réduit sous l’escalier,
  • 138:54 - 138:59
    terrorisée à l’idée qu’un tir d’artillerie
    ne les ensevelisse vivants sous les décombres.
  • 138:59 - 139:04
    Ce ne fut que hier soir, dérogeant aux consignes de son père apeuré,
  • 139:04 - 139:11
    qu’il rampa sur le sol jusqu’à la fenêtre
    pour jeter un oeil sur l’enfer environnant.
  • 139:11 - 139:14
    À trente mètres de distance,
  • 139:14 - 139:20
    il vit le char enfoncer le rideau d’un supermarché,
    puis après ouverture d’une brêche,
  • 139:20 - 139:23
    plusieurs soldats sortir du blindé.
  • 139:23 - 139:27
    Il assista à leur séance "d’achats" faite dans la bonne humeur.
  • 139:27 - 139:31
    "Ils avaient bourré le char de marchandises
    à tel point qu’ils avaient du mal à y entrer à leur tour".
  • 139:31 - 139:37
    Ensuite, il me décrivit encore leurs éclats de rire
    et leurs chants railleurs que l’on pouvait entendre en refrain
  • 139:37 - 139:40
    tout au long de la nuit entre le bruit des explosions:
  • 139:40 - 139:46
    “Ali, Mohammed, this is a message to your Allah Akbar!”
  • 139:46 - 139:52
    La résistance, qui avait pu quelques jours
    durant limiter l’avancée des blindés israéliens,
  • 139:52 - 139:55
    semblait comme inexistante depuis quelques heures.
  • 139:55 - 139:59
    Le choc est inégal: le tir des kalachnikov
    ne fait que "chatouiller" les parois des blindés
  • 139:59 - 140:03
    pendant que les tirs d’artillerie perforent des maisons entières,
    d’une paroi à l’autre.
  • 140:03 - 140:07
    La zone d’habitation d’Abraj Towers,
  • 140:07 - 140:14
    occupée en majorité par des professeurs de l’université
    et leurs familles, proches du Fatah,
  • 140:14 - 140:19
    n’héberge pas de "terroristes du Hamas".
  • 140:19 - 140:25
    Autant que moi, Tel-Aviv est évidemment au courant de tout cela,
  • 140:25 - 140:32
    mais cela n’a aucune importance pour eux;
    le quartier a été transformé en un tas de gravats.
  • 140:32 - 140:38
    À proximité de ces bâtiments démolis se trouve l’hôpital Al Qouds
    qui fut hier la proie des flammes.
  • 140:38 - 140:42
    Mes camarades aidèrent le personnel de l’hôpital
  • 140:42 - 140:49
    à évacuer les 300 blessés présents
    vers l’autre hôpital de Gaza-ville, Al-Shifa.
  • 140:49 - 140:51
    Pour cela,
    des heures et des heures furent nécessaires,
  • 140:51 - 140:54
    en particulier parce qu’il fallait,
    pour le transfert de certains blessés graves,
  • 140:54 - 140:59
    des ambulances
    avec équipements spécialisés dont les Palestiniens sont dépourvus.
  • 140:59 - 141:05
    En compagnie du Dr. Dagfinn Bjorklind de l’Ong NORWAC,
    nous attendions les derniers évacués
  • 141:05 - 141:11
    et posâmes quelques questions aux aides-soignants
    qui avaient échappé aux flammes de l’incendie d’Al-Qouds.
  • 141:11 - 141:18
    Le bilan est terrible et se trouve confirmé
    par les témoignages de visu de mes camarades.
  • 141:18 - 141:24
    À deux cents mètres de distance de l’hôpital,
    30 corps étaient allongés en pleine rue,
  • 141:24 - 141:27
    parmi eux de nombreuses femmes et enfants
    dont certains encore en vie.
  • 141:27 - 141:32
    Ils ne sont pas arrivés jusqu’à eux: les tireurs d’élite embusqués
    sur les toits tiraient sur tout ce qui bougeait.
  • 141:32 - 141:40
    Les corps ensanglantés couchés sur la chaussée étaient des civils
    qui avaient fui leurs maisons bombardées et incendiées.
  • 141:40 - 141:45
    Les tireurs d’élite israéliens n’avaient pas hésité une seconde
    pour les abattre, les uns après les autres
  • 141:45 - 141:51
    quand ils les avaient en ligne de mire de leurs armes,
    y compris les enfants.
  • 141:51 - 141:55
    Je dois vous avouer que mon "Restons humains"
  • 141:55 - 142:02
    fut rudement mis à l’épreuve ces jours-ci,
    mais il tient toujours le coup.
  • 142:02 - 142:09
    De la même façon que la fierté, le lien à la terre natale,
  • 142:09 - 142:15
    que l’identité et le droit à l’autodétermination
    de la population de Gaza,
  • 142:15 - 142:20
    du professeur d’université à l’homme de la rue,
    médecins et aides-soignants,
  • 142:20 - 142:23
    reporters, pêcheurs, paysans,
  • 142:23 - 142:30
    hommes, femmes et adolescents,
    ceux qui ont tout perdu et ceux qui n’avaient plus rien à perdre,
  • 142:30 - 142:34
    jusqu’à leur dernier souffle ils expriment tous le Inch Allah!
    d’une proche victoire,
  • 142:34 - 142:40
    la conviction sincère que leurs racines sont si profondes
  • 142:40 - 142:44
    qu’aucun bulldozer ennemi
    n’arrivera jamais à les arracher de leur terre.
  • 142:44 - 142:52
    Pendant que j’écris,
    je peux en même temps voir sur un écran des images d’Al-Shifa,
  • 142:52 - 142:54
    où des hommes en larmes
    se frappent le visage de leurs mains...
  • 142:54 - 142:57
    ...comme s’ils voulaient
    par là arrêter le flot de leurs larmes de désespoir.
  • 142:57 - 143:04
    À Al-Shija’ya, à l’est de Gaza-ville, un seul tir d’un char
    a provoqué la mort de 7 personnes et fait 25 blessés.
  • 143:04 - 143:10
    Ce fut une grande famille humaine
    en deuil qui entama la veillée funèbre pour les morts de la veille.
  • 143:10 - 143:17
    Hier, Ehoud Barak
    s’est excusé auprès du Secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon,
  • 143:17 - 143:20
    des tirs qui avaient touché le siège de l’Agence des Nations unies
  • 143:20 - 143:22
    pour les réfugiés palestiniens à Gaza-ville
  • 143:22 - 143:28
    (érigé avec entre autres des fonds italiens).
  • 143:28 - 143:31
    "Il s’agit d’une faute grave", telles furent ses paroles.
  • 143:31 - 143:38
    Pas la moindre demande de pardon exprimée envers les familles
    des 375 enfants palestiniens assassinés jusqu’à ce jour.
  • 143:38 - 143:41
    Ici, apparemment, il ne s’agit sans doute pas d’une FAUTE ...
  • 143:41 - 143:48
    J’ai suivi le récit d’un aide-soignant de la Croix-Rouge
    à son arrivée sur le lieu du massacre à Al-Zaïtoun.
  • 143:48 - 143:52
    Un enfant, visiblement sous-alimenté,
    était blotti contre le corps de sa maman,
  • 143:52 - 143:54
    en état de décomposition avancé.
  • 143:54 - 144:00
    Pendant quatre jours,
    l’enfant avait soigné sa mère comme si elle était encore en vie;
  • 144:00 - 144:02
    il avait essuyé le sang sur son front
  • 144:02 - 144:05
    et, dans les décombres de leur ancienne maison,
  • 144:05 - 144:11
    avait trouvé de l’eau, du pain et des tomates
    qu’il avait déposés à côté du visage de sa maman morte.
  • 144:11 - 144:14
    Il croyait qu’elle s’était simplement endormie.
  • 144:14 - 144:19
    Les sauveteurs de la Croix-Rouge,
    empêchés par les tireurs d’élite israéliens embusqués,
  • 144:19 - 144:25
    ne réussirent à atteindre le lieu du massacre
    qu’au bout de plusieurs jours.
  • 144:25 - 144:58
    Restons humains.
  • 144:58 - 145:01
    17 janvier 2009
  • 145:01 - 145:04
    Faire l'amour sous les bombes
  • 145:04 - 145:10
    Faire l’amour sous les bombes.
    Je me souviens d’un ami de Naplouse qui me raconta...
  • 145:10 - 145:16
    ...combien il était difficile, au moment de l’occupation,
    de trouver des instants d’intimité pour sa femme et lui.
  • 145:16 - 145:22
    Un soir, alors qu’ils étaient allongés, enlacés dans
    leur lit, une balle transperça la tête du montant,
  • 145:22 - 145:25
    à distance d’une main au-dessus de leurs têtes.
  • 145:25 - 145:31
    Ces jours-ci, dans Gaza sous les bombes, il n’est pas
    question de penser aux jeux de l’amour
  • 145:31 - 145:38
    et un avenir commun pour de jeunes couples
    n’est pas vraiment à l’ordre du jour,
  • 145:38 - 145:43
    alors que la plupart des gens ont perdu leurs maisons
    et se trouvent dans des abris de fortune,
  • 145:43 - 145:49
    entassés à vingt personnes dans un minuscule appartement.
  • 145:49 - 145:55
    "Aujourd’hui c’est samedi, ce soir les jeunes couples de Tel-Aviv
    vont dans les discothèques pour s’amuser ou sur les plages,
  • 145:55 - 146:00
    pendant que nous ici ne pouvons même pas
    faire l’amour dans nos lits",
  • 146:00 - 146:03
    me dit Wissam, jeune marié depuis le mois de novembre.
  • 146:03 - 146:07
    "Des illuminations stroboscopiques,
    nous en avons également",
  • 146:07 - 146:14
    poursuit-il en me désignant en direction du sud
    les éclairs des bombardements en cours.
  • 146:14 - 146:18
    Les jeunes gens comme Wissam, 19 ans,
  • 146:18 - 146:23
    deviennent pères très jeunes et à quarante ans ils ont déjà
    le plus souvent de nombreux petits-enfants et neveux;
  • 146:23 - 146:33
    la fécondité se montre l’unique voie
    pour la survie de la Palestine.
  • 146:33 - 146:40
    Alors que nous parviennent des rumeurs
    de l’extérieur pour une trêve imminente,
  • 146:40 - 146:44
    les bombardements se sont nettement intensifiés
    dans les derniers jours...
  • 146:44 - 146:47
    ...ainsi que le nombre des victimes civiles.
  • 146:47 - 146:50
    Plus de soixante hier,
  • 146:50 - 146:55
    dont une douzaine dans une mosquée, à l’heure de la prière.
  • 146:55 - 146:59
    Ce qui contrarie le plus les Palestiniens,
    c’est la perspective d’une trêve
  • 146:59 - 147:04
    sans ouverture simultanée des points de passage.
  • 147:04 - 147:08
    Bien avant les matériaux nécessaires à la reconstruction,
  • 147:08 - 147:10
    il faut des denrées alimentaires...
  • 147:10 - 147:15
    ...et la possibilité
    de pouvoir faire sortir les blessés graves.
  • 147:15 - 147:18
    Les hôpitaux sont au bord de l’asphyxie:
  • 147:18 - 147:24
    pour toute la bande de Gaza
    il y a une capacité de 1 500 lits,
  • 147:24 - 147:30
    alors qu’à l’heure actuelle s’y trouvent
    déjà 5 320 patients.
  • 147:30 - 147:38
    Par ailleurs, l’opinion publique n’a pas une grande
    confiance dans le rôle joué par l’Égypte comme négociateur
  • 147:38 - 147:43
    après les courbettes de soumission
    de son gouvernement à l’encontre des souhaits d’Israël.
  • 147:43 - 147:46
    "Pourquoi n’a-t-on pas désigné un pays européen
    comme négociateur?
  • 147:46 - 147:49
    Pour le règlement du conflit entre Israël et le Hezbollah,
  • 147:49 - 147:54
    entre Israël et le Hezbollah, le rôle de l’Allemagne,
    un pays vraiment neutre, s’est montré déterminant",
  • 147:54 - 147:59
    me dit Hamsa, maître de conférences à l’université.
  • 147:59 - 148:03
    Ce matin ce fut au tour
    d’une autre école des Nations unies à Beit Lahyia...
  • 148:03 - 148:08
    ...d’être la cible des tirs des chars israéliens,
    dans le nord de la bande de Gaza.
  • 148:08 - 148:17
    Quatorze blessés et deux jeunes frères
    de cinq et sept ans tués, Bilal et Mohammed Al-Ashquar;
  • 148:17 - 148:21
    leur maman a survécu
    mais a perdu les deux jambes.
  • 148:21 - 148:24
    En même temps que 42 000 personnes,
  • 148:24 - 148:31
    ils avaient fui vers les écoles, après la sommation
    édictée par Israël d’évacuer leurs maisons.
  • 148:31 - 148:35
    Ils se figuraient être en sécurité,
    tout comme les 43 réfugiés...
  • 148:35 - 148:42
    ...qui trouvèrent la mort le 6 janvier dans l’école
    des Nations unies de Jabalia.
  • 148:42 - 148:45
    "Ces deux enfants étaient innocents, sans
    l’ombre d’un doute,
  • 148:45 - 148:50
    de la même manière qu’ils sont
    maintenant, sans l’ombre d’un doute morts"
  • 148:50 - 148:55
    a déclaré le représentant de l’Onu à Gaza, John Ging,
  • 148:55 - 149:04
    qui depuis des jours tente inlassablement de dénoncer,
    mais en vain, les crimes de guerre des soldats israéliens.
  • 149:04 - 149:13
    Les généraux israéliens se préparent à claironner
    "Mission accomplie!" à la face du monde.
  • 149:13 - 149:17
    Je suis retourné jusqu’aux décombres
    de l’hôpital de Tal el-Hawa:
  • 149:17 - 149:23
    dans la partie du bâtiment restée debout...
  • 149:23 - 149:30
    ...se trouve à présent un service d’urgence
    et un centre logistique abritant les ambulances.
  • 149:30 - 149:39
    On continue toujours de retirer des blessés ensevelis
    sous les décombres des maisons gravement endommagées.
  • 149:39 - 149:45
    À l’hôpital Al-Shifa, on a amené un enfant
    répondant au nom de Souhaďb Souliman,
  • 149:45 - 149:51
    unique rescapé d’une famille de 25 personnes.
  • 149:51 - 149:56
    Une fillette, Hadil Samony, a perdu
    onze membres de sa famille.
  • 149:56 - 150:02
    Lorsqu’elle quittera l’hôpital, il n’y aura personne
    pour s’occuper d’elle.
  • 150:02 - 150:07
    Excusez-moi, mais quelqu’un peut-il m’expliquer
    une fois encore quelle sorte de mission se déroule ici?
  • 150:07 - 150:12
    Réponse: un châtiment collectif
    avec massacre génocidaire.
  • 150:12 - 150:20
    Un Arabe aigri du nom de Raja Chemayel
    définit cela de la manière suivante sur son blog:
  • 150:20 - 150:25
    "Prenez une bande de territoire de 40 km
    de long et environ 5 de large.
  • 150:25 - 150:27
    Appelez-la Gaza.
  • 150:27 - 150:31
    Remplissez-la de 1,4 million d’habitants.
  • 150:31 - 150:37
    Puis, entourez-la par la mer à l’ouest,
    l’Égypte de Moubarak au sud, Israël au nord...
  • 150:37 - 150:41
    ...et à l’est et nommez-la à présent le pays des terroristes.
  • 150:41 - 150:48
    Là-dessus, vous lui déclarez la guerre
    et pénétrez dans ce territoire avec 232 chars,
  • 150:48 - 150:51
    687 engins blindés,
  • 150:51 - 150:55
    43 points d’appui pour avions de chasse,
  • 150:55 - 150:57
    105 hélicoptères armés pour le combat,
  • 150:57 - 151:01
    221 unités soutenues par l’artillerie,
  • 151:01 - 151:06
    346 mortiers, 3 satellites espions,
  • 151:06 - 151:12
    64 éclaireurs, 12 espions infiltrés et 8 000 fantassins.
  • 151:12 - 151:16
    Maintenant vous appelez tout cela
    "Israël qui se défend".
  • 151:16 - 151:21
    Arrêtez-vous un moment pour déclarer que vous allez
  • 151:21 - 151:24
    "éviter de frapper la population civile"
  • 151:24 - 151:28
    et désignez-vous comme seule démocratie parmi les acteurs.
  • 151:28 - 151:33
    De toute façon, ce serait un pur miracle
    que l’on puisse éviter de toucher les civils,
  • 151:33 - 151:41
    ou alors il s’agit dès le départ d’un fieffé mensonge.
    Continuez d’appeler tout cela "Israël qui se défend".
  • 151:41 - 151:43
    Et maintenant, voici ma question:
  • 151:43 - 151:47
    "Que se passe-t-il quand l’envahisseur
    s’avère être un menteur?
  • 151:47 - 151:51
    Que va-t-il arriver aux civils sans défense?
  • 151:51 - 151:56
    Comment dans une telle situation, devant un tel déploiement
    de puissance armée, même une Mère Thérèsa
  • 151:56 - 152:02
    ou pourquoi pas Mickey Mouse pourraient-ils éviter
    que la population civile ne soit pas touchée?
  • 152:02 - 152:04
    Appelez cela comme vous voulez.
  • 152:04 - 152:09
    Israël était parfaitement conscient de la présence
    de cette population civile sans défense,
  • 152:09 - 152:12
    car c’est Israël qui les a regroupés là-bas.
  • 152:12 - 152:18
    Appelez plutôt cela génocide. C’est bien plus crédible".
  • 152:18 - 152:21
    Mis à part quelques leaders tués,
  • 152:21 - 152:25
    le Hamas n’a pas vraiment souffert
    de cette offensive;
  • 152:25 - 152:28
    non seulement il n’a rien perdu
    du soutien de la population,
  • 152:28 - 152:31
    mais en sort plutôt renforcé.
  • 152:31 - 152:37
    Il faudrait de temps en temps se remémorer que le Hamas
    n’est pas un groupuscule de terroristes ni un parti politique,
  • 152:37 - 152:39
    mais un mouvement et,
  • 152:39 - 152:45
    en tant que tel, on ne réussira certainement pas
    à l’éliminer en faisant pleuvoir des bombes à fragmentation.
  • 152:45 - 152:51
    Quand je demande aux Palestiniens leur avis
    sur les objectifs réels de ce massacre brutal,
  • 152:51 - 152:56
    nombreux sont ceux qui me répondent qu’ils y voient
    une relation avec les élections à venir en février prochain.
  • 152:56 - 152:58
    "Leur propagande se fait à nos dépens,
  • 152:58 - 153:04
    il en a toujours été ainsi à la veille d’élections".
  • 153:04 - 153:09
    Netanyahou, donné comme vainqueur certain
    il y a encore un mois,
  • 153:09 - 153:18
    semble, d’après les prévisions actuelles, accuser le coup
    sous le regard sanguinaire d’Olmert et de Livni.
  • 153:18 - 153:28
    Avigdor Lieberman est le leader de Yisraël Beytenou,
    en ce moment cinquième force politique du pays,
  • 153:28 - 153:31
    mais les sondages le donnent en forte progression
    à la suite de déclarations aberrantes comme celle-ci:
  • 153:31 - 153:36
    Gaza doit être rayée de la carte par une bombe atomique,
  • 153:36 - 153:41
    exactement comme les Américains
    ont procédé à Hiroshima puis à Nagasaki.
  • 153:41 - 153:46
    Hier, l’auteur israélien Abraham B. Yehoshua
    a déclaré au journal Haaretz:
  • 153:46 - 153:51
    "Aujourd’hui, nous tuons leurs enfants
    afin d’en sauver beaucoup demain".
  • 153:51 - 153:56
    Je crains fort que son Voyage au bout du millénaire
  • 153:56 - 154:00
    à bord d’un blindé jusqu’à un hôpital
    en flammes ne soit déjà achevé.
  • 154:00 - 154:04
    Dans le passé, Voltaire nous invitait
    à respecter toute opinion;
  • 154:04 - 154:07
    j’en appelle solennellement à ne plus
    semer de graines de haine,
  • 154:07 - 154:13
    arrosées ici de sang et prêtes à faire germer
    un ressentiment irrémédiable.
  • 154:13 - 154:49
    Restons Humains
  • 154:49 - 154:53
    19 janvier 2009
  • 154:53 - 154:55
    Les morts et les vivants
  • 154:55 - 154:59
    À Gaza seuls les morts ont vu la fin de la guerre.
  • 154:59 - 155:05
    Pour les vivants, il n’y a aucun répit
    dans le combat quotidien pour survivre.
  • 155:05 - 155:08
    Sans eau courante, ni gaz, ni électricité,
  • 155:08 - 155:12
    sans pain ni lait pour nourrir les enfants.
  • 155:12 - 155:15
    Des milliers ont perdu leurs maisons.
  • 155:15 - 155:19
    Les aides humanitaires entrent goutte
    après goutte à travers les points de passage
  • 155:19 - 155:21
    et on a l’impression...
  • 155:21 - 155:24
    ...que la bienveillance des complices
    des tueurs ne sera que de courte durée.
  • 155:24 - 155:29
    Le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon,
    arrive demain pour une visite dans la bande de Gaza
  • 155:29 - 155:38
    et nous sommes persuadés que le responsable de la Délégation
    aux réfugiés palestiniens aura des choses à lui raconter.
  • 155:38 - 155:40
    Surtout après le bombardement par Israël
    de deux écoles de l’Onu,
  • 155:40 - 155:43
    suivi du massacre de quatre collaborateurs de l’Onu,
  • 155:43 - 155:48
    de la destruction totale
    du bâtiment de l’Unrwa à Gaza-ville
  • 155:48 - 155:53
    et par la même occasion celle de tonnes de médicaments
    et de denrées alimentaires...
  • 155:53 - 155:57
    ...destinées à la population civile.
  • 155:57 - 156:03
    Les décombres de Gaza continuent de cracher
    des cadavres vers la surface.
  • 156:03 - 156:11
    Rien que durant la journée d’hier,
    les aides-soignants du Croissant-Rouge,
  • 156:11 - 156:14
    avec l’aide de quelques bénévoles d’ISM,
  • 156:14 - 156:17
    ont retiré des ruines, entre Jabalia,
    Tal Al-Hawa et Zaďtoun, 95 cadavres
  • 156:17 - 156:22
    dont un grand nombre se trouvaient dans un
    état de décomposition avancé.
  • 156:22 - 156:24
    Même si à présent je traverse les rues de Gaza-ville...
  • 156:24 - 156:31
    ...sans paniquer à l’idée qu’un bombardement
    de type "frappe de précision chirurgicale" va me décapiter,
  • 156:31 - 156:36
    je ne puis m’empêcher de sursauter à chaque fois que
    je vois un des nombreux chiens errants dans les alentours,
  • 156:36 - 156:39
    de peur d’apercevoir ce qu’il est en train d’emporter...
  • 156:39 - 156:42
    ...dans sa gueule pour s’en repaître.
  • 156:42 - 156:47
    Les gens respirent et retournent
    à la mosquée et dans les cafés,
  • 156:47 - 156:52
    mais le retour à une vraie normalité semble plutôt décalé,
  • 156:52 - 156:55
    du fait que nombreux sont ceux qui ont perdu leur toit
    et encore plus nombreux ceux à avoir perdu un proche.
  • 156:55 - 157:01
    Le retour à la normalité est un simulacre, afin de
    redonner du courage aux femmes et aux enfants:
  • 157:01 - 157:06
    il faudra bel et bien quelque part
    surmonter cette catastrophe.
  • 157:06 - 157:12
    Munis d’un questionnaire, nous sommes partis tôt ce matin
    vers quelques-uns des quartiers les plus touchés
  • 157:12 - 157:15
    (Tal Al-Hawa et Zaďtoun),
  • 157:15 - 157:21
    allant de porte en porte pour enregistrer toute l’ampleur
    des dommages causés aux constructions
  • 157:21 - 157:25
    ainsi que les besoins les plus urgents des familles:
  • 157:25 - 157:29
    des médicaments pour les vieillards et les malades,
    et du riz, de l’huile, de la farine
  • 157:29 - 157:34
    le minimum pour s’alimenter.
  • 157:34 - 157:38
    Tout ce que nous avions pour l’instant à distribuer,
    c’étaient de longues bandes de nylon
  • 157:38 - 157:43
    destinées à obturer les fenêtres béantes, dont les vitres
    manquaient, afin de protéger du froid.
  • 157:43 - 157:47
    Des camarades d’ISM à Rafah me rapportent...
  • 157:47 - 157:51
    ...que les autorités de la ville
    ont distribué quelques milliers de dollars,
  • 157:51 - 157:56
    une goutte d’eau dans l’océan, aux familles ayant
    perdu leurs maisons sous les bombardements israéliens,
  • 157:56 - 158:03
    ceux qui devaient soi-disant détruire les tunnels.
  • 158:03 - 158:05
    À la fin du conflit au Liban,
  • 158:05 - 158:11
    le Hezbollah remit des chèques à hauteur de millions
    pour indemniser les civils libanais restés sans abri.
  • 158:11 - 158:14
    Dans Gaza occupée et sous embargo,
  • 158:14 - 158:18
    ce que le Hamas va pouvoir apporter
    comme contribution au dédommagement de la population
  • 158:18 - 158:22
    "suffira tout juste
    à construire un petit abri pour les bêtes"
  • 158:22 - 158:25
    nous lance Khaled, un paysan de Rafah.
  • 158:25 - 158:32
    Comme la trêve est unilatérale, Israël décide tout aussi
    unilatéralement du moment oů elle sera rompue.
  • 158:32 - 158:37
    Hier, à Khan Younès, un jeune Palestinien
    a été tué et un autre blessé.
  • 158:37 - 158:40
    À l’est de Gaza-ville,
  • 158:40 - 158:45
    des hélicoptères ont lancé
    des obus au phosphore blanc sur une zone habitée.
  • 158:45 - 158:47
    La même chose à Jabalia.
  • 158:47 - 158:53
    Aujourd’hui, toujours à Khan Younès,
    des navires de guerre ont tiré sur une zone non habitée,
  • 158:53 - 158:56
    heureusement sans faire de victime humaine;
  • 158:56 - 159:01
    et au moment oů j’écris ces lignes, arrive la nouvelle
    d’une attaque surprise par des blindés.
  • 159:01 - 159:06
    Pourtant, on n’a pas entendu parler de tirs de roquettes
    palestiniennes pendant ces dernières 24 heures.
  • 159:06 - 159:12
    Avides d’informations, les journalistes internationaux
    se déploient dans tout Gaza:
  • 159:12 - 159:15
    ce n’est qu’aujourd’hui qu’ils ont réussi
    à entrer dans la bande;
  • 159:15 - 159:18
    après le hallali annonçant la fin de la chasse,
    Israël les a laissés passer.
  • 159:18 - 159:24
    Devant le squelette noir calciné
    de l’hôpital Al-Qouds à Gaza-ville,
  • 159:24 - 159:28
    un reporter de la BBC me demande comment les militaires...
  • 159:28 - 159:33
    ...ont pu confondre le bâtiment
    avec un repaire de terroristes.
  • 159:33 - 159:34
    J'ai dit:
  • 159:34 - 159:39
    "Pour la même raison qui a fait fuir les enfants
    des maisons en flammes à proximité de l’hôpital,
  • 159:39 - 159:42
    se faire prendre pour cibles par les tireurs d’élite,
  • 159:42 - 159:45
    être abattus froidement sans hésitation...
  • 159:45 - 159:49
    ...et voir leurs cervelles éclatées se disperser sur l’asphalte."
  • 159:49 - 159:52
    La mine du journaliste anglais s’assombrit
    encore davantage après ma réponse.
  • 159:52 - 159:58
    Le fossé est évident entre nous,
    témoins physiques de ce massacre,
  • 159:58 - 160:04
    et ceux qui prennent connaissance des événements
    à travers le récit des survivants.
  • 160:04 - 160:07
    On m’informe de Rome que l’Union européenne...
  • 160:07 - 160:10
    ...va geler les avoirs pour la reconstruction...
  • 160:10 - 160:16
    ...tant que le Hamas sera au pouvoir dans la bande de Gaza.
  • 160:16 - 160:19
    Voici ce qu’a laissé entendre...
  • 160:19 - 160:27
    ...la Commissaire pour la Reconstruction,
    Benita Ferrero-Waldner:
  • 160:27 - 160:33
    "Les aides pour la reconstruction dans la bande
    de Gaza", déclara la diplomate européenne,
  • 160:33 - 160:38
    "ne pourront aboutir que dans le cas de la réussite d’une reprise
    en main du Président palestinien Abou Mazen
  • 160:38 - 160:44
    de l’administration de la bande de Gaza".
  • 160:44 - 160:50
    Pour les Palestiniens, voilà, venant de l’extérieur,
    une franche invitation à la guerre civile
  • 160:50 - 160:52
    ou au coup d’État.
  • 160:52 - 160:56
    Comme s’il était possible de légitimer
    le massacre de 410 enfants
  • 160:56 - 161:00
    dont les parents avaient tout de même
    voté librement pour la démocratie,
  • 161:00 - 161:05
    puis pour le Hamas.
  • 161:05 - 161:11
    "L’Union européenne adopte sans commentaires la politique
    criminelle préméditée d’Israël pour une punition collective.
  • 161:11 - 161:14
    Pourquoi ne transmet-elle pas les aides à l’ONU?
  • 161:14 - 161:17
    Ou à une ONG?
  • 161:17 - 161:21
    Parce que les États-Unis ont toute liberté
    pour élire un va-t-en-guerre tel Bush,
  • 161:21 - 161:26
    les Israéliens peuvent se choisir des dirigeants,
    tels Sharon et Nethanyahou, aux mains couvertes de sang,
  • 161:26 - 161:29
    et nous, la population de Gaza,
  • 161:29 - 161:31
    sommes libres de voter pour le Hamas... "
  • 161:31 - 161:34
    me répond Mohammed, militant pour les droits humains...
  • 161:34 - 161:38
    ...qui n’a pas donné sa voix
    au mouvement islamique.
  • 161:38 - 161:41
    Je n’ai aucun argument à lui opposer.
  • 161:41 - 161:45
    Ce que les Palestiniens apprennent de leurs morts,
  • 161:45 - 161:50
    c’est de vivre à l’état de moribonds,
    et cela dès l’âge le plus tendre.
  • 161:50 - 161:55
    Une trêve fait suite à une autre trêve,
    avec la prise en charge pendant ces parenthèses
  • 161:55 - 162:00
    du décompte des cadavres entre deux attaques.
  • 162:00 - 162:02
    Quant à la paix, elle n’a jamais semblé aussi éloignée.
  • 162:02 - 162:08
    Nous effectuons des rondes dans Gaza-ville à bord
    d’une ambulance. Le girophare, cette fois, est éteint:
  • 162:08 - 162:10
    la guerre reste présente...
  • 162:10 - 162:16
    ...dans les ruines d’une ville vide de
    tout visage souriant mais pleine de gens aux regards apeurés
  • 162:16 - 162:22
    dont les yeux scrutent continuellement le ciel
    en direction des avions qui nous survolent sans arrêt.
  • 162:22 - 162:26
    À l’intérieur d’une maison,
  • 162:26 - 162:31
    j’ai trouvé par terre des dessins d’enfant
    réalisés avec des craies à l’huile,
  • 162:31 - 162:37
    visiblement abandonnés là par un enfant
    qui avait dű fuir les lieux précipitamment.
  • 162:37 - 162:39
    J’ai ramassé l’un d’eux:
  • 162:39 - 162:44
    des chars, des hélicoptères et des silhouettes humaines
    stylisées, disloquées, en morceaux.
  • 162:44 - 162:50
    Au milieu du dessin, un enfant qui lance une pierre
    en direction du soleil dessiné dans le ciel,
  • 162:50 - 162:53
    touchant et endommageant un avion avec l’étoile de David.
  • 162:53 - 162:56
    On dit que dans les dessins d’enfants,
    le soleil représente...
  • 162:56 - 163:01
    ...le symbole du désir d’exister, de la présence au monde.
  • 163:01 - 163:07
    Ici, le soleil dégouline de couleur rouge vif.
    Des larmes de sang.
  • 163:07 - 163:15
    Une simple trêve unilatérale suffira-t-elle
    à soulager tous ces traumas?
  • 163:15 - 163:42
    Restons Humains
  • 163:42 - 163:45
    20 janvier 2009
  • 163:45 - 163:47
    Les stigmates des morts
  • 163:47 - 163:50
    "Lorsque les énormes destructions
    dans la bande de Gaza seront connues,
  • 163:50 - 163:54
    je ne pourrai plus me rendre en touriste à Amsterdam,
  • 163:54 - 163:58
    mais uniquement à La Haye me présenter
    devant le Tribunal international."
  • 163:58 - 164:01
    Ces mots furent prononcés par un ministre israélien
  • 164:01 - 164:05
    sous couvert d’anonymat, et rapportés par le quotidien Haaretz.
  • 164:05 - 164:09
    Des organisations humanitaires
    et des citoyens choqués de par le monde entier
  • 164:09 - 164:14
    tentent effectivement en ce moment d’assigner l’armée
    et le gouvernement israéliens devant les tribunaux,
  • 164:14 - 164:17
    dans l’espoir que les conclusions des enquêtes
    sur les crimes de guerre,
  • 164:17 - 164:23
    dont Israël s’est rendu coupable tout au long
    de vingt-deux jours de massacres, soient recevables.
  • 164:23 - 164:30
    Les interventions officielles montrent
    des militaires et responsables politiques insouciants:
  • 164:30 - 164:34
    ils déclarent détenir des preuves solides
    selon lesquelles les maisons bombardées
  • 164:34 - 164:39
    étaient en réalité des bases logistiques des terroristes du Hamas.
  • 164:39 - 164:41
    Seulement voilà, pour bien se comprendre:
  • 164:41 - 164:46
    on parle ici de plus de 20 000 maisons détruites
  • 164:46 - 164:49
    et plus de 1 300 tués.
  • 164:49 - 164:51
    Pour m’assurer de la précision chirurgicale
  • 164:51 - 164:55
    avec laquelle les hypothétiques bases névralgiques
    de la "terreur islamique" furent touchées,
  • 164:55 - 164:59
    je me suis rendu à Jabal Al-Dardour,
    dans le nord de la bande de Gaza,
  • 164:59 - 165:02
    une des zones
    parmi les plus ciblées par l’artillerie israélienne.
  • 165:02 - 165:05
    Des dizaines de bâtiments "aplatis" à hauteur du sol
  • 165:05 - 165:11
    à l’aide d’immenses bulldozers de la société Caterpillar
    (à mettre sur la liste du boycott),
  • 165:11 - 165:13
    qui fabrique les engins spécialement conçus
    pour l’aplanissement des maisons palestiniennes:
  • 165:13 - 165:19
    ils servent dans les unités blindées de l’armée comme
    "ouvreurs de voies" dans le cadre de l’entreprise de destruction.
  • 165:19 - 165:25
    Au milieu des champs de ruines,
    hommes et femmes sont à la recherche d’objets utiles, vêtements,
  • 165:25 - 165:32
    livres scolaires, recouverts de poussière,
    photos de famille dans leurs cadres brisés...
  • 165:32 - 165:34
    Je n’ai pas réussi à repérer de quelconques restes de caches d’armes,
  • 165:34 - 165:42
    mais uniquement des maisons d’habitations dévastées dans les cendres
    desquelles l’utilisation en tant que salon, chambre à coucher
  • 165:42 - 165:45
    ou cuisine était encore bien visible.
  • 165:45 - 165:48
    Abou Omar, microbiologiste,
  • 165:48 - 165:52
    m’invita à venir voir les restes de son habitat
  • 165:52 - 165:55
    ainsi que son voisin Osama, pédiatre
  • 165:55 - 166:00
    dont l’habitation ressemblait à un morceau de gruyère.
  • 166:00 - 166:02
    La puissance de pénétration des tirs
  • 166:02 - 166:08
    avait arraché les fruits de l’orangeraie avoisinante
    et les avait projetés contre la maison.
  • 166:08 - 166:14
    Leur jus, mélangé au sang coagulé,
  • 166:14 - 166:19
    donne au sol un air d’image réalisée par un peintre naïf.
  • 166:19 - 166:22
    Un vieillard, le keffieh enroulé autour de la tête,
  • 166:22 - 166:28
    s’approcha pour demander l’origine de Nathalie,
    notre accompagnatrice libanaise d’ISM.
  • 166:28 - 166:31
    Faisant virevolter sa canne dans les airs
  • 166:31 - 166:34
    en un vaste mouvement circulaire,
  • 166:34 - 166:36
    il déclara:
  • 166:36 - 166:40
    "Beyrouth et Gaza, la même peinture, le même artiste!"
  • 166:40 - 166:44
    Jusqu’au pigeonnier d’Osama
    à ne pas avoir été épargné par les explosions:
  • 166:44 - 166:50
    les oiseaux sont couchés par terre
    comme foudroyés par un ciel trop lourd,
  • 166:50 - 166:52
    lourd comme du "Plomb durci".
  • 166:52 - 166:54
    "Sans doute voulaient-ils neutraliser l’aviation palestinienne,
  • 166:54 - 166:59
    pensant que les pigeons
    appartenaient aux services de renseignements du Hamas..."
  • 166:59 - 167:04
    plaisantai-je, provoquant un sourire amer de la part du pédiatre.
  • 167:04 - 167:07
    En cours de route à bord de notre taxi bringuebalant,
    nous croisâmes le chemin
  • 167:07 - 167:12
    du Secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon:
  • 167:12 - 167:19
    une longue colonne de véhicules tout-terrain
    flambant neufs aux vitres teintées
  • 167:19 - 167:23
    nous dépassa à toute allure
    comme si elle fuyait un tremblement de terre.
  • 167:23 - 167:28
    Ce qui avait bien été le cas ici jusqu’à il y a deux jours.
  • 167:28 - 167:32
    Dans l’immense puzzle impossible à reconstituer de Jabal Al-Dardour,
  • 167:32 - 167:38
    j’entendis appeler mon nom
    et aperçus soudain Abou Ashrafa debout devant moi.
  • 167:38 - 167:44
    Nous nous étions vus lors de la cérémonie funèbre de son fils,
    qui avait perdu la vie en novembre à la suite d’un bombardement,
  • 167:44 - 167:50
    ceci au moment
    où Israël et le monde occidental parlaient d’une trêve.
  • 167:50 - 167:57
    Il vient de perdre un autre parent
    et sa maison a été arrachée de ses fondements.
  • 167:57 - 168:04
    "Je n’ai plus aucun animal, plus une pierre, ils n’ont même pas
    laissé le moindre olivier, ce ne sont pas des êtres humains!",
  • 168:04 - 168:08
    dit-il, m’entraînant vers son oliveraie.
  • 168:08 - 168:14
    De nombreux arbres centenaires
    ont été arrachés par les bulldozers israéliens.
  • 168:14 - 168:24
    Comme pour annihiler ce qui semblait apparemment lié
    de manière indissoluble à son origine,
  • 168:24 - 168:31
    son identité et son besoin d’équité.
  • 168:31 - 168:33
    Un peu plus loin, un homme se présenta devant moi
  • 168:33 - 168:37
    pour me demander si je pensais
    que tous les Palestiniens étaient des combattants du Hamas.
  • 168:37 - 168:42
    À l’une des fenêtres de sa maison éventrée,
    le drapeau jaune du Fatah est resté accroché.
  • 168:42 - 168:45
    "La résistance armée nous donne espoir et dignité,
  • 168:45 - 168:51
    nous défendons notre terre avec bec et ongles de la même façon
    que nous défendrions notre fille face à une tentative de viol",
  • 168:51 - 168:53
    me déclare ce combattant du Fatah.
  • 168:53 - 168:57
    Si le but d’Israël avait été de marginaliser et neutraliser le Hamas,
  • 168:57 - 169:02
    c’est exactement l’effet inverse qui est obtenu,
  • 169:02 - 169:06
    car bombes et obus ont réussi à reconstruire à nouveau
  • 169:06 - 169:10
    partiellement, l’unité nationale.
  • 169:10 - 169:12
    Le test pour cette nouvelle donne
  • 169:12 - 169:16
    est la muqawama, la résistance palestinienne
  • 169:16 - 169:20
    qui tenta héroïquement de retarder l’avancée de l’armée israélienne.
  • 169:20 - 169:26
    Les barbus islamistes de la brigade Ezzedin al-Qassam,
    branche armée du Hamas,
  • 169:26 - 169:34
    ont combattu aux côtés des garnements à barbichette
    issus des combattants marxistes du Front populaire
  • 169:34 - 169:37
    ainsi que des Martyrs d’al-Aqsa du Fatah.
  • 169:37 - 169:42
    Le temps seul dira si cette unité retrouvée
  • 169:42 - 169:48
    trouvera un écho au sein de la société civile
    et de la classe politique.
  • 169:48 - 169:54
    Nous laissâmes derrière nous le paysage lunaire
    vidé de ses bâtiments dans la zone de Jabal Al-Dardour
  • 169:54 - 170:00
    pour nous attarder auprès d’un jeune garçon au visage renfrogné,
    assis sur le tas de décombres
  • 170:00 - 170:03
    de ce qui fut son immeuble d’habitation.
  • 170:03 - 170:06
    Nous lui demandâmes à quoi il pensait à présent.
  • 170:06 - 170:11
    À travers ses mots simples, il nous fit comprendre
    qu’il considérait que le Hamas et son mouvement de résistance
  • 170:11 - 170:14
    étaient les véritables responsables de cette catastrophe.
  • 170:14 - 170:19
    Fida, notre camarade d’ISM, le prit maternellement à part
  • 170:19 - 170:22
    pour lui raconter l’histoire.
  • 170:22 - 170:26
    Comment les soldats israéliens étaient déjà entrés dans Rafah en 2004
  • 170:26 - 170:30
    et avaient rasé des quartiers entiers,
  • 170:30 - 170:34
    exactement comme l’endroit où nous nous trouvions en ce moment.
  • 170:34 - 170:42
    À l’époque il n’y avait pas de Hamas,
    mais le Fatah et son dirigeant Arafat représentaient des terroristes
  • 170:42 - 170:46
    qu’il fallait éliminer
    comme des ennemis mortels et éloigner de la bande de Gaza.
  • 170:46 - 170:51
    À la place du Fatah,
    ce furent déjà en ce temps-là des dizaines de civils...
  • 170:51 - 170:55
    ...qui furent massacrés
    dans l’indifférence quasi générale,
  • 170:55 - 170:59
    et déjà à l’époque,
    la maison de notre amie présente fut rasée jusqu’à ses fondements.
  • 170:59 - 171:01
    Sur le chemin de retour vers Gaza-ville,
  • 171:01 - 171:10
    notre voiture tomba dans une tranchée
    creusée dans l’asphalte par les chenilles des blindés.
  • 171:10 - 171:12
    Le chauffeur de taxi se retourna et me dit:
  • 171:12 - 171:17
    "La mort est passée par ici et a laissé ses traces!"
  • 171:17 - 171:23
    Qui sait combien il faudra de temps pour guérir à nouveau
    cette terre en laissant se cicatriser ses blessures.
  • 171:23 - 172:08
    Restons humains.
  • 172:08 - 172:13
    22 janvier 2009
  • 172:13 - 172:16
    Des larmes en guise de témoignane
  • 172:16 - 172:25
    Après plusieurs jours d’absence, je franchissai à nouveau
    le seuil de mon appartement dans le port de Gaza-ville.
  • 172:25 - 172:30
    Tout se trouvait dans le même état où je l’avais laissé:
  • 172:30 - 172:36
    la bouteille de gaz souffre de la situation économique,
    cela revient trop cher de la faire remplir,
  • 172:36 - 172:41
    le courant électrique reste coupé
    par une main invisible.
  • 172:41 - 172:46
    Le paysage devant ma fenêtre est métamorphosé;
  • 172:46 - 172:52
    cela ne me procure plus de consolation
    face à une vie de misère sous occupation israélienne,
  • 172:52 - 172:57
    mais ne fait plus que tourner à présent le couteau dans la plaie
    ouverte par un traumatisme incurable:
  • 172:57 - 173:03
    la participation au témoignage d’un massacre.
  • 173:03 - 173:11
    De la caserne de pompiers, à vingt mètres de ma porte
    d’entrée, il ne subsiste plus qu’un immense cratère...
  • 173:11 - 173:19
    ...dans lequel des enfants s’ébattent en bande comme pour
    exhorter leurs parents à se débarrasser de leur peur.
  • 173:19 - 173:29
    L’appel à la prière de l’après-midi n’est plus ce chant
    mono- tone du muezzin auquel je m’étais habitué.
  • 173:29 - 173:38
    Qui sait où il est passé, s’il a réussi à survivre là-haut,
    sur l’un rares minarets encore debout.
  • 173:38 - 173:46
    Lorsque je l’avais écouté pour la dernière fois,
    l’exposé lithurgique de ce muezzin inconnu fut interrompu...
  • 173:46 - 173:50
    ...par une quinte de toux brutale.
  • 173:50 - 173:53
    Une toux qui ne m’épargne pas moi-même,
  • 173:53 - 173:59
    sans doute provoquée par les bombes fumigènes
    auxquelles personne n’a échappé dans la bande de Gaza.
  • 173:59 - 174:04
    Sous la porte-fenêtre qui donne sur un petit balcon,
    je découvre un message...
  • 174:04 - 174:09
    ...qui semblait avoir été déposé là par une main amicale.
  • 174:09 - 174:16
    Le balcon ainsi que la rue entière avaient été arrosés de tracts
    lancés par l’aviation israélienne:
  • 174:16 - 174:24
    ils sommaient la population palestinienne à doubler
    de vigilance car Israël avait des yeux et des oreilles partout,
  • 174:24 - 174:32
    qu’ "au moindre geste de provocation contre Israël,
    nous reviendrons envahir à nouveau la bande de Gaza...
  • 174:32 - 174:38
    ...et ce que vous avez vécu pendant ces jours-ci
    ne sera rien comparé à ce qui vous attend."
  • 174:38 - 174:45
    Dans la rue, quelques jeunes avaient commencé
    à rassembler ces tracts et à en faire des avions en papier
  • 174:45 - 174:51
    qu’ils tentaient alors de renvoyer à l’expéditeur.
  • 174:51 - 174:56
    Ahmed me parla aussi d’un autre jeu
    inventé par les jeunes:
  • 174:56 - 175:05
    jusqu’à ces derniers jours, ils se faisaient un plaisir de déclencher
    des feux avec les restes des bombes au phosphore blanc
  • 175:05 - 175:09
    répandus un peu partout dans la bande de Gaza.
  • 175:09 - 175:16
    Les résidus de ces tirs à haute capacité de réactivité chimique
    ont la caractéristique quasi indéfectible de s’enflammer:
  • 175:16 - 175:27
    quand on les retrouve plusieurs jours après leur explosion
    et qu’on les entrechoque, ils peuvent encore s’enflammer.
  • 175:27 - 175:34
    Les aides-soignants de l’hôpital Al-Qouds racontent
    comment ils ont très vite arrêté de vouloir éteindre les incendies...
  • 175:34 - 175:37
    ...provoqués par ces bombes,
  • 175:37 - 175:42
    car l’eau ne faisait qu’alimenter les flammes.
  • 175:42 - 175:49
    "Les fruits de toutes ces saloperies qu’ils nous ont déversées
    sur la tête depuis ces trois dernières semaines,
  • 175:49 - 175:55
    nous allons les récolter sous forme de tumeurs et
    de malformations chez les nouveaux-nés dans un proche avenir",
  • 175:55 - 176:01
    me dit Munir,
    médecin à l’hôpital Al-Shifa.
  • 176:01 - 176:11
    L’utilisation massive d’armes interdites par toutes les conventions
    internationales commence aussi à inquiéter les voisins de Gaza.
  • 176:11 - 176:18
    Tout comme à Sdérot, des citoyens israéliens d’Ashkalon
    ont interpellé formellement leur gouvernement et demande...
  • 176:18 - 176:24
    ...à obtenir des éclaircissements sur la nature des armes
    utilisées durant ces trois dernières semaines:
  • 176:24 - 176:30
    il est tout à fait clair que l’uranium appauvri
    et le phosphore blanc...
  • 176:30 - 176:36
    ...répandus en quantité criminelle
    sur le mouchoir de poche que représente la bande de Gaza...
  • 176:36 - 176:46
    ...ne feront aucune différence entre juifs et musulmans
    lorsqu’ils provoqueront des maladies génétiques.
  • 176:46 - 176:49
    À vrai dire, un cessez-le-feu strict devrait régner.
  • 176:49 - 176:55
    Malgré cela, aujourd’hui je suis réveillé par les tonnerres
    grondants des coups de canon des navires de guerre,
  • 176:55 - 176:58
    tout comme je le fus il y
    a quelques jours par les bombardements.
  • 176:58 - 177:06
    Équipés de filets, quelques pêcheurs ont essayé,
    à bord de leurs frêles chaloupes, de quitter le port.
  • 177:06 - 177:10
    La marine israélienne les a immédiatement rappelés à l’ordre.
  • 177:10 - 177:14
    Entre-temps, l’unique poisson
    que l’on peut encore acheter à Gaza...
  • 177:14 - 177:19
    ...est le thon égyptien sous forme de boîtes de conserves
    entrées il y a un mois dans le pays par les tunnels.
  • 177:19 - 177:24
    À l’est de Gaza-ville, il y eût d’autres "dommages collatéraux"
    provoqués par les obus israéliens:
  • 177:24 - 177:29
    deux enfants qui jouaient avec un engin non explosé.
  • 177:29 - 177:35
    Des témoins parlent de mines placées directement devant
    les décombres des maisons à Tal el-Hawa.
  • 177:35 - 177:41
    Une équipe de déminage du Hamas
    envoyée sur place a désamorcé les engins...
  • 177:41 - 177:46
    ...et, en voyant à qui ils furent remis sur un pick-up,
    je compris...
  • 177:46 - 178:00
    ...que dans un délai assez court, la brigade Al-Qassam
    allait tenter de renvoyer ces colis à leur expéditeur.
  • 178:00 - 178:05
    Le toit de la maison de Naema était vraiment
    un endroit unique pour se faire une idée visuelle typique...
  • 178:05 - 178:08
    ...de la frontière israélo-palestinienne.
  • 178:08 - 178:13
    D’un côté, le vert jaillissant des collines toujours
    bien irriguées des kiboutzim israéliens,
  • 178:13 - 178:20
    de l’autre la sécheresse
    d’une terre vidée de ses puits et pâturages.
  • 178:20 - 178:24
    Naema m’a raconté son vécu des récentes journées:
  • 178:24 - 178:30
    un témoignage du massacre aux notes odorantes,
    palpables et sonores.
  • 178:30 - 178:35
    Mais sans images, car Naema est non-voyante.
  • 178:35 - 178:44
    Quelques minutes avant leur incursion, les soldats
    avaient ordonné l’évacuation du village où elle vivait.
  • 178:44 - 178:51
    Les hommes avaient hissé les jeunes enfants sur leurs épaules,
    et en compagnie des femmes s’étaient mis en route.
  • 178:51 - 178:57
    Naema était restée
    afin de ne pas les retarder dans leur fuite.
  • 178:57 - 179:03
    Elle s’était retirée entre ses quatre murs...
  • 179:03 - 179:08
    ...et avait accueilli chez elle les voisins
    qui ne savaient pas où aller;
  • 179:08 - 179:15
    trois femmes,
    une femme âgée ainsi qu’un vieil homme impotent.
  • 179:15 - 179:21
    Les blindés et les bulldozers ont passé la frontière
    et commencé à tout détruire sur leur passage,
  • 179:21 - 179:29
    en dévorant la terre hectare après hectare,
    jusqu’à s’arrêter devant la maison de Naema.
  • 179:29 - 179:35
    La bâtisse où elle vit, se dresse sur une colline
    qui domine le village.
  • 179:35 - 179:41
    Les soldats de Tsahal
    ont trouvé qu’elle avait une position stratégique
  • 179:41 - 179:46
    et ont occupé la maison pendant deux semaines.
  • 179:46 - 179:51
    “Quand ils sont arrivés, ils ont pointé leurs armes sur nous
    et ils nous ont poussé vers une petite pièce
  • 179:51 - 179:56
    où nous sommes restés enfermés pendant 11 jours”,
    raconte Naema.
  • 179:56 - 180:02
    "Durant tout ce temps, ils nous ont seulement
    apporté de l’eau par deux fois,
  • 180:02 - 180:07
    nos repas étaient faits des restes
    de leurs rations militaires.
  • 180:07 - 180:15
    Nous n’avions pas la permission de nous rendre aux toilettes et
    avons été obligés de faire nos besoins dans un coin de la pièce.
  • 180:15 - 180:20
    Ils ne nous permettaient même pas de parler
    entre nous et se moquaient pendant...
  • 180:20 - 180:26
    ...la prière du soir", raconte Naema.
  • 180:26 - 180:32
    "En nous pointant une arme sur la nuque
  • 180:32 - 180:36
    ils nous sommaient d’avouer notre appartenance au Hamas,
  • 180:36 - 180:40
    nous insultaient quand nous n’obéissions pas."
  • 180:40 - 180:43
    Au bout du onzième jour d’emprisonnement,
  • 180:43 - 180:50
    la Croix- Rouge internationale réussit enfin à atteindre le lieu
    pour libérer les six Palestiniens des mains de leurs geôliers.
  • 180:50 - 180:55
    "Nous ne pouvions rien emmener, ils ne m’ont même
    pas permis d’emporter mes lunettes de soleil",
  • 180:55 - 181:03
    dit une des femmes en guise de conclusion de son récit,
    ajoutant, qu’au moment de leur retour chez elles,
  • 181:03 - 181:08
    elles n’avaient pu que constater
    les vols commis par les soldats:
  • 181:08 - 181:15
    ils avaient emporté tout l’argent et l’or cachés après
    avoir détruit les quelques biens
  • 181:15 - 181:23
    comme deux téléviseurs, une radio, un réfrigérateur
    ainsi que les panneaux solaires sur le toit.
  • 181:23 - 181:29
    Derrière ses nouvelles lunettes noires,
    je vis ruisseler des larmes des yeux de Naema...
  • 181:29 - 181:33
    ...qui me semblèrent à ce moment précis
    les plus étincelantes que j’aie jamais vues.
  • 181:33 - 181:37
    En réalité, à travers ses yeux éteints,
    Naema avait entrevu...
  • 181:37 - 181:43
    plus de choses qu’aucune autre jeune femme
    de son âge aurait pu avoir l’occasion de le faire
  • 181:43 - 181:53
    au moins dans la perspective de ne pas avoir eu la malchance
    d’être née dans ce coin de monde martyrisé.
  • 181:53 -
    Restons Humains.
Title:
Stay Human - The Reading Movie (2013)
Description:

Stay Human - The Reading Movie (2013)

22 days of bombing. More than 1200 civilians killed, 400 children. This movie features the complete reading of Vittorio Arrigoni's daily diary, the witness of a massacre in progress during the military operation called Cast Lead, unleashed by the Israeli government against the Gaza Strip's civilians between the end of 2008 and the beginning of 2009.
_______________________________________________

Film by Fulvio Renzi
Directed by Luca Incorvaia
Full reading of the book "Gaza - Stay Human" written by Vittorio Arrigoni

With: Alberto Arce | Huwaida Arraf | Massimo Arrigoni | Mohamed Bakri | Ronnie Barkan | Egidia Beretta Arrigoni | Hilarion Capucci | Noam Chomsky | Maria Elena Delia | Norman Finkelstein | Don Andrea Gallo | Stéphane Hessel | Mairead Corrigan Maguire | Luisa Morgantini | Akiva Orr | Moni Ovadia | Ilan Pappé | Roger Waters | Rabbi David Weiss

Co-produced with over 1700 people's support
Shooted in Italy, North America, Israel, Palestine, England, Ireland, France, Germany, Czech Republic
Between April 2011 and October 2012

Original Motion Picture Soundtrack
Music by Fulvio Renzi
With: Paki Zennaro | Vincenzo Zitello | Gilad Atzmon | Fakhraddin Gafarov | Marco Messina | Emanuele Wiltsch Barberio | David Boato | Adriano Clera | Romina Salvadori | Gionata Mirai | Yuriko Mikami

www.stayhuman.tv
www.thereadingmovie.tv
www.restiamoumani.com

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Video Language:
Italian
Duration:
03:02:33

French subtitles

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