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Il y a un fleuve au dessus de nous

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    Qu'est-ce que vous en dites ?
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    Pour ceux qui ont regardé la conférence
    mémorable de Sir Ken à TED,
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    je suis l'exemple typique de celui
    qu'il décrit comme :
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    « un corps transportant une tête ».
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    Un professeur d'université.
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    Et vous pourriez penser que c'est lâche
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    de me placer après ces deux
    premières présentations
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    pour parler de science.
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    Mon corps ne sait pas suivre un rythme.
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    Et après un scientifique
    devenu philosophe,
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    je dois parler de sciences dures.
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    Ce pourrait être un sujet très aride,
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    pourtant, je me sens honoré.
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    Jamais dans ma carrière, et pourtant,
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    c'est une longue carrière,
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    je n'ai eu l'opportunité
    de démarrer une conférence
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    avec autant d'inspiration
    que celle-ci.
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    D'habitude, parler de science
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    c'est comme faire du sport
    sur une terre aride.
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    Pourtant, j'ai eu le plaisir
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    d'être invité ici pour
    parler de l'eau.
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    Et « eau » et « aride » ne vont
    pas ensemble, pas vrai ?
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    Mieux encore, pour parler
    de l'eau en Amazonie,
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    qui est un splendide berceau
    de vie, non ? Fraîcheur.
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    Alors, c'est ça qui m'a inspiré.
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    C'est pour ça que je suis là,
    malgré le fait que j'aie
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    transporté ma tête ici,
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    je suis là pour essayer de vous
    transmettre cette inspiration.
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    J'espère que cette histoire vous
    inspirera et que vous la transmettrez.
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    On sait qu'il y a controverse,
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    l'Amazonie est le poumon
    de la planète, n'est-ce pas,
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    grâce à son pouvoir massif
    d'échange de gaz vitaux
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    entre la forêt et l'atmosphère.
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    On parle aussi de
    réserve de la biodiversité.
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    Et bien que beaucoup y croient,
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    peu connaissent.
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    Si vous y allez, dans l'igapo,
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    vous serez émerveillés par…
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    Vous arrivez à peine à voir les bestioles.
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    Les indiens disent : « La forêt possède
    plus d'yeux que de feuilles. »
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    Et c'est vrai, je vais essayer de vous
    montrer quelque chose.
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    Mais aujourd'hui, je vais essayer
    une autre approche,
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    une approche inspirée
    des deux initiatives ici,
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    une harmonieuse et l'autre philosophique.
  • 2:20 - 2:24
    Je vais essayer d'utiliser une approche
    un peu matérialiste,
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    mais qui tente de transmettre l'idée
    que dans la nature il existe
  • 2:27 - 2:30
    une philosophie et une harmonie
    extraordinaires.
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    Il n'y aura pas de musique dans
    ma présentation,
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    mais j'espère que vous verrez la musique
    dans la réalité que je vais vous montrer.
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    Je vais vous parler de physiologie.
    Pas des poumons,
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    mais d'autres analogies de
    la physiologie humaine,
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    en particulier le cœur.
  • 2:45 - 2:47
    Au début on pense
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    que l'eau est comme le sang.
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    La circulation dans notre corps
    amène le sang frais,
  • 2:59 - 3:02
    qui alimente, nourrit et soutient,
  • 3:02 - 3:06
    et ramène le sang utilisé,
    pour être renouvelé.
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    En Amazonie, il arrive
    des choses très similaires.
  • 3:11 - 3:16
    Et on commence à parler de la
    puissance de tous ces processus.
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    Ceci est une image,
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    animée, des pluies.
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    Et ce que vous voyez ici c'est
    une année qui passe chaque seconde.
  • 3:27 - 3:30
    Les pluies du monde entier.
    Et qu'est-ce que vous voyez ?
  • 3:30 - 3:32
    Que la région équatoriale en général,
  • 3:32 - 3:34
    et l'Amazonie en particulier,
  • 3:34 - 3:37
    est extrêmement importante
    pour le climat mondial.
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    C'est un moteur puissant.
  • 3:39 - 3:44
    Il y a ici une activité frénétique
    liée à l'évaporation.
  • 3:44 - 3:47
    Si on regarde cette autre image,
  • 3:47 - 3:50
    qui montre les flux de vapeur d'eau,
  • 3:50 - 3:53
    en noir, c'est de l'air sec,
    en gris, de l'air humide
  • 3:53 - 3:54
    et en blanc, les nuages.
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    Vous y voyez une remarquable
    résurgence de l'Amazonie.
  • 4:00 - 4:02
    Quel phénomène, à part un désert,
  • 4:02 - 4:07
    quel phénomène fait jaillir l'eau
    du sol dans l'atmosphère
  • 4:07 - 4:10
    avec autant de puissance que
    l'on peut le voir depuis l'espace ?
  • 4:10 - 4:12
    Quel est ce phénomène ?
  • 4:12 - 4:15
    Peut-être un geyser.
  • 4:15 - 4:19
    Le geyser c'est de l'eau souterraine
    chauffée par la chaleur du magma
  • 4:19 - 4:20
    qui explose dans l'atmosphère
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    et transfère l'eau dans l'atmosphère.
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    Nous n'avons pas de geysers en Amazonie,
    si je ne me trompe pas.
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    Je n'en ai pas connaissance.
  • 4:29 - 4:33
    Nous avons quelque chose qui joue
    le même rôle,
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    mais avec bien plus d'élégance :
  • 4:36 - 4:39
    nos amis les arbres bienfaisants,
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    qui, comme les geysers,
  • 4:42 - 4:47
    arrivent à transmettre une énorme
    quantité d'eau vers l'atmosphère.
  • 4:47 - 4:53
    Il y a 600 milliards d'arbres en Amazonie,
    600 milliards de geysers.
  • 4:53 - 4:57
    Et c'est d'un raffinement extraordinaire.
  • 4:57 - 4:59
    Ils n'ont pas besoin
    de la chaleur du magma.
  • 4:59 - 5:02
    Ils utilisent la lumière du soleil pour
    effectuer ce processus.
  • 5:02 - 5:05
    Ainsi, en un jour, une journée ensoleillée
    typique en Amazonie,
  • 5:05 - 5:08
    un grand arbre arrive à transmettre
    1000 litres d'eau
  • 5:08 - 5:10
    par sa transpiration.
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    1000 litres.
  • 5:11 - 5:17
    Si vous prenez toute l'Amazonie,
  • 5:17 - 5:19
    qui est une très grande surface,
  • 5:19 - 5:22
    et que vous additionnez toute l'eau
    issue de la transpiration,
  • 5:22 - 5:24
    la sueur de la forêt,
  • 5:24 - 5:27
    vous arrivez à un chiffre extraordinaire :
  • 5:27 - 5:30
    20 milliards de tonnes d'eau.
  • 5:30 - 5:31
    Vous imaginez, ça en un jour.
  • 5:31 - 5:34
    Vous savez ce que ça représente ?
  • 5:34 - 5:36
    L'Amazone, le plus grand fleuve sur Terre,
  • 5:36 - 5:38
    un cinquième de toute l'eau douce
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    qui quitte les continents et qui va
    dans nos océans,
  • 5:41 - 5:46
    déverse 17 milliards de tonnes d'eau
    par jour dans l'océan Atlantique.
  • 5:46 - 5:47
    Ce fleuve de vapeur,
  • 5:47 - 5:50
    qui quitte la forêt et va
    dans l'atmosphère,
  • 5:50 - 5:51
    est plus important que l'Amazone.
  • 5:51 - 5:53
    Pour que vous vous fassiez une idée.
  • 5:53 - 5:57
    Si on pouvait trouver une
    très grande bouilloire,
  • 5:57 - 6:00
    de celles que l'on branche,
    une bouilloire électrique,
  • 6:00 - 6:02
    et qu'on plaçait ces 20 milliards
    de tonnes dedans,
  • 6:02 - 6:05
    combien d'électricité faudrait-il
    pour évaporer cette eau ?
  • 6:05 - 6:08
    Quelqu'un a une idée ?
    C'est une très grande bouilloire.
  • 6:08 - 6:10
    La bouilloire des géants, n'est-ce pas ?
  • 6:10 - 6:13
    50 000 Itaipus.
  • 6:13 - 6:16
    Itaipu c'est la plus grande centrale
    hyroélectrique au monde.
  • 6:16 - 6:18
    Une fierté brésilienne
  • 6:18 - 6:20
    parce qu'elle fournit plus de
    30% de l'énergie
  • 6:20 - 6:22
    consommée au Brésil.
  • 6:22 - 6:27
    El l'Amazonie est là à faire
    la même chose gratuitement.
  • 6:27 - 6:32
    C'est une puissante usine vivante
    de services environnementaux.
  • 6:34 - 6:36
    À ce sujet,
  • 6:36 - 6:39
    je vais parler de ce que j'appelle,
    le « paradoxe de la chance »
  • 6:39 - 6:41
    qui est très curieux.
  • 6:41 - 6:42
    Si vous prenez une carte du monde,
  • 6:42 - 6:44
    c'est facile à appercevoir,
  • 6:44 - 6:47
    vous voyez que, dans la zone équatoriale,
    vous avez les forêts,
  • 6:47 - 6:50
    et que les déserts sont organisés
    à 30° de latitude nord,
  • 6:50 - 6:53
    30° de latitude sud, alignés.
  • 6:53 - 6:56
    On voit, dans l'hémisphère sud,
    celui d'Atacama,
  • 6:56 - 6:59
    le Namib et le Kalahari en Afrique,
    le désert d'Australie.
  • 6:59 - 7:02
    Dans l'hémisphère nord,
    le Sahara, Sonoma, etc.
  • 7:02 - 7:06
    Et vous avez une exception,
    bien curieuse :
  • 7:06 - 7:10
    c'est le quadrilatère qui va
    de Cuiaba à Buenos Aires,
  • 7:10 - 7:11
    de Sao Paoulo jusqu'aux Andes.
  • 7:11 - 7:14
    Ce quadrilatère aurait dû être un désert.
  • 7:14 - 7:17
    Il est sur la ligne des déserts.
  • 7:17 - 7:20
    Pourquoi n'en est-il pas un ? C'est le
    « paradoxe de la chance ».
  • 7:20 - 7:23
    Qu'y a-t-il de différent
    en Amérique du Sud ?
  • 7:24 - 7:26
    On peut utiliser l'analogie
  • 7:26 - 7:30
    de la circulation du sang dans le corps,
    et du sang,
  • 7:30 - 7:34
    et la circulation de l'eau
    dans le paysage.
  • 7:34 - 7:38
    On peut voir les fleuves comme les veines,
  • 7:38 - 7:42
    qui drainent le paysage,
    qui drainent le tissu de la nature.
  • 7:42 - 7:44
    Et où sont les artères ?
  • 7:44 - 7:46
    Vous devinez ?
  • 7:46 - 7:48
    Qu'est-ce qui apporte…
  • 7:48 - 7:53
    Comment l'eau parvient à
    irriguer les tissus de la nature
  • 7:53 - 7:57
    et à tout ramener vers les fleuves ?
  • 7:57 - 8:00
    Il y a un nouveau type de fleuve,
  • 8:00 - 8:03
    qui prend sa source dans l'océan bleu,
  • 8:03 - 8:06
    et qui coule vers l'océan vert,
  • 8:06 - 8:09
    il ne coule pas seulement, mais
    il est pompé par l'océan vert,
  • 8:09 - 8:12
    et se jette dans nos terres.
  • 8:12 - 8:15
    Toute notre économie,
    dans la quadrilatère,
  • 8:15 - 8:19
    70% du PIB d'Amérique du Sud
    vient de cette région,
  • 8:19 - 8:21
    dépend de ce fleuve.
  • 8:21 - 8:23
    Et ce fleuve coule, invisible,
    au dessus de nous.
  • 8:23 - 8:25
    Nous flottons sur cette bouée,
  • 8:25 - 8:28
    sur l'une des plus grandes rivières
    de la planète, le rio Negro.
  • 8:28 - 8:31
    Elle est un peu sèche et agitée,
    mais nous flottons dessus,
  • 8:31 - 8:34
    et au dessus de nous coule un
    fleuve invisible.
  • 8:34 - 8:38
    Et ce fleuve, a un pouls.
  • 8:38 - 8:40
    Il est là et il pulse.
  • 8:40 - 8:42
    C'est pour ça que l'on parle
    de cœur aussi.
  • 8:42 - 8:45
    Vous voyez là les saisons de l'année.
  • 8:45 - 8:48
    Il pleut à un moment. En Amazonie,
    on avait deux saisons avant,
  • 8:48 - 8:50
    une humide et une encore plus humide.
  • 8:50 - 8:52
    Maintenant nous avons une saison sèche.
  • 8:52 - 8:55
    Vous la voyez là atteindre cette région
  • 8:55 - 8:58
    qui autrement, aurait dû
    être un désert, mais qui ne l'est pas.
  • 9:02 - 9:05
    Nous, les scientifiques… Vous voyez
    que c'est avec difficulté
  • 9:05 - 9:08
    que je suis là à bouger ma
    tête d'un côté à l'autre.
  • 9:08 - 9:13
    Les scientifiques étudient comment
    ça marche, pourquoi, etc.,
  • 9:13 - 9:18
    et ces études génèrent une
    série de découvertes
  • 9:18 - 9:19
    absolument extraordinaires
  • 9:19 - 9:22
    qui nous rendent conscients
    de la richesse,
  • 9:22 - 9:25
    de la complexité et de la merveille
    que nous avons,
  • 9:25 - 9:28
    de la symphonie que nous retrouvons
    dans ce processus.
  • 9:28 - 9:30
    Par exemple : comment se forme la pluie ?
  • 9:30 - 9:34
    Au dessus de l'Amazonie
    il y a de l'air propre,
  • 9:34 - 9:36
    comme au dessus de l'océan.
  • 9:36 - 9:38
    L'océan bleu a de l'air propre
    et forme très peu de nuages,
  • 9:38 - 9:40
    il n'y pleut presque pas.
  • 9:40 - 9:44
    L'océan vert, même air propre,
    mais il forme beaucoup de pluie.
  • 9:44 - 9:47
    Que se passe-t-il de différent ici ?
  • 9:47 - 9:48
    La forêt émet des odeurs,
  • 9:48 - 9:51
    et ces odeurs sont
    des noyaux de condensation,
  • 9:51 - 9:54
    qui forment des gouttes dans l'atmosphère,
  • 9:54 - 9:59
    et ainsi se forment le nuages qui
    génèrent la pluie torrentielle.
  • 9:59 - 10:01
    L'arrosoir du Jardin d'Éden.
  • 10:02 - 10:07
    Cette relation, d'un être vivant,
    qui est la forêt,
  • 10:07 - 10:10
    avec une entité inanimée,
    qui est l'atmosphère,
  • 10:10 - 10:12
    est vertueuse en Amazonie,
  • 10:12 - 10:17
    car la forêt produit l'eau
    et les graines,
  • 10:17 - 10:20
    et l'atmosphère forme la pluie
    et rend l'eau de nouveau
  • 10:20 - 10:24
    et ainsi la survie
    de la forêt est garantie.
  • 10:24 - 10:26
    Il y a d'autres facteurs aussi.
  • 10:26 - 10:27
    On a parlé un peu du cœur,
  • 10:27 - 10:31
    et maintenant on va parler
    d'une autre fonction : le foie !
  • 10:31 - 10:36
    Lorsque l'air humide, une humidité élevée
    et le rayonnement sont combinés
  • 10:36 - 10:38
    avec ces composés organiques,
  • 10:38 - 10:43
    que j'appelle la « vitamine C exogène »,
    de la généreuse vitamine C gazeuse,
  • 10:43 - 10:46
    les plantes libèrent des antioxidants
  • 10:46 - 10:49
    qui réagissent avec les polluants.
  • 10:49 - 10:50
    Vous pouvez être rassurés
  • 10:50 - 10:53
    parce que vous respirez l'air
    le plus pur au monde ici en Amazonie,
  • 10:53 - 10:57
    parce que les plantes bénéficient
    de cette qualité aussi.
  • 10:57 - 10:59
    Et cela favorise le fonctionnement
    de la plante elle-même,
  • 10:59 - 11:02
    encore un cercle vertueux.
  • 11:02 - 11:05
    Au sujet des fractales,
  • 11:05 - 11:08
    et de leur relation avec nos activités,
  • 11:08 - 11:11
    on peut faire d'autres comparaisons.
  • 11:11 - 11:13
    Comme dans les voies
    respiratoires supérieures,
  • 11:13 - 11:17
    l'air de l'Amazonie est purifié
    des excès de poussière.
  • 11:17 - 11:22
    Les voies respiratoires nettoient la
    poussière dans l'air que l'on respire.
  • 11:22 - 11:25
    Cela empêche que l'excès de poussière
    puisse nuire à la pluie.
  • 11:25 - 11:27
    Quand il y a des incendies en Amazonie,
  • 11:27 - 11:30
    la fumée arrête la pluie,
    il ne pleut plus,
  • 11:30 - 11:32
    la forêt sèche et le feu y pénètre.
  • 11:32 - 11:35
    J'ai une autre analogie fractale.
  • 11:35 - 11:37
    Comme les veines et les artères,
  • 11:37 - 11:39
    il y a un cycle de l'eau de pluie
  • 11:39 - 11:41
    qui retourne vers l'atmosphère.
  • 11:41 - 11:46
    Comme les glandes endocrines
    et les hormones,
  • 11:46 - 11:49
    vous avez ces gaz,
    dont je vous ai parlé,
  • 11:49 - 11:53
    qui, comme des hormones
    lâchées dans l'atmosphère,
  • 11:53 - 11:55
    favorisent la formation de la pluie.
  • 11:55 - 11:59
    Comme le foie et les reins,
    il y a le nettoyage de l'air.
  • 11:59 - 12:02
    Et enfin, comme le cœur, il y a
  • 12:02 - 12:06
    le pompage de l'eau
    qui va de l'océan,
  • 12:06 - 12:08
    vers la forêt.
  • 12:08 - 12:12
    On appelle cela la
    « Pompe biotique d'humidité ».
  • 12:12 - 12:15
    C'est une nouvelle théorie qu'on
    explique de manière très simple.
  • 12:15 - 12:18
    Si on a un désert sur le continent,
  • 12:18 - 12:20
    et on a un océan à côté,
  • 12:20 - 12:22
    l'évaporation plus importante de l'océan
  • 12:22 - 12:25
    produit une succion
    et aspire l'air du désert.
  • 12:25 - 12:29
    Le désert est piégé dans cet état.
    Il sera toujours sec.
  • 12:29 - 12:31
    Si on a les conditions contraires,
    avec une forêt,
  • 12:31 - 12:35
    l'évaporation, comme on l'a montré,
    est bien plus importante dans les arbres
  • 12:35 - 12:37
    et cette relation est inversée.
  • 12:37 - 12:39
    Ainsi, l'air est aspiré de l'océan
  • 12:39 - 12:42
    et de l'humidité est importée.
  • 12:42 - 12:47
    Ceci est une image qui a été faite
    il y a un mois par satellite,
  • 12:47 - 12:49
    Manaus c'est là en bas,
    nous sommes là en bas,
  • 12:49 - 12:51
    et elle montre ce processus.
  • 12:51 - 12:54
    Il ne s'agit pas d'une petite rivière
    qui se déverse dans un canal,
  • 12:54 - 12:58
    mais d'un puissant fleuve
    qui irrigue l'Amérique du Sud
  • 12:58 - 13:00
    entre autres.
  • 13:00 - 13:02
    Cette image montre les trajectoires
  • 13:02 - 13:06
    de tous les ouragans que
    nous avons enregistrés.
  • 13:06 - 13:10
    On voit que, dans le carré rouge,
    il n'y a presque pas d'ouragan.
  • 13:10 - 13:12
    Ce n'est pas un hasard.
  • 13:12 - 13:15
    Cette pompe qui aspire l'humidité
    vers l'intérieur du continent,
  • 13:15 - 13:18
    accélère aussi l'air au dessus
    de l'océan
  • 13:18 - 13:20
    et cela empêche la formation
    des ouragans.
  • 13:21 - 13:26
    Pour terminer cette partie, une synthèse,
  • 13:26 - 13:28
    je voulais vous parler de
    quelque chose d'un peu différent.
  • 13:28 - 13:31
    J'ai plusieurs collègues qui participent
  • 13:31 - 13:32
    au développement de ces théories
  • 13:32 - 13:36
    qui sont de l'avis, y compris moi-même,
  • 13:36 - 13:39
    que nous pouvons
    récupérer la planète Terre.
  • 13:39 - 13:42
    Je ne parle pas aujourd'hui ici
    uniquement de l'Amazonie.
  • 13:42 - 13:43
    L'Amazonie nous donne une leçon
  • 13:43 - 13:48
    sur comment fonctionne la nature sauvage.
  • 13:48 - 13:50
    Nous ne comprenions pas
    ces processus avant
  • 13:50 - 13:53
    parce que le reste du monde
    est désaccordé.
  • 13:53 - 13:55
    Ici nous pouvons comprendre.
  • 13:55 - 13:59
    Et ces collègues disent :
    « Nous pouvons, oui,
  • 13:59 - 14:00
    récupérer ces autres endroits,
  • 14:00 - 14:02
    y compris les déserts. »
  • 14:02 - 14:06
    Si on arrive à établir des forêts
    dans ces autres endroits,
  • 14:06 - 14:08
    nous pouvons restituer le climat.
  • 14:08 - 14:10
    Y compris le réchauffement climatique.
  • 14:10 - 14:13
    J'ai une collègue en Inde
    que j'aime beaucoup,
  • 14:13 - 14:16
    elle s'appelle Suprabha Seshan,
    et elle a une devise.
  • 14:16 - 14:21
    En anglais :
    « Gardening back the biosphère »,
  • 14:21 - 14:22
    restaurer la biosphère par le jardinage.
  • 14:22 - 14:25
    C'est un merveilleux travail
    de reconstruction des écosystèmes.
  • 14:25 - 14:28
    Nous devons le faire.
  • 14:28 - 14:32
    Après cette introduction rapide,
  • 14:32 - 14:36
    on arrive à la réalité
    que nous voyons ici,
  • 14:36 - 14:39
    la sécheresse, le changement climatique,
  • 14:39 - 14:41
    des choses que nous connaissons déjà.
  • 14:41 - 14:45
    Maintenant, je voulais vous
    raconter une petite histoire.
  • 14:45 - 14:48
    J'ai entendu, il y a quatre ans,
  • 14:48 - 14:50
    une lecture d'un texte
    de Davi Copenaua,
  • 14:52 - 14:55
    un sage représentant du peuple Yanomami,
  • 14:55 - 14:56
    qui disait plus ou moins ce qui suit :
  • 14:56 - 15:00
    « Est-ce que l'homme blanc ignore vraiment
  • 15:00 - 15:04
    que, s'il détruit la forêt,
    la pluie va s'arrêter ?
  • 15:04 - 15:06
    Et que si la pluie s'arrête,
    il n'aura plus à boire
  • 15:06 - 15:08
    ni à manger ? »
  • 15:08 - 15:11
    Je l'ai entendu et j'étais
    au bord des larmes,
  • 15:11 - 15:13
    parce que je me disais : « Ouah !
  • 15:13 - 15:17
    J'étudie ça depuis 20 ans,
    superordinateur,
  • 15:17 - 15:19
    des dizaines, des milliers
    de scientifiques,
  • 15:19 - 15:23
    on arrive à peine à cette
    conclusion, qu'il connaît déjà ! »
  • 15:23 - 15:28
    Encore pire : les Yanomamis n'ont
    jamais déboisé.
  • 15:28 - 15:30
    Comment peuvent-ils savoir que la
    pluie va s'arrêter ?
  • 15:30 - 15:34
    Ça me trottait dans la tête
    et j'étais épaté.
  • 15:34 - 15:36
    Comment pouvait-il savoir ?
  • 15:36 - 15:40
    Quelques mois plus tard je l'ai
    croisé et je lui ai parlé :
  • 15:40 - 15:44
    « Davi, comment savez-vous que,
    en détruisant la forêt,
  • 15:44 - 15:45
    la pluie s'arrêtera ? »
  • 15:45 - 15:50
    Et il m'a répondu :
    « L'esprit de la forêt nous l'a dit. »
  • 15:50 - 15:55
    Et ça, pour moi, ça a été un
    game changer, non ?
  • 15:55 - 15:56
    C'était radical,
  • 15:56 - 15:58
    parce que je me suis dit : « Mince !
  • 15:58 - 16:02
    Alors, à quoi bon toute
    cette science,
  • 16:02 - 16:05
    pour arriver à la même conclusion
    qu'il connait déjà ? »
  • 16:05 - 16:11
    Et là, j'ai compris quelque chose
    d'absolument essentiel,
  • 16:11 - 16:12
    qui est…
  • 16:16 - 16:18
    « loin des yeux, loin du cœur ».
  • 16:20 - 16:23
    « Out of sight, out of [mind] ».
  • 16:23 - 16:28
    C'est un besoin que mon
    prédécesseur à souligné,
  • 16:28 - 16:31
    nous avons besoin de voir les choses.
  • 16:31 - 16:33
    Je dis « nous » je veux dire
    la société occidentale
  • 16:33 - 16:35
    qui devient globale, civilisée,
  • 16:35 - 16:37
    nous avons besoin de voir.
  • 16:37 - 16:39
    Si on ne voit pas,
    on n’enregistre pas.
  • 16:39 - 16:41
    On vit dans l'ignorance.
  • 16:41 - 16:43
    Donc, je fais la proposition suivante :
  • 16:43 - 16:45
    les astronomes ne vont pas aimer,
  • 16:45 - 16:48
    mais on va tourner Hubble à l'envers.
  • 16:48 - 16:51
    Et on va le faire regarder vers ici,
  • 16:51 - 16:53
    au lieu des confins de l'univers.
  • 16:53 - 16:55
    Ils sont merveilleux les confins
    de l'univers,
  • 16:55 - 16:57
    mais nous sommes devant
    une réalité pratique
  • 16:57 - 17:01
    qui est que nous vivons
    dans un cosmos inconnu,
  • 17:01 - 17:02
    dont nous ignorons tout.
  • 17:02 - 17:06
    Nous piétinons ce
    cosmos merveilleux
  • 17:06 - 17:08
    qui nous protège et nous abrite.
  • 17:08 - 17:09
    Parlez à un astrophysicien,
  • 17:09 - 17:13
    la Terre est une
    improbabilité statistique.
  • 17:13 - 17:15
    La stabilité et le confort
    que nous apprécions,
  • 17:15 - 17:17
    malgré les sécheresses du rio Negro,
  • 17:17 - 17:20
    malgré les canicules, le froid,
    les typhons, etc.
  • 17:20 - 17:23
    il n'y a rien de tel dans l'univers,
    rien de connu.
  • 17:23 - 17:25
    Alors, tournons Hubble vers ici
  • 17:25 - 17:29
    et regardons la Terre.
  • 17:29 - 17:32
    Commençons par l'Amazonie !
  • 17:32 - 17:33
    Plongeons, et allons jusqu'à
  • 17:33 - 17:37
    la réalité de notre quotidien,
  • 17:37 - 17:41
    et regardons de près,
    parce qu'on en a besoin.
  • 17:41 - 17:43
    Davi Copenaua n'en a pas besoin.
  • 17:43 - 17:45
    Il a déjà quelque chose que
    je pense avoir perdu.
  • 17:45 - 17:47
    J'ai été éduqué par la télévision.
  • 17:47 - 17:49
    Et je pense que j'ai perdu
    ce quelque chose,
  • 17:49 - 17:50
    ce registre ancestral,
  • 17:50 - 17:55
    qui est une valorisation de ce que
    je ne connais pas, que je n'ai pas vu.
  • 17:55 - 17:57
    Il n'a pas besoin des preuves
    de Saint Thomas.
  • 17:57 - 18:00
    Il croit avec vénération et respect
  • 18:00 - 18:04
    en ce que ses ancêtres et les esprits
    lui ont appris.
  • 18:04 - 18:06
    Puisqu'on n'y arrive pas,
    alors regardons la forêt.
  • 18:06 - 18:10
    Mais même quand on regarde
    depuis le ciel avec Hubble,
  • 18:10 - 18:12
    c'est le point de vue d'un oiseau, non ?
  • 18:12 - 18:14
    Même quand cela arrive,
  • 18:14 - 18:17
    on voit quelque chose d'inconnu.
  • 18:17 - 18:19
    Les espagnols l'appelaient l'enfer vert.
  • 18:19 - 18:22
    Si vous sortez là, dans la brousse
    et que vous vous perdez,
  • 18:22 - 18:24
    et vous partez, au hasard, vers l'ouest,
  • 18:24 - 18:26
    il y a 900 km avant d'arriver en Colombie.
  • 18:26 - 18:28
    Et 1000 encore pour arriver quelque part.
  • 18:28 - 18:31
    On comprend pourquoi ils
    l'appelaient l'enfer vert.
  • 18:31 - 18:35
    Mais allez là-dedans
    regarder ce qu'il y a.
  • 18:35 - 18:36
    C'est un tapis vivant.
  • 18:36 - 18:38
    Chaque couleur c'est une nouvelle
    espèce d'arbre.
  • 18:38 - 18:40
    Chaque arbre, chaque canopée,
  • 18:40 - 18:45
    arrive à contenir 10 000
    espèces d'insectes,
  • 18:45 - 18:49
    sans parler des millions d'espèces
    de champignons, bactéries, etc.
  • 18:49 - 18:50
    Tout ça invisible.
  • 18:50 - 18:54
    Tout un cosmos plus étrange pour nous
  • 18:54 - 18:57
    que les galaxies distantes à des milliards
    d'années lumière de la Terre,
  • 18:57 - 19:00
    que Hubble nous apporte tous les jours
    dans les journaux.
  • 19:01 - 19:03
    Je conclus ma présentation,
  • 19:03 - 19:05
    il ne me reste que quelques secondes,
  • 19:05 - 19:07
    avec cet être merveilleux,
    le papillon morpho.
  • 19:07 - 19:09
    Quand on le voit dans la forêt,
  • 19:09 - 19:13
    on a l'impression que quelqu'un
    a laissé ouverte la porte du paradis
  • 19:13 - 19:16
    et que cette créature s'en est échappée,
    parce qu'elle est très belle.
  • 19:16 - 19:18
    Mais je ne peux pas terminer
  • 19:18 - 19:21
    sans montrer un côté technologique.
  • 19:21 - 19:24
    La technologie nous rend arrogants.
  • 19:24 - 19:27
    Nous dépouillons la nature
    de sa technologie.
  • 19:27 - 19:29
    Une main robotique et technologique,
  • 19:29 - 19:30
    ma main est biologique ;
  • 19:30 - 19:32
    et on y pense pas plus que ça.
  • 19:32 - 19:34
    Alors, on va regarder le papillon morpho,
  • 19:34 - 19:39
    qui est un exemple de la compétence
    technologique invisible de la vie,
  • 19:39 - 19:44
    qui est au cœur de notre capacité
    de survie sur la planète,
  • 19:44 - 19:46
    et on va zoomer dedans.
    De nouveau, comme avec Hubble.
  • 19:46 - 19:49
    Nous allons pénétrer dans
    l'aile du papillon.
  • 19:49 - 19:52
    Les chercheurs ont essayé d'expliquer :
    pourquoi est-elle bleue ?
  • 19:52 - 19:54
    On va zoomer là.
  • 19:54 - 19:59
    Et vous verrez que cette
    architecture invisible
  • 19:59 - 20:02
    peut humilier les meilleurs
    architectes au monde.
  • 20:02 - 20:04
    Tout ça à une très petite échelle.
  • 20:04 - 20:08
    Outre sa beauté et sa fonction,
    il y a un autre aspect.
  • 20:08 - 20:11
    Tout ce qui est organisé, dans la nature,
  • 20:11 - 20:15
    en structures extraordinaires,
    a une fonction.
  • 20:15 - 20:19
    Et cette fonction, chez le
    papillon morpho, n'est pas le bleu,
  • 20:19 - 20:21
    elle n'a pas de pigment bleu.
  • 20:21 - 20:23
    Elle a des cristaux photoniques
    sur la surface,
  • 20:23 - 20:25
    d'après ceux qui l'étudient,
  • 20:25 - 20:27
    des cristaux extrêmement sophistiqués.
  • 20:27 - 20:30
    Notre technologie n'avait rien de tel
    à l'époque.
  • 20:30 - 20:33
    Maintenant, Hitachi fait une dalle d'écran
  • 20:33 - 20:35
    qui utilise cette technologie,
  • 20:35 - 20:38
    et elle est utilisé dans les
    fibres optiques pour transmettre…
  • 20:38 - 20:41
    Janine Benyus, qui a été plusieurs fois
    ici en parle : le biomimétisme.
  • 20:41 - 20:43
    Mon temps s'est terminé.
  • 20:43 - 20:48
    Donc, je vais terminer avec ce qui est
    à la base de cette capacité,
  • 20:48 - 20:51
    de cette compétence de la biodiversité,
  • 20:51 - 20:53
    à produire tous ces merveilleux services :
  • 20:53 - 20:55
    la cellule vivante.
  • 20:55 - 20:59
    C'est une structure de quelques microns,
    qui est une merveille à l'intérieur.
  • 20:59 - 21:02
    Il y a des conférences TED à ce sujet,
    je ne vais pas m'y attarder,
  • 21:02 - 21:05
    mais chacun d'entre nous dans cette salle
  • 21:05 - 21:08
    a 100 billions de ces micro-machines
    dans son corps
  • 21:08 - 21:11
    pour profiter de son bien-être.
  • 21:11 - 21:14
    Imaginez combien il y en a dans la
    forêt Amazonienne.
  • 21:14 - 21:18
    100 billions. C'est plus que le nombre
    d'étoiles dans le ciel.
  • 21:18 - 21:20
    Et nous n'en sommes pas conscients.
  • 21:20 - 21:22
    Merci beaucoup. (Applaudissements)
Title:
Il y a un fleuve au dessus de nous
Speaker:
Antonio Donato Nobre
Description:

Antonio Donato Nobre étudie les interactions entre les forêts et l'atmosphère. Ses recherches ont montré qu'il existe des vraies rivières de vapeur qui coulent au dessus de ​la forêt amazonienne et qui transportent l'humidité d'une grande partie du continent. Grâce à ces rivières, l'Amérique du Sud n'est pas un désert comme l'Afrique. Ses recherches montrent la fragilité des forêts face au changement climatique et les risques que nous courons si nous les perdons.

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Video Language:
Portuguese, Brazilian
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
21:35
Elisabeth Buffard approved French subtitles for Antonio Donato Nobre
Elisabeth Buffard edited French subtitles for Antonio Donato Nobre
Elisabeth Buffard edited French subtitles for Antonio Donato Nobre
Elisabeth Buffard edited French subtitles for Antonio Donato Nobre
Pauline Barthelemy edited French subtitles for Antonio Donato Nobre
Pauline Barthelemy edited French subtitles for Antonio Donato Nobre
Pauline Barthelemy accepted French subtitles for Antonio Donato Nobre
Luís Guimarães edited French subtitles for Antonio Donato Nobre
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