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Les sombres secrets d'un État espion

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    Cette année, l'Allemagne célèbre
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    le 25e anniversaire
    de la révolution pacifique
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    en Allemagne de l'Est.
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    Le régime communiste a pris fin en 1989,
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    le mur de Berlin est tombé
    et un an plus tard,
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    la République Démocratique Allemande,
    la RDA à l'Est,
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    a été unifiée
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    avec la République Fédérale Allemande
    à l'Ouest
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    pour former l'Allemagne actuelle.
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    Entre autres choses, l'Allemagne a hérité
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    des archives de la police secrète
    d'Allemagne de l'Est,
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    connue sous le nom de Stasi.
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    Deux ans seulement après la dissolution,
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    leurs documents ont été ouverts en public,
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    et des historiens tels que moi
    ont commencé
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    à étudier ces documents
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    pour en savoir plus sur le fonctionnement
    du département de surveillance
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    de la RDA.
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    Peut-être avez-vous vu le film
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    « La Vie des Autres ».
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    Ce film a fait connaitre la Stasi
    dans le monde entier,
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    et comme nous vivons
    à une époque où des mots
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    tels que « surveillance »
    ou « écoutes téléphoniques »
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    font la une des journaux,
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    je voudrais vous parler
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    du fonctionnement réel de la Stasi.
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    Pour commencer, regardons rapidement
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    l'histoire de la Stasi,
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    car c'est très important pour comprendre
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    la conception qu'elle avait d'elle-même.
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    Elle trouve ses origines en Russie.
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    En 1917, les Communistes russes
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    fondèrent la Commission extraordinaire
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    pour réprimer la contre-révolution
    et le sabotage,
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    en bref, la Tchéka.
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    Elle était dirigée par Félix Dzerjinski.
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    La Tchéka était un instrument
    des Communistes
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    pour asseoir leur régime
    en terrorisant la population
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    et en exécutant leurs ennemis.
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    Elle devint plus tard le célèbre KGB.
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    La Tchéka était l'idole
    des officiers de la Stasi.
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    Ils s'appelaient eux-mêmes des Tchékistes,
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    et même leur emblème était très similaire,
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    comme vous pouvez le voir ici.
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    En fait, la police secrète de Russie
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    avait créé et formé la Stasi.
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    Quand l'Armée Rouge occupa
    l'Allemagne de l'Est en 1945,
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    elle s'y implanta immédiatement,
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    et elle commença bientôt à former
    les Communistes allemands
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    pour qu'ils constituent
    leur propre police secrète.
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    D'ailleurs, c'est dans ce hall
    où nous sommes actuellement,
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    que le parti au pouvoir de la RDA
    fut créé en 1946.
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    Cinq ans plus tard, la Stasi fut établie,
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    et peu à peu, le sale boulot d'oppression
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    lui fut délégué.
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    Par exemple, la prison centrale
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    pour prisonniers politiques,
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    qui fut établie par les Russes,
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    fut reprise par la Stasi
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    et utilisée jusqu'à la fin du Communisme.
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    Vous la voyez ici.
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    Au début, chaque étape importante
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    prenait place en présence des Russes.
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    Mais les Allemands sont réputés
    pour leur grande efficacité,
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    donc la Stasi grandit très rapidement,
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    et dès 1953, elle avait plus d'employés
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    que la Gestapo,
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    la police secrète de l'Allemagne nazie.
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    Le nombre doubla à chaque décennie.
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    En 1989, plus de 90 000 employés
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    travaillaient pour la Stasi.
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    Ça signifiait qu'un employé
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    était responsable de 180 habitants,
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    ce qui était réellement unique au monde.
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    Au sommet de cet extraordinaire appareil,
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    il y avait un homme, Erich Mielke.
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    Il dirigea le Ministère
    de la Sécurité de l’État
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    pendant plus de 30 ans.
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    C'était un fonctionnaire scrupuleux —
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    par le passé, il avait tué deux policiers
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    pas très loin d'ici —
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    qui en réalité personnalisait la Stasi.
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    Mais qu'y avait-il de si exceptionnel
    dans la Stasi ?
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    Avant toute chose, c'était
    son énorme pouvoir,
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    parce qu'elle rassemblait
    différentes fonctions
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    en une seule organisation.
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    Tout d'abord, la Stasi
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    était un service de renseignements.
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    Elle utilisait
    tous les instruments imaginables
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    pour obtenir secrètement des informations,
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    comme des indicateurs,
    ou la mise sur écoute de téléphones,
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    comme vous pouvez le voir sur cette photo.
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    Et elle n'était pas active
    qu'en Allemagne de l'Est,
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    mais partout dans le monde.
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    En second lieu, la Stasi était
    une police secrète.
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    Elle pouvait interpeller des gens
    dans la rue
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    et les mettre aux arrêts
    dans ses propres prisons.
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    Ensuite, la Stasi travaillait
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    comme une sorte de procureur.
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    Elle avait le droit d'ouvrir
    des enquêtes préliminaires
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    et d'interroger officiellement les gens.
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    Dernier point, et pas des moindres,
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    la Stasi avait ses propres forces armées.
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    Plus de 11 000 soldats servaient
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    dans ce qu'elle appelait
    son Régiment de la Garde.
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    Il fut fondé pour réprimer
    les manifestations et les révoltes.
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    En raison de cette concentration
    de pouvoir,
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    la Stasi était appelée
    un État dans l’État.
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    Mais regardons plus en détail
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    les instruments de la Stasi.
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    Gardez en mémoire qu'à l'époque
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    le web et les téléphones portables
    n'avaient pas encore été inventés.
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    Bien sûr, la Stasi utilisait toute sorte
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    d'outils techniques
    pour surveiller les gens.
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    Les téléphones étaient mis sur écoute,
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    y compris le téléphone
    du chancelier allemand à l'Ouest,
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    et souvent aussi les appartements.
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    Chaque jour, 90 000 lettres
    étaient ouvertes
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    par ces machines.
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    La Stasi suivait aussi
    des dizaines de milliers de personnes
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    en utilisant des agents spécialement
    formés et des caméras secrètes
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    pour documenter chaque pas.
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    Sur cette photo, vous pouvez me voir
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    jeune homme, devant ce bâtiment
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    où nous sommes actuellement,
    photographié par un agent de la Stasi.
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    La Stasi collectait même l'odeur des gens.
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    Elle stockait des échantillons
    dans des bocaux fermés
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    que nous avons trouvés
    après la révolution pacifique.
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    Des départements hautement spécialisés
    étaient en charge
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    de toutes ces tâches.
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    Celui qui écoutait
    les appels téléphoniques
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    était complètement séparé
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    de celui qui contrôlait les courriers,
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    pour de bonnes raisons,
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    parce que si un agent quittait la Stasi,
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    il savait très peu de choses..
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    Comparez ça à Snowden, par exemple.
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    Mais la spécialisation verticale
    était aussi importante
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    pour prévenir toutes les formes d'empathie
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    avec le sujet de l'observation.
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    L'agent qui me filait
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    ne savait pas qui j'étais
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    ou pourquoi j'étais surveillé.
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    En fait, je faisais entrer
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    des livres interdits
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    provenant d'Allemagne de l'Ouest.
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    Mais ce qui était encore plus typique
    de la Stasi,
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    c'était son utilisation
    du renseignement humain,
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    de personnes qui rapportaient
    secrètement à la Stasi.
  • 7:26 - 7:27
    Pour le Ministère
    de la Sécurité,
  • 7:27 - 7:30
    ces employés officieux,
    comme ils étaient appelés,
  • 7:30 - 7:33
    étaient les outils les plus importants.
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    A partir de 1975,
    près de 200 000 personnes
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    collaborèrent constamment avec la Stasi,
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    plus d'1% de la population.
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    Et dans un sens, le ministre avait raison,
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    car les instruments techniques
  • 7:51 - 7:54
    ne peuvent qu'enregistrer
    ce que font les gens,
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    mais des agents et des espions
    peuvent aussi rapporter
  • 7:58 - 7:59
    ce que les gens ont prévu de faire
  • 7:59 - 8:02
    et ce qu'ils pensent.
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    C'est pour cela que la Stasi recruta
    autant d'indicateurs.
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    Le système pour les recruter
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    et les éduquer, comme on disait,
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    était très sophistiqué.
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    La Stasi avait sa propre université,
  • 8:18 - 8:20
    pas très loin d'ici,
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    où les méthodes étaient explorées
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    et enseignées aux officiers.
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    Ce manuel donnait une description précise
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    de chaque étape à réaliser
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    pour convaincre des êtres humains
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    de trahir leurs concitoyens.
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    On dit parfois que les indicateurs
    étaient contraints
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    à le devenir,
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    mais c'est faux dans la plupart des cas,
  • 8:44 - 8:48
    parce qu'un indicateur forcé
    est un mauvais indicateur.
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    Seul quelqu'un qui veut
    vous donner les informations
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    que vous voulez est
    un lanceur d'alerte efficace.
  • 8:54 - 8:59
    Les principales raisons pour lesquelles
    les gens coopéraient avec la Stasi,
  • 8:59 - 9:04
    étaient la conviction politique
    et des avantages matériels.
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    Les officiers essayaient aussi
    de créer un lien personnel
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    entre eux et leurs indicateurs,
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    et pour être honnête,
    l'exemple de la Stasi montre
  • 9:16 - 9:19
    qu'il n'est pas très difficile
    de gagner quelqu'un à sa cause
  • 9:19 - 9:23
    pour qu'il trahisse d'autres personnes.
  • 9:23 - 9:27
    Même certains des dissidents principaux
    en Allemagne de l'Est
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    coopéraient avec la Stasi,
  • 9:28 - 9:32
    comme par exemple Ibrahim Böhme.
  • 9:32 - 9:35
    En 1989, il fut le leader
    de la révolution pacifique,
  • 9:35 - 9:39
    et il devint presque le premier
    Premier Ministre librement élu de RDA
  • 9:39 - 9:44
    avant que l'on découvre
    qu'il était un indicateur.
  • 9:44 - 9:48
    Le réseau d'espions était vraiment large.
  • 9:48 - 9:50
    Dans presque chaque institution,
  • 9:50 - 9:53
    même dans les églises
    ou en Allemagne de l'Ouest,
  • 9:53 - 9:56
    il y en avait beaucoup.
  • 9:56 - 9:59
    Je me souviens avoir dit
    à un officier supérieur de la Stasi,
  • 9:59 - 10:02
    « Si vous m'aviez envoyé un indicateur,
  • 10:02 - 10:05
    je l'aurais sûrement reconnu. »
  • 10:05 - 10:07
    Sa réponse fut :
  • 10:07 - 10:08
    « Nous n'avons envoyé personne.
  • 10:08 - 10:11
    Nous avons pris ceux
    qui étaient autour de vous. »
  • 10:11 - 10:14
    Et de fait, deux de mes meilleurs amis
  • 10:14 - 10:18
    renseignaient la Stasi à mon sujet.
  • 10:18 - 10:21
    Les indics étaient très proches,
    et pas que dans mon cas.
  • 10:21 - 10:25
    Par exemple, Vera Lengsfeld,
    une autre dissidente majeure,
  • 10:25 - 10:29
    dans son cas c'était son mari
    qui l'espionnait.
  • 10:29 - 10:32
    Un écrivain célèbre fut trahi
    par son frère.
  • 10:32 - 10:36
    Ça me rappelle le roman « 1984 »
    de George Orwell,
  • 10:36 - 10:39
    ou la seule personne apparemment
    digne de confiance
  • 10:39 - 10:42
    est un indicateur.
  • 10:42 - 10:46
    Mais pourquoi la Stasi collectait-elle
    toute ces informations
  • 10:46 - 10:48
    dans ses archives ?
  • 10:48 - 10:52
    L'objectif principal était de
    contrôler la société.
  • 10:52 - 10:54
    Dans presque chaque discours,
    le ministre de la Stasi
  • 10:54 - 10:57
    ordonnait de découvrir
    qui était qui,
  • 10:57 - 11:00
    ce qui signifiait
    qui pensait quoi.
  • 11:00 - 11:02
    Il ne voulait pas attendre que quelqu'un
  • 11:02 - 11:04
    tente d'agir contre le régime.
  • 11:04 - 11:06
    Il voulait savoir à l'avance
  • 11:06 - 11:09
    ce que les gens pensaient et préparaient.
  • 11:09 - 11:12
    Les Allemands de l'Est savait, bien sûr,
  • 11:12 - 11:15
    qu'ils étaient entourés d'indicateurs,
  • 11:15 - 11:19
    dans un régime totalitaire
    créant la méfiance
  • 11:19 - 11:22
    et un état de peur généralisée,
  • 11:22 - 11:26
    les outils les plus importants
    pour opprimer la population
  • 11:26 - 11:28
    dans toute dictature.
  • 11:28 - 11:31
    C'est pourquoi peu d'Allemands de l'Est
    ont essayé
  • 11:31 - 11:35
    de lutter contre le régime communiste.
  • 11:35 - 11:39
    S'ils le faisaient, la Stasi
    utilisait souvent une méthode
  • 11:39 - 11:42
    qui était vraiment diabolique.
  • 11:42 - 11:44
    On l'appelait Zersetzung,
  • 11:44 - 11:48
    et c'est décrit
    dans un autre livret d'instructions.
  • 11:48 - 11:51
    Le mot est difficile à traduire,
    parce qu'il signifie
  • 11:51 - 11:55
    à l'origine « biodégradation ».
  • 11:55 - 11:58
    Mais en faite, c'est une description
    assez pertinente.
  • 11:58 - 12:02
    Le but était de détruire secrètement
  • 12:02 - 12:04
    la confiance que les gens
    avaient en eux-mêmes,
  • 12:04 - 12:08
    par exemple en salissant leur réputation,
  • 12:08 - 12:11
    en organisant des échecs professionnels,
  • 12:11 - 12:16
    et en détruisant
    leurs relations personnelles.
  • 12:16 - 12:21
    Là-dessus, l'Allemagne de l'Est
    était une dictature très moderne.
  • 12:21 - 12:25
    La Stasi n'essayait pas d'arrêter
    chaque dissident.
  • 12:25 - 12:28
    Elle préférait les paralyser,
  • 12:28 - 12:31
    et elle le pouvait
  • 12:31 - 12:34
    parce qu'elle avait accès
    à toutes ces informations personnelles
  • 12:34 - 12:38
    et à toutes ces institutions.
  • 12:38 - 12:41
    On n'emprisonner quelqu'un
  • 12:41 - 12:43
    qu'en dernier recours.
  • 12:43 - 12:46
    Pour ça, la Stasi possédait
    17 centres de détention provisoire,
  • 12:46 - 12:49
    un dans chaque district.
  • 12:49 - 12:52
    Ici, la Stasi développait aussi
  • 12:52 - 12:56
    des méthodes de détention assez modernes.
  • 12:56 - 12:58
    En général, l'officier qui interrogeait
  • 12:58 - 13:01
    ne torturait pas le prisonnier.
  • 13:01 - 13:04
    Au lieu de ça, il utilisait
    un système sophistiqué
  • 13:04 - 13:06
    de pression psychologique
  • 13:06 - 13:10
    dans lequel une stricte isolation
    était essentielle.
  • 13:10 - 13:12
    Presque aucun prisonnier ne résistait
  • 13:12 - 13:16
    sans donner un témoignage.
  • 13:16 - 13:18
    Si vous en avez l'occasion,
  • 13:18 - 13:21
    visitez l'ancienne prison de la Stasi
    à Berlin
  • 13:21 - 13:25
    et suivez une visite guidée
    avec un ancien prisonnier politique
  • 13:25 - 13:28
    qui vous expliquera
    comment tout ça fonctionnait.
  • 13:28 - 13:31
    Il faut encore répondre à une question :
  • 13:31 - 13:33
    si la Stasi était si bien organisée,
  • 13:33 - 13:37
    pourquoi le régime communiste
    s'est-il effondré ?
  • 13:37 - 13:42
    Premièrement, en 1989, les dirigeants
    d'Allemagne de l'Est
  • 13:42 - 13:44
    ne savaient pas quoi faire contre
  • 13:44 - 13:47
    les manifestations toujours plus
    nombreuses de la population.
  • 13:47 - 13:49
    Ils étaient particulièrement déstabilisés
  • 13:49 - 13:52
    parce que dans le pays père du socialisme,
  • 13:52 - 13:53
    l'Union soviétique,
  • 13:53 - 13:57
    une politique plus libérale
    se mettait en place.
  • 13:57 - 13:59
    De surcroît, le régime dépendait
  • 13:59 - 14:03
    des prêts en provenance de l'Ouest.
  • 14:03 - 14:05
    C'est pour ça qu'aucun ordre
    d'écraser le soulèvement
  • 14:05 - 14:08
    ne fut donné à la Stasi.
  • 14:08 - 14:12
    Deuxièmement, dans l'idéologie communiste,
  • 14:12 - 14:15
    il n'y a pas de place pour la critique.
  • 14:15 - 14:17
    Au lieu de ça, les dirigeants
    s'accrochèrent à l'idée
  • 14:17 - 14:20
    que le socialisme est un système parfait,
  • 14:20 - 14:24
    et la Stasi devait le confirmer,
    bien sûr.
  • 14:24 - 14:26
    La conséquence,
  • 14:26 - 14:29
    c'est qu'en dépit de toute l'information,
  • 14:29 - 14:33
    le régime ne pouvait pas analyser
    ses véritables problèmes,
  • 14:33 - 14:36
    et ne pouvait donc pas les résoudre.
  • 14:36 - 14:38
    En définitive, la Stasi est morte
  • 14:38 - 14:40
    à cause des structures
  • 14:40 - 14:44
    qu'elle était en charge de protéger.
  • 14:44 - 14:46
    La fin de la Stasi
  • 14:46 - 14:48
    fut quelque chose de tragique,
  • 14:48 - 14:50
    parce que ses officiers
  • 14:50 - 14:53
    ne furent occupés,
    pendant la révolution pacifique,
  • 14:53 - 14:55
    qu'à une seule chose :
  • 14:55 - 14:58
    détruire les documents
  • 14:58 - 15:01
    qu'ils avaient produits
    pendant des décennies.
  • 15:01 - 15:03
    Heureusement,
  • 15:03 - 15:07
    ils ont été stoppés
    par des militants des droits de l'homme.
  • 15:07 - 15:10
    C'est pour ça que nous pouvons utiliser
    ces fichiers aujourd'hui
  • 15:10 - 15:11
    pour mieux comprendre
  • 15:11 - 15:14
    comment fonctionne
    un État de surveillance.
  • 15:14 - 15:16
    Merci.
  • 15:16 - 15:20
    [Applaudissements]
  • 15:25 - 15:31
    Bruno Giussani : Merci. Merci beaucoup.
  • 15:31 - 15:33
    Hubertus, je voudrais vous poser
    quelques questions
  • 15:33 - 15:36
    parce que j'ai ici le « Spiegel »
    de la semaine dernière.
  • 15:36 - 15:41
    Mein Nachbar NSA. Mon voisin, la NSA.
  • 15:41 - 15:44
    Et vous venez de me parler de mon voisin,
  • 15:44 - 15:47
    les espions et les indics
    d'Allemagne de l'Est.
  • 15:47 - 15:49
    Y-a-t-il un lien direct
    entre ces deux histoires
  • 15:49 - 15:51
    ou non ?
  • 15:51 - 15:52
    Comment réagissez-vous
  • 15:52 - 15:53
    comme historien
  • 15:53 - 15:54
    quand vous voyez ça ?
  • 15:54 - 15:55
    HK : je crois qu'il y a
  • 15:55 - 15:57
    plusieurs aspects à considérer.
  • 15:57 - 16:00
    D'abord, je pense qu'il y a une différence
  • 16:00 - 16:04
    quant à la raison pour laquelle
    vous collectez ces données.
  • 16:04 - 16:06
    Le faites-vous pour protéger
    votre population
  • 16:06 - 16:08
    contre des attaques terroristes,
  • 16:08 - 16:11
    ou le faites-vous
    pour opprimer la population ?
  • 16:11 - 16:13
    Ça fait une différence fondamentale.
  • 16:13 - 16:15
    Mais d'un autre côté,
  • 16:15 - 16:19
    dans une démocratie aussi,
    on peut abuser de ces outils,
  • 16:19 - 16:21
    et nous devons vraiment
    être vigilants
  • 16:21 - 16:23
    pour pouvoir l'empêcher,
  • 16:23 - 16:26
    et vérifier que les services
    de renseignement
  • 16:26 - 16:27
    respectent les règles en place.
  • 16:29 - 16:30
    Troisième point, sans doute,
  • 16:30 - 16:34
    nous devons vraiment être heureux
    de vivre en démocratie,
  • 16:34 - 16:37
    parce que vous pouvez être sûrs
    que la Russie et la Chine
  • 16:37 - 16:39
    font la même chose,
  • 16:39 - 16:40
    mais personne n'en parle
  • 16:40 - 16:43
    parce que personne n'en serait capable.
  • 16:43 - 16:48
    [Applaudissements]
  • 16:49 - 16:51
    BG : Quand l'histoire est sortie,
  • 16:51 - 16:54
    en juillet l'année dernière,
  • 16:54 - 16:56
    vous avez porté plainte
  • 16:56 - 16:59
    auprès d'un tribunal allemand. Pourquoi ?
  • 16:59 - 17:03
    HK : Oui, je l'ai fait à cause
    du second point que j'ai mentionné,
  • 17:03 - 17:06
    parce qu'en démocratie en particulier
  • 17:06 - 17:09
    les règles sont là pour tout le monde.
  • 17:09 - 17:11
    Elles sont là pour tous,
    donc ce n'est pas normal
  • 17:11 - 17:15
    qu'une institution
    ne respecte pas ces règles.
  • 17:15 - 17:17
    Dans le Code criminel allemand,
    il est écrit
  • 17:17 - 17:19
    qu'il est interdit
    de mettre quelqu'un
  • 17:19 - 17:21
    sur écoute
    sans l'autorisation du juge.
  • 17:21 - 17:25
    Heureusement, c'est écrit
    dans le Code criminel allemand,
  • 17:25 - 17:29
    donc si ce n'est pas respecté,
    je pense
  • 17:29 - 17:31
    qu'une enquête est nécessaire,
  • 17:31 - 17:33
    et il a fallu beaucoup de temps pour que
  • 17:33 - 17:35
    le procureur allemand
    commence cette enquête
  • 17:35 - 17:39
    et il ne l'a ouverte
    que dans le cas d'Angela Merkel,
  • 17:39 - 17:42
    et pas pour toutes les autres personnes
    qui vivent en Allemagne.
  • 17:42 - 17:44
    BG : Ça ne me surprend pas à cause —
  • 17:44 - 17:46
    [Applaudissements] —
  • 17:46 - 17:50
    à cause de l'histoire
    que vous avez racontée.
  • 17:50 - 17:52
    Vu de l'extérieur,
    je vis hors d'Allemagne,
  • 17:52 - 17:54
    et je pensais
  • 17:54 - 17:56
    que les Allemands réagiraient
  • 17:56 - 17:57
    bien plus violemment, immédiatement.
  • 17:57 - 17:59
    Alors que la réaction
  • 17:59 - 18:00
    n'est réellement venue
  • 18:00 - 18:02
    que quand on a révélé
  • 18:02 - 18:04
    que la chancelière Merkel
  • 18:04 - 18:05
    était sur écoute. Pourquoi ?
  • 18:05 - 18:07
    HK : Je vois ça comme un bon signe,
  • 18:07 - 18:11
    parce que les gens se sentent en sécurité
    dans cette démocratie.
  • 18:11 - 18:14
    Ils n'ont pas peur d'être arrêtés,
  • 18:14 - 18:17
    et quand vous quitterez ce hall
    après la conférence,
  • 18:17 - 18:19
    vous n'aurez pas à craindre
    que la police secrète
  • 18:19 - 18:21
    n'attende dehors pour vous arrêter.
  • 18:22 - 18:23
    Donc je pense
  • 18:23 - 18:25
    que c'est un signe positif.
  • 18:25 - 18:27
    Les gens n'ont pas peur.
  • 18:29 - 18:31
    Mais bien sûr, les institutions
  • 18:31 - 18:33
    ont le devoir de stopper
    les actions illégales
  • 18:33 - 18:36
    en Allemagne et partout
    où elles sont commises.
  • 18:36 - 18:39
    BG : Une question personnelle,
    et c'est la dernière.
  • 18:39 - 18:42
    Il y a un débat en Allemagne
    pour savoir s'il faut
  • 18:42 - 18:43
    donner l'asile à Edward Snowden.
  • 18:43 - 18:46
    Seriez-vous pour ou contre ?
  • 18:46 - 18:48
    HK : C'est une question difficile,
  • 18:48 - 18:49
    mais si vous me la posez,
  • 18:49 - 18:51
    et si je réponds franchement,
  • 18:51 - 18:53
    je lui donnerais l'asile,
  • 18:53 - 18:54
    parce je pense que ce qu'il a fait
  • 18:54 - 18:56
    était vraiment courageux
  • 18:56 - 18:58
    et il a détruit sa vie entière,
  • 18:58 - 18:59
    sa famille, et tout le reste.
  • 18:59 - 19:02
    Donc je pense que pour ces gens,
    nous devrions faire quelque chose,
  • 19:02 - 19:07
    surtout si vous regardez
    l'histoire allemande,
  • 19:07 - 19:09
    où tant de gens durent s'échapper
  • 19:09 - 19:11
    et demandèrent l'asile à l'étranger,
  • 19:11 - 19:13
    et ne l'obtinrent pas,
  • 19:13 - 19:16
    donc ce serait un signe positif
    de lui donner l'asile.
  • 19:16 - 19:17
    [Applaudissements]
  • 19:17 - 19:24
    BG : Hubertus, merci beaucoup.
Title:
Les sombres secrets d'un État espion
Speaker:
Hubertus Knabe
Description:

Visitez le sombre univers de l'agence étatique de sécurité de l'Allemagne de l'Est, connue sous le nom de Stasi. Dotée d'un pouvoir unique d'espionnage de ses citoyens, la Stasi dirigeait, jusqu'à la chute du mur de Berlin en 1989, un système de surveillance et de pression psychologique qui a permis de garder le pays sous contrôle pendant des décennies. Hubertus Knabe étudie la Stasi — et a été espionné par elle. Il partage des détails étonnants concernant la chute d'un État espion, et montre à quel point il était facile pour un voisin de se retourner contre son voisin.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
19:38

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