Façonner l'humain

La poursuite inlassable de l'autonomie et de l'amélioration de soi est ancrée dans notre manque de connexion à une culture commune faite d'histoires, de terre natale et d'ancêtres qui nous relie et nous unifie. L'époque actuelle réclame que nous reconnaissions dans la souffrance du monde notre propre souffrance.

Ce n'est pas la naissance qui fait un être humain.

Un être humain ça se façonne.

Façonner l'humain

Pendant 5 ans Stephen Jenkinson a dirigé
l'équipe d'aide psychologique

du plus grand programme de soins paliatifs
à domicile du Canada.

En travaillant avec des centaines de mourants
et leurs familles,

il a été témoin d'une "angoisse profondément triste"
autour de la fin de vie.

Son questionnement l'a amené à remettre en question
la culture dominante.

L'égocentrisme ultime de notre époque

est la haine de soi.

La croyance que

tout ce que nous pouvons dire ou faire

ne fera qu'immanquablement aggraver les choses.

Je pense que la raison n'en est pas que
quelque chose de fondamentalement mauvais

habite ceux qui me ressemblent.

Cela fait partie de la nature humaine
d'oublier parfois ce qu'est être humain.

Cela fait partie de la nature humaine,
que personne ne naisse humain.

Toute culture digne du mot 'culture'

a toujours pratiqué le façonnage des êtres humains,

et ce je crois sans aucune exception.

Ce n'est pas que les autochtones sont des gens biens,

tandis que nous autres somment perdus.

Ils ont les mêmes dilemmes que nous.

Ils ont trouvé un moyen,

une compréhension de ce qu'est être humain qui inclut

l'amnésie temporaire autour du fait d'en être un.

Et donc cela doit être enseigné.

En 2008 Stephen a quitté Toronto
avec sa femme Nathalie,

et a déménagé dans une ferme
de la vallée d'Ottawa.

Ce sont les couleurs de cette saison.

Si vous avez le rhume des foins,
vous êtes comme mort.

Autrement c'est une belle vue.

Et puis la vue séculaire de ce teepee
sur cette petite colline là bas.

C'est un des premiers endroits où nous avons vécu
quand nous avons acheté ici

car nous n'avions pas de maison ni rien.

Parfois des choses magnifiques arrivent dans votre vie
quand vous ne les cherchez pas du tout.

Je sais que je ne cherchais absolument pas
quelque chose comme ceci.

A l'époque je pensais naïvement
à un espèce de lieu de rencontre,

un espèce de rassemblement

où les penchants usuels vers la folie
pourraient être remplacés

par quelque chose qui ressemblerait
à de l'apprentissage.

Mais c'était vraiment juste une idée,
juste une pensée.

C'était certain que cela ne se produirai jamais,

car qui donc rêve à ce genre chose ?

Donc nous avons acheté cet endroit,

et avons commencé à faire pousser
quelques petites choses, humblement.

Je suis à peu près sûr que c'est Nathalie

qui a commencé à rêver à voix haute:

On pourrait faire quelque chose comme ça.

Les gens pourraient avoir envie d'apprendre
ce dont tu parles,

et nous pourrions les nourrir
avec ce qu'il y a ici.

J'ai dit: Mais enfin personne ne viendrait, personne !

En 2010, Stephen et Nathalie ont accueilli
leur première classe d'étudiants à la ferme.

Ils ont appelé leur initiative:
L'Ecole de la Sagesse Orpheline.

J'ai simplement arrêté d'être ailleurs.

C'est tout.

J'ai arrêté d'être ailleurs pendant un temps.

Et voilà le résultat.

Cinq ans plus tard, nous voilà

et ils viennent de partout en Amérique du Nord.

Il y a beaucoup de confusion chez les jeunes

sur ce qu'ils sont censés faire de leur vie.

Un sentiment souterrain profond et constant

que les choses ne devraient pas être ainsi.

On nous enseigne que nous sommes le problème,

que la vie se porterait mieux
si il y avait moins d'humains,

et peut-être même pas d'humains du tout.

Ce n'est pas la naissance qui fait un être humain,

un être humain ça se façonne.

Et comment façonne-on un humain ?

La réponse est: en tuant son enfance.

Pourquoi ? Parce que l'enfance ne cède pas la place.
Voilà pourquoi.

Et ensuite on a besoin d'une culture
qui agit comme si

le plus beau cadeau à faire
aux enfants à un certain âge

est de leur donner l'opportunité d'être humain.

Les humains sont ici pour s'assurer que la vie vive,

que le monde continue d'une manière ou d'une autre.

Que votre vie personnelle continue ou non

n'est pas le plus important.

C'est le début de votre chemin vers l'âge adulte.

Voir la mort de ce que l'on aime,

et avoir la volonté de continuer à l'aimer,

alors que cela ne va pas durer,

est en soi un acte d'amour.

Et si ce dont je parle est la culture qui vous a donné
votre existence, votre identité et tout le reste,

c'est la chose à faire.

C'est votre dernier grand acte d'amour:

la regarder s'éteindre.

Cela peut faire partie de l"histoire.

Façonner l'humain

un court métrage de Ian MacKenzie