Une éducation bienveillante pour un monde plus humain | Catherine Schmider | TEDxCanebière

Dans cette présentation à portée pédagogique, Catherine Schmider nous invite à réfléchir à l'éducation de nos enfants. Ce qui était au départ une recherche de cohérence entre ses actes et ses paroles d’enseignante a conduit à la création d’une association qui sème petit à petit les graines d’une éducation plus bienveillante.

C’est la communication non-violente de Marshall Rosenberg qui est la clé de cette approche prometteuse basée sur la compréhension et la prise en compte des besoins fondamentaux de tout être humain.

#OSEACTES#TEDxCanebière
Rejoignez nous sur :
https://www.tedxcanebiere.com
https://www.facebook.com/TEDxCanebière
https://twitter.com/TEDxCanebière

Pour soutenir l’association citée dans ce talk : Déclic-CNV & Éducation

Cette présentation a été faire lors d'un TEDx, organisé indépendamment des conférences TED.

Très tôt, j'ai fait l'expérience
de trois choses :

La première, que les mots
peuvent faire mal, très mal,

et qu'ils peuvent laisser des traces
très longtemps.

La deuxième, qu'un enfant
qui n'est pas écouté dans ce qu'il vit,

dans ce qu'il ressent,
perd confiance en lui.

Et que même s'il peut paraitre
en situation de réussite,

vu de l'extérieur, il peut être
en grande souffrance à l'intérieur.

La troisième, qu'il peut y avoir
un décalage très important

entre les belles intentions de l'adulte

et la réalité de ce que l'enfant vit
et l'impact que ça a sur lui.

Car s'il y a bien une chose que je voyais,
c'était les belles intentions de l'adulte.

Et encore maintenant, je dis que
je n'ai jamais vu un adulte

qui ait des mauvaises intentions
pour les enfants dont il s'occupe.

Ils veulent tous qu'ils soient
heureux et épanouis.

Mais dans la réalité,
combien d'enfants le sont vraiment ?

Et combien d'adultes, de parents,
d'enseignants, sont heureux

de la qualité de relation
qu'ils vivent avec les enfants ?

Comme premier métier, j'ai choisi
d'être professeur d'éducation physique.

Déjà, à l'époque, j'essayais d'inventer

une forme d'autorité qui ne soit pas
l'autorité-pouvoir de l'adulte

que j'avais vécue.

Une autorité qui à la fois donne du cadre
et en même temps qui permet d'être en lien

avec l'être humain qu'est l'élève,
de le prendre en compte.

Je tâtonnais par moi-même pour essayer
de vivre mes convictions.

Et puis, dans mon cheminement
personnel et professionnel,

j'ai découvert la communication
non-violente de Marshall Rosenberg

qui m'a donné quelques clés essentielles
pour pouvoir vivre la qualité de relation

à laquelle j'aspirais.

Et j'ai le plaisir de vous partager
quelques-unes de ces clés.

L'axe central, c'est le fait
d'être à l'écoute de nos sensations

et de nos émotions, à la fois les nôtres,
et aussi celles des autres.

Pourquoi ? Parce que ce sont
les indicateurs précieux

de comment va la vie en nous.

Tout comme des fleurs, nous avons
des besoins qui sont liés à la vie.

Si nos besoins sont bien pris en compte,
alors nous sommes épanouis.

Et si nos besoins ne sont pas
très bien pris en compte,

alors il y a quelque chose
qui fane en nous.

Et ça va être là une des premières clés

pour une éducation bienveillante :
l'accueil des émotions de l'enfant.

Si un enfant court, tombe
et se relève en pleurant,

cessons de lui dire :
« Allez, c'est rien ! »

et cherchons plutôt
à accueillir ce qu'il vit.

« Tu as eu peur ? Tu as mal ? »

Et un pas plus loin,
apprenons aussi à nous relier

à ce qui est important pour l'enfant
derrière son émotion.

Si je vais au parc avec mon enfant,
qui joue au toboggan,

puis que je lui dis :
« C'est l'heure, on rentre. »

et que là il me dit :
« T'es méchante, maman ! »,

au lieu de lui dire : « Attention,

tu ne me parles pas comme ça,
sinon tu vas avoir une fessée. »

eh bien, je peux entendre
ce qu'il vit et lui proposer :

« Est-ce que tu es furieux

parce que tu voulais
encore jouer au toboggan ? »

Savez-vous combien c'est important
d'accueillir comme ça les émotions ?

Les neurosciences nous montrent maintenant

que jusqu'à l'âge de 6 ans,

le cerveau de l'enfant n'est pas
complètement développé

et qu'en particulier les zones du cerveau
qui permettent de contrôler les émotions

ne sont pas matures et que l'enfant vit
de véritables tempêtes émotionnelles

qu'il est incapable de contrôler.

Et donc ça ne sert à rien de lui
parler d'une manière rationnelle.

C'est l'accueil des émotions
qui va lui permettre de s'apaiser.

Et cette écoute empathique est aussi
une des clés fondamentales

pour le développement
de l'estime de soi de l'enfant.

Elle lui apporte une sécurité intérieure,

elle lui permet de ressentir
qu'il a le droit d'être qui il est.

Une autre clé très importante,
c'est le fait de savoir exprimer

notre contrariété et de poser des limites

en parlant de nous
et en faisant des demandes.

Si je suis une enseignante
qui va rendre un contrôle aux élèves,

si vous êtes l'élève et que je vous dis :

« 5 sur 20 à ton devoir,
tu n'as encore pas travaillé !

Il serait temps de t'y mettre,

je demande ce qu'on va faire de toi. »

Regardez ce que ça fait à l'intérieur.

Et si je vous dis plutôt :

« Tu as eu cinq à ton contrôle
et quand je pense à tes résultats

au contrôle précédent, je suis inquiète
parce que j'ai vraiment envie

de permettre à chacun
de mes élèves de réussir.

Et là, je voudrais comprendre
ce qu'il se passe pour toi.

Est-ce que tu serais d'accord

qu'on prenne un moment
après le cours pour en parler ensemble ? »

Je ne sais pas
si vous sentez la différence.

Certains diront :

« Oui, mais on n'a pas
qu'un seul élève dans la classe. »

Et en même temps,
chacune de nos paroles a un impact.

D'un côté, quand je dis ça à cet élève,

tous les élèves sentent
que ça se contracte à l'intérieur,

il y a quelque chose à l'intérieur
qui a envie de réagir

et ça sortira au premier moment.

Et de l'autre côté,
il y a quelque chose qui se détend

et l'intention de l'adulte
qui était là tout à l'heure,

mais il ne le percevait pas, là,
elle est entendue par cet élève-là,

par toute la classe, ils sentent
qu'ils peuvent faire confiance

à cet adulte.

« Bien gentil ! »,
peut-être me direz-vous encore.

Et là aussi les neurosciences
nous montrent

que l'enfant est empathique par nature

et que si on lui parle avec bienveillance,
les zones de son cerveau qui permettent

de prendre en compte
ce que l'autre vit vont se développer.

Par contre, s'il vit des situations
de stress répétées

ces zones de son cerveau
qui lui permettent de reconnaitre

les émotions des autres ne vont pas
se développer correctement.

Et ça va être le début du manque
de respect, des conflits,

et ça risque de l'impacter toute sa vie.

La difficulté est que nos modes
d'éducation actuels

sont basés sur la croyance
que l'être humain ne sait pas

distinguer le bien et le mal.

Alors on va lui apprendre
avec une éducation pleine de jugements,

c'est bien, c'est mal,
tu es gentil, tu es méchant,

et ainsi qu'un système
de punitions et de récompenses.

Ça, ça entraîne de la comparaison,
de la compétition,

et ça impacte l'estime de soi,
et puis ça apprend aussi

à soit se soumettre à l'autorité
soit ça suscite de la rébellion,

du coup, potentiellement,
de la violence et en tout cas,

la reproduction
de ce système de domination

du plus fort sur le plus faible.

Un autre regard est possible,
et ça change tout !

Si on voit l'être humain
comme un être sensible

qui aime avant tout contribuer
au bien-être des autres,

alors on va l'éduquer avec l'écoute
de ce que vit l'enfant,

l'expression de ce que nous vivons,
nous, en tant qu'adultes,

et puis une gestion des conflits

qui va chercher à prendre en compte
les besoins de chacun.

Et là se développe naturellement
la coopération,

ça renforce l'estime de soi,

ça développe la créativité,
la responsabilité

et le respect de chacun
quelle que soit sa place.

Alors, quel monde voulons-nous ?

Un monde où l'enfant,
puis l'adulte qu'il devient,

va agir par peur de l'autorité
et des sanctions ?

Ou un monde où l'enfant,
puis l'adulte qu'il devient,

va agir à partir de la conscience
et de l'envie de contribuer au bien-être ?

Moi, c'est très clair,
je préfère la deuxième option.

Et j'ai choisi d'agir pour ce monde-là.

En 2008, un jour, je me suis dit :
« Mais quel dommage !

Tous ces dégâts qui sont faits dans
les premières années de la vie d'un enfant

et qui vont impacter toute sa vie durant
l'adulte qu'il devient,

et quel gâchis à l'échelle
de la société tout entière,

quand on voit les conséquences que ça a

au niveau de la santé
physique et psychique,

au niveau de la paix sociale,

et aussi au niveau de l'épanouissement
des talents de chacun. »

Alors j'ai décidé
de faire de la prévention

et de faire connaître cette approche

pour que toute personne
en charge d'éducation

puisse avoir un moyen concret de vivre
ses intentions éducatives bienveillantes.

Et aujourd'hui je coordonne
une association au niveau national

qui œuvre pour faire connaitre
la communication non-violente,

qu'elle soit accessible à tout parent

et aussi à tout professionnel
de l'éducation

dès sa formation initiale.

La bonne nouvelle, c'est que ça bouge.

La communication non-violente
est maintenant connue et reconnue

au niveau de l’Éducation Nationale,

elle est citée dans un guide
pour une justice scolaire

qui a été réalisée par le ministère
de l’Éducation Nationale.

Il y a des inspecteurs
et des chefs d'établissements

qui commencent à se former.

La communication non-violente
commence à apparaitre

dans les programmes de formation continue
des enseignants des 1er et 2nd degrés.

En 2009, on avait juste
quelques demandes d'établissements

et c'était surtout pour qu'on intervienne
auprès des élèves

dans des classes où il y avait le feu.

Aujourd'hui c'est environ
une à deux demandes par semaine

d'établissements scolaires
que nous recevons

pour mettre en place une sensibilisation
pour l'ensemble de leur équipe.

En 2011, j'ai impulsé à Aix-en-Provence

une formation qui s'appelle

« La communication non violente
au service de l'éducation »,

et aujourd'hui, cette formation existe
dans cinq régions en France,

et bientôt dans sept.

Les participants à ces formations
sont des parents,

des personnels qui travaillent en crèche,
des animateurs, des éducateurs,

et pour la moitié, ce sont des personnes
qui travaillent en milieu scolaire.

Et elles font une démarche
volontaire de formation,

elles viennent sur leurs week-ends,
leurs vacances,

et elles payent
elles-mêmes leur formation.

Je tiens à le dire parce que même si vous,
peut-être, vous ne voyez pas encore

ce changement dans l'école de vos enfants,
moi je peux vous dire

que ce changement pour une éducation
bienveillante est en route

et qu'il s'étend.

Qu'est-ce que ça change
concrètement à l'école ?

Eh bien, ces enseignants accueillent
les enfants le matin

en leur demandant comment ça va,

et le prennent en compte.

Ils instaurent aussi
des temps hebdomadaires

de régulation de la vie de la classe.

Quand il y a un conflit
entre deux enfants,

ils le gèrent avec la médiation
et ils n'ont plus recours aux punitions.

Et du coup, ils font aussi
évoluer leur pédagogie.

Dans leurs classes, les enfants
ne restent plus toute la journée assis

à écouter, ils peuvent bouger,
prendre des initiatives,

coopérer entre eux.

Alors comme vous le voyez,
j'ai le grand bonheur

de contribuer tous les jours
à un monde meilleur,

j'ai la joie de voir les personnes évoluer

et me partager ce que la communication
non-violente leur a apporté.

Comme, par exemple, un professeur
en collège qui me disait :

« La communication non-violente a changé
ma vision du métier en tant que prof,

d'ailleurs j'allais le quitter
et j'y reste ;

elle m'a donné un outil pour communiquer

avec des êtres humains
dont j'étais totalement coupé. »

Ou bien une jeune femme
qui travaillait dans le périscolaire

pour la garderie avant et après l'école
et qui me disait :

« Avec cette forme d'écoute,

mais quel bonheur de voir un enfant
qui passe de la colère à la tristesse,

puis qui finit avec un sourire radieux ! »

Et une enseignante en primaire,
qui me disait :

« Eh bien, maintenant, j'accueille
les parents totalement différemment,

je m'ouvre à leurs difficultés ;

je ne me sens plus agressée
quand un parent arrive mécontent,

et du coup je suis
beaucoup moins agressive. »

Alors vous aussi,
vous pouvez avoir la joie

d'être acteur de ce changement.

Parce que nous, nous sommes
la génération de transition,

nous avons appris, à travers
ce que nous avons vécu,

une forme de communication
dont nous voyons bien les effets

dans la qualité de relation
que nous vivons pour le moment

dans nos familles, au travail
et dans notre société tout entière.

Alors soyons le changement
que nous voulons voir dans le monde.

Parlons à nos enfants comme
nous aimerions qu'on nous parle,

écoutons-les comme
nous aimerions être écoutés,

gérons les conflits avec eux

comme nous aimerions
qu'on gère les conflits avec nous.

En nous formant, en apprenant
ces formes de communication bienveillante,

en les vivant avec nos enfants,
nous avons un pouvoir énorme.

Nous avons le pouvoir, en une génération,

de changer le monde
pour un monde plus humain.

(Applaudissements)