Parler des règles sans tabou | Aditi Gupta | TEDxGatewayWomen

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C'est vrai : parler de règles met beaucoup de personnes mal à l'aise. Et ce tabou a des conséquences. En Inde, trois jeunes filles sur dix ne savent même pas ce que sont les règles quand elles les ont pour la première fois, et les traditions restrictives qui y sont liées leur infligent des dommages psychologiques. Ayant elle-même grandi avec ce tabou, Aditi Gupta a voulu aider ces jeunes filles, leurs parents et leurs professeurs, à parler sans honte des règles. Elle raconte son histoire.

Règles.

Sang.

Menstruation.

Dégoûtant.

Secret.

Caché.

Pourquoi ?

C'est un processus biologique naturel

que toute jeune fille
et femme vit chaque mois

pendant près de la moitié de sa vie.

C'est un phénomène tellement important

que la survie de notre espèce en dépend.

Pourtant, il est considéré comme tabou.

En parler nous met mal à l'aise,
nous fait honte.

Quand j'ai eu mes premières règles,

on m'a dit de le cacher aux autres,

même à mon père et mon frère.

Plus tard, quand il a fallu
l'étudier en classe,

le professeur de biologie
a sauté le sujet.

(Rires)

Savez-vous ce que j'en ai retenu ?

J'ai appris qu'il était
honteux d'en parler.

J'ai appris à avoir honte de mon corps.

J'ai appris à ne rien savoir
des règles

par souci des convenances.

Des études montrent que, dans certaines
régions indiennes, 3 filles sur 10

ne savent rien des règles quand
elles les ont pour la première fois.

Et dans certaines régions du Rajasthan,
ce chiffre peut monter à 9 sur 10

Vous serez surpris d'apprendre que
la plupart des jeunes filles

avec lesquelles j'ai discuté et qui
ne savaient rien des règles

ont pensé avoir un cancer du sang
pendant leur premier cycle,

et qu'elles allaient bientôt mourir.

Le risque d'infections
de l'appareil génital

est démultiplié en cas de
mauvaise hygiène menstruelle.

Mais en Inde, seulement 12 %
des jeunes filles et des femmes

ont accès à des méthodes hygiéniques
pour faire face à leurs règles.

Si vous calculez,

88 % des jeunes filles et des femmes
ont recours à des moyens peu hygiéniques.

Moi comprise.

J'ai grandi dans une petite ville
appelée Garhwa, au Jharkhand,

où acheter des serviettes
est considéré comme honteux.

Alors, quand j'ai eu mes règles,
j'ai commencé par utiliser des chiffons.

Après usage, je les lavais
et je les réutilisais.

Mais je les rangeais dans
une cachette sombre et humide,

pour que personne ne se rende compte
que j'avais mes règles.

À force de les laver,
les chiffons sont devenus rugueux,

et ils entrainaient souvent
des irritations et des infections.

Je les ai portés pendant cinq ans,
avant de quitter la ville.

Un autre problème que les règles ont
entrainé a été les restrictions sociales

imposées aux jeunes filles et aux femmes
pendant leurs règles.

Je pense que la plupart
d'entre vous les connaissent,

mais je vais les citer pour les autres.

Je ne pouvais pas toucher
ni manger des cornichons.

Je ne pouvais pas m’asseoir sur le canapé

ou sur le lit d'un membre de ma famille.

Je devais laver mes draps
après chaque cycle,

même s'ils n'étaient pas tachés.

J'étais considérée comme impure

et avait interdiction de prier
ou de toucher le moindre objet religieux.

On peut voir des panneaux
à l'entrée des temples

interdisant l'accès aux femmes
qui ont leurs règles.

Ironiquement,

la plupart du temps, ce sont
les femmes plus âgées

qui imposent de telles restrictions
aux jeunes filles de la famille.

Après tout, elles ont grandi en acceptant
ces restrictions comme la norme.

Et en l'absence de toute intervention,

ces mythes et idées fausses

se transmettent
de génération en génération.

Au fil des années, j'ai souvent entendu
l'histoire de femmes

devant manger et
laver leur vaisselle à part.

Elles ne peuvent pas prendre
de bain pendant leur cycle.

Et dans certains foyers, elles sont même
isolées des autres membres de la famille.

Environ 85 % des jeunes filles
et des femmes en Inde

doivent respecter une ou plusieurs
de ces coutumes tous les mois.

Essayez d'imaginer leur effet

sur l'amour-propre et la confiance en soi
d'une jeune fille.

Le traumatisme psychologique infligé,

qui affecte sa personnalité,

ses réussites universitaires

et tous les aspects de son développement
afin de devenir une adulte.

J'ai suivi religieusement toutes ces
coutumes restrictives pendant 13 ans,

Un jour, une conversation
avec mon partenaire, Tuhin,

a changé ma perception
des règles pour toujours.

En 2009, Tuhin et moi faisions
un master de design.

On est tombés amoureux et je n'avais pas
de problème à parler de règles avec lui.

Tuhin ne savait pas
grand chose sur les règles.

(Rires)

Il a été très surpris d'apprendre
que tous les mois

les femmes saignent et
souffrent de crampes douloureuses

(Rires)

Eh oui.

Il a été complètement choqué de découvrir

les restrictions imposées aux jeunes
filles et aux femmes pendant leurs règles

par leur propre famille et par la société.

Pour m'aider avec mes crampes,

il est allé sur Internet
se renseigner sur les règles.

Quand il a partagé ses découvertes avec
moi, j'ai réalisé que j'en savais peu.

Beaucoup de mes croyances
se sont révélées être des mythes.

C'est à ce moment que l'on s'est demandé :
si nous, avec notre niveau d'études

étions si mal informés sur les règles,

des millions de filles devaient
également être mal informées.

Pour étudier, pour mieux
comprendre le problème,

j'ai fait des recherches pendant un an
sur l'ignorance qui entoure les règles

et la source de cette ignorance.

On croit généralement que l'ignorance
et les idées fausses au sujet des règles

sont un phénomène rural.

Mais mes recherches ont révélé que
c'est tout autant un phénomène urbain.

Et il existe aussi au sein
de la classe urbaine instruite.

Parmi les nombreux parents
et professeurs à qui j'ai parlé,

beaucoup veulent en réalité sensibiliser
les jeunes filles sur les règles

avant qu'elles commencent
leur cycle menstruel.

Mais ils manquent de moyens
pour le faire par eux-mêmes.

Et comme c'est un tabou, ils ressentent
de la honte à l'idée d'en parler.

Aujourd'hui, les filles ont leurs règles
à 11 ou 12 ans,

mais le programme scolaire prévoit

l'éducation au sujet des règles
seulement quand elles en ont 13 ou 14.

Et comme c'est un tabou,

les professeurs ont tendance
à ne pas traiter le sujet.

Donc les filles n'apprennent rien
sur les règles à l'école,

et leurs parents n'en parlent pas.

Vers qui peuvent-elles se tourner ?

En 20 ans, rien n'a changé.

Après en avoir parlé avec Tuhin,
nous nous sommes demandé :

comment créer quelque chose

qui permette aux jeunes filles de
comprendre les règles par elles-mêmes,

quelque chose qui aiderait
les parents et les professeurs

à leur parler des règles sans gêne ?

Durant mes recherches, j'ai recueilli de
nombreuses histoires,

des histoires de règles vécues par
de jeunes filles.

Ces histoires ont éveillé la curiosité
et l'intérêt des filles,

les incitant à parler de la menstruation
avec leurs proches.

C'est ce que nous voulions.

Nous voulions quelque chose
qui rende les filles curieuses

et les pousse à se renseigner
sur le sujet.

Nous voulions utiliser ces récits
pour éduquer les jeunes filles.

Alors nous avons décidé de créer une BD

dont les personnages
mettraient en scène ces histoires

et éduqueraient les filles sur les règles
de manière amusante et intéressante.

Pour représenter des filles
à différents stades de la puberté,

nous avons créé trois personnages.

Pinki n'a pas encore eu ses règles,

Jiya a ses premières règles pendant la BD

et Mira a déjà ses règles.

Il y a un quatrième personnage :
Priya Didi.

Grâce à elle, les filles apprennent
ce que grandir sous-entend

et comment gérer leur hygiène menstruelle.

Nous voulions des images
qui ne fassent pas débat,

mais qui reflètent
les spécificités culturelles.

Durant la phase de test du prototype,
les filles ont adoré la BD.

Elles avaient envie de la lire

et d'en apprendre plus sur les règles
par elles-mêmes.

Parents et professeurs étaient à l'aise
pour parler des règles en l'utilisant

et parfois, même les garçons
avaient envie de la lire.

(Rires)

(Applaudissements)

Cette BD a contribué
à créer un environnement

où la menstruation cessait d'être tabou.

De nombreux bénévoles
ont repris ce prototype

pour monter des ateliers
dans cinq états indiens différents.

Et l'un des bénévoles l'a même utilisé
pour aller éduquer de jeunes moines

dans un monastère du Ladakh.

La version finale de la BD,
appelée « Menstrupedia Comic »,

a été lancée en septembre dernier.

Jusqu'à présent, la BD a servi a éduquer
plus de 4000 filles en Inde, et

(Applaudissements)

Merci.

(Applaudissements)

et dans 10 autres pays.

Nous traduisons constamment la BD
dans de nouvelles langues

et collaborons avec
des organisations locales

pour rendre la BD disponible
dans différents pays.

15 écoles dans différentes régions de
l'Inde ont mis la BD dans leur programme

pour éduquer les jeunes filles
à la menstruation.

(Applaudissements)

Je suis stupéfaite de voir
que les bénévoles,

individus, parents, professeurs,
directeurs d'établissements,

se sont rassemblés

autour de cette volonté de sensibilisation
aux règles dans leur communauté,

ont fait en sorte que les jeunes filles
comprennent les règles à l'âge adéquat

et ont contribué à briser ce tabou.

Je rêve d'un avenir où les règles
ne sont plus une malédiction,

plus une maladie,

mais un changement bienvenu
dans la vie d'une jeune fille.

(Applaudissements)

Et je voudrais terminer par une simple
requête à tous les parents ici présents.

Chers parents,

si vous avez honte des règles,

vos filles en auront honte également.

Alors, s'il vous plait,
soyez positifs au sujet des règles.

(Rires)

Merci.

(Applaudissements.)