Adapter le droit d'auteur à l'économie numérique | Julien Pénin | TEDxStrasbourgUniversité
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0:20 - 0:21Merci pour l'introduction.
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0:21 - 0:23Je ne suis que directeur adjoint du BETA.
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0:23 - 0:28Si mon directeur voit sur Internet
que je prends sa place... -
0:28 - 0:29... ça commencera mal.
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0:29 - 0:34Moi, je suis enseignant-chercheur
à l'université de Strasbourg, en économie, -
0:34 - 0:36et je travaille donc sur
la propriété intellectuelle, -
0:36 - 0:37beaucoup sur le droit d'auteur,
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0:37 - 0:39et j'avais des diapositives,
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0:39 - 0:41mais je me rends compte
qu'elles sont assez mauvaises -
0:41 - 0:44et assez inadaptées à l'endroit,
donc on va faire sans diapositives. -
0:45 - 0:47Donc je me rends compte
depuis un bout de temps, -
0:47 - 0:48comme beaucoup de gens,
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0:48 - 0:50que finalement le droit d'auteur
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0:50 - 0:53n'est plus du tout adapté
à l'économie numérique : -
0:53 - 0:57Internet, la numérisation
des œuvres, la diffusion facile, -
0:57 - 0:58et je donc vais essayer,
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0:58 - 1:00j'utilise dans mes recherches
des concepts économiques -
1:00 - 1:01dont je vais essayer
de me passer aujourd'hui, -
1:01 - 1:04pour vous montrer que les économistes
peuvent contribuer à ce débat -
1:04 - 1:06et peuvent montrer que finalement,
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1:06 - 1:09les règles de droit d'auteur
doivent changer, -
1:09 - 1:12parce qu'aujourd'hui, c'est vraiment
un frein à beaucoup de choses, -
1:12 - 1:14et dans notre jargon économique,
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1:14 - 1:15on dirait que finalement
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1:15 - 1:18le droit d'auteur n'est plus du tout
une source de création de richesse, -
1:18 - 1:22mais de plus en plus
va freiner la créativité. -
1:22 - 1:24Alors pour commencer,
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1:24 - 1:26je vais commencer par
deux petites histoires -
1:26 - 1:28qui vont montrer une chose importante,
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1:28 - 1:30parce que ce n'est pas évident
pour beaucoup de monde -
1:30 - 1:32et notamment
pour beaucoup de juristes, -
1:32 - 1:35ce n'est pas évident que les règles
de droit doivent changer. -
1:35 - 1:36Pour beaucoup de gens,
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1:36 - 1:39les règles de droit
sont inscrites dans le marbre. -
1:39 - 1:42Le droit, c'est le droit,
et il ne dépend pas du contexte. -
1:42 - 1:45C'est assez faux en tout cas
pour les économistes. -
1:45 - 1:47Les économistes, depuis
très longtemps, ont développé -
1:47 - 1:49ce qu'on appelle
une vision fonctionnaliste -
1:49 - 1:53de la propriété intellectuelle,
et du droit plus généralement, -
1:53 - 1:55qui dit finalement que
le droit remplit une fonction. -
1:55 - 1:57Ce n'est pas quelque chose de naturel,
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1:57 - 1:58ce n'est pas quelque chose
de gravé dans le marbre, -
1:58 - 2:00mais le droit remplit une fonction.
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2:00 - 2:02Cette fonction pour les économistes,
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2:02 - 2:05c'est d'améliorer la richesse
de nos économies, -
2:05 - 2:08et la manière dont le droit
remplit cette fonction, -
2:08 - 2:09dépend naturellement du contexte.
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2:09 - 2:11Et si le contexte change,
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2:11 - 2:13eh bien, les règles de droit
peuvent être amenées à changer. -
2:13 - 2:16Alors, simplement deux exemples
qui illustrent à mon sens -
2:16 - 2:19parfaitement cette vision
fonctionnaliste du droit. -
2:19 - 2:22Le premier exemple,
c'est [celui] de la propriété foncière. -
2:22 - 2:25C'est un exemple que je tire d'un auteur
que vous connaissez peut-être, -
2:25 - 2:26qui est Lawrence Lessig,
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2:26 - 2:29qui a beaucoup contribué
à la création des creative commons -
2:29 - 2:32et qui a fait plusieurs
d'ailleurs speeches, -
2:32 - 2:35des vrais speeches TED et pas TEDx.
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2:35 - 2:40Lawrence Lessig nous explique
que la propriété foncière aux États-Unis, -
2:40 - 2:42-- vous savez que c'est
quelque chose de sacré -- -
2:42 - 2:44c'est inscrit dans la constitution,
-
2:44 - 2:47on ne rigole pas avec
la propriété privée aux États-Unis, -
2:47 - 2:50et originalement, bizarrement,
elle est définie en trois dimensions. -
2:50 - 2:52C'est-à-dire que vous n'êtes pas
seulement propriétaire de votre terrain, -
2:52 - 2:54vous êtes propriétaire
de tout ce qu'il y a en dessous, -
2:54 - 2:57et de tout ce qu'il y a
au-dessus, jusqu'au ciel, -
2:57 - 3:00Alors si on trouve du pétrole
sous votre terrain, il est à vous, -
3:00 - 3:03et évidemment la constitution américaine,
c'est fin du XVIIIème siècle, -
3:03 - 3:04il n'y avait pas d'avions,
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3:04 - 3:06et début du XXe siècle,
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3:06 - 3:09eh bien il y a les premiers vols
transcontinentaux aux États-Unis, -
3:09 - 3:11et évidemment il y a les premiers procès.
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3:11 - 3:13Il y a des grands propriétaires fonciers
qui ont fait des procès -
3:13 - 3:17aux compagnies aériennes américaines
qui faisaient New York-Chicago, -
3:17 - 3:19parce que ces compagnies-là
survolaient leurs terrains -
3:19 - 3:20sans payer de droit de passage.
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3:20 - 3:24La propriété foncière étant
définie en trois dimensions, -
3:24 - 3:26vous n'avez pas le droit
de survoler un terrain -
3:26 - 3:27sans l'accord du propriétaire.
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3:27 - 3:31Et donc c'est une affaire,
il y a eu des procès en appel, -
3:31 - 3:33les juges ont toujours donné
raison aux propriétaires fonciers, -
3:33 - 3:36parce qu'un juge fait respecter
la loi, il ne l'invente pas. -
3:36 - 3:39Et donc c'est allé jusqu'à
la Cour Suprême des États-Unis, -
3:39 - 3:42et la Cour Suprême a eu
un choix assez cornélien, -
3:42 - 3:46soit on respecte le droit
et on tue dans l'œuf une technologie, -
3:46 - 3:49les avions, qui est source
de richesse économique -
3:49 - 3:51et qui est source de progrès
et qui profite au consommateur. -
3:51 - 3:55Donc, soit on respecte le droit et on tue
potentiellement cette technologie, -
3:55 - 3:58soit on fait évoluer le droit
pour l'adapter à la technologie. -
3:58 - 4:02Et évidemment la Cour Suprême
américaine a décidé de modifier la loi, -
4:02 - 4:04et de dire que finalement les avions
-
4:04 - 4:06pourraient survoler les propriétés
foncières américaines -
4:06 - 4:09sans payer de droits de passage
et sans demander l'autorisation -
4:09 - 4:12à condition qu'ils volent
au dessus d'une certaine altitude. -
4:12 - 4:14Donc ça, ça date de 1946,
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4:14 - 4:17et ça montre bien
une vision fonctionnaliste du droit, -
4:17 - 4:19le droit doit s'adapter au contexte,
-
4:19 - 4:21et notamment au contexte technologique.
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4:22 - 4:27Alors le deuxième exemple, il est
tiré de la propriété intellectuelle, -
4:27 - 4:28et...
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4:29 - 4:33... finalement on est
à la fin des années 1970, -
4:33 - 4:35et là il y a une technologie
assez étrange qui arrive, -
4:35 - 4:37c'est les premiers magnétoscopes.
-
4:37 - 4:39Évidemment, qu'est-ce qu'on fait
avec un magnétoscope ? -
4:39 - 4:42On enregistre des films,
des émissions télé, etc. -
4:42 - 4:44Alors comme l'avion,
-
4:44 - 4:47le magnétoscope, c'est une source
de richesse économique extraordinaire. -
4:47 - 4:50C'est fondamental pour les consommateurs,
-
4:50 - 4:53on peut enregistrer son match de foot
qu'on a raté parce qu'on travaillait. -
4:53 - 4:54On peut enregistrer des films.
-
4:54 - 4:57Donc, c'est vraiment une source
de richesse économique. -
4:57 - 5:02Le problème, c'est que le magnétoscope
-
5:02 - 5:04est source de violation
du droit d'auteur. -
5:04 - 5:06On n'a pas le droit
d'enregistrer quelque chose -
5:06 - 5:07qui est protégé par droit d'auteur.
-
5:07 - 5:10Donc à nouveau il y a eu
un procès retentissant, -
5:10 - 5:12Hollywood contre Sony,
-
5:12 - 5:14un procès qui est allé jusqu'à
la Cour Suprême des États-Unis, -
5:14 - 5:18les premiers juges
ont donné raison à Hollywood, -
5:18 - 5:21et à nouveau, les juges
de la Cour Suprême américaine -
5:21 - 5:23ont eu un choix à faire,
-
5:23 - 5:24un choix pas évident.
-
5:24 - 5:27Soit on respecte la loi, et
dans ce cas-là, on tue le magnétoscope, -
5:27 - 5:30et on ne sait pas dans quelle
société on vivrait aujourd'hui. -
5:30 - 5:32S'il y a pas de magnétoscope,
il n'y a peut-être pas de lecteurs DVD, -
5:32 - 5:33Il n'y a peut-être pas de smartphone.
-
5:33 - 5:34On ne sait pas,
-
5:34 - 5:38ça aurait peut-être pu avoir
des influences irréversibles -
5:38 - 5:40sur l'évolution technologique.
-
5:40 - 5:44Soit donc on adapte le droit
à cette nouvelle technologie, -
5:44 - 5:47et c'est à nouveau ce que les juges
de la Cour Suprême ont décidé de faire -
5:47 - 5:51en 1984 aux États-Unis
et en 1988 en France, -
5:51 - 5:53on a introduit le droit à la copie privée.
-
5:53 - 5:55C'est-à-dire n'importe qui
peut copier des choses, -
5:55 - 5:57enregistrer des films,
-
5:57 - 5:59à condition que ça reste
dans la sphère privée. -
5:59 - 6:02Vous pouvez le montrer à vos enfants,
à votre famille, à des copains. -
6:02 - 6:04Vous ne pouvez pas vendre
ce que vous avez enregistré, -
6:04 - 6:06et vous ne pouvez pas
le montrer publiquement. -
6:06 - 6:08Donc à nouveau, c'est un bon exemple,
-
6:08 - 6:13qui montre que le droit doit
s'adapter à l'évolution technologique. -
6:13 - 6:16J'y reviendrai tout à la fin
de ma présentation, -
6:16 - 6:18c'est plus qu'une anecdote selon moi,
-
6:18 - 6:21mais évidemment,
dix ans après ce procès -
6:21 - 6:26lors duquel Hollywood avait passé
des années à se plaindre, à pleurnicher, -
6:26 - 6:29j'ai envie de dire, à expliquer que
si on autorisait le magnétoscope, -
6:29 - 6:30il n'y aurait plus de films,
il n'y aurait plus rien, -
6:30 - 6:32c'est la fin de la création, etc,
-
6:32 - 6:34dix ans après la fin de ce procès,
-
6:34 - 6:37plus de 50 % du chiffre
d'affaire d'Hollywood -
6:37 - 6:38est réalisé en vendant
des cassettes vidéo, -
6:38 - 6:40et plus tard on vendant des DVD.
-
6:40 - 6:42Donc mon interprétation, c'est que
-
6:42 - 6:45le changement technologique
ne tue pas la créativité -
6:45 - 6:47mais appelle
des nouveaux modèles d'affaires, -
6:47 - 6:49des nouvelles organisations.
-
6:49 - 6:52Évidemment, on reviendra là-dessus
en parlant d'Internet. -
6:52 - 6:57Alors ces deux exemples montrent
que le droit d'auteur doit s'adapter, -
6:57 - 7:01et historiquement, le droit d'auteur
a toujours été pour les économistes -
7:01 - 7:03une manière d'arbitrer entre deux choses.
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7:03 - 7:05Le droit d'auteur, c'est
une manière d'arbitrer -
7:05 - 7:09entre créer des incitations
à investir dans la création. -
7:09 - 7:10S'il n'y a pas de droit d'auteur,
-
7:10 - 7:12tout le monde peut
tout copier gratuitement, -
7:12 - 7:14et donc il n'y aura
peut-être de la créativité, -
7:14 - 7:16parce qu'on sait que
les motivations des créateurs -
7:16 - 7:18sont essentiellement intrinsèques,
-
7:18 - 7:19les gens ont besoin de créer.
-
7:19 - 7:20Donc il y aura peut-être de la création,
-
7:20 - 7:23mais il n'y aura peut-être pas
d'industrie créative. -
7:23 - 7:24Il n'y aura peut être pas de gens
-
7:24 - 7:28qui voudront investir massivement
dans la diffusion des créations, -
7:28 - 7:30parce qu'effectivement,
si on peut tout copier, -
7:30 - 7:31on n'a pas intérêt à investir.
-
7:31 - 7:33D'un premier côté,
-
7:33 - 7:36il faut inciter les gens
à investir dans la création, -
7:36 - 7:39mais d'un autre côté, l'exclusivité
créée par le droit d'auteur, -
7:39 - 7:44le droit d'auteur, c'est un droit exclusif
donné aux auteurs et aux ayants-droit, -
7:44 - 7:47cette exclusivité, elle a
un coût pour le consommateur, -
7:47 - 7:51puisqu'elle empêche le consommateur
de bénéficier de la musique, -
7:51 - 7:53des DVD,
-
7:53 - 7:55de tout ce qui est enregistrable.
-
7:55 - 7:56Le consommateur doit payer pour ça,
-
7:56 - 7:58il ne peut pas
en bénéficier gratuitement. -
7:58 - 8:00Donc il y a un coût évidemment.
-
8:00 - 8:03Il faut arbitrer, si vous voulez,
entre l'incitation à créer -
8:03 - 8:05et la diffusion des œuvres
-
8:05 - 8:07qui est bénéfique en soi
pour le consommateur. -
8:07 - 8:11Ce que je vais essayer
de vous montrer maintenant, -
8:11 - 8:14c'est que, cet équilibre
entre incitation et diffusion, -
8:14 - 8:18il a été profondément bouleversé
par l'arrivée des nouvelles technologies, -
8:18 - 8:21essentiellement la numérisation
des œuvres de l'esprit. -
8:21 - 8:22Aujourd'hui on peut
quasiment tout numériser -
8:22 - 8:24et tout diffuser facilement sur Internet.
-
8:24 - 8:27Donc la numérisation plus Internet,
-
8:27 - 8:29a complètement bouleversé
cet équilibre fragile -
8:29 - 8:32entre incitation et diffusion,
-
8:32 - 8:35et aujourd'hui, il y a
deux problèmes essentiels -
8:35 - 8:38qui sont liés aux droits d'auteurs
sur lesquels je vais m'attarder -
8:38 - 8:41et qui plaident finalement pour
une modification en profondeur -
8:41 - 8:44des règles de droit d'auteur,
et je terminerai là-dessus. -
8:44 - 8:47Le premier problème aujourd'hui
lié au droit d'auteur, -
8:47 - 8:50c'est que pour la première fois
dans l'histoire de l'humanité, je pense, -
8:50 - 8:54on vit dans un monde où on peut
diffuser des œuvres de l'esprit -
8:54 - 8:55de manière quasiment gratuite.
-
8:55 - 8:57La copie est gratuite.
-
8:57 - 9:00Si je prends l'exemple d'un CD,
-
9:00 - 9:03ou prenons l'exemple d'un livre
ou d'un manuscrit écrit, -
9:03 - 9:05aujourd'hui on peut
faire un copier-coller -
9:05 - 9:06quasiment gratuitement.
-
9:06 - 9:08Le seul coût,
c'est le coût de l'électricité -
9:08 - 9:10pour faire tourner un ordinateur.
-
9:10 - 9:12On peut copier un film,
-
9:12 - 9:14on peut copier une chanson
quasiment gratuitement. -
9:14 - 9:16Ça n'est jamais arrivé
dans l'histoire de l'humanité. -
9:16 - 9:18Avant l'imprimerie, pour copier un livre,
-
9:18 - 9:21il fallait des moines scribes
-
9:21 - 9:24qui passaient des années à essayer
de faire des belles enluminures. -
9:24 - 9:26Après l'imprimerie, ça restait coûteux.
-
9:26 - 9:30Ensuite on a eu des magnétoscopes,
ce n'était pas gratuit quand même. -
9:30 - 9:32Aujourd'hui pour la première fois,
-
9:32 - 9:35copier des œuvres numérisées
est quasiment gratuit. -
9:35 - 9:36Ce qui signifie,
-
9:36 - 9:40je vais passer la démonstration économique
qui est plutôt complexe, -
9:40 - 9:43mais économiquement on peut montrer
-
9:43 - 9:45qu'aujourd'hui la perte
du droit d'auteur, -
9:45 - 9:48la perte pour le consommateur
générée par le droit d'auteur -
9:48 - 9:50est encore plus importante.
-
9:50 - 9:53On a aujourd'hui du fait que la copie
est devenue quasiment gratuite, -
9:53 - 9:55s'opposer à cette copie
-
9:55 - 9:58génère un coût qui est
encore plus important. -
9:58 - 10:02Je vais prendre un exemple
qui est relativement parlant -
10:02 - 10:05et qui, je pense, me permettra
d'éviter la démonstration technique, -
10:05 - 10:08prenons l'exemple des films Walt Disney.
-
10:08 - 10:12Imaginez si les films Walt Disney
n'étaient pas dans le domaine public. -
10:12 - 10:13Ils ne le sont pas, pardon.
-
10:13 - 10:15Imaginez qu'ils soient
dans le domaine public. -
10:15 - 10:18Si la plupart des films Walt Disney
étaient dans le domaine public, -
10:18 - 10:20n'importe qui à travers
le monde aujourd'hui -
10:20 - 10:23pourrait regarder des films Walt Disney.
-
10:23 - 10:29Ça, ça génère une richesse
extraordinaire pour le consommateur. -
10:29 - 10:30Le problème aujourd'hui,
-
10:30 - 10:33c'est que les films Walt Disney sont
encore protégés par [le] droit d'auteur, -
10:33 - 10:34et donc il faut les acheter très cher,
-
10:34 - 10:3910 à 15, parfois plus, 20 ou 25 euros
à la Fnac pour ne pas les citer. -
10:39 - 10:42Donc le droit d'auteur génère
une perte pour le consommateur, -
10:42 - 10:44qui est aujourd'hui absolument énorme.
-
10:44 - 10:45Et le problème,
-
10:45 - 10:50moi ce qui m'embête très souvent
quand on écoute les débats grand public, -
10:50 - 10:52c'est qu'on ne parle que d'incitation.
-
10:52 - 10:54Quand on parle de droit d'auteur,
on ne parle que d'incitation, -
10:54 - 10:58on ne parle jamais
du coût de la non-diffusion, -
10:58 - 11:00le coût de l'exclusivité
pour le consommateur. -
11:00 - 11:04Et ce coût-là, il est tout aussi
important que les incitations. -
11:04 - 11:06Je ne suis pas en train de dire que
les incitations, ce n'est pas important, -
11:06 - 11:08il faut des incitations,
-
11:08 - 11:11mais il faut équilibrer
les incitations avec la diffusion. -
11:11 - 11:15Et aujourd'hui, on a un déséquilibre
qui me semble absolument flagrant. -
11:15 - 11:18Deuxième point, je vais
aller un petit peu plus vite, -
11:18 - 11:21le droit d'auteur peut
aujourd'hui freiner la création. -
11:21 - 11:22C'est paradoxal,
-
11:22 - 11:25parce que le droit d'auteur a été
mis en place pour inciter à créer, -
11:25 - 11:27mais aujourd'hui, on est dans un monde...
-
11:27 - 11:30alors la création a toujours
été faite par combinaison, -
11:30 - 11:33de manière plus ou moins
inconsciente ou consciente. -
11:33 - 11:35Quand on crée, on s'inspire du passé.
-
11:35 - 11:37C'est la métaphore des épaules de géants,
-
11:37 - 11:39on est tous sur des épaules de géants.
-
11:39 - 11:41On s'inspire de choses du passé.
-
11:41 - 11:42Ce qui a changé aujourd'hui,
-
11:42 - 11:45c'est que de plus en plus, on peut
créer en faisant des copier-coller. -
11:45 - 11:46C'est le principe du remix,
-
11:46 - 11:48c'est le principe des mash up.
-
11:48 - 11:50Vous prenez des bouts
de chansons, des bouts de films, -
11:50 - 11:52vous combinez ça
et vous mettez sur YouTube. -
11:52 - 11:57Le copier-coller n'était pas possible
avant la numérisation et Internet, -
11:57 - 11:59ou en tout cas, le copier-coller
était très coûteux. -
11:59 - 12:03Seuls des individus qui disposaient
de matériel technique sophistiqué -
12:03 - 12:04pouvaient faire des copier-coller.
-
12:04 - 12:06Et donc,
-
12:06 - 12:09aujourd'hui Internet rend très facile
la création par copier-coller, -
12:09 - 12:11et n'importe qui peut créer des choses.
-
12:11 - 12:12Alors ensuite on peut critiquer
-
12:12 - 12:14la valeur créative des choses
qu'il y a sur YouTube. -
12:14 - 12:19On peut dire que 99 % des choses
sur YouTube n'ont aucun intérêt, -
12:19 - 12:20c'est pas la question,
-
12:20 - 12:22le problème, c'est que
ça reste de la création, -
12:22 - 12:23bonne ou pas,
-
12:23 - 12:25et le droit d'auteur
s'oppose à cette création. -
12:25 - 12:27Quand vous faites ça,
-
12:27 - 12:28quand vous faites des copier-coller,
-
12:28 - 12:30vous êtes en violation
de droits d'auteur. -
12:30 - 12:32Et donc aujourd'hui le droit d'auteur
-
12:32 - 12:36peut s'opposer à la création
par recombinaison sur Internet. -
12:36 - 12:38Ce qui reste quand même assez paradoxal,
-
12:38 - 12:41puisque le droit d'auteur n'a pas été
créer pour s'opposer à la création, -
12:41 - 12:43mais il a quand même
été créé pour l'encourager. -
12:43 - 12:46Alors qu'est-ce qu'on devrait faire ?
-
12:46 - 12:48Qu'est-ce que beaucoup d'économistes
aujourd'hui vous diraient ? -
12:48 - 12:51Il faut faire au moins
trois choses, je pense. -
12:51 - 12:54Trois évolutions
du droit d'auteur s'imposent. -
12:54 - 12:56Première évolution qui est fondamentale,
-
12:56 - 13:02il faut rééquilibrer la situation
entre producteurs et consommateurs, -
13:02 - 13:05et pour cela, il faut raccourcir
la durée du droit d'auteur. -
13:05 - 13:09Aujourd'hui un droit d'auteur,
ça dure 70 ans après la mort de l'auteur. -
13:09 - 13:12Vous créez une chanson aujourd'hui,
vous mourez dans 60 ans, -
13:12 - 13:14il y a 130 ans de monopole.
-
13:14 - 13:17130 ans d'exclusivité, c'est beaucoup
trop cher pour le consommateur. -
13:17 - 13:20Pendant 130 ans, le consommateur
devra payer le prix fort. -
13:20 - 13:22L'exemple Walt Disney.
-
13:22 - 13:25Donc, il faut absolument
raccourcir le droit d'auteur, -
13:25 - 13:26pour que les consommateurs
puissent bénéficier -
13:26 - 13:29des œuvres de l'esprit plus facilement.
-
13:29 - 13:30Et beaucoup de gens aujourd'hui pensent
-
13:30 - 13:33qu'une durée par exemple
de 20 ans, serait parfaite. -
13:33 - 13:34Une durée de 20 ans,
-
13:34 - 13:37ça veut dire que tout ce qui a été créé
avant 1994, -
13:37 - 13:40est légalement et gratuitement
téléchargeable sur Internet. -
13:40 - 13:42Tous les films, toutes les chansons,
-
13:42 - 13:44tout ce qui a été créé avant 1994,
-
13:44 - 13:46serait légalement
gratuitement téléchargeable. -
13:46 - 13:48Imaginez le gain pour le consommateur,
-
13:48 - 13:51et je ne pense pas que ça se ferait
au détriment des incitations. -
13:51 - 13:53Parce que 20 ans
de monopole,c'est suffisant. -
13:53 - 13:57Donc ça, c'est un premier point.
Raccourcir la durée du droit d'auteur. -
13:57 - 14:00Deuxième point, demander
à ce que le droit d'auteur, -
14:00 - 14:02pour en bénéficier, on s'enregistre.
-
14:02 - 14:03Ce serait très facile.
-
14:03 - 14:05Aujourd'hui, par défaut,
vous avez un droit d'auteur. -
14:05 - 14:07Vous créez n'importe quoi,
vous le diffusez, -
14:07 - 14:10vous êtes protégé par droit d'auteur,
il n'y a pas besoin de le demander. -
14:10 - 14:13Le droit d'auteur,
vous l'obtenez par défaut. -
14:13 - 14:15Ce qui crée une situation
complètement incertaine. -
14:15 - 14:17Il y a des droits d'auteur partout,
-
14:17 - 14:19tous les créateurs
bénéficient de droit d'auteur, -
14:19 - 14:20même sans le demander.
-
14:20 - 14:22Je parle ici des droits patrimoniaux,
les droits économiques. -
14:22 - 14:24On pourrait très bien exiger,
-
14:24 - 14:26que [pour] les créateurs qui veulent
bénéficier d'un droit d'auteur, -
14:26 - 14:27qu'il y ait un site,
-
14:27 - 14:30comme ça fonctionne pour les autres
droits de propriété intellectuelle, -
14:30 - 14:32les brevets, les marques,
-
14:32 - 14:34et sur ce site, il faudrait s'enregistrer
-
14:34 - 14:35si vous voulez
bénéficier d'un droit d'auteur. -
14:35 - 14:37Et si vous ne vous enregistrez pas,
-
14:37 - 14:40vous continuez à bénéficier
de votre droit de paternité, -
14:40 - 14:41bien sûr, vous restez le créateur,
-
14:41 - 14:45mais n'importe qui peut vous copier
sans vous rémunérer, -
14:45 - 14:47ce qui ne pose pas de problèmes
à beaucoup de créateurs. -
14:47 - 14:49Moi mes cours par exemple,
-
14:49 - 14:51sont par défaut protégés
par droit d'auteur, -
14:51 - 14:55alors que je ne demande pas
de droits d'auteur dessus. -
14:55 - 14:57Donc on devrait exiger qu'on s'enregistre.
-
14:57 - 15:01Et enfin, troisième point
qui là est peut-être plus délicat, -
15:01 - 15:03il faudrait réussir
à définir une frontière -
15:03 - 15:05entre l'utilisation active et passive.
-
15:05 - 15:07L'utilisation passive,
-
15:07 - 15:09c'est les consommateurs
qui utilisent de l'art -
15:09 - 15:11uniquement pour consommer l'art.
-
15:11 - 15:12Vous écoutez une chanson,
vous regardez un film, -
15:12 - 15:14mais vous ne voulez pas créer.
-
15:14 - 15:16Le consommateur actif, c'est celui
qui veut utiliser une œuvre d'art -
15:16 - 15:18pour créer quelque chose.
-
15:18 - 15:20Ce n'est pas tout à fait la même chose,
-
15:20 - 15:23et si on arrivait de manière
juridique, c'est assez compliqué, -
15:23 - 15:25ça, c'est la troisième possibilité
-
15:25 - 15:27qui serait la plus compliquée
à mettre en œuvre, -
15:27 - 15:30mais si on arrivait à mettre
en place une frontière étroite -
15:30 - 15:32entre utilisation active et passive,
-
15:32 - 15:35on pourrait par exemple dire
que l'utilisateur passif, -
15:35 - 15:37celui qui veut juste consommer l'art,
-
15:37 - 15:38eh bien, il paye, c'est normal,
-
15:38 - 15:40il faut quand même
rémunérer les artistes, -
15:40 - 15:43mais l'utilisateur actif, celui
qui veut créer quelque chose, -
15:43 - 15:47n'aurait pas besoin
de demander [l'autorisation] -
15:47 - 15:49des utilisateurs du passé.
-
15:49 - 15:52Alors, c'est un petit peu ce que
je voulais vous dire aujourd'hui, -
15:52 - 15:56j'espère avoir démontré
que vu le nouveau contexte, -
15:56 - 15:57vu les nouvelles technologies,
-
15:57 - 16:00il faut absolument que les règles
de droit d'auteur évoluent, -
16:00 - 16:01il faut changer les règles de droit,
-
16:01 - 16:02parce que aujourd'hui,
-
16:02 - 16:06le droit d'auteur risque de plus en plus
d'être un frein à la création, -
16:06 - 16:09alors qu'originellement il a été créé
pour encourager la création, -
16:09 - 16:11et donc on observe de plus en plus
-
16:11 - 16:13un véritable détournement
du droit d'auteur. -
16:13 - 16:14Voilà, je vous remercie.
-
16:14 - 16:16(Applaudissements)
- Title:
- Adapter le droit d'auteur à l'économie numérique | Julien Pénin | TEDxStrasbourgUniversité
- Description:
-
L’équilibre entre incitation et diffusion instauré par la distribution de droits de propriété intellectuelle aux auteurs est fragilisé par les nouvelles technologies de reproduction. La nature des problèmes posés impose d’imaginer de nouvelles règles du droit d’auteur. Dans cette conférence, Julien Pénin nous offre un plaidoyer pour adapter le droit d’auteur à l’économie numérique.
- Video Language:
- French
- Team:
- closed TED
- Project:
- TEDxTalks
- Duration:
- 16:34