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Adapter le droit d'auteur à l'économie numérique | Julien Pénin | TEDxStrasbourgUniversité

  • 0:20 - 0:21
    Merci pour l'introduction.
  • 0:21 - 0:23
    Je ne suis que directeur adjoint du BETA.
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    Si mon directeur voit sur Internet
    que je prends sa place...
  • 0:28 - 0:29
    ... ça commencera mal.
  • 0:29 - 0:34
    Moi, je suis enseignant-chercheur
    à l'université de Strasbourg, en économie,
  • 0:34 - 0:36
    et je travaille donc sur
    la propriété intellectuelle,
  • 0:36 - 0:37
    beaucoup sur le droit d'auteur,
  • 0:37 - 0:39
    et j'avais des diapositives,
  • 0:39 - 0:41
    mais je me rends compte
    qu'elles sont assez mauvaises
  • 0:41 - 0:44
    et assez inadaptées à l'endroit,
    donc on va faire sans diapositives.
  • 0:45 - 0:47
    Donc je me rends compte
    depuis un bout de temps,
  • 0:47 - 0:48
    comme beaucoup de gens,
  • 0:48 - 0:50
    que finalement le droit d'auteur
  • 0:50 - 0:53
    n'est plus du tout adapté
    à l'économie numérique :
  • 0:53 - 0:57
    Internet, la numérisation
    des œuvres, la diffusion facile,
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    et je donc vais essayer,
  • 0:58 - 1:00
    j'utilise dans mes recherches
    des concepts économiques
  • 1:00 - 1:01
    dont je vais essayer
    de me passer aujourd'hui,
  • 1:01 - 1:04
    pour vous montrer que les économistes
    peuvent contribuer à ce débat
  • 1:04 - 1:06
    et peuvent montrer que finalement,
  • 1:06 - 1:09
    les règles de droit d'auteur
    doivent changer,
  • 1:09 - 1:12
    parce qu'aujourd'hui, c'est vraiment
    un frein à beaucoup de choses,
  • 1:12 - 1:14
    et dans notre jargon économique,
  • 1:14 - 1:15
    on dirait que finalement
  • 1:15 - 1:18
    le droit d'auteur n'est plus du tout
    une source de création de richesse,
  • 1:18 - 1:22
    mais de plus en plus
    va freiner la créativité.
  • 1:22 - 1:24
    Alors pour commencer,
  • 1:24 - 1:26
    je vais commencer par
    deux petites histoires
  • 1:26 - 1:28
    qui vont montrer une chose importante,
  • 1:28 - 1:30
    parce que ce n'est pas évident
    pour beaucoup de monde
  • 1:30 - 1:32
    et notamment
    pour beaucoup de juristes,
  • 1:32 - 1:35
    ce n'est pas évident que les règles
    de droit doivent changer.
  • 1:35 - 1:36
    Pour beaucoup de gens,
  • 1:36 - 1:39
    les règles de droit
    sont inscrites dans le marbre.
  • 1:39 - 1:42
    Le droit, c'est le droit,
    et il ne dépend pas du contexte.
  • 1:42 - 1:45
    C'est assez faux en tout cas
    pour les économistes.
  • 1:45 - 1:47
    Les économistes, depuis
    très longtemps, ont développé
  • 1:47 - 1:49
    ce qu'on appelle
    une vision fonctionnaliste
  • 1:49 - 1:53
    de la propriété intellectuelle,
    et du droit plus généralement,
  • 1:53 - 1:55
    qui dit finalement que
    le droit remplit une fonction.
  • 1:55 - 1:57
    Ce n'est pas quelque chose de naturel,
  • 1:57 - 1:58
    ce n'est pas quelque chose
    de gravé dans le marbre,
  • 1:58 - 2:00
    mais le droit remplit une fonction.
  • 2:00 - 2:02
    Cette fonction pour les économistes,
  • 2:02 - 2:05
    c'est d'améliorer la richesse
    de nos économies,
  • 2:05 - 2:08
    et la manière dont le droit
    remplit cette fonction,
  • 2:08 - 2:09
    dépend naturellement du contexte.
  • 2:09 - 2:11
    Et si le contexte change,
  • 2:11 - 2:13
    eh bien, les règles de droit
    peuvent être amenées à changer.
  • 2:13 - 2:16
    Alors, simplement deux exemples
    qui illustrent à mon sens
  • 2:16 - 2:19
    parfaitement cette vision
    fonctionnaliste du droit.
  • 2:19 - 2:22
    Le premier exemple,
    c'est [celui] de la propriété foncière.
  • 2:22 - 2:25
    C'est un exemple que je tire d'un auteur
    que vous connaissez peut-être,
  • 2:25 - 2:26
    qui est Lawrence Lessig,
  • 2:26 - 2:29
    qui a beaucoup contribué
    à la création des creative commons
  • 2:29 - 2:32
    et qui a fait plusieurs
    d'ailleurs speeches,
  • 2:32 - 2:35
    des vrais speeches TED et pas TEDx.
  • 2:35 - 2:40
    Lawrence Lessig nous explique
    que la propriété foncière aux États-Unis,
  • 2:40 - 2:42
    -- vous savez que c'est
    quelque chose de sacré --
  • 2:42 - 2:44
    c'est inscrit dans la constitution,
  • 2:44 - 2:47
    on ne rigole pas avec
    la propriété privée aux États-Unis,
  • 2:47 - 2:50
    et originalement, bizarrement,
    elle est définie en trois dimensions.
  • 2:50 - 2:52
    C'est-à-dire que vous n'êtes pas
    seulement propriétaire de votre terrain,
  • 2:52 - 2:54
    vous êtes propriétaire
    de tout ce qu'il y a en dessous,
  • 2:54 - 2:57
    et de tout ce qu'il y a
    au-dessus, jusqu'au ciel,
  • 2:57 - 3:00
    Alors si on trouve du pétrole
    sous votre terrain, il est à vous,
  • 3:00 - 3:03
    et évidemment la constitution américaine,
    c'est fin du XVIIIème siècle,
  • 3:03 - 3:04
    il n'y avait pas d'avions,
  • 3:04 - 3:06
    et début du XXe siècle,
  • 3:06 - 3:09
    eh bien il y a les premiers vols
    transcontinentaux aux États-Unis,
  • 3:09 - 3:11
    et évidemment il y a les premiers procès.
  • 3:11 - 3:13
    Il y a des grands propriétaires fonciers
    qui ont fait des procès
  • 3:13 - 3:17
    aux compagnies aériennes américaines
    qui faisaient New York-Chicago,
  • 3:17 - 3:19
    parce que ces compagnies-là
    survolaient leurs terrains
  • 3:19 - 3:20
    sans payer de droit de passage.
  • 3:20 - 3:24
    La propriété foncière étant
    définie en trois dimensions,
  • 3:24 - 3:26
    vous n'avez pas le droit
    de survoler un terrain
  • 3:26 - 3:27
    sans l'accord du propriétaire.
  • 3:27 - 3:31
    Et donc c'est une affaire,
    il y a eu des procès en appel,
  • 3:31 - 3:33
    les juges ont toujours donné
    raison aux propriétaires fonciers,
  • 3:33 - 3:36
    parce qu'un juge fait respecter
    la loi, il ne l'invente pas.
  • 3:36 - 3:39
    Et donc c'est allé jusqu'à
    la Cour Suprême des États-Unis,
  • 3:39 - 3:42
    et la Cour Suprême a eu
    un choix assez cornélien,
  • 3:42 - 3:46
    soit on respecte le droit
    et on tue dans l'œuf une technologie,
  • 3:46 - 3:49
    les avions, qui est source
    de richesse économique
  • 3:49 - 3:51
    et qui est source de progrès
    et qui profite au consommateur.
  • 3:51 - 3:55
    Donc, soit on respecte le droit et on tue
    potentiellement cette technologie,
  • 3:55 - 3:58
    soit on fait évoluer le droit
    pour l'adapter à la technologie.
  • 3:58 - 4:02
    Et évidemment la Cour Suprême
    américaine a décidé de modifier la loi,
  • 4:02 - 4:04
    et de dire que finalement les avions
  • 4:04 - 4:06
    pourraient survoler les propriétés
    foncières américaines
  • 4:06 - 4:09
    sans payer de droits de passage
    et sans demander l'autorisation
  • 4:09 - 4:12
    à condition qu'ils volent
    au dessus d'une certaine altitude.
  • 4:12 - 4:14
    Donc ça, ça date de 1946,
  • 4:14 - 4:17
    et ça montre bien
    une vision fonctionnaliste du droit,
  • 4:17 - 4:19
    le droit doit s'adapter au contexte,
  • 4:19 - 4:21
    et notamment au contexte technologique.
  • 4:22 - 4:27
    Alors le deuxième exemple, il est
    tiré de la propriété intellectuelle,
  • 4:27 - 4:28
    et...
  • 4:29 - 4:33
    ... finalement on est
    à la fin des années 1970,
  • 4:33 - 4:35
    et là il y a une technologie
    assez étrange qui arrive,
  • 4:35 - 4:37
    c'est les premiers magnétoscopes.
  • 4:37 - 4:39
    Évidemment, qu'est-ce qu'on fait
    avec un magnétoscope ?
  • 4:39 - 4:42
    On enregistre des films,
    des émissions télé, etc.
  • 4:42 - 4:44
    Alors comme l'avion,
  • 4:44 - 4:47
    le magnétoscope, c'est une source
    de richesse économique extraordinaire.
  • 4:47 - 4:50
    C'est fondamental pour les consommateurs,
  • 4:50 - 4:53
    on peut enregistrer son match de foot
    qu'on a raté parce qu'on travaillait.
  • 4:53 - 4:54
    On peut enregistrer des films.
  • 4:54 - 4:57
    Donc, c'est vraiment une source
    de richesse économique.
  • 4:57 - 5:02
    Le problème, c'est que le magnétoscope
  • 5:02 - 5:04
    est source de violation
    du droit d'auteur.
  • 5:04 - 5:06
    On n'a pas le droit
    d'enregistrer quelque chose
  • 5:06 - 5:07
    qui est protégé par droit d'auteur.
  • 5:07 - 5:10
    Donc à nouveau il y a eu
    un procès retentissant,
  • 5:10 - 5:12
    Hollywood contre Sony,
  • 5:12 - 5:14
    un procès qui est allé jusqu'à
    la Cour Suprême des États-Unis,
  • 5:14 - 5:18
    les premiers juges
    ont donné raison à Hollywood,
  • 5:18 - 5:21
    et à nouveau, les juges
    de la Cour Suprême américaine
  • 5:21 - 5:23
    ont eu un choix à faire,
  • 5:23 - 5:24
    un choix pas évident.
  • 5:24 - 5:27
    Soit on respecte la loi, et
    dans ce cas-là, on tue le magnétoscope,
  • 5:27 - 5:30
    et on ne sait pas dans quelle
    société on vivrait aujourd'hui.
  • 5:30 - 5:32
    S'il y a pas de magnétoscope,
    il n'y a peut-être pas de lecteurs DVD,
  • 5:32 - 5:33
    Il n'y a peut-être pas de smartphone.
  • 5:33 - 5:34
    On ne sait pas,
  • 5:34 - 5:38
    ça aurait peut-être pu avoir
    des influences irréversibles
  • 5:38 - 5:40
    sur l'évolution technologique.
  • 5:40 - 5:44
    Soit donc on adapte le droit
    à cette nouvelle technologie,
  • 5:44 - 5:47
    et c'est à nouveau ce que les juges
    de la Cour Suprême ont décidé de faire
  • 5:47 - 5:51
    en 1984 aux États-Unis
    et en 1988 en France,
  • 5:51 - 5:53
    on a introduit le droit à la copie privée.
  • 5:53 - 5:55
    C'est-à-dire n'importe qui
    peut copier des choses,
  • 5:55 - 5:57
    enregistrer des films,
  • 5:57 - 5:59
    à condition que ça reste
    dans la sphère privée.
  • 5:59 - 6:02
    Vous pouvez le montrer à vos enfants,
    à votre famille, à des copains.
  • 6:02 - 6:04
    Vous ne pouvez pas vendre
    ce que vous avez enregistré,
  • 6:04 - 6:06
    et vous ne pouvez pas
    le montrer publiquement.
  • 6:06 - 6:08
    Donc à nouveau, c'est un bon exemple,
  • 6:08 - 6:13
    qui montre que le droit doit
    s'adapter à l'évolution technologique.
  • 6:13 - 6:16
    J'y reviendrai tout à la fin
    de ma présentation,
  • 6:16 - 6:18
    c'est plus qu'une anecdote selon moi,
  • 6:18 - 6:21
    mais évidemment,
    dix ans après ce procès
  • 6:21 - 6:26
    lors duquel Hollywood avait passé
    des années à se plaindre, à pleurnicher,
  • 6:26 - 6:29
    j'ai envie de dire, à expliquer que
    si on autorisait le magnétoscope,
  • 6:29 - 6:30
    il n'y aurait plus de films,
    il n'y aurait plus rien,
  • 6:30 - 6:32
    c'est la fin de la création, etc,
  • 6:32 - 6:34
    dix ans après la fin de ce procès,
  • 6:34 - 6:37
    plus de 50 % du chiffre
    d'affaire d'Hollywood
  • 6:37 - 6:38
    est réalisé en vendant
    des cassettes vidéo,
  • 6:38 - 6:40
    et plus tard on vendant des DVD.
  • 6:40 - 6:42
    Donc mon interprétation, c'est que
  • 6:42 - 6:45
    le changement technologique
    ne tue pas la créativité
  • 6:45 - 6:47
    mais appelle
    des nouveaux modèles d'affaires,
  • 6:47 - 6:49
    des nouvelles organisations.
  • 6:49 - 6:52
    Évidemment, on reviendra là-dessus
    en parlant d'Internet.
  • 6:52 - 6:57
    Alors ces deux exemples montrent
    que le droit d'auteur doit s'adapter,
  • 6:57 - 7:01
    et historiquement, le droit d'auteur
    a toujours été pour les économistes
  • 7:01 - 7:03
    une manière d'arbitrer entre deux choses.
  • 7:03 - 7:05
    Le droit d'auteur, c'est
    une manière d'arbitrer
  • 7:05 - 7:09
    entre créer des incitations
    à investir dans la création.
  • 7:09 - 7:10
    S'il n'y a pas de droit d'auteur,
  • 7:10 - 7:12
    tout le monde peut
    tout copier gratuitement,
  • 7:12 - 7:14
    et donc il n'y aura
    peut-être de la créativité,
  • 7:14 - 7:16
    parce qu'on sait que
    les motivations des créateurs
  • 7:16 - 7:18
    sont essentiellement intrinsèques,
  • 7:18 - 7:19
    les gens ont besoin de créer.
  • 7:19 - 7:20
    Donc il y aura peut-être de la création,
  • 7:20 - 7:23
    mais il n'y aura peut-être pas
    d'industrie créative.
  • 7:23 - 7:24
    Il n'y aura peut être pas de gens
  • 7:24 - 7:28
    qui voudront investir massivement
    dans la diffusion des créations,
  • 7:28 - 7:30
    parce qu'effectivement,
    si on peut tout copier,
  • 7:30 - 7:31
    on n'a pas intérêt à investir.
  • 7:31 - 7:33
    D'un premier côté,
  • 7:33 - 7:36
    il faut inciter les gens
    à investir dans la création,
  • 7:36 - 7:39
    mais d'un autre côté, l'exclusivité
    créée par le droit d'auteur,
  • 7:39 - 7:44
    le droit d'auteur, c'est un droit exclusif
    donné aux auteurs et aux ayants-droit,
  • 7:44 - 7:47
    cette exclusivité, elle a
    un coût pour le consommateur,
  • 7:47 - 7:51
    puisqu'elle empêche le consommateur
    de bénéficier de la musique,
  • 7:51 - 7:53
    des DVD,
  • 7:53 - 7:55
    de tout ce qui est enregistrable.
  • 7:55 - 7:56
    Le consommateur doit payer pour ça,
  • 7:56 - 7:58
    il ne peut pas
    en bénéficier gratuitement.
  • 7:58 - 8:00
    Donc il y a un coût évidemment.
  • 8:00 - 8:03
    Il faut arbitrer, si vous voulez,
    entre l'incitation à créer
  • 8:03 - 8:05
    et la diffusion des œuvres
  • 8:05 - 8:07
    qui est bénéfique en soi
    pour le consommateur.
  • 8:07 - 8:11
    Ce que je vais essayer
    de vous montrer maintenant,
  • 8:11 - 8:14
    c'est que, cet équilibre
    entre incitation et diffusion,
  • 8:14 - 8:18
    il a été profondément bouleversé
    par l'arrivée des nouvelles technologies,
  • 8:18 - 8:21
    essentiellement la numérisation
    des œuvres de l'esprit.
  • 8:21 - 8:22
    Aujourd'hui on peut
    quasiment tout numériser
  • 8:22 - 8:24
    et tout diffuser facilement sur Internet.
  • 8:24 - 8:27
    Donc la numérisation plus Internet,
  • 8:27 - 8:29
    a complètement bouleversé
    cet équilibre fragile
  • 8:29 - 8:32
    entre incitation et diffusion,
  • 8:32 - 8:35
    et aujourd'hui, il y a
    deux problèmes essentiels
  • 8:35 - 8:38
    qui sont liés aux droits d'auteurs
    sur lesquels je vais m'attarder
  • 8:38 - 8:41
    et qui plaident finalement pour
    une modification en profondeur
  • 8:41 - 8:44
    des règles de droit d'auteur,
    et je terminerai là-dessus.
  • 8:44 - 8:47
    Le premier problème aujourd'hui
    lié au droit d'auteur,
  • 8:47 - 8:50
    c'est que pour la première fois
    dans l'histoire de l'humanité, je pense,
  • 8:50 - 8:54
    on vit dans un monde où on peut
    diffuser des œuvres de l'esprit
  • 8:54 - 8:55
    de manière quasiment gratuite.
  • 8:55 - 8:57
    La copie est gratuite.
  • 8:57 - 9:00
    Si je prends l'exemple d'un CD,
  • 9:00 - 9:03
    ou prenons l'exemple d'un livre
    ou d'un manuscrit écrit,
  • 9:03 - 9:05
    aujourd'hui on peut
    faire un copier-coller
  • 9:05 - 9:06
    quasiment gratuitement.
  • 9:06 - 9:08
    Le seul coût,
    c'est le coût de l'électricité
  • 9:08 - 9:10
    pour faire tourner un ordinateur.
  • 9:10 - 9:12
    On peut copier un film,
  • 9:12 - 9:14
    on peut copier une chanson
    quasiment gratuitement.
  • 9:14 - 9:16
    Ça n'est jamais arrivé
    dans l'histoire de l'humanité.
  • 9:16 - 9:18
    Avant l'imprimerie, pour copier un livre,
  • 9:18 - 9:21
    il fallait des moines scribes
  • 9:21 - 9:24
    qui passaient des années à essayer
    de faire des belles enluminures.
  • 9:24 - 9:26
    Après l'imprimerie, ça restait coûteux.
  • 9:26 - 9:30
    Ensuite on a eu des magnétoscopes,
    ce n'était pas gratuit quand même.
  • 9:30 - 9:32
    Aujourd'hui pour la première fois,
  • 9:32 - 9:35
    copier des œuvres numérisées
    est quasiment gratuit.
  • 9:35 - 9:36
    Ce qui signifie,
  • 9:36 - 9:40
    je vais passer la démonstration économique
    qui est plutôt complexe,
  • 9:40 - 9:43
    mais économiquement on peut montrer
  • 9:43 - 9:45
    qu'aujourd'hui la perte
    du droit d'auteur,
  • 9:45 - 9:48
    la perte pour le consommateur
    générée par le droit d'auteur
  • 9:48 - 9:50
    est encore plus importante.
  • 9:50 - 9:53
    On a aujourd'hui du fait que la copie
    est devenue quasiment gratuite,
  • 9:53 - 9:55
    s'opposer à cette copie
  • 9:55 - 9:58
    génère un coût qui est
    encore plus important.
  • 9:58 - 10:02
    Je vais prendre un exemple
    qui est relativement parlant
  • 10:02 - 10:05
    et qui, je pense, me permettra
    d'éviter la démonstration technique,
  • 10:05 - 10:08
    prenons l'exemple des films Walt Disney.
  • 10:08 - 10:12
    Imaginez si les films Walt Disney
    n'étaient pas dans le domaine public.
  • 10:12 - 10:13
    Ils ne le sont pas, pardon.
  • 10:13 - 10:15
    Imaginez qu'ils soient
    dans le domaine public.
  • 10:15 - 10:18
    Si la plupart des films Walt Disney
    étaient dans le domaine public,
  • 10:18 - 10:20
    n'importe qui à travers
    le monde aujourd'hui
  • 10:20 - 10:23
    pourrait regarder des films Walt Disney.
  • 10:23 - 10:29
    Ça, ça génère une richesse
    extraordinaire pour le consommateur.
  • 10:29 - 10:30
    Le problème aujourd'hui,
  • 10:30 - 10:33
    c'est que les films Walt Disney sont
    encore protégés par [le] droit d'auteur,
  • 10:33 - 10:34
    et donc il faut les acheter très cher,
  • 10:34 - 10:39
    10 à 15, parfois plus, 20 ou 25 euros
    à la Fnac pour ne pas les citer.
  • 10:39 - 10:42
    Donc le droit d'auteur génère
    une perte pour le consommateur,
  • 10:42 - 10:44
    qui est aujourd'hui absolument énorme.
  • 10:44 - 10:45
    Et le problème,
  • 10:45 - 10:50
    moi ce qui m'embête très souvent
    quand on écoute les débats grand public,
  • 10:50 - 10:52
    c'est qu'on ne parle que d'incitation.
  • 10:52 - 10:54
    Quand on parle de droit d'auteur,
    on ne parle que d'incitation,
  • 10:54 - 10:58
    on ne parle jamais
    du coût de la non-diffusion,
  • 10:58 - 11:00
    le coût de l'exclusivité
    pour le consommateur.
  • 11:00 - 11:04
    Et ce coût-là, il est tout aussi
    important que les incitations.
  • 11:04 - 11:06
    Je ne suis pas en train de dire que
    les incitations, ce n'est pas important,
  • 11:06 - 11:08
    il faut des incitations,
  • 11:08 - 11:11
    mais il faut équilibrer
    les incitations avec la diffusion.
  • 11:11 - 11:15
    Et aujourd'hui, on a un déséquilibre
    qui me semble absolument flagrant.
  • 11:15 - 11:18
    Deuxième point, je vais
    aller un petit peu plus vite,
  • 11:18 - 11:21
    le droit d'auteur peut
    aujourd'hui freiner la création.
  • 11:21 - 11:22
    C'est paradoxal,
  • 11:22 - 11:25
    parce que le droit d'auteur a été
    mis en place pour inciter à créer,
  • 11:25 - 11:27
    mais aujourd'hui, on est dans un monde...
  • 11:27 - 11:30
    alors la création a toujours
    été faite par combinaison,
  • 11:30 - 11:33
    de manière plus ou moins
    inconsciente ou consciente.
  • 11:33 - 11:35
    Quand on crée, on s'inspire du passé.
  • 11:35 - 11:37
    C'est la métaphore des épaules de géants,
  • 11:37 - 11:39
    on est tous sur des épaules de géants.
  • 11:39 - 11:41
    On s'inspire de choses du passé.
  • 11:41 - 11:42
    Ce qui a changé aujourd'hui,
  • 11:42 - 11:45
    c'est que de plus en plus, on peut
    créer en faisant des copier-coller.
  • 11:45 - 11:46
    C'est le principe du remix,
  • 11:46 - 11:48
    c'est le principe des mash up.
  • 11:48 - 11:50
    Vous prenez des bouts
    de chansons, des bouts de films,
  • 11:50 - 11:52
    vous combinez ça
    et vous mettez sur YouTube.
  • 11:52 - 11:57
    Le copier-coller n'était pas possible
    avant la numérisation et Internet,
  • 11:57 - 11:59
    ou en tout cas, le copier-coller
    était très coûteux.
  • 11:59 - 12:03
    Seuls des individus qui disposaient
    de matériel technique sophistiqué
  • 12:03 - 12:04
    pouvaient faire des copier-coller.
  • 12:04 - 12:06
    Et donc,
  • 12:06 - 12:09
    aujourd'hui Internet rend très facile
    la création par copier-coller,
  • 12:09 - 12:11
    et n'importe qui peut créer des choses.
  • 12:11 - 12:12
    Alors ensuite on peut critiquer
  • 12:12 - 12:14
    la valeur créative des choses
    qu'il y a sur YouTube.
  • 12:14 - 12:19
    On peut dire que 99 % des choses
    sur YouTube n'ont aucun intérêt,
  • 12:19 - 12:20
    c'est pas la question,
  • 12:20 - 12:22
    le problème, c'est que
    ça reste de la création,
  • 12:22 - 12:23
    bonne ou pas,
  • 12:23 - 12:25
    et le droit d'auteur
    s'oppose à cette création.
  • 12:25 - 12:27
    Quand vous faites ça,
  • 12:27 - 12:28
    quand vous faites des copier-coller,
  • 12:28 - 12:30
    vous êtes en violation
    de droits d'auteur.
  • 12:30 - 12:32
    Et donc aujourd'hui le droit d'auteur
  • 12:32 - 12:36
    peut s'opposer à la création
    par recombinaison sur Internet.
  • 12:36 - 12:38
    Ce qui reste quand même assez paradoxal,
  • 12:38 - 12:41
    puisque le droit d'auteur n'a pas été
    créer pour s'opposer à la création,
  • 12:41 - 12:43
    mais il a quand même
    été créé pour l'encourager.
  • 12:43 - 12:46
    Alors qu'est-ce qu'on devrait faire ?
  • 12:46 - 12:48
    Qu'est-ce que beaucoup d'économistes
    aujourd'hui vous diraient ?
  • 12:48 - 12:51
    Il faut faire au moins
    trois choses, je pense.
  • 12:51 - 12:54
    Trois évolutions
    du droit d'auteur s'imposent.
  • 12:54 - 12:56
    Première évolution qui est fondamentale,
  • 12:56 - 13:02
    il faut rééquilibrer la situation
    entre producteurs et consommateurs,
  • 13:02 - 13:05
    et pour cela, il faut raccourcir
    la durée du droit d'auteur.
  • 13:05 - 13:09
    Aujourd'hui un droit d'auteur,
    ça dure 70 ans après la mort de l'auteur.
  • 13:09 - 13:12
    Vous créez une chanson aujourd'hui,
    vous mourez dans 60 ans,
  • 13:12 - 13:14
    il y a 130 ans de monopole.
  • 13:14 - 13:17
    130 ans d'exclusivité, c'est beaucoup
    trop cher pour le consommateur.
  • 13:17 - 13:20
    Pendant 130 ans, le consommateur
    devra payer le prix fort.
  • 13:20 - 13:22
    L'exemple Walt Disney.
  • 13:22 - 13:25
    Donc, il faut absolument
    raccourcir le droit d'auteur,
  • 13:25 - 13:26
    pour que les consommateurs
    puissent bénéficier
  • 13:26 - 13:29
    des œuvres de l'esprit plus facilement.
  • 13:29 - 13:30
    Et beaucoup de gens aujourd'hui pensent
  • 13:30 - 13:33
    qu'une durée par exemple
    de 20 ans, serait parfaite.
  • 13:33 - 13:34
    Une durée de 20 ans,
  • 13:34 - 13:37
    ça veut dire que tout ce qui a été créé
    avant 1994,
  • 13:37 - 13:40
    est légalement et gratuitement
    téléchargeable sur Internet.
  • 13:40 - 13:42
    Tous les films, toutes les chansons,
  • 13:42 - 13:44
    tout ce qui a été créé avant 1994,
  • 13:44 - 13:46
    serait légalement
    gratuitement téléchargeable.
  • 13:46 - 13:48
    Imaginez le gain pour le consommateur,
  • 13:48 - 13:51
    et je ne pense pas que ça se ferait
    au détriment des incitations.
  • 13:51 - 13:53
    Parce que 20 ans
    de monopole,c'est suffisant.
  • 13:53 - 13:57
    Donc ça, c'est un premier point.
    Raccourcir la durée du droit d'auteur.
  • 13:57 - 14:00
    Deuxième point, demander
    à ce que le droit d'auteur,
  • 14:00 - 14:02
    pour en bénéficier, on s'enregistre.
  • 14:02 - 14:03
    Ce serait très facile.
  • 14:03 - 14:05
    Aujourd'hui, par défaut,
    vous avez un droit d'auteur.
  • 14:05 - 14:07
    Vous créez n'importe quoi,
    vous le diffusez,
  • 14:07 - 14:10
    vous êtes protégé par droit d'auteur,
    il n'y a pas besoin de le demander.
  • 14:10 - 14:13
    Le droit d'auteur,
    vous l'obtenez par défaut.
  • 14:13 - 14:15
    Ce qui crée une situation
    complètement incertaine.
  • 14:15 - 14:17
    Il y a des droits d'auteur partout,
  • 14:17 - 14:19
    tous les créateurs
    bénéficient de droit d'auteur,
  • 14:19 - 14:20
    même sans le demander.
  • 14:20 - 14:22
    Je parle ici des droits patrimoniaux,
    les droits économiques.
  • 14:22 - 14:24
    On pourrait très bien exiger,
  • 14:24 - 14:26
    que [pour] les créateurs qui veulent
    bénéficier d'un droit d'auteur,
  • 14:26 - 14:27
    qu'il y ait un site,
  • 14:27 - 14:30
    comme ça fonctionne pour les autres
    droits de propriété intellectuelle,
  • 14:30 - 14:32
    les brevets, les marques,
  • 14:32 - 14:34
    et sur ce site, il faudrait s'enregistrer
  • 14:34 - 14:35
    si vous voulez
    bénéficier d'un droit d'auteur.
  • 14:35 - 14:37
    Et si vous ne vous enregistrez pas,
  • 14:37 - 14:40
    vous continuez à bénéficier
    de votre droit de paternité,
  • 14:40 - 14:41
    bien sûr, vous restez le créateur,
  • 14:41 - 14:45
    mais n'importe qui peut vous copier
    sans vous rémunérer,
  • 14:45 - 14:47
    ce qui ne pose pas de problèmes
    à beaucoup de créateurs.
  • 14:47 - 14:49
    Moi mes cours par exemple,
  • 14:49 - 14:51
    sont par défaut protégés
    par droit d'auteur,
  • 14:51 - 14:55
    alors que je ne demande pas
    de droits d'auteur dessus.
  • 14:55 - 14:57
    Donc on devrait exiger qu'on s'enregistre.
  • 14:57 - 15:01
    Et enfin, troisième point
    qui là est peut-être plus délicat,
  • 15:01 - 15:03
    il faudrait réussir
    à définir une frontière
  • 15:03 - 15:05
    entre l'utilisation active et passive.
  • 15:05 - 15:07
    L'utilisation passive,
  • 15:07 - 15:09
    c'est les consommateurs
    qui utilisent de l'art
  • 15:09 - 15:11
    uniquement pour consommer l'art.
  • 15:11 - 15:12
    Vous écoutez une chanson,
    vous regardez un film,
  • 15:12 - 15:14
    mais vous ne voulez pas créer.
  • 15:14 - 15:16
    Le consommateur actif, c'est celui
    qui veut utiliser une œuvre d'art
  • 15:16 - 15:18
    pour créer quelque chose.
  • 15:18 - 15:20
    Ce n'est pas tout à fait la même chose,
  • 15:20 - 15:23
    et si on arrivait de manière
    juridique, c'est assez compliqué,
  • 15:23 - 15:25
    ça, c'est la troisième possibilité
  • 15:25 - 15:27
    qui serait la plus compliquée
    à mettre en œuvre,
  • 15:27 - 15:30
    mais si on arrivait à mettre
    en place une frontière étroite
  • 15:30 - 15:32
    entre utilisation active et passive,
  • 15:32 - 15:35
    on pourrait par exemple dire
    que l'utilisateur passif,
  • 15:35 - 15:37
    celui qui veut juste consommer l'art,
  • 15:37 - 15:38
    eh bien, il paye, c'est normal,
  • 15:38 - 15:40
    il faut quand même
    rémunérer les artistes,
  • 15:40 - 15:43
    mais l'utilisateur actif, celui
    qui veut créer quelque chose,
  • 15:43 - 15:47
    n'aurait pas besoin
    de demander [l'autorisation]
  • 15:47 - 15:49
    des utilisateurs du passé.
  • 15:49 - 15:52
    Alors, c'est un petit peu ce que
    je voulais vous dire aujourd'hui,
  • 15:52 - 15:56
    j'espère avoir démontré
    que vu le nouveau contexte,
  • 15:56 - 15:57
    vu les nouvelles technologies,
  • 15:57 - 16:00
    il faut absolument que les règles
    de droit d'auteur évoluent,
  • 16:00 - 16:01
    il faut changer les règles de droit,
  • 16:01 - 16:02
    parce que aujourd'hui,
  • 16:02 - 16:06
    le droit d'auteur risque de plus en plus
    d'être un frein à la création,
  • 16:06 - 16:09
    alors qu'originellement il a été créé
    pour encourager la création,
  • 16:09 - 16:11
    et donc on observe de plus en plus
  • 16:11 - 16:13
    un véritable détournement
    du droit d'auteur.
  • 16:13 - 16:14
    Voilà, je vous remercie.
  • 16:14 - 16:16
    (Applaudissements)
Title:
Adapter le droit d'auteur à l'économie numérique | Julien Pénin | TEDxStrasbourgUniversité
Description:

L’équilibre entre incitation et diffusion instauré par la distribution de droits de propriété intellectuelle aux auteurs est fragilisé par les nouvelles technologies de reproduction. La nature des problèmes posés impose d’imaginer de nouvelles règles du droit d’auteur. Dans cette conférence, Julien Pénin nous offre un plaidoyer pour adapter le droit d’auteur à l’économie numérique.

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
16:34

French subtitles

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