-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
Il marchait les bras ballants,
-
voulait que le ruisseau soit
rivière et la rivière fleuve,
-
que cette flaque soit la mer.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
il ne savait pas
qu'il était enfant,
-
tout pour lui avait une âme,
et toutes les âmes étaient une.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
il n'avait d'opinion sur rien,
-
il n'avait pas d'habitudes,
-
il s'asseyait en tailleur,
démarrait en courant,
-
avait une mèche rebelle
-
et ne faisait pas de mines
quand on le photographiait.
-
LES AILES DU DESIR
-
Regarde !
-
La joie de lever la tête
vers la lumiêre, au grand air,
-
la joie du soleil
-
inondant les couleurs
des yeux des gens...
-
Enfin folle, enfin
-
plus seule !
Enfin folle, enfin sauvée !
-
Enfin folle,
-
enfin tranquille !
-
Il y a une petite maison avec
-
deux étages et une terrasse...
-
On va s'y baigner
tous les jours...
-
Et I'homme qui habite Ià
s'appelle...
-
Incroyable, comme
j'en sais peu sur ce rôle.
-
Peut-être qu'on trouvera
pendant le tournage.
-
Un bon costume, et la bataille
est à moitié gagnée.
-
Berlin... Emil Jannings...
-
Kennedy... Von Stauffenberg...
-
Quel joli dessin !
-
C'était à Berlin ?
-
Qu'est-ce que ça change ?
C'est arrivé.
-
Si grand-mêre était Ià,
elle dirait : ''Spazier''...
-
Tokyo, Kyoto, Paris, Londres,
-
Trieste,
-
Berlin...
-
Il n'y a rien de bien
à la téIé.
-
Vous butez sur vos couleurs
et n'êtes jamais ponctuels.
-
La même odeur.
Mais plus poussiéreux.
-
Elle collectionnait tout.
-
Les tickets de métro.
-
Elle ne jetait jamais rien.
-
Mêre. Ma mêre.
-
Elle ne I'a jamais été.
-
Mon pêre... était mon pêre.
-
Elle est morte.
-
Pas de larmes, pas de douleur.
-
Plus tard, peut-être.
-
Elle ne t'aime pas,
elle ne t'a jamais aimé.
-
Et toi aussi,
tu fais seulement semblant.
-
Sois content qu'ils t'aient oublié.
-
Tu es enfin libre.
-
Mon Dieu,
que va devenir ce garçon.
-
Il ne pense qu'à la musique.
-
Qu'est-ce qu'il veut encore ?
-
Je lui ai déjà acheté
une guitare.
-
Maintenant une batterie ?
-
Je commence à en avoir marre.
-
Sera-t-il jamais raisonnable ?
-
ça commence à bien faire.
-
Je ne peux plus rien pour lui.
-
Il n'a rien appris
que le rock'n'roll.
-
Peut-être bien
qu'il se trouvera un jour.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
ce fut le temps
des questions suivantes :
-
Pourquoi suis-je moi,
et pourquoi pas toi?
-
Pourquoi suis-je ici,
-
et pourquoi pas là ?
-
Quand commence le temps,
et où finit l'espace ?
-
La vie sous le soleil
-
n'est-elle pas qu'un rêve ?
-
Ce que je vois, entends, sens,
n'est-ce pas simplement
-
l'apparence d'un monde
devant le monde ?
-
Le mal existe-t-il vraiment,
-
et des gens qui sont
vraiment les mauvais ?
-
Comment se fait-il que moi,
qui suis moi,
-
avant de devenlr,
je n'étais pas,
-
et qu'un jour moi,
-
qui suis moi,
-
je ne serai plus
ce moi que je suis ?
-
L'enfant a besoin d'oxygêne.
-
A fond, dans le ventre.
-
Je ne peux pas I'aider.
Souffrir à sa place.
-
ça fait mal ! ça va passer.
-
ça y est presque.
-
Petite crevette, je suis
si heureuse de te voir.
-
De quoi auras-tu I'air ?
-
Ordure !
-
Avec les femmes,
tu vas foutre ta vie en I'air.
-
Blackie, je me suis perdue.
On allait au cimetiêre...
-
Alors ?
-
Lever du soleil 7 h 22,
coucher 16 h 28,
-
lever de la lune 19 h 04,
coucher...
-
Niveau de la Havel
et de la Spree...
-
Il y a 20 ans aujourd'hui,
un avion soviétique
-
s'écrasait à Spandau,
dans le lac.
-
Il y a 50 ans, c'était...
-
Les jeux Olympiques.
-
Il y a 200 ans, N.F. Blanchard
survolait la ville en ballon.
-
Comme les transfuges
I'autre jour.
-
Et aujourd'hui :
-
Lilienthaler Chaussee,
un homme a ralenti le pas,
-
regardé par-dessus son épaule,
dans le vide.
-
A la poste 44, un homme
qui veut en finir aujourd'hui
-
a collé des timbres spéciaux
sur ses lettres d'adieux,
-
sur chacune un autre,
-
puis, Mariannenplatz, a parlé anglais
avec un soldat américain,
-
pour la premiêre fois
depuis I'école, couramment.
-
A Ploetzensee, un détenu,
-
avant de se jeter
la tête contre le mur,
-
a dit : ''Maintenant !''
-
Au métro Zoo, le chef de quai,
au lieu du nom de la station,
-
s'est écrié ''Terre de feu''...
-
Beau !
-
Dans les collines un vieillard
lisait I'Odyssée à un enfant,
-
et son petit auditeur
a cessé de cligner des yeux.
-
Et toi ? Que racontes-tu ?
-
Une passante qui,
-
sous la pluie, a fermé
son parapluie d'un coup sec
-
et s'est laissée tremper.
-
Un écolier
-
qui décrivait à son maître
-
comment une fougêre sort
de terre, et le maître étonné.
-
Une aveugle qui a cherché
des mains sa montre
-
en percevant ma présence...
-
Merveille de vivre en esprit
et d'attester pour I'éternité
-
le spirituel, rien que
le spirituel chez les gens.
-
Mais parfois je suis las
de mon existence d'esprit.
-
J'aimerais ne plus
éternellement survoler,
-
j'aimerais
sentir en moi un poids
-
qui abolisse I'illimité
et m'attache à la terre.
-
Pouvoir, à chaque pas,
à chaque coup de vent,
-
dire ''maintenant'',
-
maintenant, maintenant
-
et non plus ''depuis toujours''
et ''à jamais''.
-
S'asseoir
à la table des joueurs
-
et être salué,
serait-ce d'un signe de tête.
-
Même quand nous participions,
nous faisions semblant.
-
Combattant I'un d'eux,
-
faire semblant de se laisser
démettre la hanche,
-
faire semblant
d'attraper un poisson,
-
faire semblant de s'asseoir
aux tables, de boire
-
et de manger, semblant encore,
-
se faire rôtir des agneaux,
servir du vin
-
dans les tentes du désert,
toujours faire semblant !
-
Je ne demande pas à engendrer
un enfant, planter un arbre,
-
mais ce serait
déjà quelque chose,
-
au retour d'une longue journée,
-
de nourrir le chat
comme Philip Marlowe,
-
d'avoir la fiêvre,
-
les doigts noircis
par le journal,
-
de ne plus être exalté par
I'esprit, mais par un repas,
-
par la courbe d'une nuque,
-
par une oreille.
-
Mentir ! Comme on respire !
-
Sentir en marchant
sa charpente qui avance.
-
Deviner enfin, au lieu
de toujours tout savoir,
-
pouvoir dire ''ah !'',
''oh !'' et ''aïe !''
-
au lieu de ''oui et amen !''
-
Et pouvoir aussi
s'exalter pour le mal :
-
en croisant les passants,
-
attirer à soi
tous les démons de la terre,
-
et les chasser dans le monde !
-
Etre un sauvage !
-
Ou enfin sentir ce que c'est
-
d'enlever ses chaussures
sous la table
-
et d'étirer les orteils,
-
pieds nus, comme ça.
-
Rester seul !
-
Laisser survenir !
-
Garder son sérieux !
-
Nous ne pouvons être sauvages
qu'en gardant notre sérieux.
-
Ne rien faire que regarder,
-
rassembler, attester,
conserver !
-
Rester esprit !
-
Garder la distance !
Rester en parole !
-
Regarde, un cabriolet.
-
On n'achête pas ça,
-
on le fauche !
Sinon on se le fait faucher.
-
Imagine un peu :
-
on ouvre le toit,
on sort du smog !
-
Une bagnole de mac !
-
Walter Benjamin acheta en 1921
une aquarelle de Paul Klee...
-
Raconte, muse, le conteur,
-
I'enfantin, I'antique,
-
dérivé au bord du monde,
-
et fais qu'en lui
-
se reconnaisse chaque homme.
-
Avec le temps,
-
ceux qui m'écoutaient
sont devenus mes lecteurs,
-
ils ne sont plus
assis en cercle,
-
mais à part soi, et
-
I'un ne sait rien de I'autre.
-
Je suis un vieillard,
à la voix cassée, mais
-
le récit s'éIêve
encore des profondeurs
-
et la bouche entrouverte
le répête,
-
avec force et évidence,
-
une liturgie où personne
n'a besoin d'être initié
-
au sens des mots
et des phrases.
-
Peut-être
qu'elle n'a pas d'argent
-
pour voir un autre docteur.
-
Voilà quatre ans
que je ne I'ai pas vue,
-
deux qu'elle est malade.
-
Quand allez-vous prier
avec vos propres mots,
-
et pas pour la vie éternelle ?
-
Ces petites qui font
de I'oeil aux hommes...
-
Pourquoi est-ce que je vis ?
-
Qui est le premier à avoir
traversé le Wannsee à la nage ?
-
Avec ma petite pension...
-
Tu es perdu,
mais ça peut encore durer.
-
Rejeté par tes parents,
quitté par ta femme,
-
ton ami dans une autre ville,
-
tes enfants ne se rappellent
que tes tics,
-
tu pourrais te gifler
en te voyant dans la glace...
-
Qu'est-ce que c'est ?
-
Que se passe-t-il ?
-
Je suis encore Ià.
-
Si je le veux,
si seulement je le veux...
-
Je dois vouloir,
-
et je vais m'en sortir.
-
C'est moi
qui me suis laissé aller,
-
je peux aussi m'en tirer.
-
Il ne manquerait plus que ça.
-
Regarde, deux marks !
-
C'est une capsule de biêre !
-
Tu parles ! Allez, tire !
-
Rien que 10 pfennigs.
-
Vous pariez ?
était génial hier soir !
-
Vous pariez ?
passait pas hier soir !
-
Il y a quelques jours,
-
il y a un mois.
-
Je suis tout seul,
-
je fais la gueule,
-
jouer à trois,
ça serait la joie.
-
Et ils ont vécu
heureux jusqu'à...
-
Marion, pas comme ça !
-
Avec élan, pas avec force !
-
Ne pendouille pas, vole !
-
Tu es un ange !
-
Putain de bordel de merde !
-
De bordel de merde !
-
Je ne peux pas voler
avec ces trucs.
-
Bien sûr que si.
-
Avec des ailes,
c'est plus facile que sans.
-
Pas avec des plumes de poulet !
-
ça suffit !
-
Concentre-toi, Marion !
-
Il faut dire qu'elle travaille,
la volaille.
-
Fais un effort !
-
Un effort !
-
Bien sûr, je fais un effort.
-
Qu'est-ce que je fous ici !
-
Je vous serais
déjà tombée sur la tête
-
si je ne faisais pas
un effort !
-
Venez voir.
-
Arrêtez tout.
-
On ne peut plus payer,
-
on est fauchés.
-
Demain on démonte,
-
roulottes à la remise,
-
la clé sous le paillasson,
-
pour cette année,
le cirque est mort.
-
Désolé.
-
Je n'imaginais pas comme ça,
-
mes adieux au cirque.
-
Le dernier soir, pas un chat,
vous jouez comme des pieds
-
et je volête sous la tente
comme une poule au pot.
-
Et puis je redeviens serveuse.
-
Un ange passe !
-
Ne plus penser à rien.
-
Les couleurs.
-
Néons dans le ciel du soir.
-
Métro aérien rouge et jaune.
-
Tu n'as jamais vu crever quelqu'un ?
-
Je pue I'essence.
-
J'ai tout vu clairement :
-
la flaque d'huile,
la Mercedes...
-
Karin,
j'aurais dû te dire.
-
ça ne peut pas être si simple,
-
j'ai encore tant à faire.
-
Comme je sortais de la vallée
-
et des brumes dans le soleil...
-
L'incendie de la prairie,
-
les pommes de terre dans la cendre,
-
la remise à bateaux
loin dans le lac...
-
La Croix du Sud.
-
L'Orient lointain.
-
Le Grand Nord.
-
L'Ouest sauvage.
-
Le Grand Lac de I'Ours.
-
Les îles Tristan da Cunha.
-
Le delta du Mississippi.
-
Stromboli.
-
Les vieilles maisons
de Charlottenburg.
-
Albert Camus.
-
La lumiêre du matin.
-
Le regard de I'enfant.
-
Le bain dans la cascade.
-
Les taches des premiêres
gouttes de pluie.
-
Le soleil.
-
Le pain et le vin.
-
Le saut à cloche-pied.
-
La fête de Pâques.
-
Les veines des feuilles.
-
L'herbe ondoyante.
-
Les couleurs des pierres.
-
Les galets
sur le lit du ruisseau.
-
La nappe blanche au grand air.
-
Le rêve de la maison
dans la maison.
-
Le prochain qui dort
dans la piêce voisine.
-
La paix du dimanche.
-
L'horizon.
-
La lumiêre de la chambre
dans le jardin.
-
Le vol de nuit.
-
Le vélo sans les mains.
-
La belle inconnue.
-
Mon pêre.
-
Ma mêre.
-
Ma femme.
-
Mon enfant.
-
Le monde paraît se noyer
dans le crépuscule,
-
mais je raconte,
-
comme au début,
dans ma monodie
-
qui me soutient,
-
par le récit épargné
des troubles du présent et
-
protégé pour I'avenir.
-
C'en est fini
du grand souffle de jadis,
-
du va-et-vient
à travers les siêcles.
-
Je ne peux plus penser
qu'au jour le jour.
-
Mes héros ne sont plus
-
les guerriers et les rois,
mais
-
les choses de la paix,
toutes égales entre elles,
-
les oignons qui sêchent
-
valant le tronc d'arbre...
-
Mais nul n'a encore réussi
-
à chanter
une épopée de la paix.
-
Pourquoi la paix
-
ne peut-elle pas
exalter à la longue,
-
ne se laisse-t-elle pas
raconter
-
Renoncer ?
-
Si je renonce,
-
I'humanité perdra son conteur.
-
Et si jamais
I'humanité perd son conteur,
-
elle perd du même coup
son enfance.
-
Je ne retrouve pas
Potsdamer Platz.
-
Ici ?
-
ça ne peut pas être ça.
-
Potsdamer Platz,
-
il y avait Ià le café Josti,
-
j'y venais I'aprês-midi
-
faire la conversation,
prendre un café
-
et regarder le public,
aprês avoir fumé mon cigare
-
chez Loese et Wolf,
marchands de tabac réputés.
-
Ici, juste en face.
-
ça ne peut pas être
Potsdamer Platz.
-
Et personne
-
à qui demander.
-
C'était... une place animée.
-
Des tramways,
des omnibus à chevaux, et...
-
deux autos : la mienne
et celle du chocolatier.
-
La magasin Wertheim aussi
était ici.
-
Et puis...
-
soudain...
des drapeaux sont apparus...
-
Toute la place
en était couverte...
-
Et les gens
-
n'étaient
plus du tout aimables,
-
la police non plus.
-
Je n'abandonnerai pas
-
tant que je n'aurai pas
retrouvé Potsdamer Platz !
-
Où sont mes héros ?
Où êtes-vous, mes enfants ?
-
Où sont les miens, les obtus,
-
ceux des origines ?
-
Appelle-moi, muse,
le pauvre chantre immortel
-
qui, abandonné des mortels
qui I'écoutaient,
-
perdit la voix :
-
lui qui, de I'ange du récit
qu'il était,
-
devint I'aêde
ignoré ou raillé
-
au-dehors, sur le seuil
du no man's land.
-
20 marks, 40 marks, 80 marks.
-
En une semaine je pourrais
en avoir 500. Vers le sud !
-
Quelle idée débile de me
mettre ici. Trop de trafic.
-
Connard, ça fait
trois fois qu'il passe.
-
Me tirer d'ici.
-
Si quelqu'un me reconnaît,
je me fais jeter du lycée.
-
Là, j'aurais besoin de Klaus,
-
il se serait occupé de moi.
-
Il était trop bon.
C'est pour ça
-
qu'il est crevé.
-
Reste-t-il des frontiêres ?
Plus que jamais !
-
Chaque rue
a sa propre barriêre.
-
Entre les lignes,
il y a un terrain vague,
-
camouflé par une haie
ou un fossé.
-
On y tombe
sur des chevaux de frise,
-
on est frappé
-
par des rayons laser.
-
Les truites dans I'eau
sont des torpilles.
-
Chaque maître de maison,
chaque propriétaire,
-
cloue son nom sur la porte
-
et étudie le journal
comme un maître du monde.
-
Le peuple allemand a éclaté
en autant de mini-Etats
-
qu'il y a d'individus.
-
Et les Etats isolés
-
sont mobiles :
-
chacun emmêne le sien avec soi
-
et, si on veut y pénétrer,
exige un droit de passage :
-
une mouche enfermée dans
de I'ambre, ou une flasque.
-
Et ce n'est que la frontiêre,
-
mais on ne peut
aller plus avant
-
dans chaque mini-Etat
avec ses quelques mots de passe.
-
L'âme allemande d'aujourd'hui
ne peut être conquise
-
et dirigée que par celui
-
qui approchera chacun d'eux
-
avec ses mots de passe.
-
Par bonheur, nul n'en est
actuellement capable.
-
Ainsi, chacun
-
part pour I'étranger
-
et fait flotter aux quatre vents
sa cime d'Etat.
-
Ses enfants aussi
agitent déjà leur crécelle
-
et tirent leur merde
en cercles autour d'eux.
-
C'est ça, le livre
dont vous me parliez ?
-
Das Double ?
-
Hitler avait un double, ou...
-
Il y avait deux Hitler ?
-
Non. Hitler
-
est revenu
du front de I'Est et...
-
il est mort avant
d'atterrir dans les Alpes.
-
Et Goebbels a fait jouer
Hitler par un acteur.
-
Pour empêcher qu'on sache...
-
Une question. Cette histoire,
-
je ne la trouve pas
três plausible.
-
Une heure
avant le prochain plan.
-
Elle est plus réaliste
que notre film !
-
Je vais vous expliquer.
-
Les gens aiment
les histoires policiêres,
-
alors tous les prétextes
sont bons pour en faire.
-
C'est débile, d'accord,
mais ça aussi, c'est débile !
-
Erika, fiche-moi la paix !
-
Désolé.
-
Je veux te dire un mot, chérie.
-
On a assez de photos.
-
S'il te plaît,
plus de photos.
-
Helen, je vous cherchais,
-
je ne peux pas
porter ce chapeau !
-
Il vous va três bien !
-
Essayez-le !
-
Mettez-le.
-
On a d'autres chapeaux Ià-bas,
essayez-les.
-
On va trouver un chapeau
pour aller avec cette tête.
-
Quel genre vous voulez ?
-
Je veux avoir I'air
allemand, anonyme,
-
je veux me fondre
dans la foule.
-
Là, on dirait Humphrey Bogart.
-
Essayez celui-Ià.
-
Celui-Ià ?
-
C'est pour I'opéra.
-
Vous avez I'air d'un rabbin !
-
Celui-Ià,
ça, sur la 42ême Rue...
-
c'est un bookmaker.
-
Trouvez-moi un bon chapeau !
-
Je suis déguisé,
-
je veux passer inaperçu.
-
C'est ridicule, ces chapeaux,
-
des chapeaux de gangsters.
-
ça, c'en est pas un.
-
Là, je me marie.
-
ça, c'est pour...
-
aller aux courses, à Londres.
-
Celui-Ià est bien.
-
Peut-être.
-
ça se pourrait.
-
Possible.
-
C'est bon. Vous avez I'air
d'un grand-pêre.
-
Charlie Chan,
-
honorable fils,
pas três intelligent...
-
Columbo n'avait pas
de chapeau. Un sacré costume.
-
C'était mon manteau à moi.
-
Peter, où est ton imper ?
Nettoyé, brûIé.
-
Qu'est-ce qu'il y a, Peter ?
-
Pourquoi tes pensées
s'égarent-elles ?
-
Je vais manger
une sole meuniêre ce soir.
-
Les Allemands font
la sauce meuniêre ?
-
Peut-être des spaghetti
avec sauce tomate au pesto.
-
Les Allemands font le pesto ?
-
ça ne changera jamais.
-
lls étaient éIégants,
les frêres.
-
lls s'y connaissaient.
-
La seule chose qui me manquera
-
du dehors,
du royaume de la lumiêre,
-
ce seront les moineaux.
-
L'argent fait le bonheur.
Comment vivre ?
-
L'Homme au casque d'or
est un bluff !
-
Vous n'êtes pas d'ici.
Vous êtes tous des réfugiés.
-
Je suis Ià depuis ce matin,
-
j'ai froid et je m'ennuie.
-
Le vent dans le visage,
le premier air chargé de neige,
-
I'eau dans la rigole,
-
le balcon
avec la belle étrangêre...
-
Ce sont peut-être des vrais.
lls en ont I'air.
-
lls prenaient la bouffe
-
des chiens, dans les camps.
-
ça vous changerait les idées.
-
Vous réjouissez pas trop vite.
-
Le Français...
-
je I'ai rencontré dans la rue.
-
''Berlin, ça donnera plus rien,''
-
il m'avait dit ça.
-
La maison était
à moitié tombée.
-
Il restait encore
quelque chose.
-
Pour combien de temps ?
-
Je vois encore cette femme
-
qui se tenait Ià-haut
dans les ruines,
-
et qui secouait les couettes.
-
Quand était-ce donc ?
Mai... juin 45.
-
Je peux vous dessiner ?
-
Un instant, três rapide.
-
Ne bougez pas !
-
Je me demande
si elle est juive.
-
Quel gentil visage !
-
Est-ce que c'est bien fait,
ce qu'il peint Ià ?
-
Quelle narine.
-
Dramatique.
-
Ces gens sont
des figurants, des extras,
-
ils sont tellement patients.
-
lls restent assis Ià.
-
Peut-être
qu'il va m'en faire cadeau.
-
Ces humains sont des extras,
-
des extra-humains.
-
Três bon,
-
três joli portrait !
-
L'étoile jaune
signifie la mort.
-
Pourquoi ont-ils
choisi le jaune ?
-
Tournesols.
-
Van Gogh s'est suicidé.
-
Ce dessin est dégueulasse.
-
Et alors ?
-
Personne ne le verra.
-
Un jour tu feras
un bon dessin.
-
J'espêre, j'espêre.
-
Action pour les cascadeurs !
-
Encore une interview,
la téIé de Berlin.
-
Tu as le temps. Je vais faire
un gros plan de toi
-
aprês ce plan subjectif,
-
mais tu as tout le temps.
-
J'arrive, les gars.
On la fait tout de suite.
-
Qu'est-ce qu'il y a, Peter ?
-
''La vie... ''
-
''si je ne I'avais pas, elle me manquerait.''
-
Dit le général à la putain.
-
Viens, je vais
te montrer autre chose.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
il se gavait d'épinards,
de petits pois, de riz au lait
-
et de chou-fleur bouilli.
-
il mange tout cela à présent,
-
et pas seulement
parce qu'il est forcé.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
il s'est réveillé un jour
dans un lit inconnu,
-
et à présent
ça lui arrive toujours,
-
beaucoup de gens
lui paraissaient beaux,
-
et à présent ça n'arrive
plus que par chance,
-
il avait une image claire
-
du Paradis,
-
et à présent
il le devine tout au plus,
-
ne pouvait imaginer un néant,
-
et aujourd'hui
il tremble à son idée.
-
Lorsque l'enfant
-
était enfant,
il jouait avec enthousiasme,
-
et à présent,
-
il est à son affaire
comme jadis
-
seulement quand cette affaire
-
est son travail.
-
Te souviens-tu,
notre premiêre venue ici ?
-
L'Histoire n'avait
pas commencé.
-
Nous avons vu passer matin
et soir, et nous avons attendu.
-
Il a fallu longtemps
-
pour que le fleuve trouve
son lit, que I'eau stagnante
-
se mette à couler.
-
Vallée du fleuve primitif !
-
Un jour,
je me souviens encore,
-
le glacier a vêIé
-
et les glaces ont fait route
vers le nord.
-
Un arbre passa, encore vert,
avec un nid vide.
-
Pendant des myriades d'années,
seuls les poissons bondirent !
-
Puis vint le moment où
I'essaim d'abeilles se noya.
-
Aprês, les deux cerfs se sont
battus sur cette rive.
-
Puis la nuée de mouches,
-
et les ramures, descendant
le fleuve comme des branches.
-
Seule I'herbe
s'est toujours redressée,
-
poussant sur les cadavres
des chats sauvages,
-
des sangliers, des buffles.
-
Te souviens-tu comme un matin
-
est sorti de la savane,
I'herbe collant au front,
-
I'être à notre image,
longtemps attendu, le bipêde,
-
dont le premier mot
a été un cri :
-
était-ce ''ah'', ''oh'',
-
ou un simple gémissement ?
-
Nous avons enfin pu rire
de cet homme,
-
pour la premiêre fois,
-
et de son cri, de I'appel
de son successeur, nous avons
-
appris à parler.
-
Une longue histoire !
-
Le soleil, les éclairs,
le tonnerre dans le ciel,
-
et en bas, sur terre,
les feux, les bonds,
-
les rondes, les signes,
I'écriture.
-
Puis I'un d'eux
-
jaillit du cercle
et courut droit devant lui.
-
Tant qu'il courait
tout droit,
-
obliquant parfois
peut-être de jubilation,
-
il semblait libre, et
nous avons pu rire avec lui.
-
Mais alors, soudain,
-
il courut en zigzag,
et les pierres volêrent.
-
Avec sa fuite commençait
une autre histoire,
-
I'histoire des guerres.
-
Elle dure à ce jour.
-
Mais la première aussi,
celle de I'herbe, du soleil,
-
celle des bonds
et des cris, dure encore.
-
Sais-tu encore comme fut
élevée un jour la chaussée
-
qui vit le lendemain
la retraite napoléonienne
-
et fut ensuite
couverte de pavés
-
aujourd'hui envahis d'herbes
et affaissés
-
comme une voie romaine,
-
avec les traces des tanks ?
-
Nous n'étions
même pas spectateurs :
-
depuis toujours,
nous étions trop peu.
-
Tu veux vraiment...
-
A moi-même,
me conquérir une histoire !
-
Ce que mon intemporel
regard d'en haut m'a appris,
-
le transmuer pour soutenir
un coup d'oeil abrupt,
-
un cri bref,
-
une odeur âcre.
-
J'ai été assez longtemps
au-dehors.
-
Assez longtemps absent.
-
Assez longtemps
hors du monde.
-
En avant dans
I'histoire du monde, même
-
pour tenir une pomme
à la main !
-
Vois, les plumes,
-
Ià-bas sur I'eau,
déjà disparues.
-
Vois, les traces de frein
sur I'asphalte,
-
le mégot qui roule,
-
le fleuve primitif
qui se tarit,
-
et seules les flaques
du présent frémissent encore.
-
A bas le monde
derriêre le monde !
-
Un problème de dessin
intéressant :
-
cet homme a des yeux
de raton laveur.
-
Mais son chapeau est bien.
-
Quels cernes sous les yeux...
-
Ah, il s'inquiète.
-
Je me demande si le réalisateur
aime ce que je fais.
-
lls disent toujours
formidable !
-
Quoi qu'on fasse.
-
Acheter des cadeaux
pour les enfants...
-
peut-être des cadres de photos.
-
Suis-je meilleur acteur
qu'autrefois ?
-
Seules les voies romaines
mênent encore au loin,
-
seules les traces les plus
anciennes mênent plus loin.
-
Où est ici le col ?
-
Même le pays plat,
même Berlin
-
a ses cols cachés,
-
et Ià seulement
commence mon pays,
-
le pays du récit.
-
Pourquoi tous
ne voient-ils pas
-
dès I'enfance les passages,
-
portes et interstices,
-
en bas sur terre
et en haut au ciel ?
-
Si chacun les voyait,
-
il y aurait une histoire
sans meurtre ni guerre.
-
Dix mille fois j'y ai pensé,
-
cette fois, je le fais.
Drôle, que je sois si calme.
-
Mes chaussettes rouges...
-
Brumeux et froid.
-
Mis un pull pour ne pas avoir froid.
-
Le blouson est bien.
Une occasion.
-
Mais la poche se déchire.
C'est elle qui me I'a donné.
-
Du gravier sur le toit,
pour quoi faire ?
-
Pour qu'il ne s'envole pas ?
-
L'avion tourne en rond
sur Berlin...
-
va s'écraser.
-
J'ai toujours eu chaud aux mains.
-
Bon signe.
ça crisse sous mes pieds.
-
Quelle heure ?
Le soleil se couche déjà.
-
Logique, I'ouest.
Je sais déjà où est I'ouest.
-
Alors, je prenais toujours
le métro vers I'Est.
-
Achetais un carnet,
gagnais un mark.
-
Le soleil dans le dos,
à gauche I'étoile.
-
C'est bien :
le soleil et une étoile.
-
Ses petits pieds !
-
Elle sautillait en dansant...
si mignonne !
-
Nous étions tout seuls.
A-t-elle déjà ma lettre ?
-
Je ne veux pas
qu'elle I'ait déjà lue !
-
Berlin, ça ne me dit rien...
-
Havel, un fleuve ou un lac ?
Jamais compris.
-
L'Est ? En fait,
I'Est est partout.
-
Marrant, ils crient.
-
ça m'est bien égal !
-
Toutes ces pensées...
-
Ne plus penser du tout.
-
Je m'en vais, et pourquoi ?
-
Vous voulez I'histoire ?
-
L'histoire, c'est 45,
Berlin, la guerre.
-
Je suis
un détective américain,
-
un Germano-américain m'engage,
-
le fils de son frêre
-
est en Allemagne, je dois
le retrouver en Allemagne.
-
Le frêre est mort, la famille
perdue, les retrouver.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
ce fut le temps
des questions suivantes :
-
pourquoi suis-je moi,
-
et pourquoi pas toi?
-
Pourquoi suis-je ici,
-
et pourquoi pas là ?
-
Quand a commencé le temps,
et où finlt l'espace ?
-
La vie sous le soleil
-
n'est-elle pas qu'un rêve ?
-
Marcher...
-
Marcher et voir.
-
Si tu étais Ià, grand-mêre !
-
ça doit être la gare
dont on m'a parlé,
-
avec ce drôle de nom,
-
pas la gare
où les trains s'arrêtaient,
-
mais la gare
où la gare s'est arrêtée.
-
C'est pas Columbo ?
-
Je crois pas.
-
Pas avec ce manteau minable !
-
Il se promêne pas
dans la boue !
-
Je ne te vois pas,
mais je sais que tu es Ià.
-
Je le sens.
-
Tu traînes dans les parages
depuis que je suis ici.
-
J'aimerais voir ton visage,
-
te regarder dans les yeux,
te dire comme on est bien ici.
-
Rien que de toucher...
C'est froid, c'est bon.
-
Fumer. Boire un café.
-
Et faire les deux à la fois,
c'est fantastique.
-
Dessiner.
-
On prend un crayon
et on fait une ligne épaisse,
-
puis une ligne Iégêre,
-
et les deux font
une bonne ligne.
-
Ou quand on a froid aux mains,
-
on les frotte...
-
C'est bon, ça fait du bien.
-
Il y a tant de bonnes choses.
-
Mais tu n'es pas Ià.
Moi, je suis Ià.
-
J'aimerais que tu sois Ià.
-
Que tu puisses me parler.
-
Parce que je suis un ami.
-
Alors ?
-
Je vais entrer dans le fleuve.
-
Vieille maxime humaine,
souvent entendue,
-
que je comprends enfin.
-
Maintenant ou jamais,
instant du gué,
-
mais il n'y a pas d'autre rive,
il n'existe que le fleuve.
-
En avant dans le gué du temps,
dans le gué de la mort.
-
Nous ne sommes
pas encore nés : descendons !
-
Regarder, pas d'en haut,
mais à hauteur d'oeil.
-
D'abord, je prendrai un bain,
-
puis je me ferai raser,
par un barbier turc,
-
qui me massera aussi
jusqu'au bout des doigts.
-
Puis acheter un journal
et le lire,
-
des gros titres à I'horoscope.
-
Le premier jour,
je me ferai servir.
-
Pour les demandes,
je renvoie au voisin.
-
Si on me bouscule,
on s'excusera.
-
Je me ferai bousculer
et je bousculerai.
-
Dans le café plein,
le patron me trouvera une table.
-
Une voiture s'arrêtera
et le maire m'emmènera.
-
Je serai familier à chacun,
suspect à personne.
-
Je ne dirai pas un mot
et comprendrai chaque langue.
-
Tel sera mon premier jour.
-
Mais rien de tout ça
ne sera vrai.
-
Je la prendrai dans mes bras,
-
elle me prendra dans ses bras.
-
Je crois qu'il est saoul.
-
En route !
-
Un goût...
-
Je commence à comprendre.
-
C'est du rouge ?
-
Vous vous êtes blessé ?
-
ça va bien aujourd'hui ?
-
Et les tuyaux ?
-
lls sont jaunes.
-
Et lui, Ià ?
-
Gris-bleu.
-
Lui, orange. Ocre.
-
Ocre ou orange ?
-
Jaune, rouge... Et lui ?
-
Lui, vert.
-
Et ça, sur les yeux ?
-
C'est bleu.
-
Il fait très froid ?
-
ça va passer.
-
J'aimerais tant boire un café.
-
Vous n'avez pas d'argent ?
-
Je suis content que
ça aille si bien aujourd'hui.
-
C'est beau !
-
Avec du lait et du sucre ?
-
Noir.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
les pommes et le pain
suffisaient à le nourrir,
-
et il en est toujours ainsi.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
les baies tombaient
-
dans sa main comme seules
tombent des baies,
-
et c'est toujours ainsi.
-
Les noix fraîches
lui irritalent la langue,
-
et c'est toujours ainsi,
-
sur chaque montagne
il avait le désir
-
d'une montagne
encore plus haute,
-
et dans chaque ville le désir
-
d'une ville
plus grande encore,
-
et il en est toujours ainsi.
-
Dans l'arbre, il tendait
le bras vers les cerises,
-
exalté
comme aujourd'hui encore,
-
était intimidé
par les inconnus,
-
et il l'est toujours.
-
il attendait
la première neige
-
et il l'attend toujours.
-
Lorsque l'enfant était enfant,
-
il a lancé un bâton contre
un arbre, comme une lance,
-
et elle y vibre toujours.
-
Comment je fais
pour aller à I'Akazienstrasse ?
-
Remonte la Potsdamer
jusqu'à Kleistpark,
-
à droite dans Grunewald,
passe Elssholz et Gleditsch,
-
ne tourne pas dans Goltz,
ça va à Winterfeldtplatz,
-
mais à gauche, et tu y es.
-
Entrée réservée à I'équipe.
-
Les figurants,
à I'autre entrée.
-
Figurant !
-
Tu parles. lls veulent tous
des autographes !
-
Sale flic !
-
Je suis si heureux
de te voir !
-
ça va ?
-
Très bien !
-
Je m'attendais
à quelqu'un de plus grand.
-
Encore plus grand ?
-
Combien de temps ?
-
Des minutes. Des heures.
-
Des jours.
-
Des semaines. Des mois.
-
Le temps !
-
Je te passe quelques dollars,
pour voir venir.
-
J'ai de I'argent.
-
J'ai vendu quelque chose.
-
L'armure.
-
Combien tu en as eu ?
-
200 marks.
-
Tu t'es fait rouler.
Mais ça arrive.
-
Je vais te dire un truc.
ça remonte à trente ans.
-
23ême rue, coin de Lexington.
-
Le prêteur m'en a donné
500 dollars.
-
Tu étais...
-
Tu es...
-
Toi aussi !
-
Nous sommes beaucoup.
-
Je vous cherchais partout.
On est prêts.
-
J'arrive.
-
Tu n'es pas le seul.
-
Qu'est-ce que tu vas faire ?
-
Il y a une fille...
-
Une fille, bien !
-
Attends !
-
Tu voulais m'en dire plus !
-
Je veux savoir !
-
Tout savoir !
-
Tu dois trouver tout seul.
C'est ce qu'il y a de beau !
-
Qu'est-ce que tu fais Ià ?
-
Je suis assis.
-
Tu es triste ?
-
Tu es malade ?
-
Qu'est-ce que tu as ?
-
Un manque.
-
Un double noeud,
il n'y a que ça qui tienne.
-
Manque de nourriture
peut-être,
-
ou manque de boisson.
-
Elle n'est pas partie,
Cassiel, je le sais,
-
je la retrouverai,
-
quelque chose arrivera,
qui comptera, cette nuit.
-
Elle m'apprendra tout.
-
Il y a d'autres soleils
que celui qui est au ciel !
-
Dans la nuit profonde,
-
le printemps
commencera aujourd'hui.
-
Il me poussera d'autres ailes
que les anciennes,
-
des ailes qui pourront
enfin m'étonner.
-
Lieutenant...
-
Je parie que vous savez
trouver les gens.
-
Je sais comment les chercher,
je ne les trouve pas toujours.
-
Vous cherchez quelqu'un ?
-
Je ne sais pas.
Je veux trouver quelqu'un.
-
Garçon, fille ?
Homme ? Femme ?
-
Homme.
-
Vous connaissez son nom ?
-
Vous savez où il habite ?
-
Je ne sais rien.
-
C'est un cas difficile.
-
Je dois y aller. Bonsoir.
-
Bonne chance !
-
Je ne te vois pas,
mais je sais que tu es Ià.
-
Je le sens.
-
J'aimerais voir
-
ton visage, parce que j'ai
tant de choses à te dire.
-
Je suis ton ami.
-
Encore une chanson
et c'est fini.
-
Mais je ne parle pas
de la fille.
-
Je vais vous parler
d'une fille.
-
Un jour,
ça doit être sérieux.
-
J'ai beaucoup été seule,
-
mais je n'ai jamais
vécu seule.
-
Quand j'étais avec quelqu'un,
j'étais souvent contente,
-
mais en même temps, je prenais tout
pour un hasard.
-
Ces gens étaient mes parents,
-
mais d'autres
auraient pu I'être.
-
Pourquoi celui aux yeux bruns
était-il mon frère,
-
et non celui aux yeux verts
du quai en face ?
-
La fille du chauffeur de taxi
était mon amie,
-
mais j'aurais pu aussi bien
passer le bras
-
au cou d'un cheval.
-
J'étais avec un homme,
amoureuse,
-
et j'aurais aussi bien pu
le planter Ià
-
et partir avec I'inconnu
que nous croisions dans la rue.
-
Regarde-moi
ou ne me regarde pas.
-
Donne-moi la main,
ne me la donne pas.
-
Non, ne me donne pas la main
et regarde loin de moi.
-
Je crois que c'est
la nouvelle lune ce soir,
-
pas de nuit plus calme.
-
Il n'y aura pas de sang versé
dans toute la ville.
-
Je n'ai jamais joué
avec quelqu'un
-
et pourtant je n'ai jamais
ouvert les yeux et pensé :
-
maintenant,
c'est sérieux.
-
Enfin ça devient sérieux.
-
C'est ainsi que j'ai grandi.
-
Moi seule,
étais-je si peu sérieuse ?
-
Le temps,
est-il si peu sérieux ?
-
Je n'ai jamais été solitaire :
ni seule, ni avec d'autres.
-
Mais j'aurais aimé
être enfin solitaire.
-
La solitude, ça veut dire :
je suis enfin entiêre.
-
Je peux le dire maintenant,
-
car ce soir
je suis enfin solitaire.
-
Il faut en finir
avec le hasard.
-
Nouvelle lune de la décision.
-
Je ne sais pas
s'il y a un destin,
-
mais il y a la décision !
-
Décide-toi.
-
C'est nous qui sommes
le temps, à présent.
-
La ville entiêre,
non, le monde entier
-
prend part à notre décision.
-
Nous deux sommes
plus que deux, désormais.
-
Nous incarnons quelque chose.
-
Nous voilà
sur la place du peuple,
-
et toute la place
est pleine de gens
-
qui rêvent
de la même chose que nous.
-
Nous déterminons
le jeu pour tous !
-
Je suis prête.
-
C'est à ton tour, maintenant.
-
Tu as le jeu en main.
-
Maintenant ou jamais.
-
Tu as besoin de moi.
-
Tu auras besoin de moi.
-
Il n'y a pas d'histoire
plus grande que la nôtre,
-
celle de I'homme
et de la femme.
-
Ce sera une histoire
de géants,
-
invisibles, transmissibles,
-
une histoire
de nouveaux ancêtres.
-
Vois, mes yeux,
-
ils sont I'image
de la nécessité,
-
de I'avenir de tous
sur la place.
-
La nuit derniêre
j'ai rêvé d'un inconnu,
-
de mon homme.
-
Avec lui seul
je pouvais être solitaire,
-
et m'ouvrir à lui,
-
m'ouvrir toute,
toute pour lui,
-
le laisser entrer en moi,
tout entier,
-
I'entourer du labyrinthe
-
de la joie commune.
-
Je le sais,
-
c'est toi.
-
Il est arrivé quelque chose,
-
qui continue d'arriver,
-
qui me lie.
-
C'était vrai dans la nuit
et c'est vrai le jour,
-
plus encore à présent.
-
Qui était qui ?
-
J'étais en elle,
-
et elle était autour de moi.
-
Qui au monde peut affirmer
-
qu'il a jamais été ensemble
avec un autre humain ?
-
Je suis ensemble !
-
Ce n'est pas un enfant mortel
qui a été conçu,
-
mais une image commune,
immortelle.
-
Cette nuit,
j'ai appris à m'étonner.
-
Elle est venue
me ramener chez moi,
-
et j'ai trouvé ce chez moi.
-
Il était une fois...
-
Il était une fois,
et donc il sera.
-
L'image que nous avons conçue
accompagnera ma mort.
-
J'aurai vécu
dans cette image.
-
Ce n'est que I'étonnement
devant nous deux,
-
I'étonnement devant
I'homme et la femme,
-
qui a fait de moi un humain.
-
Je
-
sais
-
maintenant
-
ce
-
qu'aucun
-
ange
-
ne sait.
-
Nomme-moi les hommes,
femmes et enfants,
-
qui me chercheront,
-
moi, leur conteur, chantre
-
et porte-parole,
-
car ils ont besoin de moi
plus que de rien au monde.
-
1011
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A suivre...
-
Dédié à tous les anciens anges, mais
surtout à Yasujiro, François et Andrej