Gardé en otage pendant 317 jours. Voici ce à quoi j'ai pensé...
-
0:01 - 0:04Je ne peux pas les oublier.
-
0:04 - 0:08Leur nom était Aslan, Alik, Andrei,
-
0:08 - 0:13Fernanda, Fred, Galina, Gunnhild,
-
0:13 - 0:18Hans, Ingeborg, Matti, Natalya,
-
0:18 - 0:23Nancy, Sheryl, Usman, Zarema,
-
0:23 - 0:25et la liste est longue.
-
0:26 - 0:30Pour beaucoup, leur existence,
leur humanité, -
0:30 - 0:33a été réduite à des statistiques,
-
0:33 - 0:38enregistrée comme
« incidents de sécurité ». -
0:38 - 0:39Pour moi, c'était des collègues,
-
0:39 - 0:43faisant partie de cette communauté
de travailleurs humanitaires -
0:43 - 0:45essayant d'apporter un peu de confort
-
0:45 - 0:50aux victimes des guerres en Tchétchénie
dans les années 90. -
0:50 - 0:54C'était des infirmières, des logisticiens,
des experts en abris, -
0:54 - 0:57des para-légaux, des interprètes.
-
0:57 - 1:01Et pour ce service,
ils ont été assassinés, -
1:01 - 1:04leurs familles ont été déchirées,
-
1:04 - 1:06et leur histoire oubliée.
-
1:07 - 1:10Personne n'a été condamné pour ces crimes.
-
1:11 - 1:13Je ne peux pas les oublier.
-
1:13 - 1:15Ils vivent en moi,
-
1:15 - 1:18me souvenir d'eux donne un sens à ma vie.
-
1:18 - 1:23Mais ils hantent aussi les recoins
les plus sombres de mon esprit. -
1:23 - 1:25En tant que travailleurs humanitaires,
-
1:25 - 1:28ils ont choisi d'être
du côté des victimes, -
1:28 - 1:33de les aider, les conforter
et les protéger, -
1:33 - 1:36mais quand eux
ont eu besoin de protection, -
1:36 - 1:37il n'y en avait pas.
-
1:38 - 1:41En voyant les gros titres des journaux,
-
1:41 - 1:44les guerres en Irak et en Syrie --
-
1:44 - 1:48travailleur humanitaire kidnappé,
otage exécuté -- -
1:48 - 1:50mais qui étaient-ils ?
-
1:50 - 1:52Pourquoi étaient-ils là ?
-
1:52 - 1:54Quelles étaient leurs motivations ?
-
1:54 - 1:58Comment sommes-nous devenus
si insensibles à ces crimes ? -
1:58 - 2:01Voilà pourquoi je suis ici aujourd'hui.
-
2:01 - 2:03Nous devons mieux nous souvenir d'eux.
-
2:05 - 2:11Expliquer ces valeurs
pour lesquelles ils ont donné leur vie. -
2:11 - 2:15Et réclamer la justice.
-
2:16 - 2:18Quand, en 1996, j'ai été envoyé
-
2:18 - 2:22par le Haut-Commissariat des Nations Unies
pour les Réfugiés au Caucase du Nord, -
2:22 - 2:24je connaissais les risques.
-
2:24 - 2:265 collègues y avaient été tués,
-
2:26 - 2:283 gravement blessés,
-
2:28 - 2:30et 7 avaient déjà été pris en otage.
-
2:30 - 2:32On étaient donc prudents.
-
2:32 - 2:36Nous utilisions des véhicules blindés,
des voitures leurres, -
2:36 - 2:39changions de routes,
changions de résidences, -
2:39 - 2:42toutes mesures de sécurité possibles.
-
2:43 - 2:49Pourtant, lors d'une froide nuit d'hiver
en janvier 1998, ce fut mon tour. -
2:49 - 2:53En entrant dans mon appartement
à Vladikavkaz avec un garde, -
2:53 - 2:55nous avons été encerclés
par des hommes armés. -
2:57 - 2:59Ils ont mis le garde au sol,
-
2:59 - 3:02et l'ont battu devant moi,
-
3:02 - 3:04ils l'ont attaché et emmené.
-
3:06 - 3:10J'ai été menotté
avec les yeux bandés et mis à genoux, -
3:10 - 3:14avec le silencieux d'une arme sur mon cou.
-
3:14 - 3:16Quand ça vous arrive,
-
3:16 - 3:19vous n'avez pas le temps de réfléchir,
pas le temps de prier. -
3:20 - 3:23Mon cerveau fonctionnait en automatique,
-
3:23 - 3:27revoyant rapidement
cette vie que je venais de quitter. -
3:27 - 3:30Il m'a fallu
de longues minutes pour comprendre -
3:30 - 3:33que ces hommes masqués
n'étaient pas là pour me tuer, -
3:33 - 3:37mais que quelqu'un, quelque part,
avait demandé de me kidnapper. -
3:39 - 3:43A alors commencé
un processus de déshumanisation. -
3:43 - 3:47J'étais devenu une simple marchandise.
-
3:49 - 3:51Je ne parle jamais de ceci,
-
3:51 - 3:56mais j'aimerais partager avec vous quelques
moments de ces 317 jours de captivité. -
3:57 - 4:00J'étais dans une cave souterraine,
-
4:00 - 4:02dans le noir total,
-
4:02 - 4:05pendant 23 heures
et 45 minutes tous les jours, -
4:05 - 4:09et les gardes venaient,
en général par 2. -
4:09 - 4:11Ils apportaient un gros morceau de pain,
-
4:11 - 4:14un bol de soupe et une bougie.
-
4:15 - 4:19Cette bougie brûlait pendant 15 minutes,
-
4:19 - 4:2315 minutes de précieuse lumière,
-
4:23 - 4:27ils venaient ensuite la reprendre,
et je retournais dans le noir. -
4:29 - 4:33J'étais enchaîné au lit
par un câble en métal. -
4:33 - 4:36Je pouvais faire 4 petit pas.
-
4:37 - 4:41Et je rêvais d'en faire un cinquième.
-
4:41 - 4:45Pas de télévision, pas de radio,
pas de journal, et personne ne me parlait. -
4:45 - 4:49Pas de serviette,
ni de savon, ni de papier toilette, -
4:49 - 4:55simplement 2 seaux en métal,
un pour l'eau et un pour les excréments. -
4:58 - 5:03Imaginez des gardes qui s'amusent
à faire semblant de vous exécuter -
5:03 - 5:08par sadisme, par ennui ou par ivresse.
-
5:10 - 5:13Cela brise les nerfs très lentement.
-
5:13 - 5:18L'isolement et l'obscurité
sont très difficiles à décrire. -
5:18 - 5:20Comment décrire le néant ?
-
5:20 - 5:23Aucun mot ne peut décrire
la profondeur de cette solitude -
5:23 - 5:28à la frontière
entre la normalité et la folie. -
5:30 - 5:35Dans le noir, il m'arrivait de jouer
aux dames dans ma tête. -
5:35 - 5:38Je commençais avec les noirs,
-
5:38 - 5:39jouais avec les blancs,
-
5:39 - 5:42puis de nouveau les noirs,
en essayant de piéger l'autre. -
5:43 - 5:47Je ne joue plus aux dames.
-
5:47 - 5:53Je stressais en pensant à ma famille,
à mes collègues et au garde, Edik. -
5:53 - 5:56Je ne savais pas
ce qu'ils avaient fait de lui. -
5:56 - 5:58Essayant de ne pas trop penser,
-
5:58 - 6:00je passais le temps
-
6:00 - 6:04en faisant des exercices physiques.
-
6:04 - 6:08J'ai essayé de prier, j'ai essayé
toutes sortes de jeux de mémoire. -
6:09 - 6:13Mais l'obscurité crée des images
et des pensées qui ne sont pas normales. -
6:13 - 6:20Une partie de votre cerveau
veut vous voir résister, crier et pleurer, -
6:20 - 6:23et l'autre partie vous dit de vous taire
-
6:23 - 6:26et de faire avec.
-
6:26 - 6:30C'est un débat interne permanent ;
et il n'y a pas d'arbitre. -
6:31 - 6:36Un garde est venu me voir un jour,
très agressif, et me dit : -
6:36 - 6:40« Aujourd'hui, tu vas te mettre à genoux
et supplier pour ta nourriture. » -
6:40 - 6:44J'étais de mauvaise humeur,
je l'ai donc insulté. -
6:44 - 6:47J'ai insulté sa mère et ses ancêtres.
-
6:47 - 6:51La punition a été limitée :
il a jeté mon repas dans mes excréments. -
6:51 - 6:55Le lendemain, il est revenu
avec la même demande. -
6:55 - 6:57Il a reçu la même réponse,
-
6:57 - 7:02qui a reçu la même punition.
-
7:02 - 7:05Quatre jours plus tard,
mon corps me faisait mal de partout. -
7:05 - 7:10Je ne savais pas
que la faim pouvait faire si mal. -
7:10 - 7:13Donc, quand le garde est descendu,
-
7:16 - 7:19je me suis agenouillé.
-
7:19 - 7:22J'ai supplié pour ma nourriture.
-
7:22 - 7:28La soumission était la seule façon pour moi
d'aller jusqu'à la bougie suivante. -
7:29 - 7:31Après mon enlèvement,
-
7:31 - 7:34j'ai été transféré
de l’Ossétie du Nord à la Tchétchénie, -
7:34 - 7:393 jours à voyager lentement
dans le coffre de différentes voitures, -
7:39 - 7:41et en arrivant, j'ai été interrogé
-
7:41 - 7:45pendant 11 jours
par un type qui s'appelait Ruslan. -
7:45 - 7:46Toujours la même routine :
-
7:46 - 7:49plus de lumière, 45 minutes,
-
7:49 - 7:51il descendait dans la cave,
-
7:51 - 7:53il demandait
qu'on me ligote sur la chaise, -
7:53 - 7:56et il mettait la musique à fond.
-
7:56 - 8:00Et là, il criait ses questions.
-
8:00 - 8:02Il criait. Il me battait.
-
8:02 - 8:04Je vais vous éviter les détails.
-
8:04 - 8:07Il y a beaucoup de questions
que je ne comprenais pas, -
8:07 - 8:11et certaines,
je ne voulais pas les comprendre. -
8:12 - 8:16L'interrogatoire
durait le temps de la cassette : -
8:16 - 8:2015 chansons, 45 minutes.
-
8:20 - 8:22J'attendais
la dernière chanson avec impatience. -
8:23 - 8:26Un jour, une nuit dans cette cave,
je ne sais pas ce qu'il se passait, -
8:26 - 8:29j'ai entendu
un enfant pleurer au-dessus de moi, -
8:29 - 8:32un garçon, peut-être 2 ou 3 ans.
-
8:32 - 8:36Des bruits de pas,
du désordre, des gens qui courent. -
8:37 - 8:40Quand Ruslan est venu le lendemain,
-
8:40 - 8:42avant qu'il ne me pose
sa première question, -
8:42 - 8:46je lui ai demandé : « Comment va ton fils
aujourd'hui ? Il va mieux ? » -
8:46 - 8:49Ruslan était très surpris.
-
8:49 - 8:52Il était furieux
que les gardes aient pu parler -
8:52 - 8:54de sa vie privée.
-
8:54 - 8:59J'ai parlé des ONG qui amènent
des médicaments aux cliniques locales -
8:59 - 9:02qui pourraient aider son fils.
-
9:02 - 9:06Et on a parlé d'éducation,
de nos familles. -
9:06 - 9:08Il m'a parlé de ses enfants.
-
9:08 - 9:10Je lui ai parlé de mes filles.
-
9:10 - 9:13Il a parlé d'armes,
de voitures, de femmes, -
9:13 - 9:18et j'ai donc dû parler d'armes,
de voitures et de femmes. -
9:18 - 9:21On a parlé jusqu'à la dernière chanson
de la cassette. -
9:21 - 9:27Ruslan était l'homme
le plus violent que j'ai rencontré. -
9:27 - 9:30Il ne m'a plus jamais touché.
-
9:30 - 9:33Il ne m'a plus jamais interrogé.
-
9:33 - 9:37Je n'étais plus une simple marchandise.
-
9:37 - 9:42Deux jours plus tard,
on m'a transféré dans un autre endroit. -
9:42 - 9:47Là, un garde est venu me voir,
très près -- c'était inhabituel -- -
9:47 - 9:50et il m'a dit,
d'une voix très douce, il a dit : -
9:50 - 9:53« Je voulais vous remercier
-
9:53 - 9:57pour l'aide que votre organisation
a donnée à ma famille -
9:57 - 10:01quand nous avons été
déplacés au Daghestan. » -
10:02 - 10:06Que pouvais-je répondre ?
-
10:06 - 10:11C'était très douloureux.
Comme un couteau dans mon ventre. -
10:11 - 10:14Il m'a fallu des semaines
de réflexion interne afin de réconcilier -
10:14 - 10:17les bonnes raisons
qu'on a eues d'aider cette famille -
10:17 - 10:20et ce soldat de fortune
qu'il était devenu. -
10:20 - 10:22Il était jeune et timide.
-
10:22 - 10:25Je n'ai jamais vu son visage.
-
10:25 - 10:27Il devait avoir de bonnes intentions.
-
10:27 - 10:30Mais en 15 secondes,
-
10:30 - 10:33il m'a fait me poser des questions
sur tout ce que l'on faisait, -
10:33 - 10:36tous ces sacrifices.
-
10:36 - 10:39Il m'a aussi fait réfléchir
à comment ils nous voient. -
10:39 - 10:42Je supposais qu'ils savaient
pourquoi nous étions là -
10:42 - 10:45et ce que nous faisions.
-
10:45 - 10:48On ne peut pas le supposer.
-
10:48 - 10:52Expliquer pourquoi
nous faisons cela n'est pas facile, -
10:52 - 10:54même à nos proches.
-
10:55 - 10:58Nous ne sommes pas parfaits,
ni supérieurs, -
10:58 - 11:01ni les pompiers du monde,
-
11:01 - 11:03ni des super-héros,
-
11:03 - 11:05on n'arrête pas les guerres,
-
11:05 - 11:10on sait qu'une réponse humanitaire
ne remplace pas une solution politique. -
11:10 - 11:15On le fait
parce qu'une vie est importante. -
11:15 - 11:17Parfois, c'est la seule différence
qu'on fait -- -
11:17 - 11:20une personne, une famille,
un petit groupe de personnes -- -
11:20 - 11:22et c'est important.
-
11:22 - 11:25Quand il y a un tsunami,
un tremblement de terre ou un typhon, -
11:25 - 11:29vous voyez des équipes de sauveteurs
venant du monde entier, -
11:29 - 11:32cherchant des survivants
pendant des semaines. -
11:32 - 11:35Pourquoi ?
Personne ne se pose la question. -
11:35 - 11:37Chaque vie est importante,
-
11:37 - 11:41ou toutes les vies
devraient être importantes. -
11:41 - 11:44C'est la même chose pour nous
quand on aide des réfugiés, -
11:44 - 11:50ceux déplacés dans leur pays
à cause de conflits, ou ceux sans pays. -
11:50 - 11:51Je connais beaucoup de gens,
-
11:51 - 11:54quand ils sont face à une douleur immense,
-
11:54 - 11:58ils se sentent impuissants
et ils s'arrêtent là. -
11:58 - 12:02C'est dommage parce qu'il y a
beaucoup de façons d'aider. -
12:02 - 12:04On ne s'arrête pas à ce sentiment.
-
12:04 - 12:07On essaye de faire
ce qu'on peut pour aider, -
12:07 - 12:09pour protéger et rassurer.
-
12:09 - 12:11On le doit.
-
12:11 - 12:13On n'a pas le choix.
-
12:13 - 12:18C 'est ce qui nous rend,
je ne sais pas, simplement humain. -
12:18 - 12:22C'est une photo de moi
le jour de ma libération. -
12:22 - 12:27Des mois après, j'ai rencontré
le Premier Ministre français de l'époque. -
12:27 - 12:29La deuxième chose qu'il m'a dite :
-
12:29 - 12:32« Vous étiez complètement irresponsable
d'aller dans le Caucase du Nord. -
12:32 - 12:36Vous n'imaginez pas le nombre
de problèmes que vous nous avez causés. » -
12:38 - 12:40Ce fut une rencontre très brève.
-
12:40 - 12:42(Rires)
-
12:43 - 12:47Je pense qu'aider
des gens en danger est responsable. -
12:47 - 12:52Dans cette guerre,
que personne ne voulait vraiment arrêter, -
12:52 - 12:54et il y en a beaucoup
de ce genre aujourd'hui, -
12:54 - 12:58donner un peu d'aide aux gens
dans le besoin et un peu de protection -
12:58 - 13:01n'était pas simplement
un acte humanitaire, -
13:01 - 13:03ça a vraiment fait
une vraie différence pour ces gens. -
13:03 - 13:07Pourquoi ne pouvait-il pas
comprendre cela ? -
13:07 - 13:09Nous nous devons d'essayer.
-
13:09 - 13:12Vous avez entendu parler du concept :
La Responsabilité de Protéger. -
13:12 - 13:17Les résultats varient
selon certains paramètres. -
13:17 - 13:20On peut même échouer,
mais il y a pire qu'échouer -- -
13:20 - 13:23c'est de ne même pas essayer
alors que nous le pouvons. -
13:24 - 13:28Si vous êtes aussi comme ça,
si vous voulez faire ce genre de boulot, -
13:28 - 13:32votre vie sera remplie
de joie et de tristesse, -
13:32 - 13:36parce qu'il y a beaucoup de gens
que nous ne pouvons pas aider, -
13:36 - 13:40ni protéger, beaucoup
de gens que l'on n'a pas sauvés. -
13:40 - 13:42Je les appelle mes fantômes,
-
13:42 - 13:45et ayant vu leur souffrance de près,
-
13:45 - 13:49vous prenez un peu
de cette souffrance avec vous. -
13:49 - 13:52Beaucoup de jeunes
travailleurs humanitaires -
13:52 - 13:55vivent leur première expérience
avec beaucoup de rancœur. -
13:55 - 13:58Ils sont jetés
dans des situations où ils sont témoins, -
13:58 - 14:01mais impuissants
à changer quoi que ce soit. -
14:01 - 14:04Ils doivent apprendre à l'accepter
-
14:04 - 14:07et à en faire quelque chose de positif.
-
14:07 - 14:08C'est difficile.
-
14:08 - 14:11Beaucoup n'y arrivent pas,
-
14:11 - 14:15mais pour ceux qui y arrivent,
il n'y a pas plus beau métier. -
14:15 - 14:18Vous voyez la différence
que vous faites tous les jours. -
14:20 - 14:23Les travailleurs humanitaires
savent les risques qu'ils prennent -
14:23 - 14:28dans des zones de conflits
ou d'après-conflits, -
14:28 - 14:34mais notre vie, notre métier,
deviennent de plus en plus menacés, -
14:34 - 14:38et l'inviolabilité de notre vie disparaît.
-
14:39 - 14:42Saviez-vous que depuis l'an 2000,
-
14:42 - 14:46le nombre d'attaques sur des travailleurs
humanitaires a triplé ? -
14:47 - 14:50Un nouveau record a été établi en 2013 :
-
14:51 - 14:54155 collègues tués,
-
14:54 - 14:58171 gravement blessés,
-
14:58 - 15:01134 kidnappés.
-
15:01 - 15:04Tellement de vies brisées.
-
15:05 - 15:10Jusqu'au début de la guerre civile
en Somalie à la fin des années 80, -
15:10 - 15:14les travailleurs humanitaires
étaient parfois victimes -
15:14 - 15:16de dommages collatéraux,
-
15:16 - 15:20mais nous n'étions jamais
la cible de ces attaques. -
15:20 - 15:22Ça a changé.
-
15:22 - 15:23Regardez cette photo.
-
15:23 - 15:26Bagdad, août 2003 :
-
15:26 - 15:2924 collègues tués.
-
15:29 - 15:32Fini le temps où un drapeau bleu
de l'ONU ou un de la Croix Rouge -
15:32 - 15:36nous protégeait automatiquement.
-
15:36 - 15:39Des groupes criminels
et parfois des groupes politiques -
15:39 - 15:42se sont mélangés ces 20 dernières années,
-
15:42 - 15:45pour créer cette sorte d'hybride
-
15:45 - 15:48avec laquelle
nous ne pouvons pas communiquer. -
15:48 - 15:53Les principes humanitaires
sont remis en question et souvent ignorés, -
15:53 - 15:58mais, plus important encore, nous avons
abandonné notre quête de la justice. -
15:58 - 16:02Il n'y a aucune conséquence
-
16:02 - 16:05suite à une attaque
contre des travailleurs humanitaires. -
16:05 - 16:09Après ma libération, on m'a dit
de ne pas chercher la moindre justice. -
16:09 - 16:13Ça ne t'aidera pas,
voilà ce qu'on m'a dit. -
16:13 - 16:17Et tu vas mettre en danger
la vie d'autres collègues. -
16:18 - 16:21J'ai dû attendre des années
avant de voir la condamnation -
16:21 - 16:25de trois personnes
associées à mon enlèvement, -
16:25 - 16:28et c'était exceptionnel.
-
16:28 - 16:32Aucune justice
pour les travailleurs humanitaires -
16:32 - 16:37tués ou enlevés
en Tchétchénie entre 95 et 99, -
16:37 - 16:39et c'est la même chose
partout dans le monde. -
16:40 - 16:43C'est inacceptable.
-
16:43 - 16:44C'est inexcusable.
-
16:44 - 16:49Selon la loi internationale,
ce sont des crimes de guerre. -
16:49 - 16:52Ces crimes
ne devraient pas rester impunis. -
16:52 - 16:55Nous devons arrêter ce cycle d'impunité.
-
16:55 - 16:59Nous devons considérer ces attaques
contre des travailleurs humanitaires -
16:59 - 17:02comme des attaques contre l'humanité.
-
17:02 - 17:05Ça me rend furieux.
-
17:06 - 17:11Je sais que j'ai de la chance en
comparaison des réfugiés que je côtoie. -
17:12 - 17:16Je ne sais pas ce que ça fait
d'avoir sa ville entière détruite. -
17:16 - 17:20D'avoir vu ses proches
se faire tuer devant soi. -
17:20 - 17:24De perdre la protection de son pays.
-
17:24 - 17:29Je sais aussi que j'ai de la chance
en comparaison d'autres otages. -
17:29 - 17:344 jours avant ma libération,
4 otages ont été décapités -
17:34 - 17:39à quelques kilomètres de là où j'étais.
-
17:39 - 17:41Pourquoi eux ?
-
17:41 - 17:44Pourquoi suis-je là aujourd'hui ?
-
17:45 - 17:47Il n'y a pas de réponse simple.
-
17:48 - 17:52J'ai reçu beaucoup de soutien
de ma famille, -
17:52 - 17:56de mes collègues, de mes amis
et même de gens que je ne connaissais pas. -
17:56 - 17:59Ils m'ont aidé ces dernières années
à sortir de l'obscurité. -
18:00 - 18:03Mais tout le monde
ne reçoit pas cette attention. -
18:04 - 18:08Combien de mes collègues,
après un évènement traumatique, -
18:08 - 18:11se suicident ?
-
18:11 - 18:15J'en connais déjà 9.
-
18:15 - 18:19Combien de mes collègues
ont vécu un divorce difficile, -
18:19 - 18:21après une telle expérience
-
18:21 - 18:26parce qu'ils n'arrivaient plus à expliquer
quoi que ce soit à leur conjoint ? -
18:26 - 18:29J'ai arrêté de compter.
-
18:29 - 18:32Il y a un prix pour ce genre de vie.
-
18:32 - 18:37En Russie, les monuments aux morts
ont tous cette belle inscription. -
18:37 - 18:41Cela veut dire :
-
18:41 - 18:44« Personne n'est oublié,
rien n'est oublié. » -
18:45 - 18:49Je n'oublie pas mes collègues disparus.
-
18:49 - 18:51Je ne peux rien oublier.
-
18:51 - 18:54Je vous demande
de vous rappeler leur dévouement -
18:54 - 18:58et demande que partout dans le monde
les travailleurs humanitaires -
18:58 - 19:00soient mieux protégés.
-
19:00 - 19:06On ne peut pas laisser s'éteindre
cette lumière d'espoir qu'ils ont allumée. -
19:06 - 19:10Certains collègues m'ont demandé après :
« Pourquoi continues-tu ? -
19:10 - 19:13Pourquoi fais-tu ce genre de boulot ?
-
19:13 - 19:15Pourquoi dois-tu continuer à le faire ? »
-
19:15 - 19:17Ma réponse était très simple :
-
19:18 - 19:21si j'avais arrêté,
-
19:21 - 19:25cela aurait voulu dire
que mes ravisseurs avaient gagné. -
19:25 - 19:27Ils auraient réussi à prendre mon âme
-
19:27 - 19:29et mon humanité.
-
19:29 - 19:32Merci.
-
19:32 - 19:34(Applaudissements)
- Title:
- Gardé en otage pendant 317 jours. Voici ce à quoi j'ai pensé...
- Speaker:
- Vincent Cochetel
- Description:
-
Vincent Cochetel a été gardé en otage pendant 317 jours en 1998, alors qu'il travaillait pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Tchétchénie. Pour la première fois, il parle de son expérience - du fait de vivre dans une pièce souterraine et sombre, enchaîné à son lit, à ces conversations inattendues avec ses ravisseurs. Avec lyrisme et force, il explique pourquoi il continue encore aujourd'hui à travailler. Depuis 2000, les attaques sur des travailleurs humanitaires ont triplé - et il réfléchit sur ce que cette hausse peut vouloir annoncer pour le monde.
- Video Language:
- English
- Team:
- closed TED
- Project:
- TEDTalks
- Duration:
- 19:47
eric vautier edited French subtitles for I was held hostage for 317 days. Here's what I thought about… | ||
eric vautier edited French subtitles for I was held hostage for 317 days. Here's what I thought about… | ||
eric vautier edited French subtitles for I was held hostage for 317 days. Here's what I thought about… | ||
eric vautier approved French subtitles for I was held hostage for 317 days. Here's what I thought about… | ||
Beatriz V L edited French subtitles for I was held hostage for 317 days. Here's what I thought about… | ||
Beatriz V L edited French subtitles for I was held hostage for 317 days. Here's what I thought about… | ||
Beatriz V L accepted French subtitles for I was held hostage for 317 days. Here's what I thought about… | ||
Jehanne Almerigogna edited French subtitles for I was held hostage for 317 days. Here's what I thought about… |