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Pico Iyer: C'est où, " chez soi " ?

  • 0:00 - 0:02
    D'où venez-vous ?
  • 0:02 - 0:04
    C'est une question tellement simple,
  • 0:04 - 0:06
    mais de nos jours, bien sûr,
    les questions simples
  • 0:06 - 0:09
    appellent des réponses toujours
    plus compliquées.
  • 0:09 - 0:12
    Les gens me demandent toujours d'où je viens,
  • 0:12 - 0:16
    et s'attendent à ce que je dise
    que je viens d'Inde,
  • 0:16 - 0:19
    et ils ont complètement raison
    dans la mesure où 100 pour cent
  • 0:19 - 0:22
    de mon sang et de mon ascendance
    vient effectivement d'Inde.
  • 0:22 - 0:26
    Sauf que je n'ai jamais vécu
    un seul jour de ma vie là-bas.
  • 0:26 - 0:29
    Je ne sais même pas dire un mot
  • 0:29 - 0:32
    dans aucun de ses 22.000 dialectes.
  • 0:32 - 0:34
    Donc je ne crois pas
    que j'aie vraiment le droit
  • 0:34 - 0:36
    de dire que je suis Indien.
  • 0:36 - 0:38
    Et si « D'où venez-vous ? »
  • 0:38 - 0:41
    veut dire : « Où êtes-vous né,
    avez-vous grandit et avez été instruit ? »
  • 0:41 - 0:43
    alors je suis complètement originaire
    de ce drôle de petit pays
  • 0:43 - 0:45
    connu sous le nom d'Angleterre,
  • 0:45 - 0:47
    sauf que j'ai quitté l'Angleterre
    juste après avoir terminé
  • 0:47 - 0:49
    mon premier cycle universitaire,
  • 0:49 - 0:51
    et pendant tout le temps où j'ai grandi,
  • 0:51 - 0:54
    j'étais le seul enfant
    dans toutes mes classes
  • 0:54 - 0:57
    qui ne ressemblait en rien
    aux héros anglais classiques
  • 0:57 - 0:59
    que l'on voyait dans nos livres scolaires.
  • 0:59 - 1:01
    Et si « D'où venez-vous ? »
  • 1:01 - 1:02
    veut dire : « Où payez-vous vos impôts ?
  • 1:02 - 1:05
    Où voyez-vous votre médecin et votre dentiste ? »
  • 1:05 - 1:07
    alors je viens avant tout des États-Unis,
  • 1:07 - 1:10
    et ça depuis 48 ans maintenant,
  • 1:10 - 1:12
    depuis ma petite enfance.
  • 1:12 - 1:14
    Sauf que pendant nombre de ces années,
  • 1:14 - 1:16
    j'ai dû emporter partout avec moi
    cette drôle de petite carte rose
  • 1:16 - 1:18
    avec des lignes vertes
    en travers de mon visage
  • 1:18 - 1:21
    qui m'identifiaient comme un étranger résident.
  • 1:21 - 1:25
    D'ailleurs, effectivement, plus je vis ici
    plus je me sens étranger.
  • 1:25 - 1:27
    (Rires)
  • 1:27 - 1:29
    Et si « D'où venez-vous ? »
  • 1:29 - 1:32
    veut dire : « Quel est le lieu qui est
    le plus profondément ancré en vous
  • 1:32 - 1:35
    et où essayez-vous de passer
    la plupart de votre temps ? »
  • 1:35 - 1:36
    alors je suis Japonais,
  • 1:36 - 1:38
    car je vis autant que je peux,
  • 1:38 - 1:41
    depuis 25 ans, au Japon.
  • 1:41 - 1:45
    Sauf que pendant toutes ces années,
    j'y ai vécu avec un visa de touriste
  • 1:45 - 1:47
    et je suis à peu près sûr que peu de Japonais
  • 1:47 - 1:50
    seraient prêts à me considérer
    comme l'un d'entre eux.
  • 1:50 - 1:53
    Et je dis tout cela seulement pour souligner
  • 1:53 - 1:56
    à quel point mes origines sont
  • 1:56 - 1:57
    démodées et simples,
  • 1:57 - 2:01
    parce que quand je vais
    à Hong Kong, à Sidney ou à Vancouver
  • 2:01 - 2:02
    la plupart des enfants que je rencontre
  • 2:02 - 2:06
    sont bien plus internationaux
    et multiculturels que moi.
  • 2:06 - 2:09
    Et ils ont un « chez soi »
    associé à leurs parents,
  • 2:09 - 2:12
    mais un autre associé à leur partenaire,
  • 2:12 - 2:16
    un troisième peut-être associé à l'endroit
    où il se trouvent être,
  • 2:16 - 2:18
    un quatrième associé à l'endroit
    où ils rêveraient d'être,
  • 2:18 - 2:21
    et beaucoup d'autres encore.
  • 2:21 - 2:24
    Et ils passeront toute leur vie
    à récolter des morceaux
  • 2:24 - 2:28
    de beaucoup d'endroits différents
    et à les rassembler
  • 2:28 - 2:30
    en un tout semblable à un vitrail.
  • 2:30 - 2:33
    Leur « chez soi » est un projet en cours.
  • 2:33 - 2:35
    C'est comme un projet
    dans lequel ils ajoutent constamment
  • 2:35 - 2:39
    des mises à jour, des améliorations
    et des corrections.
  • 2:39 - 2:40
    Et pour de plus en plus d'entre nous,
  • 2:40 - 2:45
    le « chez soi », en fait, a moins à voir
    avec un bout de terrain
  • 2:45 - 2:48
    que, disons, avec un bout d'âme.
  • 2:48 - 2:50
    Si quelqu'un me demande soudainement :
    « Où es-tu chez toi ? »
  • 2:50 - 2:53
    Je pense à mon amoureuse
    ou à mes amis les plus proches
  • 2:53 - 2:57
    ou aux chansons qui voyagent avec moi
    partout où je me trouve.
  • 2:57 - 2:59
    Et j'avais toujours ressenti ça ainsi,
  • 2:59 - 3:02
    mais je m'en suis vraiment rendu compte
  • 3:02 - 3:05
    il y a quelques années
    alors que je montais les escaliers
  • 3:05 - 3:07
    dans la maison
    de mes parents en Californie,
  • 3:07 - 3:10
    et que j'ai regardé
    par les fenêtres du salon
  • 3:10 - 3:15
    et que j'ai vu que nous étions encerclés
    par des flammes de 20 mètres de haut,
  • 3:15 - 3:18
    un de ces feux de forêt
    qui se déclenchent régulièrement
  • 3:18 - 3:22
    dans les collines de Californie
    et dans bien d'autres endroits similaires.
  • 3:22 - 3:25
    Et trois heures plus tard,
    ce feu avait réduit en cendres
  • 3:25 - 3:27
    ma maison et la moindre chose
    qui se trouvait l'intérieur
  • 3:27 - 3:30
    sauf moi.
  • 3:30 - 3:33
    Et quand je me suis réveillé
    le lendemain matin,
  • 3:33 - 3:35
    je dormais par terre chez un ami,
  • 3:35 - 3:37
    la seule chose que je possédais au monde
    était une brosse à dents
  • 3:37 - 3:40
    que je venais d'acheter dans un supermarché
    ouvert toute la nuit.
  • 3:40 - 3:42
    Bien sûr, si quelqu'un m'avait demandé
    à ce moment-là
  • 3:42 - 3:43
    « Où est ta maison ? »
  • 3:43 - 3:47
    je n'aurais pas pu lui montrer
    un bâtiment physique.
  • 3:47 - 3:52
    Ma maison aurait été ce que je portais
    à l'intérieur de moi-même.
  • 3:52 - 3:56
    Et à de nombreux égards, je crois
    que c'est une libération extraordinaire.
  • 3:56 - 3:58
    Car quand mes grands-parents sont nés,
  • 3:58 - 4:00
    le sentiment de ce qui était
    leur « chez soi »,
  • 4:00 - 4:04
    leur sentiment d'appartenance
    à une communauté, ou même d'inimitiés,
  • 4:04 - 4:06
    était plus ou moins
    prédéfini à leur naissance,
  • 4:06 - 4:09
    et ils n'avaient pas beaucoup
    de chances d'en sortir.
  • 4:09 - 4:13
    Et de nos jours, au moins certains d'entre nous
    peuvent choisir où ils se sentent chez eux,
  • 4:13 - 4:15
    créer leur sentiment d'appartenance
    à une communauté,
  • 4:15 - 4:18
    façonner leur propre identité,
    et en faisant ça
  • 4:18 - 4:20
    peut-être aller un peu au-delà
  • 4:20 - 4:22
    de certaines divisions manichéennes
  • 4:22 - 4:24
    de l'époque de nos grands-parents.
  • 4:24 - 4:26
    Ce n'est pas une coïncidence
    que le président
  • 4:26 - 4:29
    de la nation la plus puissante de la planète
    soit à moitié Kenyan,
  • 4:29 - 4:30
    partiellement élevé en Indonésie,
  • 4:30 - 4:34
    et qu'il ait un beau-frère sino-canadien.
  • 4:34 - 4:37
    Le nombre de personnes vivant dans un pays
    qui n'est pas le leur
  • 4:37 - 4:42
    s'élève aujourd'hui à 220 millions,
  • 4:42 - 4:45
    et c'est un chiffre presque inimaginable,
  • 4:45 - 4:48
    mais ça veut dire que si vous prenez
    toute la population du Canada
  • 4:48 - 4:50
    et toute la population d'Australie
  • 4:50 - 4:53
    puis encore toute la population d'Australie
  • 4:53 - 4:55
    et encore toute la population du Canada
  • 4:55 - 4:57
    et que vous doublez ce chiffre,
  • 4:57 - 4:59
    vous auriez quand même moins de gens
    que ceux qui font partie
  • 4:59 - 5:01
    de cette immense tribu flottante.
  • 5:01 - 5:03
    Et le nombre d'entre nous
    qui vivent en-dehors
  • 5:03 - 5:07
    des catégories du vieil État-nation
    augmente tellement vite,
  • 5:07 - 5:11
    64 millions de plus rien que
    ces 12 dernières années,
  • 5:11 - 5:14
    que bientôt nous serons plus nombreux
    que la population américaine.
  • 5:14 - 5:19
    Nous représentons déjà la cinquième nation
    la plus grande au monde.
  • 5:19 - 5:22
    Et en fait, dans la plus grande ville
    du Canada, Toronto,
  • 5:22 - 5:26
    l'habitant moyen aujourd'hui est
    ce que l'on avait
    coutume d'appeler
  • 5:26 - 5:30
    un étranger, quelqu'un né dans un pays
    complètement différent.
  • 5:30 - 5:34
    Et j'ai toujours eu l'impression que la beauté
    d'être entouré par l'étranger
  • 5:34 - 5:35
    est ce qui vous réveille.
  • 5:35 - 5:38
    Vous ne pouvez rien tenir pour acquis.
  • 5:38 - 5:41
    Le voyage, pour moi,
    c'est un peu comme être amoureux,
  • 5:41 - 5:45
    car soudainement,
    tous vos sens sont activés.
  • 5:45 - 5:49
    Soudainement, vous prenez conscience des
    schémas secrets du monde.
  • 5:49 - 5:53
    Le seul véritable voyage,
    comme l'a dit Marcel Proust,
  • 5:53 - 5:56
    n'est pas d'aller voir de nouveaux paysages,
  • 5:56 - 5:58
    mais d'avoir d'autres yeux.
  • 5:58 - 6:00
    Et bien sûr, une fois
    que vous avez de nouveaux yeux,
  • 6:00 - 6:03
    même les vieux paysages,
    même votre maison
  • 6:03 - 6:05
    deviennent quelque chose de différent.
  • 6:05 - 6:08
    Beaucoup de gens parmi ceux qui vivent
    dans un pays qui n'est pas le leur
  • 6:08 - 6:11
    sont des réfugiés qui n'ont jamais
    voulu quitter leur maison,
  • 6:11 - 6:14
    et qui brûlent d'envie de rentrer chez eux.
  • 6:14 - 6:16
    Mais pour les chanceux parmi nous,
  • 6:16 - 6:20
    je crois que l'ère de la mobilité
    nous apporte de nouvelles possibilités exaltantes.
  • 6:20 - 6:21
    Assurément, quand je voyage,
  • 6:21 - 6:23
    surtout dans les grandes villes du monde,
  • 6:23 - 6:26
    la personne type que
    je rencontre ces temps-ci
  • 6:26 - 6:30
    sera, disons, une jeune femme à moitié coréenne
    et à moitié allemande
  • 6:30 - 6:32
    qui vit à Paris.
  • 6:32 - 6:35
    Et dès qu'elle rencontre un jeune homme
  • 6:35 - 6:38
    moitié thaï, moitié canadien
    venu d’Édimbourg,
  • 6:38 - 6:41
    elle voit en lui un semblable.
  • 6:41 - 6:45
    Elle réalise qu'elle a sans doute bien plus
    de choses en commun avec lui
  • 6:45 - 6:48
    qu'avec quelqu'un qui serait complètement
    coréen ou complètement allemand.
  • 6:48 - 6:51
    Donc ils deviennent amis.
    Ils tombent amoureux.
  • 6:51 - 6:53
    Ils s'installent à New York City.
  • 6:53 - 6:56
    (Rires)
  • 6:56 - 6:57
    Ou à Édimbourg.
  • 6:57 - 7:00
    Et la petite fille qui naît de leur union
  • 7:00 - 7:02
    bien sûr ne sera ni coréenne,
    ni allemande,
  • 7:02 - 7:05
    ni française, ni thaï,
    ni écossaise, ni canadienne,
  • 7:05 - 7:07
    ni même américaine, mais un merveilleux
  • 7:07 - 7:11
    mélange en perpétuelle évolution
    de tous ces endroits.
  • 7:11 - 7:14
    Et potentiellement, tout dans la manière
  • 7:14 - 7:17
    dont cette jeune femme rêve du monde,
  • 7:17 - 7:20
    écrit sur le monde, pense du monde,
  • 7:20 - 7:22
    pourrait être quelque chose de différent,
  • 7:22 - 7:25
    parce que c'est issu de ce mélange des cultures
  • 7:25 - 7:27
    presque sans précédent.
  • 7:27 - 7:30
    L'endroit d'où vous venez est aujourd'hui
    bien moins important
  • 7:30 - 7:32
    que celui où vous allez.
  • 7:32 - 7:34
    De plus en plus d'entre nous
    ont leurs racines dans le futur
  • 7:34 - 7:37
    ou dans le présent autant que dans le passé.
  • 7:37 - 7:40
    Et nous savons qu'être chez soi,
    ce n'est pas seulement
  • 7:40 - 7:42
    être là où, par hasard, vous êtes né.
  • 7:42 - 7:46
    C'est être là où vous devenez vous-même.
  • 7:46 - 7:49
    Et cependant,
  • 7:49 - 7:52
    il y a un énorme problème avec le mouvement,
  • 7:52 - 7:55
    et c'est qu'il est vraiment difficile
    de trouver ses repères
  • 7:55 - 7:56
    quand on est en plein ciel.
  • 7:56 - 8:00
    Il y a quelques années,
    j'ai remarqué que j'avais accumulé
  • 8:00 - 8:03
    un million de miles rien que chez United Airlines.
  • 8:03 - 8:05
    Vous connaissez tous ce système fou,
  • 8:05 - 8:09
    passez six jours en enfer,
    et le septième est gratuit.
  • 8:09 - 8:12
    (Rires)
  • 8:12 - 8:15
    Et j'ai commencé à penser que vraiment,
  • 8:15 - 8:18
    le mouvement ne vaut que le sentiment de calme
  • 8:18 - 8:22
    que vous pouvez y apporter
    pour le mettre en perspective.
  • 8:22 - 8:25
    Et huit mois après l'incendie de ma maison,
  • 8:25 - 8:27
    j'ai rencontré par hasard un ami
    qui enseignait dans un lycée du coin,
  • 8:27 - 8:31
    et il m'a dit : « J'ai l'endroit parfait pour toi. »
  • 8:31 - 8:33
    J'ai répondu : « Vraiment ? »
    Je suis toujours un peu sceptique
  • 8:33 - 8:34
    quand des gens me disent
    des choses comme ça.
  • 8:34 - 8:36
    « Non, sérieusement », a-t-il continué,
  • 8:36 - 8:38
    « c'est seulement
    à trois heures d'ici en voiture,
  • 8:38 - 8:39
    et ce n'est pas très cher,
  • 8:39 - 8:43
    et ça ne ressemble sans doute à
    aucun des endroits où tu as vécu auparavant. »
  • 8:43 - 8:47
    « Hmm. » Je commençais à être légèrement intrigué.
    « Qu'est-ce que c'est ? »
  • 8:47 - 8:50
    « Eh bien -- » Là mon ami
    a commencé à bafouiller --
  • 8:50 - 8:53
    « Eh bien en fait,
    c'est un ermitage catholique. »
  • 8:53 - 8:55
    C'était la mauvaise réponse.
  • 8:55 - 8:58
    J'avais passé 15 ans
    dans des écoles anglicanes,
  • 8:58 - 9:03
    donc j'avais eu assez d'hymnes et de croix
    pour une vie entière.
  • 9:03 - 9:05
    Pour plusieurs vies, en réalité.
  • 9:05 - 9:07
    Mais mon ami m'a assuré
    qu'il n'était pas catholique,
  • 9:07 - 9:09
    pas plus que la majorité de ses étudiants,
  • 9:09 - 9:12
    mais qu'il y emmenait
    ses classes chaque printemps.
  • 9:12 - 9:16
    Et d'après lui,
    même le garçon Californien de 15 ans
  • 9:16 - 9:20
    le plus agité, distrait, rempli de testostérone
  • 9:20 - 9:24
    n'avait qu'à passer trois jours en silence
  • 9:24 - 9:28
    et quelque chose en lui
    se calmait et se libérait.
  • 9:28 - 9:30
    Il se trouvait lui-même.
  • 9:30 - 9:33
    Et j'ai pensé : « Quelque chose
    qui fonctionne pour un garçon de 15 ans
  • 9:33 - 9:34
    devrait fonctionner pour moi. »
  • 9:34 - 9:38
    Je suis donc monté en voiture,
    et j'ai conduit trois heures vers le nord
  • 9:38 - 9:39
    le long de la côte,
  • 9:39 - 9:42
    et les routes sont devenues de plus en plus vides
    et de plus en plus étroites,
  • 9:42 - 9:45
    et puis j'ai tourné
    dans un chemin encore plus étroit,
  • 9:45 - 9:48
    à peine pavé, qui serpentait
    pendant trois kilomètres
  • 9:48 - 9:51
    jusqu'au sommet d'une montagne.
  • 9:51 - 9:54
    Et quand je suis sorti de ma voiture,
  • 9:54 - 9:56
    le vent soufflait.
  • 9:56 - 9:58
    L'endroit était absolument silencieux,
  • 9:58 - 10:01
    mais le silence n'était pas
    une absence de bruit.
  • 10:01 - 10:05
    C'était plutôt une présence
    d'une sorte d'énergie ou d'accélération.
  • 10:05 - 10:09
    Et à mes pieds il y avait
    la surface immense, calme et bleue
  • 10:09 - 10:11
    de l'Océan Pacifique.
  • 10:11 - 10:16
    Tout autour de moi, il y avait
    300 hectares d'arbustes secs et sauvages.
  • 10:16 - 10:18
    Et je suis allé dans la pièce
    où je devais dormir.
  • 10:18 - 10:20
    Petite, mais extrêmement confortable,
  • 10:20 - 10:22
    il y avait un lit et une chaise à balance
  • 10:22 - 10:26
    et un long bureau,
    et une baie vitrée encore plus longue
  • 10:26 - 10:30
    donnant sur un petit jardin privé
    entouré de murs,
  • 10:30 - 10:33
    et derrière plus de 300 mètres
    d'herbe de la pampa dorée
  • 10:33 - 10:36
    courant jusqu'à la mer.
  • 10:36 - 10:39
    Et je me suis assis,
    et j'ai commencé à écrire,
  • 10:39 - 10:41
    et j'ai écrit, et écrit,
  • 10:41 - 10:44
    alors que j'étais venu
    en fait pour fuir mon bureau.
  • 10:44 - 10:49
    Et quand je me suis levé,
    il s'était passé 4 heures.
  • 10:49 - 10:51
    La nuit était tombée,
  • 10:51 - 10:56
    et je suis sortie sous
    cette immense salière renversée pleine d'étoiles
  • 10:56 - 10:58
    et je pouvais voir les feux de voitures
  • 10:58 - 11:02
    disparaissant derrière
    les caps 20 kilomètres au sud.
  • 11:02 - 11:06
    Et j'avais vraiment l'impression
    que mes soucis du jour précédent
  • 11:06 - 11:08
    étaient en train de disparaître.
  • 11:08 - 11:10
    Et le jour suivant,
    quand je me suis réveillé,
  • 11:10 - 11:13
    en l'absence de téléphones,
    de télévisions et d'ordinateurs portables,
  • 11:13 - 11:17
    les jours semblaient s'étirer
    et durer mille heures.
  • 11:17 - 11:21
    C'était vraiment toute la liberté
    que je connais quand je voyage,
  • 11:21 - 11:26
    mais ça me donnait aussi profondément
    l'impression de rentrer chez moi.
  • 11:26 - 11:27
    Et je ne suis pas religieux,
  • 11:27 - 11:29
    donc je ne suis pas allé aux offices.
  • 11:29 - 11:31
    Je n'ai pas consulté les moines
    pour leur demander conseil.
  • 11:31 - 11:34
    Je me suis juste promené
    le long de la route du monastère
  • 11:34 - 11:36
    et j'ai envoyé des cartes postales
    à ceux que j'aime.
  • 11:36 - 11:38
    J'ai regardé les nuages,
  • 11:38 - 11:43
    et j'ai fait ce qui d'habitude est pour moi
    le plus difficile à faire,
  • 11:43 - 11:45
    c'est-à-dire rien du tout.
  • 11:45 - 11:47
    Et j'ai commencé à revenir à cet endroit,
  • 11:47 - 11:51
    et j'ai remarqué que j'y faisais
    mon travail le plus important
  • 11:51 - 11:54
    de manière invisible,
    rien qu'en restant calmement assis,
  • 11:54 - 11:58
    et j'ai certainement pris
    mes décisions les plus critiques
  • 11:58 - 12:00
    comme je ne pouvais jamais
    le faire quand je courais
  • 12:00 - 12:02
    entre mon dernier e-mail
    et mon prochain rendez-vous.
  • 12:02 - 12:05
    Et j'ai commencé à penser
    que quelque chose en moi
  • 12:05 - 12:07
    avait vraiment eu besoin de calme,
  • 12:07 - 12:08
    mais bien sûr je n'avais pas pu l'entendre,
  • 12:08 - 12:10
    puisque je courais dans tous les sens.
  • 12:10 - 12:13
    J'étais comme un fou
    qui se met un bandeau sur les yeux
  • 12:13 - 12:16
    et se plaint ensuite de ne rien voir.
  • 12:16 - 12:19
    Et je me suis souvenu
    de cette magnifique citation
  • 12:19 - 12:21
    que j'avais apprise enfant, de Sénèque,
  • 12:21 - 12:25
    dans laquelle il dit : « L'homme pauvre,
  • 12:25 - 12:30
    ce n'est pas celui qui n'a rien,
    c'est celui qui désire plus. »
  • 12:30 - 12:32
    Et bien sûr, je ne suis pas
    en train de suggérer
  • 12:32 - 12:34
    que vous alliez dans un monastère.
  • 12:34 - 12:36
    Ce n'est pas la question.
  • 12:36 - 12:39
    Mais je crois vraiment que c'est seulement
    en arrêtant le mouvement
  • 12:39 - 12:42
    que l'on peut définir une direction.
  • 12:42 - 12:45
    Et c'est seulement
    en sortant de sa vie et du monde
  • 12:45 - 12:49
    que l'on peut voir ce que l'on chérit le plus
  • 12:49 - 12:51
    et trouver un « chez soi ».
  • 12:51 - 12:53
    Et j'ai remarqué qu'aujourd'hui,
    beaucoup de gens
  • 12:53 - 12:56
    prennent des mesures conscientes
    pour rester assis calmement pendant 30 minutes
  • 12:56 - 12:59
    chaque matin, juste pour se détendre
  • 12:59 - 13:02
    dans un coin de la pièce
    sans sans leurs appareils,
  • 13:02 - 13:04
    ou vont courir chaque matin,
  • 13:04 - 13:06
    ou laissent leurs téléphones derrière eux
  • 13:06 - 13:09
    quand ils s'apprêtent à avoir
    une longue conversation avec un ami.
  • 13:09 - 13:13
    Le mouvement est un privilège fantastique,
  • 13:13 - 13:16
    et il nous permet de faire tant de choses
    que nos grands-parents
  • 13:16 - 13:18
    n'auraient jamais pu rêver de faire.
  • 13:18 - 13:20
    Mais le mouvement, finalement,
  • 13:20 - 13:25
    n'a de signification que
    si on a une maison où rentrer.
  • 13:25 - 13:27
    Et une maison, finalement,
    ce n'est bien sûr
  • 13:27 - 13:30
    pas seulement l'endroit où on dort.
  • 13:30 - 13:33
    C'est l'endroit où on est.
  • 13:33 - 13:34
    Merci.
  • 13:34 - 13:40
    (Applaudissements)
Title:
Pico Iyer: C'est où, " chez soi " ?
Speaker:
Pico Iyer
Description:

De plus en plus de gens dans le monde vivent dans des pays qui ne sont pas les leurs. L'écrivain Pico Iyer -- qui a lui-même trois ou quatre « origines » -- médite sur ce que signifie être chez soi, sur la joie de voyager et la sérénité de rester immobile.

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English
Team:
closed TED
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TEDTalks
Duration:
14:01
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  • Beau travail! Une jolie finesse dans la traduction, très peu de corrections.

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