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Vivre une vie pleine de sens : rencontre avec une légende du divertissement

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    Eric Hirshberg : Je pense que
    Norman n'a pas besoin de présentation,
  • 0:04 - 0:06
    mais le public de TED est mondial
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    et diversifié,
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    on m'a demandé
    de commencer avec sa biographie,
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    ce qui pourrait facilement
    prendre 18 minutes.
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    Nous couvrirons plutôt 93 années
    en 93 secondes, ou moins.
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    (Rires)
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    Vous êtes né
    dans le New Hampshire.
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    Norman Lear : New Haven,
    dans le Connecticut. EH : New Haven.
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    (Rires)
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    NL : On a perdu 7 secondes !
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    EH : Quel succès !
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    (Rires)
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    New Haven dans le Connecticut.
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    Votre père était un escroc ;
    je ne me trompe pas.
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    Il a été emprisonné
    alors que vous aviez 9 ans.
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    Vous avez effectué 52 missions comme
    pilote durant la Seconde Guerre Mondiale,
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    EH : Vous êtes revenu...
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    NL : Opérateur radio.
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    EH : Vous êtes venu à L.A.
    pour percer à Hollywood
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    dans la publicité, puis à la télévision.
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    Vous n'avez aucune formation d'écrivain,
  • 0:51 - 0:53
    mais avez fait votre chemin.
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    Vous avez percé
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    avec la série « En famille ».
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    A alors suivi une série de succès
    qui, à ce jour,
  • 0:59 - 1:01
    reste inégalée à Hollywood :
  • 1:01 - 1:03
    « Sanford and Son », « Maude »,
    « Good Times »,
  • 1:03 - 1:05
    « Jeffersons », « One Day at a Time »,
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    « Mary Hartman »,
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    pour n'en citer que quelques-uns...
  • 1:08 - 1:10
    Non seulement elles ont du succès
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    (Applaudissements)
  • 1:14 - 1:17
    Non seulement elles ont eu du succès,
  • 1:17 - 1:19
    mais plusieurs ont fait
    évoluer notre culture
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    en donnant à des individus
    sous-représentés
  • 1:21 - 1:23
    une voix pour la première fois.
  • 1:23 - 1:27
    7 de vos émissions étaient
    dans le Top 10 en même temps.
  • 1:27 - 1:28
    A un certain moment,
  • 1:28 - 1:32
    un public de 120 millions
    de personnes chaque semaine
  • 1:32 - 1:33
    regardait vos émissions.
  • 1:33 - 1:35
    C'est plus que pour le Super Bowl 50,
  • 1:35 - 1:36
    diffusé qu'une fois l'an.
  • 1:36 - 1:38
    NL : Oh, putain !
  • 1:38 - 1:39
    (Rires)
  • 1:39 - 1:42
    (Applaudissements)
  • 1:42 - 1:44
    EH : On n'en est même pas
    à la meilleure partie !
  • 1:44 - 1:45
    (Rires)
  • 1:45 - 1:48
    Vous êtes sur la liste
    des ennemis de Richard Nixon --
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    oui, il en avait une.
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    Ça vaut des applaudissements, aussi !
  • 1:52 - 1:53
    (Applaudissements)
  • 1:53 - 1:57
    Vous êtes admis au TV Hall of Fame
    dès sa création.
  • 1:57 - 1:58
    Et puis sont venus les films :
  • 1:58 - 2:00
    « Beignets de tomates vertes »,
  • 2:00 - 2:02
    « Princess Bride », « Stand by Me »,
  • 2:02 - 2:03
    « Spinal Tap ».
  • 2:03 - 2:04
    (Applaudissements)
  • 2:04 - 2:06
    ce n'est qu'une partie...
  • 2:06 - 2:07
    (Applaudissements)
  • 2:07 - 2:09
    Vous faites ensuite table rase,
  • 2:09 - 2:13
    vous devenez activiste politique,
    défenseur du Premier Amendement,
  • 2:13 - 2:15
    la séparation de l'Église et de l'État.
  • 2:15 - 2:16
    Vous créez
    People For The American Way,
  • 2:16 - 2:20
    vous achetez la Déclaration d'indépendance
    et la redonnez au peuple.
  • 2:20 - 2:22
    Vous vous impliquez
    en politique et divertissement,
  • 2:22 - 2:24
    jusqu'à l'âge de 93 ans,
  • 2:24 - 2:25
    puis vous écrivez un livre
  • 2:25 - 2:27
    et faites un documentaire sur votre vie.
  • 2:27 - 2:28
    Après tout cela,
  • 2:28 - 2:31
    il semble que vous soyez fin prêt
    pour une conférence TED.
  • 2:31 - 2:33
    (Rires)
  • 2:33 - 2:37
    (Applaudissements)
  • 2:37 - 2:39
    NL : Je suis si heureux d'être ici.
  • 2:39 - 2:42
    Et je vous aime pour avoir accepté
    de vous prêter au jeu.
  • 2:42 - 2:44
    EH : Merci à vous.
    C'est un honneur.
  • 2:44 - 2:46
    Alors, voici ma première question :
  • 2:46 - 2:48
    Votre mère était-elle fière de vous ?
  • 2:48 - 2:50
    (Rires)
  • 2:50 - 2:51
    NL : Ma mère...
  • 2:51 - 2:55
    Quelle drôle de façon de débuter !
  • 2:55 - 2:57
    Comment expliquer ?
  • 2:57 - 2:59
    Quand je suis revenu de la guerre,
  • 2:59 - 3:04
    ma mère m'a montré les lettres
    que je lui avais envoyées de l'étranger
  • 3:04 - 3:10
    et c'étaient
    de véritables lettres d'amour.
  • 3:10 - 3:12
    (Rires)
  • 3:12 - 3:14
    Ça résume bien ma mère.
  • 3:14 - 3:15
    Des lettres d'amour,
  • 3:15 - 3:17
    comme s'il...
  • 3:17 - 3:21
    s'agissait de lettres d'amour.
  • 3:21 - 3:26
    Un an plus tard, j'ai demandé à ma mère
    si je pouvais les récupérer,
  • 3:26 - 3:30
    car je voulais les conserver indéfiniment
  • 3:30 - 3:32
    et elle les avait jetées.
  • 3:32 - 3:37
    (Rires)
  • 3:37 - 3:38
    C'est ma mère.
  • 3:38 - 3:41
    (Rires)
  • 3:41 - 3:47
    La meilleure manière d'expliquer
    ces dernières années,
  • 3:47 - 3:50
    plus récemment en fait,
  • 3:50 - 3:51
    il y a quelques années,
  • 3:51 - 3:55
    avec le Hall of Fame.
  • 3:55 - 3:56
    C'était un dimanche matin,
  • 3:56 - 4:02
    quand le directeur de l'Académie
    de la Télé m'a appelé.
  • 4:02 - 4:05
    Il m'a dit qu'ils avaient eu une réunion
  • 4:05 - 4:09
    et il m'a annoncé confidentiellement
    la création du Hall of Fame
  • 4:09 - 4:15
    et il m'a donné le nom des membres.
  • 4:15 - 4:19
    J'allais dire « Richard Nixon »,
    parce que Richard Nixon...
  • 4:19 - 4:21
    EH : Je ne crois pas qu'il y était.
  • 4:21 - 4:23
    NL : William Paley, qui fonda CBS,
  • 4:23 - 4:27
    David Sarnoff, qui fonda NBC,
  • 4:27 - 4:28
    Edward R. Murrow,
  • 4:28 - 4:32
    le meilleur de tous
    les correspondants étrangers,
  • 4:32 - 4:33
    Paddy Chayefsky,
  • 4:33 - 4:36
    à mon sens le meilleur auteur
    du monde de la télévision,
  • 4:36 - 4:38
    Milton Berle, Lucille Ball et moi.
  • 4:38 - 4:40
    EH : Pas mal.
  • 4:40 - 4:43
    NL : J'appelle ma mère
    à Hartford, dans le Connecticut :
  • 4:43 - 4:45
    « Maman, voici ce qui m'arrive,
  • 4:45 - 4:47
    ils vont créer un Hall of Fame. »
  • 4:47 - 4:49
    Je lui ai énuméré les noms,
    puis le mien, elle a dit :
  • 4:49 - 4:53
    « Si c'est ce qu'ils veulent faire,
    qui suis-je pour les en empêcher ? »
  • 4:53 - 4:55
    (Rires)
  • 4:55 - 4:59
    (Applaudissements)
  • 4:59 - 4:59
    Ça, c'est ma mère.
  • 4:59 - 5:02
    Je crois que les gens rigolent
  • 5:02 - 5:04
    car nous avons tous un peu
    de cette mère.
  • 5:04 - 5:05
    (Rires)
  • 5:05 - 5:09
    EH : Et la maman juive
    des sitcoms est née ici !
  • 5:09 - 5:13
    Votre père a aussi joué
    un rôle important dans votre vie,
  • 5:13 - 5:15
    surtout par son absence.
  • 5:15 - 5:16
    NL : Oui.
  • 5:16 - 5:19
    EH : Racontez-nous ce qui s'est produit
    lorsque vous aviez 9 ans.
  • 5:19 - 5:23
    NL : Il était dans un avion
    en route vers l'Oklahoma,
  • 5:23 - 5:26
    avec trois types
    que ma mère n'aimait pas,
  • 5:26 - 5:30
    elle lui avait dit : « Ne traîne pas
    avec eux, je ne leur fais pas confiance. »
  • 5:30 - 5:32
    C'est à ce moment que j'ai entendu,
  • 5:32 - 5:34
    mais pas pour la première fois :
  • 5:34 - 5:35
    « Tais-toi, Jeannette,
  • 5:35 - 5:37
    j'y vais et c'est tout. »
  • 5:37 - 5:38
    Et il est allé.
  • 5:38 - 5:42
    Il s'est avéré qu'il allait chercher
  • 5:42 - 5:43
    des obligations contrefaites,
  • 5:43 - 5:48
    qu'ils allaient vendre
    de l'autre côté du pays.
  • 5:48 - 5:51
    Parce qu'il voyageait
    vers l'Oklahoma en avion,
  • 5:51 - 5:55
    il devait me rapporter
    un chapeau de cowboy,
  • 5:55 - 6:02
    comme celui de Ken Maynard,
    mon cowboy préféré.
  • 6:02 - 6:07
    Vous savez, c'était peu de temps après
    la traversée de Lindbergh.
  • 6:07 - 6:11
    Les avions... c'était exotique
    que mon père parte là-bas.
  • 6:11 - 6:12
    Mais lorsqu'il est revenu,
  • 6:12 - 6:15
    il a été arrêté à sa descente de l'avion.
  • 6:15 - 6:19
    Ce soir-là, il y avait des journaux
    partout dans la maison,
  • 6:19 - 6:22
    on voyait mon père cachant
    son visage avec le chapeau,
  • 6:22 - 6:24
    menotté à un policier.
  • 6:24 - 6:28
    Ma mère vendait tous les meubles,
    car nous partions.
  • 6:28 - 6:31
    Elle avait trop honte,
    elle ne voulait pas rester là,
  • 6:31 - 6:35
    à Chelsea, dans le Massachusetts.
  • 6:35 - 6:39
    Elle vendait les meubles,
  • 6:39 - 6:41
    la maison était pleine de monde.
  • 6:41 - 6:43
    Et au milieu de tout cela,
  • 6:43 - 6:49
    un imbécile m'a dit
    en me touchant l'épaule :
  • 6:49 - 6:53
    « Voilà, c'est toi, l'homme
    de la maison maintenant. »
  • 6:53 - 6:57
    Je suis en larmes et voilà
    que ce crétin me dit :
  • 6:57 - 7:00
    « C'est toi, l'homme
    de la maison maintenant ».
  • 7:00 - 7:03
    Et je crois que c'est à ce moment précis
  • 7:03 - 7:05
    que j'ai commencé à comprendre
  • 7:05 - 7:08
    la stupidité de la condition humaine.
  • 7:08 - 7:11
    Donc...
  • 7:11 - 7:13
    Cela m'a pris des années
    pour pouvoir y repenser
  • 7:13 - 7:16
    comme étant une expérience bénéfique.
  • 7:16 - 7:17
    Mais...
  • 7:17 - 7:20
    EH : C'est intéressant que vous en parliez
    comme d'un bienfait.
  • 7:20 - 7:23
    NL : Un bienfait dans le sens
    que ça m'a donné un élan.
  • 7:23 - 7:25
    Que je fus en mesure de réaliser
  • 7:25 - 7:28
    à quel point c'est idiot de dire
  • 7:28 - 7:30
    à un enfant de 9 ans en pleurs :
  • 7:30 - 7:32
    « Maintenant, c'est toi,
    l'homme de la maison »
  • 7:32 - 7:35
    Et j'étais là à pleurer,
    et il ajouta :
  • 7:35 - 7:38
    « L'homme de la maison ne pleure pas. »
  • 7:38 - 7:39
    Et je...
  • 7:39 - 7:41
    (Rires)
  • 7:41 - 7:45
    Alors...
  • 7:45 - 7:46
    Quand j'y repense, je me dis
  • 7:46 - 7:48
    que c'est à ce moment-là que j'ai compris
  • 7:48 - 7:50
    la stupidité de la condition humaine
  • 7:50 - 7:54
    et cette compréhension est un atout
    que j'ai toujours utilisé depuis.
  • 7:54 - 7:57
    EH : Donc, vous avez un père absent
  • 7:57 - 7:59
    et une mère que rien ne semble satisfaire,
  • 7:59 - 8:02
    croyez-vous que le fait
    que vous ayez été un enfant
  • 8:02 - 8:05
    qui ne s'est jamais senti écouté,
  • 8:05 - 8:07
    vous ait lancé sur une voie,
  • 8:07 - 8:09
    menant à une vie d'adulte
  • 8:09 - 8:12
    avec une audience
    de 120 millions de personnes ?
  • 8:12 - 8:15
    NL : J'adore la tournure
    de votre question.
  • 8:15 - 8:16
    Je crois que oui,
  • 8:16 - 8:20
    j'ai passé ma vie à chercher,
  • 8:20 - 8:25
    à être entendu.
  • 8:25 - 8:29
    Je crois...
  • 8:29 - 8:31
    En un mot : oui.
  • 8:31 - 8:34
    C'est bien ce qui a tout déclenché,
  • 8:34 - 8:36
    bien qu'il y ait eu d'autres trucs aussi.
  • 8:36 - 8:39
    Lorsque mon père était absent,
  • 8:39 - 8:42
    je m'amusais avec
    un récepteur radio à cristaux
  • 8:42 - 8:45
    que nous avions assemblé
    tous les deux,
  • 8:45 - 8:47
    et j'ai intercepté un signal
  • 8:47 - 8:50
    qui s'est avéré être
    celui du Père Coughlin.
  • 8:50 - 8:53
    (Rires)
  • 8:53 - 8:55
    Oui, au moins une personne a ri.
  • 8:55 - 8:56
    (Rires)
  • 8:56 - 8:57
    Mais ce n'est pas rigolo,
  • 8:57 - 9:00
    c'était un autre imbécile,
  • 9:00 - 9:03
    qui ne se gênait pas pour dire
    qu'il haïssait le New Deal,
  • 9:03 - 9:05
    Roosevelt et les Juifs.
  • 9:06 - 9:10
    Et c'était la première fois
    que j'étais confronté à l'idée
  • 9:10 - 9:13
    que certaines personnes
    dans ce monde me détestaient,
  • 9:13 - 9:17
    simplement parce que
    mes parents étaient juifs.
  • 9:17 - 9:20
    Ça a eu une influence
    significative dans ma vie.
  • 9:20 - 9:22
    EH : Donc, dans votre enfance,
  • 9:22 - 9:25
    il y avait peu de références
    masculines solides,
  • 9:25 - 9:27
    à l'exception de votre grand-père.
  • 9:27 - 9:29
    Parlez-nous de lui.
  • 9:29 - 9:31
    NL : Oh, mon grand-père.
  • 9:31 - 9:38
    Voici comment j'ai toujours parlé
    de mon grand-père.
  • 9:38 - 9:41
    Il y avait des parades, beaucoup
    de défilés lorsque j'étais enfant :
  • 9:41 - 9:45
    pour le Jour des anciens combattants, mais
    il n'y avait pas de Jour des présidents.
  • 9:45 - 9:48
    Il y avait l'anniversaire
    d'Abraham Lincoln, de George Washington
  • 9:48 - 9:52
    et le Jour du drapeau...
  • 9:52 - 9:53
    Plein de petits défilés.
  • 9:53 - 9:56
    Mon grand-père avait l'habitude
    de m'y emmener.
  • 9:56 - 9:59
    Nous nous tenions sur le trottoir,
    il me prenait par la main
  • 9:59 - 10:01
    et, lorsque je levais les yeux vers lui,
  • 10:01 - 10:04
    je pouvais voir une larme
    couler sur sa joue.
  • 10:04 - 10:06
    Il était très important pour moi.
  • 10:06 - 10:12
    Et il avait l'habitude d'écrire
    des lettres au Président des États-Unis.
  • 10:12 - 10:14
    Chacune de ses lettres commençait par :
  • 10:14 - 10:17
    « Mon très cher Président adoré »
  • 10:17 - 10:22
    et il le complimentait sur quelque chose.
  • 10:22 - 10:24
    Même en désaccord avec
    le Président, il écrivait :
  • 10:24 - 10:26
    « Mon très cher Président adoré,
  • 10:26 - 10:28
    ne vous-ai je pas dit
    la semaine dernière... »
  • 10:28 - 10:32
    (Rires)
  • 10:32 - 10:34
    Parfois je courais en bas de l'escalier
  • 10:34 - 10:36
    pour aller chercher le courrier.
  • 10:36 - 10:38
    Nous habitions au 3ème étage,
  • 10:38 - 10:42
    au 74 York Street, à New Haven.
  • 10:42 - 10:45
    Je ramassais dans la boîte aux lettres
    une petite enveloppe blanche
  • 10:45 - 10:52
    adressée à « Shya C. ».
  • 10:52 - 10:55
    C'est l'histoire que j'ai toujours
    racontée pour parler de mon grand-père...
  • 10:55 - 10:57
    EH : Ils lui répondaient ?
  • 10:57 - 11:02
    NL : Oui, ils lui répondaient.
  • 11:02 - 11:05
    Je les ai moi-même montrées,
  • 11:05 - 11:09
    en remontant jusqu'à Phil Donahue
  • 11:09 - 11:11
    et plusieurs avant lui,
  • 11:11 - 11:14
    durant des dizaines d'interviews en fait,
  • 11:14 - 11:16
    au cours desquelles
    j'ai raconté cette histoire.
  • 11:16 - 11:19
    Et aujourd'hui c'est la 2ème fois
  • 11:19 - 11:24
    que j'avoue que toute cette histoire
    est en fait un mensonge.
  • 11:24 - 11:28
    La vérité est que mon grand-père
    m'a effectivement emmené voir les défilés,
  • 11:28 - 11:30
    beaucoup de défilés.
  • 11:30 - 11:33
    Il est également vrai
    qu'il a versé une larme.
  • 11:33 - 11:38
    La vérité, c'est qu'il écrivait
    une lettre de temps à autre
  • 11:38 - 11:41
    et j'ai effectivement ramassé
    les petites enveloppes blanches.
  • 11:41 - 11:44
    Mais, pour ce qui est du
    « Mon très cher président adoré, »
  • 11:44 - 11:47
    et tout le reste,
  • 11:47 - 11:51
    il s'agit en fait d'une histoire
    que j'ai empruntée à un bon ami,
  • 11:51 - 11:59
    dont le grand-père était véritablement
    l'auteur de ces lettres
  • 11:59 - 12:01
    et...
  • 12:01 - 12:05
    En réalité, j'ai volé le grand-père
    d'Arthur Marshall
  • 12:05 - 12:09
    et j'en ai fait le mien.
  • 12:09 - 12:10
    Toujours.
  • 12:10 - 12:13
    Lorsque j'ai entamé la rédaction
    de mon autobiographie --
  • 12:13 - 12:14
    « Even this -- »
  • 12:14 - 12:15
    Voyez-vous ça ?
  • 12:15 - 12:19
    « Even this I Get to Experience. »
  • 12:19 - 12:21
    Lorsque j'ai entamé la rédaction,
  • 12:21 - 12:23
    je me suis mis à y réfléchir,
  • 12:23 - 12:25
    alors j'ai --
  • 12:25 - 12:27
    j'ai...
  • 12:27 - 12:31
    j'en ai pleuré un bon coup.
  • 12:31 - 12:35
    Et je me suis rendu compte à quel point
    j'avais besoin d'un père.
  • 12:35 - 12:37
    J'en avais à ce point besoin,
  • 12:37 - 12:40
    que je me suis approprié
    le grand-père d'Arthur Marshall.
  • 12:40 - 12:43
    À tel point, que même le mot « père »...
  • 12:43 - 12:45
    en passant, j'ai six enfants.
  • 12:45 - 12:50
    Mon rôle favori dans la vie.
  • 12:50 - 12:56
    Père et mari de mon épouse Lyn.
  • 12:56 - 12:59
    Mais j'ai vraiment dérobé
    l'identité de cet homme
  • 12:59 - 13:02
    car j'avais besoin d'un père.
  • 13:02 - 13:05
    J'ai traversé des moments difficiles,
  • 13:05 - 13:07
    je me suis rendu à bon port
  • 13:07 - 13:09
    et j'ai pardonné à mon père,
  • 13:09 - 13:10
    la meilleure chose que je...
  • 13:10 - 13:12
    la pire chose que je...
  • 13:12 - 13:15
    À mon sens, le mot à employer
    pour parler et penser à lui est :
  • 13:15 - 13:17
    « canaille ».
  • 13:17 - 13:22
    Le fait qu'il ait menti, volé et escroqué
  • 13:22 - 13:26
    et qu'il soit allé en prison...
  • 13:26 - 13:30
    J'englobe tout ça
    dans le mot « canaille ».
  • 13:30 - 13:31
    EH : Il y a un adage qui dit :
  • 13:31 - 13:36
    « les amateurs empruntent,
    les professionnels volent ».
  • 13:36 - 13:37
    NL : Je suis un pro.
  • 13:37 - 13:39
    EH : Vous êtes un pro.
  • 13:39 - 13:40
    (Rires)
  • 13:40 - 13:43
    Et cette citation est souvent
    attribuée à John Lennon,
  • 13:43 - 13:45
    mais en réalité,
    il l'a volée à T.S. Eliot.
  • 13:45 - 13:47
    Vous êtes donc
    en bonne compagnie !
  • 13:47 - 13:51
    (Rires)
  • 13:51 - 13:53
    EH : Parlons maintenant de votre travail.
  • 13:53 - 13:55
    L'impact de vos œuvres
    a été amplement décrit,
  • 13:55 - 13:59
    vous en avez entendu parler,
    ce que ça représente pour les gens,
  • 13:59 - 14:01
    notre culture, vous avez
    entendu les applaudissements
  • 14:01 - 14:04
    lorsque j'ai nommé quelques-unes
    de vos émissions,
  • 14:04 - 14:08
    vous avez élevé
    près de la moitié du public.
  • 14:08 - 14:13
    Mais y a-t-il des histoires qui vous ont
    surpris, sur l'impact de votre travail ?
  • 14:13 - 14:15
    NH : Oh mon Dieu...
  • 14:15 - 14:21
    Des surprises et de l'enchantement
    sur toute la ligne.
  • 14:21 - 14:27
    Au cours de la dernière année,
    il y a eu une « Soirée avec Norman Lear »,
  • 14:27 - 14:36
    organisée par un groupe d'impresarios,
    d'artistes de hip-hop et par l'Académie.
  • 14:36 - 14:39
    Le sous-titre de
    « Soirée avec... » était :
  • 14:39 - 14:42
    Qu'est-ce qu'un vieux Juif de 92 ans,
  • 14:42 - 14:43
    - c'était mon âge -
  • 14:43 - 14:45
    et le monde du hip-hop
    ont en commun ?
  • 14:45 - 14:49
    Russell Simmons faisait partie
    des 7 artistes présents sur scène.
  • 14:49 - 14:53
    Quand il s'est mis à parler
    de mes émissions,
  • 14:53 - 14:58
    il ne parlait pas de Hollywood,
  • 14:58 - 15:02
    de George Jefferson
    dans « The Jeffersons »
  • 15:02 - 15:05
    ou de l'émission
    qui a fait partie du Top 5.
  • 15:05 - 15:13
    Il parlait plutôt d'une chose simple,
    mais qui a eu un gros...
  • 15:13 - 15:15
    EH : Une grosse influence sur lui ?
  • 15:15 - 15:16
    NL : Influence sur lui...
  • 15:16 - 15:20
    J'hésitais à utiliser
    le mot « changement ».
  • 15:20 - 15:22
    C'est difficile pour moi d'imaginer
  • 15:22 - 15:24
    que j'ai pu transformer
    la vie de quelqu'un,
  • 15:24 - 15:26
    mais c'est bien comme ça
    qu'il l'a exprimé.
  • 15:26 - 15:32
    Il a vu le personnage de George Jefferson
    signer un chèque dans « The Jeffersons »
  • 15:32 - 15:37
    et il n'aurait jamais pensé
    qu'un homme noir puisse signer un chèque.
  • 15:37 - 15:41
    Il a raconté à quel point ça a été
    significatif pour lui.
  • 15:41 - 15:45
    Ça a changé sa vie.
  • 15:45 - 15:48
    Lorsque j'entends des histoires
    comme celle-là,
  • 15:48 - 15:49
    de petites choses,
  • 15:49 - 15:52
    car je sais que tout le monde ici,
    dans cette salle,
  • 15:52 - 15:55
    a sans doute fait quelque chose
    pour quelqu'un d'autre aujourd'hui,
  • 15:55 - 16:04
    que ce soit un geste aussi banal
    qu'un sourire ou un « bonjour » inattendu.
  • 16:04 - 16:07
    C'est un détail comme celui-là
    dont il parlait.
  • 16:07 - 16:11
    Ça aurait pu être la costumière
    sur le plateau de tournage,
  • 16:11 - 16:13
    qui ait placé le carnet de chèques là
  • 16:13 - 16:16
    et George avait les mains libres
    pendant qu'il parlait...
  • 16:16 - 16:18
    je ne sais pas.
  • 16:18 - 16:20
    Mais...
  • 16:20 - 16:23
    EH : Je devrais ajouter sur la longue
    liste énumérée au début
  • 16:23 - 16:25
    que vous avez inventé le hip-hop.
  • 16:25 - 16:26
    (Rires)
  • 16:26 - 16:29
    NL : Bien...
  • 16:29 - 16:30
    EH : Je veux parler de...
  • 16:30 - 16:32
    NL : Alors, allez-y !
  • 16:32 - 16:38
    (Rires)
  • 16:38 - 16:40
    EH : Vous avez eu une vie
    pleine d'accomplissements,
  • 16:40 - 16:43
    mais vous avez également
    vécu une vie pleine de sens.
  • 16:43 - 16:45
    Nous cherchons tous à accomplir
    ces deux choses,
  • 16:45 - 16:48
    mais seulement certains
    d'entre nous y parviennent.
  • 16:48 - 16:51
    Et ceux d'entre nous qui y arrivent,
  • 16:51 - 16:53
    c'est souvent sans vraiment savoir
  • 16:53 - 16:55
    comment les accomplir ensemble.
  • 16:55 - 16:58
    Vous avez réussi à faire évoluer
    notre société
  • 16:58 - 17:00
    à travers votre art,
  • 17:00 - 17:04
    tout en cumulant des succès commerciaux
    qui battent des records.
  • 17:04 - 17:07
    Comment êtes-vous arrivé
    à faire ces deux choses-là ?
  • 17:12 - 17:17
    NL : Voici ce qui me traverse l'esprit
    lorsqu'on me récite
  • 17:17 - 17:19
    la liste de mes accomplissements.
  • 17:19 - 17:25
    Notre planète en est une
    parmi un milliard d'autres, semble-t-il,
  • 17:25 - 17:31
    dans un univers, lui aussi,
    qui n'est qu'un parmi des milliards...
  • 17:31 - 17:32
    Des milliards d'univers,
  • 17:32 - 17:34
    des milliards de planètes...
  • 17:36 - 17:39
    que nous tentons de sauver
  • 17:39 - 17:41
    et qui doit être sauvée.
  • 17:42 - 17:43
    Mais...
  • 17:44 - 17:46
    tout ce que j'ai pu accomplir
    dans ma vie est --
  • 17:49 - 17:53
    un jour, ma sœur m'a demandé
    quoi faire concernant un enjeu
  • 17:53 - 17:55
    dans sa ville de Newington
    dans le Connecticut.
  • 17:55 - 17:58
    Je lui ai dit : « Écris
    au conseil municipal ou au maire. »
  • 17:58 - 18:01
    Et elle m'a alors dit :
    « Je ne suis pas Norman Lear,
  • 18:01 - 18:02
    je ne suis que Claire Lear. »
  • 18:02 - 18:06
    C'est à ce moment-là que j'ai dit,
    pour la première fois :
  • 18:06 - 18:11
    « Claire, avec tout ce que tu crois
    que j'ai accompli
  • 18:11 - 18:12
    et tout ce que tu as accompli »,
  • 18:12 - 18:14
    elle n'a jamais quitté Newington,
  • 18:15 - 18:17
    « es-tu capable de réellement mesurer,
  • 18:17 - 18:19
    à l'échelle de notre planète
    et de l'univers entier,
  • 18:19 - 18:24
    la différence entre ce que moi j'ai fait
    et ce que toi tu as fait ? »
  • 18:24 - 18:25
    Donc...
  • 18:27 - 18:30
    Je suis persuadé que nous sommes
    tous responsables
  • 18:30 - 18:33
    pour avoir tous fait autant
    que ce que moi j'ai pu faire.
  • 18:35 - 18:37
    Je comprends ce que vous voulez dire...
  • 18:37 - 18:39
    EH : C'est une déviation bien raisonnée...
  • 18:39 - 18:42
    NL : Nous devons tous être conscients
    de la mesure et de la taille,
  • 18:42 - 18:45
    de l'univers de notre Créateur.
  • 18:45 - 18:48
    EH : Oui, mais ici, sur cette planète,
    vous avez fait une vraie différence.
  • 18:48 - 18:50
    NL : Je suis un salopard.
  • 18:50 - 18:51
    (Rires)
  • 18:51 - 18:55
    EH : J'ai une dernière question pour vous.
  • 18:55 - 18:57
    Vous avez l'impression d'avoir quel âge ?
  • 18:58 - 19:02
    NL : J'ai l'âge de la personne
    avec qui je parle.
  • 19:03 - 19:05
    EH : J'ai 93 ans !
  • 19:05 - 19:11
    (Applaudissements)
  • 19:11 - 19:12
    NL : On en a fini ?
  • 19:12 - 19:14
    EH : Donc, je me sens 93 ans
  • 19:14 - 19:16
    et j'espère un jour me sentir aussi jeune
  • 19:16 - 19:18
    que la personne assise en face de moi.
  • 19:18 - 19:21
    Mesdames et messieurs,
    l'incomparable Norman Lear.
  • 19:21 - 19:26
    (Applaudissements)
  • 19:26 - 19:28
    NL : Merci.
  • 19:28 - 19:30
    (Applaudissements)
Title:
Vivre une vie pleine de sens : rencontre avec une légende du divertissement
Speaker:
Norman Lear
Description:

Dans les années 1970, et les décennies suivantes, le producteur de télévision Norman Lear a touché le cœur de millions de téléspectateurs, avec ses émissions marquantes « En famille », « The Jeffersons » et « La Belle époque », repoussant les limites de son temps et donnant une voix à heure de grande écoute à des Américains sous-représentés dans les médias. Dans une conversation intelligente et intime avec Eric Hirshberg, Norman Lear raconte avec humilité et humour comment sa découverte hâtive de la « stupidité de la condition humaine » a transformé sa vie et sa vision créative.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
19:46

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