Duel d'éco : Études supérieures, signalisation ou développement de compétences ?

♪ (musique) ♪

DUEL D'ÉCO
TYLER COWEN CONTRE ALEX TABARROK

ÉTUDES SUPÉRIEURES : SIGNALISATION
OU DÉVELOPPEMENT DE COMPÉTENCES ?

[Tyler] Le bureau d'Alex
est juste à quelques pas du mien.

On tient un blog ensemble,

et on se dispute depuis 25 ans.

On a donc pensé
vous faire profiter de ces échanges.

On va parler des études supérieures.

Selon Alex,
c'est surtout une histoire de signal.

C'est-à-dire montrer au monde extérieur

le niveau sous-jacent de nos compétences.

Mais moi je pense que c'est
surtout une affaire d'apprentissage.

Alex, dis-nous un peu
à quel point tu te trompes.

[Alex] Tout d'abord, définissons
clairement ce dont nous parlons.

Il est évident que les gens
qui ont fait des études gagnent plus.

Leurs revenus sont supérieurs.
La question est : Pourquoi ?

Il y a trois visions principales.

La première : les gens qui vont
à l'université sont plus intelligents,

leur QI est plus élevé,
ils sont doués, ce genre de choses.

D'après cette idée,
si ces personnes n'avaient pas étudié,

elles gagneraient quand même plus
grâce à leurs aptitudes naturelles.

Le deuxième point de vue
est celui du capital humain.

Les gens apprennent vraiment
des choses à l'université,

et ça augmente leur productivité.

C'est la vision très optimiste de Tyler.

Oui, c'est la mienne.

Et enfin, on a le bon point de vue,

celui de la signalisation.

En allant à l'université,
on envoie un signal au marché du travail

selon lequel on a un QI
et des aptitudes plus élevés.

Mais si on n'a pas envoyé ce signal,
et si on n'a pas été à l'université,

notre revenu sera bien plus bas.

Il faut donc envoyer ce signal
pour obtenir un meilleur salaire.

C'est amusant, car les gens
qui croient cette théorie

l'ont apprise à l'université.

Il faut bien y apprendre quelque chose !

Ce qu'il y a d'étonnant dans les études,

c'est que si on fait faire des études
à une autre personne,

et qu'elle gagne plus
bien des années plus tard,

c'est qu'elle a appris quelque chose.

Si c'était un simple signal,
elle aurait un meilleur poste,

mais le monde verrait bien
qu'elle n'a pas beaucoup de connaissances,

et avec le temps, son salaire diminuerait.

Étrangement, tu trouves
le marché plus efficient que moi.

Prenons l'exemple de la queue de paon,
un exemple classique de signal.

Le paon signale ainsi qu'il est macho,

qu'il a plein de gènes géniaux.

L'évolution a eu
des centaines de milliers d'années

pour trouver
une meilleure façon de le faire.

La queue de paon est un beau gâchis.

Si l'évolution n'est pas parvenue à régler

ce problème de signalisation,

alors les marchés privés non plus.

Les paons ne peuvent pas
aller passer des examens d'entrée

ni aucun autre test standardisé.

Si l'instruction n'était qu'un signal,

il serait facile d'éliminer
le passage à l'université,

de faire passer à tous
un examen d'entrée ou de QI,

et d'envoyer tout le monde
faire le job qui leur est destiné.

Mais les gens ont besoin
d'un contexte social.

Il faut qu'ils apprennent
à avoir un esprit critique,

à être créatifs.

Et tout ça se poursuit pendant les études.

Le QI ne fait pas tout.
On connaît tous des gens intelligents

qui ont du mal dans le monde du travail.

Vous devez faire quelque
chose de difficile.

Et ça l'est.

La plupart des gens n'aiment pas étudier
et ont du mal à obtenir un diplôme.

Il faut faire preuve de ténacité.

Ce n'est pas facile de trouver comment...

C'est quelque chose de difficile.

Le secteur privé
a du mal à reproduire cela.

Surtout quand tout le monde le fait déjà.

Une personne intelligente sans diplôme,
c'est plutôt étrange de nos jours.

On te verse un salaire à George Mason,

et c'est principalement
pour ce que tu sais et ce que tu fais, non ?

Et non à cause de la signalisation.

Peut-être que la signalisation
marche à court terme.

Pour le premier emploi,
on a un joli diplôme,

mais au fil du temps,
le marché fait le tri

entre ceux qui sont productifs
et ceux qui ne le sont pas.

Mais obtenir ce diplôme
est tellement important.

Même pour être
balayeur de rue, de nos jours,

il faut un diplôme.

Non qu'on apprenne des choses
sur le balayage de rue,

mais parce que les employeurs
exigent ce diplôme,

et parce que le salaire
s'en trouve augmenté.

La majorité de ce qu'on apprend
en étudiant, outre les faits, les manuels,

c'est le contexte social.

C'est savoir gérer
différents types de personnalité,

c'est savoir se soumettre à l'autorité,

c'est savoir se montrer consciencieux
en toutes circonstances.

Alors, que des employeurs exigent
un diplôme est en fait très sensé.

Ils auront des travailleurs
ayant appris plein de choses.

Mettre un pied dans la porte
est déjà une grande étape

dans une future carrière.

OK, tu as été à Harvard,
mais imaginons que tu n'y aies pas été.

Je pense que
tu t'en serais très bien sorti.

Tu es doué, tu as de grandes capacités.

Tu écrirais pour des journaux,
ce genre de choses.

Mais tu n'aurais pas pu
devenir enseignant.

Sans ce diplôme en poche,

tu ne serais pas en train
d'enseigner à George Mason.

Ton salaire serait moins élevé.

Tu serais célèbre,

mais ton salaire serait un peu plus bas.

Et si on considère
les travailleurs indépendants,

En faisant des études,
ils apprennent plus de choses.

Il ne s'agit pas
d'avoir un pied dans la porte.

Ces gens travaillent à leur compte.

Ce qu'on apprend à l'université,
c'est surtout le contexte social,

l'autorité, nouer des contacts,

et comprendre comment marche le monde.

On peut peut-être aussi
y acquérir une compétence.

Tu voudrais rouler sur un pont
construit par un ingénieur

qui n'a pas été à Caltech ?

[Tyler] J'en doute.
[Alex] C'est bien beau de dire

que faire des études
enseignent ces compétences sociales,

comment interagir avec les autres.

C'est quand même marrant
de dire que ce qu'on enseigne,

ce sont les trucs qu'on n'enseigne pas.

Je n'enseigne pas ces compétences,
donc ils les apprennent par osmose ?

C'est difficile à croire.

C'est marrant, mais vrai.

Quand tu enseignes,
tu devrais dire à tes étudiants :

« Ça marche comme ça, en réalité.

C'est ça,
la réalité de cette profession. »

Mais tu leur transmets à tout instant

des choses plus profondes
que tu ne le penses.

[Tyler] Eh oui.

Je ne suis pas sûr de faire tout ça.
Toi oui, peut-être.

[Alex] Je vais te donner un exemple.
[Tyler] On devrait te payer moins.

Chut. Voici un exemple.

Parfois, dans mon travail,

je dois aller faire une présentation
dans une autre fac,

ou partir en voyage.

Alors je dis à mes étudiants :

« Pas de cours la semaine prochaine. »

Et ils sont contents, heureux, tu vois ?

C'est peut-être
un peu embarrassant pour moi,

mais c'est étrange, non ?

Si on allait dans un magasin
et qu'on demandait un jean,

mais qu'on nous apportait moins que ça,
un short à la place.

On serait mécontents.

Mais si on dit aux étudiants
qu'ils vont recevoir moins d'instruction,

ils ne sont mécontents.

Pourquoi donc ?
Ils ne sont pas mécontents,

car ils savent qu'ils auront
quand même le diplôme,

et c'est ça qui compte.

Dis-moi, que préférerais-tu ?

Étudier à Harvard sans avoir de diplôme ?

Ou bien avoir le diplôme d'Harvard,
le bout de papier,

mais sans l'instruction ?

Il ne s'agit pas
de choisir l'un ou l'autre.

Si on observe les données,

les gens des pays scandinaves
ont vu leur loi changer.

Ils doivent faire
une année d'études supplémentaire,

ce qui ne se voit pas
forcément sur leur CV.

Pourtant, des années plus tard,
ils gagnent plus, car ils en savent plus.

Regarde les miracles économiques :
la Corée du Sud, Singapour, la Chine.

Ils ont investi dans le capital humain,

développé une main-d'œuvre
hautement compétente.

Est-ce que Singapour pourrait être
leader de la technologie biomédicale

sans de bons établissements
d'enseignement ?

Impossible.

Ces pays se développaient déjà
avant même d'investir dans l'éducation.

[Tyler] Et ils ont pu progresser
grâce à cette éducation.

Il y a aussi beaucoup de pays
qui ont beaucoup investi dans l'éducation,

et ils ne se sont pas du tout développés.

En Afrique, que s'est-il passé ?

En Afrique, ils ont beaucoup investi
dans l'éducation, sans résultat.

Le fait qu'aux États-Unis
on pousse autant les gens

à faire des études supérieures,

pour moi, c'est ça le problème.

Car ce qui se passe en réalité,

c'est qu'en forçant ou en poussant
tout le monde à aller à l'université,

on augmente leur salaire, certes,

mais aux dépens de ceux qui ne veulent pas

ou ne peuvent pas faire d'études.

Donc, ça implique en partie
des effets externes négatifs.

Pousser tant d'individus
à faire des études supérieures

implique que d'autres
auront des salaires moins élevés.

Et on doit aussi penser à eux.

C'est vrai que
c'est un problème récurrent,

mais c'est surtout parce que
notre enseignement primaire et secondaire

est parfois bon pour la poubelle.

Le problème est en fait un manque
d'éducation plus tôt dans la scolarité.

Prenons la Corée du Sud,

sans doute l'un des plus grands
miracles économiques de l'histoire.

80 % des Sud-Coréens obtiennent
un diplôme d'études supérieures.

Et on peut voir
le résultat dans leur économie.

Oui, la Corée du Sud est super,

mais des tas de pays, comme je l'ai dit,

ont investi dans l'éducation
et ne s'en portent pas mieux.

C'est vrai que les études seules
ne suffisent pas.

Mais l'impact potentiel de l'education...

Encore des fabulations.

« Il faut autre chose,
c'est une combinaison de... »

Il faut que l'infrastructure
et la gouvernance soient bonnes, non ?

L'éducation n'est pas tout,
on est tous d'accord.

Mais regarde, si on va vraiment
au fond des choses,

qu'est-ce que les étudiants
retiennent vraiment ?

Ils ont déjà oublié
les cours de l'année précédente.

Comment les connaissances
acquises aujourd'hui

pourraient augmenter
leur productivité dans 20 ans,

alors même qu'ils ont oublié
ce qu'ils ont appris il y a un an ?

Ils ont appris à avoir
un esprit critique, à être créatifs,

le contexte social.

Ils les gardent en eux,
même s'ils ont oublié

le cours sur l'élasticité
de la courbe de la demande.

« Élastique, inélastique.
C'est lequel déjà ? Mince ! »

Ce n'est peut-être pas ce qu'il leur faut.

C'est une façon de penser,
une façon d'aborder le monde.

C'est une acculturation,

un moyen d'accéder à une couche
socio-économique supérieure.

Et en général, ça fonctionne...
quand c'est bien fait.

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Apprenez-en plus
sur le capital humain et la signalisation

en regardant notre cours de microéconomie.

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