Une histoire de maladie mentale, de l'interieur
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0:01 - 0:03Je suis une femme atteinte
de schizophrénie chronique. -
0:03 - 0:05J'ai passé des centaines de jours
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0:05 - 0:06dans les hôpitaux psychiatriques.
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0:06 - 0:08J'aurais pu finir par passer
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0:08 - 0:10la plus grande partie de ma vie
au fin fond d'un hôpital ; -
0:10 - 0:12mais ça n'est pas comme ça
que ça s'est passé pour moi. -
0:12 - 0:15En fait, j'ai réussi à éviter les hôpitaux
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0:15 - 0:17pendant près de trente ans,
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0:17 - 0:19c'est peut-être
ce dont je suis la plus fière. -
0:19 - 0:21Ça ne veut ne pas dire que j'ai évité
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0:21 - 0:23toutes les luttes psychiatriques.
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0:23 - 0:25J'ai eu mon diplôme
de la Faculté de droit de Yale -
0:25 - 0:26et obtenu mon premier
emploi dans le droit, -
0:26 - 0:29et puis mon analyste
de New Haven, le Docteur White, -
0:29 - 0:31m'a annoncé qu'il allait
fermer son cabinet -
0:31 - 0:32trois mois plus tard,
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0:32 - 0:33plusieurs années avant
le moment où j'avais prévu -
0:33 - 0:35de quitter New Haven.
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0:35 - 0:37White m'a vraiment beaucoup aidée,
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0:37 - 0:38et l'idée de son départ
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0:38 - 0:40m'a anéantie.
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0:40 - 0:41Mon meilleur ami, Steve,
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0:41 - 0:43sentant que quelque chose
n'allait vraiment pas, -
0:43 - 0:45a pris l'avion pour New Haven
pour être avec moi. -
0:45 - 0:47Je vais maintenant vous citer
des passages de mes écrits : -
0:47 - 0:50« J'ai ouvert la porte de mon studio.
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0:50 - 0:52Steve m'a dit plus tard que,
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0:52 - 0:54bien qu'il m'ait vu
de nombreuses fois psychotique, -
0:54 - 0:56rien n'aurait pu le préparer
à ce qu'il a vu ce jour-là. -
0:56 - 0:59Pendant une semaine ou plus,
je n'avais presque rien mangé. -
0:59 - 1:02J'étais décharnée. Je marchais
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1:02 - 1:03comme si mes jambes étaient en bois.
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1:03 - 1:06Mon visage ressemblait à un masque,
et je le ressentais comme ça. -
1:06 - 1:09J'avais fermé tous les rideaux
dans l'appartement, donc -
1:09 - 1:10au milieu de la journée
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1:10 - 1:12l'appartement était
dans l'obscurité presque totale. -
1:12 - 1:15L'air était fétide,
la pièce était un capharnaüm . -
1:15 - 1:18Steve, qui était à la fois
avocat et psychologue, a traité -
1:18 - 1:21beaucoup de patients souffrant
de maladie mentale grave et à ce jour -
1:21 - 1:24il va dire que mon cas était
le plus grave qu'il avait jamais vu. -
1:24 - 1:27J'ai dit,, « Bonjour, », et puis
je suis retournée sur le canapé, -
1:27 - 1:29où je suis restée assise en silence
pendant un bon moment, -
1:29 - 1:31« Merci d'être venu, Steve.
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1:31 - 1:35Un monde, un mot,
une voix qui s'effondrent. -
1:35 - 1:37Dis aux horloges de s'arrêter.
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1:37 - 1:39Le temps est. Il est temps. »
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1:39 - 1:42« White s'en va. »,
a déclaré Steve sombrement. -
1:42 - 1:45« On me pousse dans une tombe.
La situation est grave, » je me lamente. -
1:45 - 1:47« La gravité me tire vers le bas.
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1:47 - 1:49J'ai peur. Dis-leur de partir.»
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1:49 - 1:53Quand j'étais jeune, j'ai été
dans un hôpital psychiatrique -
1:53 - 1:55à trois reprises pendant
de longues périodes. -
1:55 - 1:58Mes médecins m'ont diagnostiquée
schizophrénique chronique, -
1:58 - 2:01et ont fait un pronostic de « cas grave ».
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2:01 - 2:04C'est-à-dire que, au mieux,
je devais vivre dans une institution, -
2:04 - 2:06et travailler à des tâches
de second ordre. -
2:06 - 2:08Heureusement, je n'ai pas réellement
-
2:08 - 2:10appliqué ce pronostic grave.
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2:10 - 2:13Au lieu de ça, je suis professeur
de Droit, de Psychologie -
2:13 - 2:15et de Psychiatrie
à l'USC Gould School of Law, -
2:15 - 2:17j'ai beaucoup d'amis proches
-
2:17 - 2:20et j'ai un mari que j'adore, Will,
qui est ici avec nous aujourd'hui. -
2:20 - 2:25(Applaudissements)
Merci. -
2:27 - 2:30Il est sans aucun doute
la star de mon spectacle. -
2:30 - 2:33J'aimerais partager avec vous
comment c'est arrivé, et aussi -
2:33 - 2:35décrire mon vécu de psychotique.
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2:35 - 2:38Je m'empresse d'ajouter
que c'est mon vécu, -
2:38 - 2:41parce que tout le monde
devient psychotique à sa façon. -
2:41 - 2:44Commençons par la définition
de la schizophrénie. -
2:44 - 2:46La schizophrénie
est une maladie du cerveau. -
2:46 - 2:48Sa caractéristique est
la psychose, ou le fait d'être -
2:48 - 2:50déconnecté de la réalité.
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2:50 - 2:52Délires et hallucinations
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2:52 - 2:53caractérisent cette maladie.
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2:53 - 2:56Les illusions sont des idées fixes et
fausses qui ne sont pas réactives -
2:56 - 3:00au réel, et les hallucinations sont
de fausses expériences sensorielles. -
3:00 - 3:02Par exemple, lorsque
je suis psychotique, j'ai souvent -
3:02 - 3:04l'illusion que j'ai tué
des centaines de milliers -
3:04 - 3:06de gens par mes pensées.
-
3:06 - 3:08J'ai parfois l'idée que
des explosions nucléaires -
3:08 - 3:10sont sur le point d'être
déclenchées dans mon cerveau. -
3:10 - 3:12Parfois, j'ai des hallucinations,
-
3:12 - 3:14comme là fois où je me suis
retournée et j'ai vu un homme -
3:14 - 3:16qui brandissait un couteau.
-
3:16 - 3:19Imaginez avoir un cauchemar
pendant que vous êtes éveillé. -
3:19 - 3:22Souvent, les discours et la pensée
deviennent désorganisés -
3:22 - 3:23au point d'être incohérents.
-
3:23 - 3:26Les associations libres consistent
à assembler des mots -
3:26 - 3:29qui peuvent sembler très similaires
mais qui n'ont pas de sens, -
3:29 - 3:33et si les mots se mélangent suffisamment,
on appelle ça « une salade de mots. » -
3:33 - 3:35Contrairement à ce que
beaucoup de gens pensent, -
3:35 - 3:38la schizophrénie n'est pas la même chose
que le trouble de la personnalité multiple -
3:38 - 3:39ou la double personnalité.
-
3:39 - 3:43L'esprit schizophrène
n'est pas divisé, mais éclaté. -
3:43 - 3:45Tout le monde a vu quelqu'un
qui vit dans la rue, -
3:45 - 3:47assez sale, probablement mal nourri,
-
3:47 - 3:50debout devant un bâtiment
-
3:50 - 3:52murmurant à lui-même ou criant.
-
3:52 - 3:54Cette personne est susceptible
d'avoir une forme de schizophrénie. -
3:54 - 3:57Mais la schizophrénie se présente
à travers un large éventail -
3:57 - 4:00de statuts socioéconomiques, et il y a gens
-
4:00 - 4:02qui ont cette maladie,
qui sont des salariés à plein temps -
4:02 - 4:04avec de grandes responsabilités.
-
4:04 - 4:06Il y a plusieurs années, j'ai décidé
-
4:06 - 4:09d'écrire mes expériences
et mon parcours personnel, -
4:09 - 4:11et je veux vous faire partager
plus de cette histoire aujourd'hui -
4:11 - 4:13pour transmettre une vision de l'intérieur.
-
4:13 - 4:16L'épisode suivant s'est passé
lors de la septième semaine -
4:16 - 4:19de mon premier semestre
de ma première année à la Yale Law School. -
4:19 - 4:21Je cite mes écrits :
-
4:21 - 4:23« Mes deux camarades de classe,
Rebel et Val et moi -
4:23 - 4:25nous étions donnés rendez-vous
-
4:25 - 4:27à la bibliothèque de
la fac de droit le vendredi soir -
4:27 - 4:30pour travailler ensemble
sur notre mémoire. -
4:30 - 4:31Mais nous n'avions pas beaucoup
avancé quand je me suis mise à parler -
4:31 - 4:33de manière insensée.
-
4:33 - 4:36« Les mémoires sont des visitations, »
leur ai-je dit. -
4:36 - 4:39Ils prouvent certains points.
Le point est sur votre tête. -
4:39 - 4:41Pat disait ça d'habitude.
Avez-vous déjà tué quelqu'un ? » -
4:41 - 4:43Rebel et Val m'ont regardé
-
4:43 - 4:45comme si eux ou moi
avions reçu de l'eau froide -
4:45 - 4:46en pleine figure.
-
4:46 - 4:48« Qu'est-ce que tu racontes, Elyn ? »
-
4:48 - 4:51« Oh, vous savez, l'ordinaire.
Qui est quoi, quoi est qui, -
4:51 - 4:53le ciel et l'enfer.
Allons sur le toit. -
4:53 - 4:55C'est une surface plane.
C'est sans danger. » -
4:55 - 4:56Rebel et Val ont suivi
-
4:56 - 4:58et ils ont demandé ce qui me prenait.
-
4:58 - 5:00J'ai annoncé : « C'est le vrai moi »,
-
5:00 - 5:01en agitant mes bras au-dessus de ma tête.
-
5:01 - 5:03Et puis, tard le vendredi soir,
-
5:03 - 5:05sur le toit de la Yale Law School,
-
5:05 - 5:07j'ai commencé à chanter et plutôt fort.
-
5:07 - 5:10« Venez dans la brousse au soleil de Floride
-
5:10 - 5:12Voulez-vous danser ? »
-
5:12 - 5:14Quelqu'un a demandé :
« Tu te drogues ? Tu es défoncée ? » -
5:14 - 5:17« Défoncée ? Moi ?
Pas du tout, pas de drogues ! -
5:17 - 5:19Venez dans la brousse
au soleil de Floride, -
5:19 - 5:22où il y a des citrons,
où ils fabriquent des démons. » -
5:22 - 5:25L'un d'eux a dit :
« Tu me fais peur, » et Rebel et Val -
5:25 - 5:27sont retournés à la bibliothèque.
-
5:27 - 5:29J'ai haussé les épaules et les ai suivis.
-
5:29 - 5:32De retour à l'intérieur,
j'ai demandé à mes camarades de classe -
5:32 - 5:35s'ils avaient la même expérience que moi
-
5:35 - 5:36de mots qui sautaient
partout dans nos cas d'études. -
5:36 - 5:40J'ai dit : « Je pense que quelqu'un
a infiltré mes copies des cas ». -
5:40 - 5:42« Nous devons traiter l'articulation.
-
5:42 - 5:43Je ne crois pas dans les articulations,
-
5:43 - 5:45mais c'est ce qui assure
la cohésion du corps. » -
5:45 - 5:47-- C'est un exemple
des associations libres. -- -
5:47 - 5:49« J'ai fini par rentrer
dans ma chambre universitaire. -
5:49 - 5:52et une fois là,
je ne pouvais pas me calmer. -
5:52 - 5:54Ma tête était trop plein de bruit,
-
5:54 - 5:57trop plein d'orangers et de rapports
de droit que je ne pouvais pas écrire -
5:57 - 6:00de meurtres de masses dont
je savais que je serai responsable. -
6:00 - 6:03Assise sur mon lit, je me balançais,
-
6:03 - 6:05gémissant de peur dans l'isolement ».
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6:05 - 6:08Cet épisode a conduit à
ma première hospitalisation en Amérique. -
6:08 - 6:11J'avais eu deux plus tôt en Angleterre.
-
6:11 - 6:12Je poursuis avec les écrits :
-
6:12 - 6:15« Le lendemain matin, je suis allée
au Bureau de mon professeur demander -
6:15 - 6:16un délai supplémentaire
pour rendre le rapport, -
6:16 - 6:18et j'ai commencé à raconter
des choses inintelligibles -
6:18 - 6:20comme la nuit précédente,
-
6:20 - 6:21et finalement, il m'a
accompagnée aux urgences. -
6:21 - 6:25Une fois là, quelqu'un
que j'appellerai « Le docteur » -
6:25 - 6:27et toute son équipe
d'hommes de main ont déboulé, -
6:27 - 6:29m'ont soulevée haut dans les airs,
-
6:29 - 6:30et m'ont planté sur un lit métallique
-
6:30 - 6:33avec une telle force
que j'ai vu des étoiles. -
6:33 - 6:35Puis ils ont attaché mes jambes
et des bras sur le lit en métal -
6:35 - 6:37avec des lanières de cuir épais.
-
6:37 - 6:40Un son est sorti de ma bouche
que je n'avais jamais entendu avant : -
6:40 - 6:42moitié gémissent, moitié scream,
-
6:42 - 6:46à peine humain et de pure terreur.
-
6:46 - 6:47Le son est venu encore une fois,
-
6:47 - 6:49forcé du plus profond de mon ventre
-
6:49 - 6:51et raclant ma gorge. »
-
6:51 - 6:55Cet incident a entraîné
mon hospitalisation involontaire. -
6:55 - 6:57Une des raisons que les médecins
-
6:57 - 6:58ont donné pour m'hospitaliser
-
6:58 - 7:00contre ma volonté était que j'étais,
-
7:00 - 7:01« gravement handicapée. »
-
7:01 - 7:04Pour appuyer ce point de vue,
ils ont écrit dans mon tableau -
7:04 - 7:06que j'étais incapable de
faire mes devoirs de Yale Law School. -
7:06 - 7:09Je me demandais ce que ça disait
du reste de New Haven. -
7:09 - 7:12(Rires)
-
7:12 - 7:13Au cours de l'année suivant,
-
7:13 - 7:16j'allais passer cinq mois
dans un hôpital psychiatrique. -
7:16 - 7:18Par moments, j'ai passé
jusqu'à 20 heures -
7:18 - 7:20sous contention mécanique,
-
7:20 - 7:23bras attachés, bras et jambes attachés
-
7:23 - 7:25bras et les jambes attachés
avec un filet attaché -
7:25 - 7:27serré sur ma poitrine.
-
7:27 - 7:29Je n'ai jamais frappé personne.
-
7:29 - 7:30Je n'ai jamais fait de mal à personne.
-
7:30 - 7:32J'ai jamais fait des menaces directes.
-
7:32 - 7:35Si on ne vous a jamais attaché,
vous pouvez avoir -
7:35 - 7:37une image bénigne de l'expérience.
-
7:37 - 7:39Ça n'a rien de bénin.
-
7:39 - 7:41Chaque semaine aux États-Unis,
-
7:41 - 7:44on estime qu'une à trois personnes
meurent dans les contentions. -
7:44 - 7:47Ils s'étranglent, ils aspirent leur vomi,
-
7:47 - 7:49ils suffoquent,
ils ont une crise cardiaque. -
7:49 - 7:51On ne sait pas si l'utilisation
de contention mécanique -
7:51 - 7:54sauve des vies ou en coûte, en fait.
-
7:54 - 7:57Alors que je me préparais
à écrire mon rapport -
7:57 - 7:59pour le Yale Law Journal
sur les contentions mécaniques, -
7:59 - 8:01j'ai consulté un professeur
de droit éminent, -
8:01 - 8:02qui était également psychiatre,
-
8:02 - 8:04et il dit que bien sûr, il était d'accord,
-
8:04 - 8:06que les contentions
doivent être dégradantes, -
8:06 - 8:08pénibles et effrayantes.
-
8:08 - 8:10Il m'a regardé
d'un air entendu et a dit : -
8:10 - 8:12« Elyn, vous ne comprenez vraiment :
-
8:12 - 8:14Ces gens sont psychotiques.
-
8:14 - 8:15Ils sont différents de vous et moi.
-
8:15 - 8:18Ils ne vivraient pas les contentions
comme nous le ferions. » -
8:18 - 8:21Je n'avais pas le courage
de lui dire à ce moment que, -
8:21 - 8:23non, nous ne sommes pas
si différents de lui. -
8:23 - 8:25Nous n'aimons pas plus que lui
être attaché à un lit -
8:25 - 8:28et laissé à souffrir pendant des heures.
-
8:28 - 8:30En fait, jusqu'à très récemment,
-
8:30 - 8:32et je suis sure qu'il y a des gens
qui ont toujours ce point de vue, -
8:32 - 8:34on pensait que les contentions
aidaient les patients psychiatriques -
8:34 - 8:36à se sentir en sécurité.
-
8:36 - 8:37Je n'ai jamais rencontré
un patient psychiatrique -
8:37 - 8:39qui adhère à ce point de vue.
-
8:39 - 8:41Aujourd'hui, je tiens à dire
que je suis très pro-psychiatrie -
8:41 - 8:43mais très anti-force.
-
8:43 - 8:45Je ne pense pas que la force
soit un traitement efficace, -
8:45 - 8:47et que se servir de la force
est une chose terrible -
8:47 - 8:49à faire à une autre personne
-
8:49 - 8:50qui souffre d'une terrible maladie.
-
8:51 - 8:53Finalement, je suis arrivé à Los Angeles
-
8:53 - 8:55pour enseigner à la fac de droit
de l'Université de Californie du Sud. -
8:55 - 8:58Pendant des années,
j'avais résisté aux médicaments, -
8:58 - 9:00et fait de nombreux efforts
pour m'en passer. -
9:00 - 9:02J'ai senti que si je pouvais
me gérer sans médicaments, -
9:02 - 9:04Je pouvais prouver que, après tout,
-
9:04 - 9:06je ne souffrais pas vraiment
de troubles mentaux, -
9:06 - 9:08c'est une terrible erreur.
-
9:08 - 9:10Ma devise était, moins de médicament,
moins de déficience. -
9:10 - 9:13Mon Analyste de L.A.,
Dr Kaplan, me pressait de -
9:13 - 9:16continuer à prendre mes médicaments
et reprendre ma vie, -
9:16 - 9:19mais j'ai décidé que je voulais faire
un dernier essai pour arr^ter. -
9:19 - 9:21Je cite le texte :
-
9:21 - 9:24« J'ai commencé à réduire mes médocs
et rapidement, -
9:24 - 9:27J'ai commencé à ressentir les effets.
-
9:27 - 9:31De retour d'un voyage à Oxford,
j'ai déboulé dans le bureau de Kaplan, -
9:31 - 9:33je suis allée tout droit dans le coin,
je me suis accroupie, -
9:33 - 9:35j'ai couvert mon visage et
j'ai commencé à trembler.. -
9:35 - 9:38Tout autour de moi, je sentais
des êtres maléfiques armés de dagues. -
9:38 - 9:40Ils allaient me découper en tranches fines
-
9:40 - 9:42ou de me faire avaler des charbons ardents.
-
9:42 - 9:45Kaplan devait me décrire plus tard
comme « me contorsionnant de douleur. » -
9:45 - 9:48Même dans cet état, qu'il décrit avec précision
-
9:48 - 9:50comme psychotique aigü,
-
9:50 - 9:52j'ai refusé de prendre
plus de médicaments. -
9:52 - 9:55La mission n'est pas encore terminée.
-
9:55 - 9:58Immédiatement après
le rendez-vous avec Kaplan, -
9:58 - 10:00Je suis allée pour voir le Dr Marder,
un expert de la schizophrénie -
10:00 - 10:02qui me suivait pour les effets
secondaires des médicaments. -
10:02 - 10:05Il avait l'impression que
j'ai eu une maladie psychotique modérée. -
10:05 - 10:08Une fois dans son bureau,
je me suis assise sur son canapé, -
10:08 - 10:10je me suis pliée en deux
et j'ai commencé à marmonner. -
10:10 - 10:13« Des têtes qui explosent
et des gens qui essaient de tuer. -
10:13 - 10:15Pas de problème
si je dévaste votre bureau ? » -
10:15 - 10:18« Vous devez partir vous pensez
que vous allez faire ça » -
10:18 - 10:19a déclaré Marder.
-
10:19 - 10:22« OK. Petite. Feu sur la glace.
Dites-leur de ne pas me tuer. -
10:22 - 10:23Dites-leur de ne pas me tuer.
Qu'est-ce que j'ai fais de mal ? -
10:23 - 10:26Des centaines de milliers
de pensées, interdiction. » -
10:26 - 10:28« Elyn, sentez-vous que
vous êtes dangereuse -
10:28 - 10:29pour vous-même ou pour autrui ?
-
10:29 - 10:32Je pense que vous devez être à l'hôpital.
-
10:32 - 10:33Je peux vous faire admettre
tout de suite -
10:33 - 10:35et en toute discrétion. »
-
10:35 - 10:36« Ha, ha, ha.
-
10:36 - 10:39Vous offrez de me mettre
dans les hôpitaux ? -
10:39 - 10:42Les hôpitaux sont mauvais,
ils sont fous, ils sont tristes. -
10:42 - 10:45On ne doit pas y aller. Je suis Dieu,
ou je l'étais avant. » -
10:45 - 10:47À ce moment-là dans le texte,
-
10:47 - 10:48quand j'ai dit « je suis Dieu,
ou je l'étais avant, » -
10:48 - 10:50mon mari a écrit
une note dans la marge. -
10:50 - 10:51Il a dit: « As-tu démissionné ?
Ou on t'a virée ? » -
10:51 - 10:55(Rires)
-
10:55 - 10:57« Je donne la vie et je la reprend.
-
10:57 - 10:59Pardonne moi, car
je ne sais pas ce que je fais. » -
11:00 - 11:03Finalement, je me suis effondrée
devant des amis, -
11:03 - 11:05et tout le monde m'a convaincue
de prendre plus de médicaments. -
11:05 - 11:07Je pouvais ne plus nier la vérité,
-
11:07 - 11:08et je ne pouvais pas la changer.
-
11:08 - 11:11Le mur qui me séparait
Elyn, professeur Saks, -
11:11 - 11:14de cette femme aliénée
hospitalisée par le passé, -
11:14 - 11:16était brisé et en ruines. »
-
11:16 - 11:19Tout sur cette maladie dit
que je ne devrais pas être ici, -
11:19 - 11:22mais je suis. Et je le suis,
je crois, pour trois raisons : -
11:22 - 11:24Tout d'abord, j'ai eu
un traitement excellent. -
11:24 - 11:27Quatre à cinq jours par semaine,
de psychothérapie et psychanalytique -
11:27 - 11:28pendant des décennies
-
11:28 - 11:30et une constante et excellente
psychopharmacologie. -
11:30 - 11:34Deuxièmement, j'ai de nombreux
membres de ma famille et amis -
11:34 - 11:35qui me connaissent
et connaissent ma maladie. -
11:35 - 11:38Ces relations ont donné
à ma vie un sens -
11:38 - 11:40et une profondeur
et elles aussi m'a aidé à naviguer -
11:40 - 11:42dans ma vie face aux symptômes.
-
11:42 - 11:45Troisièmement, je travaille dans
un milieu qui m'apporte -
11:45 - 11:47un soutien extrême,
à l'USC Law School. -
11:47 - 11:50C'est un endroit qui s'adapte
non seulement à mes besoins, -
11:50 - 11:51mais en réalité les adopte.
-
11:51 - 11:54C'est aussi un lieu très stimulant
intellectuellement, -
11:54 - 11:57et occuper mon esprit avec
des problèmes complexes -
11:57 - 12:00a été ma défense la meilleure,
la plus puissante et la plus fiable -
12:00 - 12:02contre ma maladie mentale.
-
12:02 - 12:05Même avec tout ça, un excellent traitement,
des amis et une famille merveilleux, -
12:05 - 12:07un environnement de travail
qui me soutient, -
12:07 - 12:09je n'ai rendu ma maladie publique
-
12:09 - 12:11que relativement tard dans ma vie,
-
12:11 - 12:13et c'est parce que les préjugés
contre la maladie mentale -
12:13 - 12:15sont tellement puissants que
je ne me sentais pas en sécurité -
12:15 - 12:17si les gens étaient au courant.
-
12:17 - 12:18Si vous entendez rien d'autre
aujourd'hui, -
12:18 - 12:22veuillez entendre ceci :
il n'y a pas « schizophrènes ». -
12:22 - 12:25Il y a des gens qui souffrent
de schizophrénie et ces gens -
12:25 - 12:27sont peut-être votre conjoint,
votre enfant, -
12:27 - 12:29votre voisin, votre ami,
-
12:29 - 12:31votre collègue.
-
12:31 - 12:34Pour finir, permettez-moi
de partager quelques réflexions. -
12:34 - 12:37Nous devons investir davantage
de ressources dans la recherche -
12:37 - 12:38et le traitement de la maladie mentale.
-
12:38 - 12:40Mieux nous comprendrons ces maladies,
-
12:40 - 12:42meilleurs seront les traitements
que nous pourrons fournir, -
12:42 - 12:43et meilleurs seront les traitements
que nous pourrons fournir, -
12:43 - 12:45plus nous pourrons offrir des soins
à des personnes, -
12:45 - 12:47et ne pas recourir à la force.
-
12:47 - 12:49Aussi, nous devons cesser de faire
de la maladie mentale un crime. -
12:49 - 12:52C'est une tragédie
et un scandale nationaux -
12:52 - 12:54que la prison du comté de Los Angeles
-
12:54 - 12:56soit le plus grand établissement
psychiatrique aux États-Unis. -
12:57 - 13:00Les prisons américaines sont remplies
de gens qui souffrent -
13:00 - 13:03d'une grave maladie mentale,
et beaucoup d'entre eux sont là -
13:03 - 13:05parce qu'ils ont jamais reçu
de traitement adéquat. -
13:05 - 13:08J'aurais pu facilement finir là
ou dans les rues moi-même. -
13:08 - 13:11Un message à l'industrie du
divertissement et à la presse : -
13:11 - 13:13Dans l'ensemble, vous avez fait
un travail merveilleux, -
13:13 - 13:15dans la lutte contre la stigmatisation
-
13:15 - 13:17et les préjugés de toutes sortes.
-
13:17 - 13:20S'il vous plaît continuez à nous faire voir
des personnages dans vos films, -
13:20 - 13:22vos pièces, vos colonnes,
-
13:22 - 13:24qui souffrent
de maladies mentales graves. -
13:24 - 13:26Dépeignez-les avec bienveillance,
-
13:26 - 13:28et représentez-les dans toute
la richesse et la profondeur -
13:28 - 13:32de leur expérience en tant que
personnes et non comme des diagnostics. -
13:32 - 13:34Récemment, un ami a posé une question :
-
13:34 - 13:36S'il y avait une pilule je pouvais prendre
-
13:36 - 13:38qui me guérirait instantanément
est-ce que je la prendrais ? -
13:38 - 13:41Le poète Rainer Maria Rilke
-
13:41 - 13:42s'est vu proposer une psychanalyse.
-
13:42 - 13:44Il a refusé, disant,
« ne prenez pas mes diables -
13:44 - 13:46parce que mes anges
pourraient fuir aussi. » -
13:46 - 13:48Ma psychose, d'autre part,
-
13:48 - 13:51est un cauchemar éveillé dans lequel
mes démons sont tellement terrifiants -
13:51 - 13:53que tous mes anges ont déjà fui.
-
13:53 - 13:57Alors, est-ce que je prendrais
cette pilule ? Instantanément. -
13:57 - 13:59Cela dit, je ne veux pas
qu'on pense que je regrette -
13:59 - 14:02la vie que j'aurais pu avoir
si je n'avais pas été malade mentale, -
14:02 - 14:04je demande qu'on ait pitié
de moi non plus. -
14:04 - 14:07Ce que je veux plutôt dire est
que l'humanité que nous partageons tous -
14:07 - 14:09est plus important que
la maladie mentale, -
14:09 - 14:11que nous ne le pouvons pas partager.
-
14:11 - 14:12Ce que veulent ceux d'entre nous
qui souffrent de maladie mentale -
14:12 - 14:14est ce que tout le monde veut :
-
14:14 - 14:16selon les termes de Sigmund Freud,
« Travailler et aimer. » -
14:16 - 14:17Merci.
-
14:17 - 14:22(Applaudissements)
-
14:22 - 14:25Merci. Merci. Vous êtes très aimable. (Applaudissements)
-
14:25 - 14:31Merci. (Applaudissements)
- Title:
- Une histoire de maladie mentale, de l'interieur
- Speaker:
- Elyn Saks
- Description:
-
"Puis-je dévaster votre bureau?" C'est une question qu'Elyn Saks a un jour posée à son médecin, et ce n'était pas une blague. Juriste, en 2007 Saks s'est mise en avant avec sa propre histoire de schizophrénie, contrôlée par des médicaments et la thérapie, mais toujours présente. Dans cet exposé puissant, elle nous demande de voir des gens qui souffrent de maladie mentale clairement, honnêtement et avec compassion.
- Video Language:
- English
- Team:
- closed TED
- Project:
- TEDTalks
- Duration:
- 14:52
Elisabeth Buffard edited French subtitles for A tale of mental illness -- from the inside | ||
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