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Voyage aller-retour jusqu'au Pôle Sud : les 105 jours les plus durs de ma vie

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    Au sein de cet oasis d'idées qu'est TED,
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    je me tiens ce soir devant vous
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    comme le transporteur officiel
    de gros trucs lourds là où il fait froid.
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    J'ai mené des expéditions polaires
    tout au long de ma vie,
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    et le mois dernier, mon équipier,
    Tarka L'Herpinière, et moi-même,
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    avons achevé la plus ambitieuse
    de toutes mes expéditions.
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    En fait, j'ai presque l'impression
    de m'être téléporté ici,
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    après quatre mois passés
    au milieu de nulle part,
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    à grogner et à pester,
    directement sur cette scène de TED.
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    Bon, vous vous en doutez, cette
    transition n'a pas été aussi brutale.
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    Un des effets secondaires intéressants
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    est que ma mémoire à court terme
    est complètement HS.
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    Du coup, j'ai dû rédiger ces mémos
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    afin de ne pas trop grogner et pester
    ces 17 prochaines minutes.
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    C'est ma première conférence
    à propos de cette expédition,
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    et, en dehors de nos séquençages de
    génomes ou de nos télescopes spatiaux,
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    c'est l'histoire de deux hommes qui ont
    tout donné pour accomplir quelque chose
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    qui n'avait pas été fait auparavant.
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    J'espère donc qu'elle
    nourrira vos réflexions.
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    C'était une mission, une
    expédition en Antarctique,
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    le continent le plus froid, le plus
    venteux, désertique et haut de la planète.
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    C'est un endroit fascinant.
    Gigantesque.
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    Grand comme deux fois l'Australie,
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    c'est un continent de la taille de
    l'Inde et de la Chine réunies.
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    Entre parenthèses, j'ai entendu
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    des choses intéressantes
    ces derniers jours,
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    et je pense même que Chris Hadfield
    en fera un TED dans quelques années,
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    lors de conversations
    telles que celles-ci :
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    « Oh, l’Antarctique. Incroyable.
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    J'y suis allé avec mon mari avec Lindblad
    pour notre anniversaire de mariage. »
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    Ou alors : « Oh, super, tu y es
    allé pour le marathon ? »
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    (Rires)
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    Notre voyage était en fait comme
    69 marathons, mis bout à bout,
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    durant 105 jours ; un voyage de 2900 km
    à pied depuis la côte de l'Antarctique
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    jusqu'au pôle Sud, aller-retour.
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    Ce faisant, nous avons battu le record
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    du plus long périple humain non-motorisé
    de l'histoire, de plus de 650 km.
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    (Applaudissements)
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    Pour ceux qui seraient
    originaires de San Francisco,
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    imaginez-vous marcher
    d'ici jusqu'à San Francisco,
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    puis se retourner et
    faire le trajet inverse.
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    Pour une rando, c'en
    est une plutôt longue,
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    que j'ai trouvé résumée très succinctement
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    sur la version malaisienne
    du site Business Insider :
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    [« Deux explorateurs polaires réussissent
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    là où tous les précédents candidats
    sont morts »]
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    Chris Hadfield a été très éloquent
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    quant à la peur ressentie, les chances
    de réussite mais aussi celles de survie.
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    Des neuf autres personnes dans l'histoire
    ayant tenté ce voyage avant nous,
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    aucune n'avait atteint le pôle et
    n'en était revenue
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    et cinq en sont même mortes en essayant.
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    C'est le cas du Capitaine
    Robert Falcon Scott.
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    L'homme qui a dirigé la dernière
    expédition avortée.
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    Scott et son rival
    Sir Ernest Shackleton,
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    en l'espace d'une décennie,
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    ont tous deux bataillé pour
    atteindre en premier le pôle Sud,
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    pour reconnaître et cartographier
    les terres de l'Antarctique,
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    un lieu alors bien plus
    mystérieux pour nous
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    que la surface de la Lune,
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    car on pouvait l'observer
    avec des télescopes.
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    L'Antarctique était, un siècle en
    arrière, en grande partie non-répertoriée.
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    Peut-être connaissez-vous l'histoire.
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    La dernière expédition de Scott,
    celle de Terra Nova de 1910,
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    a commencé tel un siège.
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    Il disposait d'une équipe
    montée sur des poneys,
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    recourant aux chiens,
    aux tracteurs à essence,
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    et laissant de multiples barils de fret
    à des emplacements stratégiques
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    durant cette avancée de l'équipe des
    cinq de Scott vers le pôle,
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    pour le moment où ils feraient demi-tour
    et retourneraient vers la côte.
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    Scott et son équipe de cinq hommes
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    ont atteint le pôle Sud en janvier 1912,
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    pour y découvrir qu'ils avaient été battus
    par l'équipe du Norvégien Roald Amundsen,
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    montée elle sur traîneaux.
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    L'équipe de Scott allait, elle, à pied.
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    Durant plus d'un siècle,
    ce voyage est resté inachevé.
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    L'équipe de Scott a péri durant
    le voyage de retour.
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    Et durant les dix dernières années,
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    je n'ai cessé de me demander pourquoi.
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    Ne pouvait-on donc
    pas faire mieux qu'eux ?
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    L'équipe de Scott avait
    parcouru 2500 km à pied.
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    Aucune expédition
    ne s'en est approchée depuis.
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    Il s'agirait donc des limites de
    l'endurance humaine,
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    de l'effort, de la prouesse sportive,
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    dans les conditions probablement
    les plus dures sur Terre.
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    C'est un peu comme si
    le record de ce marathon
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    était demeuré intouchable depuis 1912.
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    Et évidemment, un étrange mais
    prévisible mélange de curiosité,
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    d'obstination, et aussi d'orgueil
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    m'ont amené à penser
    que je pourrais être l'homme
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    capable de terminer cette expédition.
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    Contrairement à l'expédition de Scott,
    nous n'étions que deux,
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    et nous avons commencé à nous
    éloigner des côtes en octobre dernier,
  • 5:02 - 5:04
    tirant l'équipement nous-mêmes,
  • 5:04 - 5:06
    une procédure connue de Scott comme
    le « manhauling ».
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    Quand j'ai dis que c'était comme de faire
    l'aller-retour d'ici à San Francisco,
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    je voulais dire en fait que
    c'était comme traîner quelque chose
  • 5:13 - 5:16
    qui s’apparenterait à un âne mort.
    Voir un éléphanteau.
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    Nos traîneaux pesaient chacun 200 kilos
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    au début de l’expédition,
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    ce que le plus chétif des poneys
    de Scott tirait à lui tout seul.
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    Au départ, on faisait moins
    d'un kilomètre par heure.
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    Que personne n'ait tenté ce voyage
    jusqu'à présent, en plus d'un siècle,
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    s'explique peut-être
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    par le fait que personne n'ait été
    assez stupide pour essayer.
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    Même si je ne peux dire
    qu'on « explorait »,
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    du moins pas dans le sens
    où on l'entendait à l'époque,
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    on ne baptisait pas de montagnes,
    ni ne cartographions de vallées inconnues,
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    mais je pense qu'on pénétrait dans un
    territoire inconnu humainement parlant.
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    D'ailleurs, si dans le futur, on découvre
    qu'il y a une zone du cerveau
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    qui s'illumine lorsque
    l'on s'insulte soi-même,
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    je n'en serai pas surpris
    le moins du monde.
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    On dit qu'un étasunien moyen passe
    90 % de son temps à l'intérieur.
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    Pas une fois nous n'avons été
    à l'intérieur durant près de quatre mois.
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    Pas une fois n'avons-nous vu
    un coucher de soleil.
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    C'était une journée sans fin.
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    Les conditions de vie étaient spartiates.
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    J'ai changé de caleçon
    trois fois en 105 jours,
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    et Tarka et moi partagions
    mois de 3 m² de toile.
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    Cependant, nous avions accès
    à une technologie
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    dont jamais Scott n'aurait pu même rêver.
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    Nous bloguions chaque soir en live
    depuis la tente via notre ordinateur
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    et notre transmetteur satellite
    fait maison,
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    tous deux tournant à l'énergie solaire
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    grâce à un panneau photovoltaïque
    au-dessus de la tente.
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    Et écrire m'était essentiel.
  • 6:42 - 6:48
    Enfant, j'avais été très influencé par
    les récits d'aventure et d'exploration,
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    et je crois que nous avons
    tous vu cette semaine
  • 6:51 - 6:55
    l'importance et le pouvoir de
    raconter des histoires.
  • 6:55 - 6:57
    Nous avions l'équipement du
    21ème siècle,
  • 6:57 - 7:00
    mais en réalité, nous étions confrontés
    aux mêmes défis que
  • 7:00 - 7:02
    Scott avant nous :
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    ceux de la météo et de ce que Scott
    nommait la glisse,
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    la friction entre
    les traîneaux et la neige.
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    Les vents les plus froids que nous
    ayons ressentis atteignaient les -70°
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    et l'on avait zéro visibilité,
    c'était le « jour blanc »,
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    pendant quasiment toute la mission.
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    Nous avons gravi l'un des plus grands
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    et plus dangereux glaciers au monde,
    le glacier Beardmore.
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    Long de plus de 177 kilomètres, sa
    surface est composée de glace bleue.
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    Vous pouvez admirer sa surface,
    aux doux reflets bleu acier,
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    perforé par des centaines
    et des centaines de crevasses,
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    des trous dans la glace pouvant
    descendre jusqu'à plus de 60 mètres.
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    Un avion ne s'y pose pas,
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    c'est donc là que nous étions
    le plus en péril,
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    techniquement, là où nous avions
    le moins de chance d'être secourus.
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    Nous avons atteint le pôle Sud
    après 61 jours de marche,
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    un jour où, à notre grande surprise,
    il faisait beau,
  • 7:55 - 7:57
    et j'ai le regret de vous dire
    que c'est un peu décevant.
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    Il y a là une base Américaine permanente,
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    la base antarctique
    Amundsen-Scott Pôle Sud.
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    On y trouve piste d'atterrissage, cantine,
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    douches avec eau chaude,
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    bureau de poste, boutique de souvenirs,
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    et un terrain de basket en salle
    pouvant servir de cinéma.
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    Du coup, c'est un peu différent
    de nos jours,
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    et on y trouve plein de déchets.
  • 8:16 - 8:17
    Je trouve cela incroyable
  • 8:17 - 8:23
    que des hommes puissent vivre
    365 jours par an
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    avec à leur disposition hamburgers,
    douches chaudes et salles de cinéma,
  • 8:26 - 8:29
    mais il semblerait que cela
    produise pas mal d'emballages.
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    Sur la gauche de cette photo,
    vous remarquerez
  • 8:31 - 8:32
    plusieurs hectares de détritus
  • 8:32 - 8:35
    qui attendent d'être rapatriés.
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    Il y a aussi cependant
    un pôle au pôle Sud,
  • 8:39 - 8:42
    et nous nous y sommes rendus à pied,
    sans assistance aucune,
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    en empruntant la route la plus ardue,
  • 8:44 - 8:46
    soit 1 500 kilomètres en un temps record,
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    traînant plus d'équipement
    que quiconque auparavant.
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    Si nous étions rentrés
    à la maison après cela,
  • 8:51 - 8:53
    ce qui paraîtrait être la chose
    la plus logique à faire,
  • 8:53 - 8:55
    alors mon exposé s'arrêterait là
  • 8:55 - 8:59
    et j'aurais certainement conclu
    sur quelque chose comme ça :
  • 8:59 - 9:01
    si vous êtes entouré des bonnes personnes,
  • 9:01 - 9:04
    disposez de l’équipement,
    de la technologie
  • 9:04 - 9:07
    et si vous croyez suffisamment en vous et
    avez assez de détermination,
  • 9:07 - 9:11
    rien n'est impossible.
  • 9:13 - 9:15
    Cependant, nous avons fait demi-tour,
  • 9:15 - 9:18
    et c'est là que les choses
    deviennent intéressantes.
  • 9:18 - 9:21
    Assez haut sur le plateau Antarctique,
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    à plus de 3000 mètres,
    c'est très venteux,
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    froid, sec et l'on était épuisés.
  • 9:25 - 9:27
    Nous avions réalisé 35 marathons
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    nous n'étions qu'à mi-parcours,
  • 9:28 - 9:30
    et nous avions un kit d'urgence,
  • 9:30 - 9:33
    l'avion en cas de pépin,
    le téléphone satellite,
  • 9:33 - 9:37
    et une géolocalisation H24,
    ce que bien sûr Scott n'avait pas,
  • 9:37 - 9:38
    mais avec le recul,
  • 9:38 - 9:40
    plutôt que de nous faciliter la vie,
  • 9:40 - 9:42
    le kit d'urgence nous a en fait poussés
  • 9:42 - 9:46
    à ne prévoir que le strict minimum,
  • 9:46 - 9:50
    nous permettant d'atteindre nos
    frontières absolues en tant qu'individus.
  • 9:50 - 9:54
    C'est une torture
    d'un raffinement particulier
  • 9:54 - 9:56
    que de s'épuiser jusqu'à la famine
    jour après jour,
  • 9:56 - 10:01
    quand on tire un traîneau rempli
    de nourriture.
  • 10:01 - 10:05
    Pendant des années, j'écrivais de manière
    désinvolte pour des demandes de sponsoring
  • 10:05 - 10:08
    sur comment repousser les limites
    de l'endurance humaine,
  • 10:08 - 10:12
    mais en réalité, il y avait quelque chose
    de grave et effrayant à se trouver là.
  • 10:12 - 10:14
    Nous avons eu, avant d'arriver au pôle,
  • 10:14 - 10:18
    deux semaines quasi non-stop de vent
    qui nous ralentissait.
  • 10:18 - 10:20
    Du coup, nous avons dû nous limiter
    à des demi-rations.
  • 10:20 - 10:23
    Nous avions pour le voyage une quantité
    bien précise de vivres
  • 10:23 - 10:25
    donc nous avons essayé de compenser
  • 10:25 - 10:29
    en réduisant de moitié
    les apports en calories.
  • 10:29 - 10:32
    Résultat, nous devenions
    de plus en plus hypoglycémiques,
  • 10:32 - 10:35
    notre niveau de sucre dans le sang
    diminuait jour après jour
  • 10:35 - 10:39
    et étions de plus en plus
    sensibles au froid extrême.
  • 10:40 - 10:44
    Tarka m'a pris en photo un soir après que
    je me suis presqu'évanoui d’hypothermie.
  • 10:44 - 10:47
    Nous avions tous deux
    des crises d'hypothermies répétées,
  • 10:47 - 10:49
    chose que je n'avais jamais connue.
  • 10:49 - 10:51
    Une grande leçon d'humilité pour nous,
  • 10:51 - 10:54
    contrairement à ce que l'on aime à croire,
    moi y compris,
  • 10:54 - 10:57
    comme quoi on n'est pas
    du genre à abandonner,
  • 10:57 - 10:59
    qu'on s’entêtera
    jusqu'au bout s'il le faut,
  • 10:59 - 11:01
    l'hypothermie ne laisse
    pas vraiment le choix.
  • 11:01 - 11:04
    Vous vous retrouvez
    complètement handicapés.
  • 11:04 - 11:07
    Imaginez un bambin bourré.
  • 11:07 - 11:09
    Vous devenez pathétique.
  • 11:09 - 11:13
    Je me souviens avoir voulu
    juste m'allonger et tout arrêter.
  • 11:13 - 11:15
    C'est un sentiment vraiment,
    vraiment étrange
  • 11:15 - 11:20
    et je fus très surpris
    de me sentir affaibli à ce point.
  • 11:20 - 11:25
    Et nous avons finalement
    terminé toutes nos provisions,
  • 11:25 - 11:28
    à 75 kilomètres du premier dépôt
  • 11:28 - 11:30
    que nous avions laissé à l'aller.
  • 11:30 - 11:32
    Nous en avions 10 de ce type,
  • 11:32 - 11:34
    des vivres et du fuel littéralement
    enfouis pour notre retour
  • 11:34 - 11:38
    -le fuel était pour le camping,
    pour transformer la glace en eau-
  • 11:38 - 11:43
    et j'ai été obligé de prendre la décision
    d'appeler pour du ravitaillement,
  • 11:43 - 11:45
    grâce à un avion pouvant transporter
  • 11:45 - 11:48
    8 jours de nourriture
    pour nous aider à tenir.
  • 11:48 - 11:51
    Il leur a fallu 12 heures pour accourir
    depuis l'autre bout de l’Antarctique.
  • 11:51 - 11:54
    Demander cet avion a été
    l'une des décisions
  • 11:54 - 11:55
    les plus difficiles de toute ma vie.
  • 11:55 - 11:59
    Et je me sens vraiment mal d'être ici
    aujourd'hui avec une petite bedaine.
  • 11:59 - 12:02
    J'ai pris 14 kilos durant
    ces trois dernières semaines.
  • 12:02 - 12:05
    Souffrir à ce point de la faim
    m'a marqué d'une curieuse manière,
  • 12:05 - 12:07
    car maintenant je passe mon temps
    à engloutir
  • 12:07 - 12:09
    chaque buffet des hôtels où je séjourne.
  • 12:09 - 12:11
    (Rires)
  • 12:11 - 12:14
    Mais sérieusement, nous étions
    vraiment affamés,
  • 12:14 - 12:16
    et ce dans le mauvais sens du terme.
  • 12:16 - 12:19
    Je ne regrette absolument pas
    d'avoir appelé cet avion,
  • 12:19 - 12:21
    puisque je suis ici en vie
  • 12:21 - 12:23
    et entier, à vous raconter cette histoire.
  • 12:23 - 12:28
    Mais recourir à une aide externe
    n'était pas au programme,
  • 12:28 - 12:31
    et ma fierté est actuellement
    toujours sous le choc.
  • 12:31 - 12:34
    C'était le rêve de toute une vie,
  • 12:34 - 12:36
    et il était à ça d'être parfait.
  • 12:37 - 12:38
    Lors de notre retour vers la côte,
  • 12:38 - 12:40
    nos crampons, les crochets que nous avions
  • 12:40 - 12:43
    sous nos bottes pour marcher
    sur la glace bleue du glacier,
  • 12:43 - 12:45
    se sont cassés au sommet du Beardmore.
  • 12:45 - 12:47
    Il nous restait 160 km de descente
  • 12:47 - 12:49
    sur de la glace bleue dure et glissante.
  • 12:49 - 12:52
    Il fallait les réparer toutes les heures.
  • 12:52 - 12:54
    Pour vous donner une idée des distances,
  • 12:54 - 12:57
    vous voyez là-bas
    la gorge du glacier Beardmore.
  • 12:57 - 13:00
    On pourrait faire rentrer tout Manhattan
    dans le trou que vous apercevez.
  • 13:00 - 13:03
    Il y a 33 kilomètres entre
    le mont Hope et le mont Kiffin.
  • 13:03 - 13:09
    Jamais je ne me suis senti aussi
    insignifiant qu'ici, en Antarctique.
  • 13:10 - 13:12
    Une fois dans la gorge du glacier,
  • 13:12 - 13:14
    nous avons découvert que de la neige
    fraîchement tombée
  • 13:14 - 13:16
    avait recouvert les crevasses.
  • 13:16 - 13:19
    Un des hommes de Shackleton
    a décrit cela en disant
  • 13:19 - 13:24
    que c'était comme de marcher sur
    le plafond en verre d'une gare.
  • 13:24 - 13:27
    Nous sommes tombés plus de fois
    que je ne pourrais le dire,
  • 13:27 - 13:30
    avec en général juste un ski ou une botte
    qui tombait dans le trou.
  • 13:30 - 13:33
    Parfois cependant, on y tombait
    jusqu'aux aisselles,
  • 13:33 - 13:37
    mais heureusement
    jamais plus profondément.
  • 13:37 - 13:41
    Et il y a moins de 5 semaines de cela,
    après 105 jours,
  • 13:41 - 13:44
    nous avons finalement franchi cette
    curieuse ligne d'arrivée mal famée
  • 13:44 - 13:48
    qu'est la côte de l'île de Ross,
    côté néozélandais de l'Antarctique.
  • 13:48 - 13:50
    Vous voyez la glace au premier plan
  • 13:50 - 13:52
    et une sorte de d’amas
    de roches au second.
  • 13:52 - 13:56
    Derrière nous se trouve une trace
    de skis ininterrompue sur 2900 km.
  • 13:56 - 13:59
    Nous avions fait la plus longue
    marche polaire au monde,
  • 13:59 - 14:03
    ce dont je rêvais
    depuis plus d'une décennie.
  • 14:03 - 14:05
    Et avec le recul,
  • 14:05 - 14:09
    je continue de croire en ce
    que j'ai dit pendant des années
  • 14:09 - 14:11
    sur l'importance des objectifs,
  • 14:11 - 14:15
    sur la détermination
    et la confiance en soi,
  • 14:15 - 14:20
    mais je reconnais également que je n'avais
    jamais pensé à ce qui ce passait
  • 14:20 - 14:23
    une fois le but de toute une vie atteint,
  • 14:23 - 14:27
    ce pour quoi l'on a sacrifié tant
    de temps et d’énergie
  • 14:27 - 14:30
    et à vrai dire,
    je cherche encore la réponse.
  • 14:30 - 14:34
    Comme je le disais, il est dur de déceler
    des signes qui trahissent mon voyage.
  • 14:34 - 14:35
    J'ai pris 14 kilos.
  • 14:35 - 14:39
    J'ai de très légères cicatrices dues à des
    gelures, camouflées par du maquillage.
  • 14:39 - 14:43
    J'ai une une sur mon nez, une sur chaque
    joues, à cause de mes lunettes,
  • 14:43 - 14:47
    mais au fond de moi-même, je suis
    un homme complètement différent.
  • 14:48 - 14:50
    Pour être honnête,
  • 14:50 - 14:55
    l'Antarctique m'a tant éprouvé et ému
  • 14:55 - 14:59
    que je ne suis pas sûr de pouvoir un jour
    mettre des mots sur ces émotions.
  • 14:59 - 15:03
    Je lutte suffisament déjà pour
    assembler mes idées.
  • 15:03 - 15:06
    Le fait que je suis ici,
    à raconter ce voyage,
  • 15:06 - 15:11
    est la preuve-même que l'on peut accomplir
    de grandes choses,
  • 15:11 - 15:13
    grâce à l'ambition, à la passion,
  • 15:13 - 15:15
    à l'entêtement pur et dur,
  • 15:15 - 15:17
    en refusant d'abandonner,
  • 15:17 - 15:20
    et si vous désirez quelque chose
    suffisamment fort, Sting l'a dit,
  • 15:20 - 15:23
    vous l'aurez.
  • 15:23 - 15:25
    Mais je suis aussi là pour vous dire,
  • 15:25 - 15:26
    vous savez quoi ?
  • 15:26 - 15:33
    On dit que les voyages sont
    plus importants que la destination,
  • 15:33 - 15:35
    il y a du vrai là-dedans.
  • 15:35 - 15:38
    Plus je m'approchais
    de la ligne d'arrivée,
  • 15:38 - 15:42
    cette côte rocheuse de l'île de Ross,
  • 15:42 - 15:45
    plus je réalisais que la plus grande leçon
  • 15:45 - 15:49
    que cette très longue, très éprouvante
    marche m'avait enseignée,
  • 15:49 - 15:53
    était que le bonheur n'est pas
    une ligne d'arrivée,
  • 15:53 - 15:55
    que pour nous autres humains,
  • 15:55 - 15:58
    la perfection à laquelle
    tant d'entre nous aspirent
  • 15:58 - 16:02
    n'est peut-être pas
    réellement atteignable,
  • 16:02 - 16:11
    et que si l'on est déjà pas satisfait de
    ce que l'on a maintenant,
  • 16:11 - 16:15
    de nos péripéties au milieu du chaos
    et des efforts qui régissent nos vies,
  • 16:15 - 16:18
    cette boucle ouverte, cette liste
    de choses à faire inachevée,
  • 16:18 - 16:21
    ces « je ferai mieux la prochaine fois »,
  • 16:21 - 16:24
    alors jamais nous ne le serons.
  • 16:24 - 16:27
    Et nombre de gens me demandent :
    « Et maintenant ? »
  • 16:27 - 16:29
    Là, maintenant tout de suite,
  • 16:29 - 16:34
    je suis très heureux de récupérer et que
    les buffets d’hôtel existent, (Rires)
  • 16:34 - 16:39
    mais comme Bob Hope l'a dit,
  • 16:39 - 16:41
    j'ai beau me sentir humble,
  • 16:41 - 16:45
    je pense avoir la force de caractère
    nécessaire pour vaincre cela. (Rires)
  • 16:45 - 16:46
    Merci.
  • 16:46 - 16:51
    (Applaudissements)
Title:
Voyage aller-retour jusqu'au Pôle Sud : les 105 jours les plus durs de ma vie
Speaker:
Ben Saunders
Description:

Cette année, l'explorateur Ben Saunders a tenté la randonnée la plus ambitieuse qu'il ait jamais faite. Pour achever l'expédition polaire ratée en 1912 du capitaine Robert Falcon Scott, il planifia un voyage aller-retour de 3000 km, 4 mois pour aller du bord de l'Antarctique au Pôle Sud puis en revenir. Dans ce discours, le premier qu'il donne après son expédition, seulement cinq semaines après son retour, Saunders nous fait partager un regard vivant et honnête sur cette mission empreinte « d'hubris » qui l'a amené à prendre la décision la plus difficile de sa vie.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
17:04
  • Bonjour,

    Je viens de me rendre compte que j'avais oublié de traduire le titre de la description et de la vidéo, et que la personne qui m'a gentiment reviewé a également sauté cette partie... Quelqu'un peut-il encore les éditer ?

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  • Hum, sympa le spam de messages !

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  • Bonjour Rachel,

    Je n'ai pas l’accès en modification a ces sous-titre. Désolé

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