Comment des frappes de marteau sychronisées pourraient produire de la fusion nucléaire

L'avenir en matière d'énergie dépend de la fusion nucléaire, selon Michel Laberge. Ce physicien est à la tête d'une petite entreprise qui a le grand projet de développer un nouveau type de réacteur nucléaire, qui pourrait produire de l'énergie propre et bon marché. Son secret ? Des vitesses élevées, des températures infernales et une pression écrasante. Dans cet exposé plein d'espoir, il explique en quoi la fusion nucléaire est moins hors de portée qu'on ne le pense.

Wow, c'est lumineux.

Ça doit utiliser beaucoup d'énergie.

Et vous faire venir ici par avion
a dû en consommer pas mal aussi.

La planète entière demande
beaucoup d'énergie,

Et jusque là nous avons surtout
consommé des énergies fossiles.

On a brûlé du pétrole.

On a fait un beau bout de chemin.

Ça nous a mené jusqu'ici,
mais nous devons nous arrêter.

On ne peut plus continuer.

Aujourd'hui on teste des
énergies différentes,

des énergies alternatives,

mais il est en fait
très difficile de trouver

une alternative qui soit aussi
pratique et rentable

que le pétrole, le gaz ou le charbon.

Ma préférée est l'énergie nucléaire.

Elle est à forte teneur énergétique,

Elle produit une énergie constante et fiable,

et elle ne rejette pas de CO2.

Nous savons produire de l'énergie nucléaire

de deux façons :
la fission et la fusion.

Dans la fission, vous prenez
un gros noyau,

vous le brisez en deux partie,
et ça produit beaucoup d'énergie.

C'est comme ça marchent
les réacteurs nucléaires aujourd'hui.

Ça marche plutôt bien.

Ensuite il y a la fusion.

J'aime la fusion.
La fusion, c'est beaucoup mieux.

Vous prenez deux petits noyaux,

vous les mettez ensemble
et ça fait de l'hélium,

et ça c'est super bien.

Ça crée beaucoup d'énergie.

C'est la manière dont la nature
produit de l'énergie.

Le soleil et toutes les étoiles
de l'univers utilisent la fusion.

Aujourd'hui, un réacteur à fusion

serait en fait assez rentable
et aussi plutôt sûr.

Elle ne produit que des déchets
radioactifs de court durée,

et la fusion du réacteur est impossible.

Le carburant de la fusion provient
de l'océan.

Dans l'océan, vous pouvez l'extraire

pour environ un millième de centime

par kilowatt-heure,
donc c'est vraiment pas cher.

Et si toute la planète
utilisait la fusion,

on pourrait extraire le combustible
de l'océan.

Et ça pourrait fonctionner
pendant des milliards d'années.

Alors, si la fusion est si géniale,
pourquoi nous ne l'utilisons pas ?

Pourquoi est-ce qu'on en voit pas partout ?

Eh bien, il y a toujours un petit os.

La fusion est très, très dure à réaliser.

Le problème est que ces
deux petits noyaux

sont chargés positivement,
et ils ne veulent pas fusionner.

Ils vont par-ci, ils vont par là.

Pour les fusionner,
il faut les heurter à grande vitesse ;

s'ils ont assez de vitesse
ils vont contrer la répulsion,

ils vont se toucher
et produire de l'énergie.

La vitesse des particules

est en fonction de la température.

La température requise pour la fusion

est de 150 milliard de degrés Celsius.

C'est plutôt chaud,

et c'est pour ça que la fusion
est si dure à réaliser.

J'ai chopé le virus la fusion

lorsque j'ai fait mon doctorat, ici,
à l'Université de Colombie-Britannique.

Ensuite, j'ai trouvé un boulot dans une
entreprise d'impression laser

qui travaillait pour le secteur de l'impression.

J'y ai travaillé pendant 10 ans,

puis j'en ai eu un peu marre,

j'ai eu 40 ans
et la crise de la quarantaine.

Vous savez ce que c'est :

Qui suis-je ?
Que devrais-je faire ?

Que devrais-je faire ?
Que puis-je faire ?

Et puis j'ai examiné mon bon travail.

Ce que je faisais, c'était de couper des arbres
dans la région

et je vous enterrais,
vous tous,

sous des millions de tonnes
de courriers indésirables.

Ce n'était pas très satisfaisant.

Certains achètent une Porsche.

D'autres prennent une maîtresse.

Mais j'ai décidé de m'impliquer

contre le réchauffement climatique
et pour rendre la fusion possible.

La première chose que j'ai faite

a été de regardé dans les livres pour voir

comment fonctionne la fusion.

Cela fait longtemps que les physiciens
travaillent sur la fusion.

Une de leurs méthodes utilise
ce qu'on appelle un tokamak.

C'est un grand anneau de bobine magnétique,

une bobine supraconductrice,

qui crée un champ magnétique

dans un anneau de ce genre,

et le gaz chaud au milieu

qui est appelé plasma, est emprisonné.

Les particules tournent sans cesse
autour de l'anneau.

Puis ils chauffent le tout

pour tenter d'atteindre
la température de fusion.

Voila l'intérieur de l'un de ces donuts,

sur la droite vous voyez
le plasma de fusion.

Une deuxième manière de faire ça

est d'utiliser la fusion laser.

Pour cette fusion,
prenez une petite balle de ping-pong,

placez le carburant au centre,

et bombardez le tout avec des lasers.

Les lasers sont très puissants
et écrasent la balle à très haute vitesse.

Et si vous pressez suffisamment fort,
ça chauffe,

et si ça chauffe très très vite,

et eux le font en un milliardième
de seconde,

ça produit assez d'énergie et de chaleur
pour faire de la fusion.

Voici l'intérieur d'une machine de ce genre.

Vous pouvez voir les lasers
et la balle au centre.

La plupart des gens pensent
que la fusion ne va nulle part.

Ils pensent que les physiciens
sont dans leurs labo,

qu'ils travaillent dur,
mais pour rien.

Mais ce n'est pas tout vrai.

Voici le schéma de progression
de la fusion

au cours des 30 dernières années.

Vous pouvez voir qu'à présent

l'on produit 10.000 fois plus de fusion
que lorsqu'on a commencé.

C'est pas mal.

C'est même aussi performant
que la la légendaire loi de Moore

qui déterminait le nombre de transistors

qu'on peut mettre sur une puce.

Ce point ici s'appelle JET,
le Joint European Torus.

C'est un gros donut tokamak
situé en Europe.

En 1997, cette machine

a généré 16 mégawatts d'énergie de fusion

à partir de 17 mégawatts de chaleur.

Vous devez vous dire
que ce n'est pas très utile,

mais on est en fait assez près du but,

vu qu'on peut maintenant faire
10.000 fois mieux qu'au début.

Le deuxième point ici est le NIF.

C'est le National Ignition Facility.

C'est une grande machine laser
aux États-Unis,

et le mois dernier
ils ont annoncé à grand bruit

qu'ils ont produit plus
d'énergie de fusion

avec la fusion

que l'énergie qu'ils ont introduit
au centre de la balle de ping-pong.

Mais ce n'est pas vraiment suffisant,
car le laser qui a apporté l'énergie

consommait encore plus d'énergie,
mais c'était pas mal du tout.

Voici à présent l'ITER,

Prononcé en français "i-tère".

C'est une grande collaboration
entre de nombreux pays

qui construisent un gros donut magnétique
dans le sud de la France,

et quand il sera terminé,

il produira 500 megawatts
d'énergie de fusion

avec seulement 50 megawatts
pour la produire.

Ça c'est du sérieux.
Ça va marcher.

C'est le genre de machine
qui produit de l'énergie.

En regardant le graphique
vous remarquerez

que ces deux points sont un peu
à droite de la courbe.

Le progrès a un peu ralenti.

En réalité, nous avions la technologie
pour créer ces machines à temps,

et ainsi produire de la fusion
et coïncider avec courbe.

Mais des questions politiques
sont intervenues,

et la volonté n'y était pas.

Donc le point a dérivé à droite.

Par exemple ITER aurait pu être construit
en 2000 ou 2005,

mais vu la taille
de la collaboration internationale

la politique s'en est mêlée
et ça a pris du retard.

Par exemple, ils ont mis trois ans
pour décider de son emplacement.

On reproche souvent à la fusion
d'être un peu trop chère.

Certes, ça a couté un ou deux
milliards de dollars par an

pour obtenir ce progrès.

Mais il faut le comparer
à ce qu'a coûté la loi de Moore.

Elle a coûté bien plus que ça.

Le résultat de la loi de Moore

est ce portable que j'ai dans ma poche.

Ce portable et l'Internet qui va avec

ont coûté environ
mille milliard de dollars

et ce, pour que je puisse prendre un selfie

et le poster sur Facebook.

Comme ça mon père sera très fier
lorsqu'il le verra.

On dépense aussi environ 650 milliards
de dollars par an

pour subventionner le pétrole et le gaz

et les énergies renouvelables.

Pour la fusion, on dépense
un demi pour-cent de ça.

Alors personnellement,
je ne la trouve pas trop chère.

Je pense même qu'elle s'est fait avoir

vu qu'elle pourrait résoudre proprement
nos problèmes d'énergie

pour les quelques
milliards d'années à venir.

Je dis ça mais je suis pas très impartial,

parce que j'ai créé
une entreprise de fusion

et je n'ai même pas de compte Facebook.

Lorsque j'ai créé mon entreprise en 2002,

je savais que je ne pouvais pas rivaliser
avec les grands.

Ils ont bien plus de ressources.

Donc j'ai décidé de trouver une solution
moins chère et plus rapide.

Les fusions laser et magnétique
sont de belles machines.

De la superbe technologie,

merveilleuses machines, qui ont prouvé
que la fusion est réalisable.

Cependant, en tant que centrales,

je ne pense pas qu'elle soient si bien.

Elles sont bien trop grandes
et compliquées.

Bien trop chères.

Et elles ne se préoccupent pas vraiment
de l'énergie de fusion.

Avec la fusion, l'énergie se dégage
sous forme de neutrons,

des neutrons rapides sortent du plasma.

Ces neutrons heurtent
les parois de la machine.

Ça l'abîme.

Et il faut récupérer la chaleur
de ces neutrons

et injecter de la vapeur
pour faire tourner une turbine.

En fait pour ces machines,
tout ça était secondaire.

Donc je me suis dis qu'il devait y avoir
une meilleure méthode.

Dans la littérature

on parle de la fusion un peu partout.

Une méthode en particulier
a attiré mon attention.

Elle s'appelle la
Fusion à Cible Magnétisée,

ou FCM.

Avec la FCM, ce que vous faites

c'est prendre une grande cuve

que vous remplissez
avec du métal en fusion.

Puis vous le faites tourner
pour former un tourbillon au centre,

un peu comme votre évier,

en enlevant le bouchon
ça fait un tourbillon.

Puis vous avez des pistons,
actionnés par pression

situés à l'extérieur,

et qui compressent le métal en fusion
autour du plasma.

Ainsi ça chauffe, comme un laser,
et ça fait de la fusion.

C'est un peu un mix
entre la fusion magnétisée

et la fusion laser.

Cet ensemble possède de
très bons avantages.

Le métal en fusion absorbe
tous les neutrons

et aucun neutron ne heurte les parois,

on évite ainsi d'endommager la machine.

Le métal en fusion chauffe,

on le pompe avec un échangeur thermique,

et on fait de la vapeur
qui actionne une turbine.

C'est une manière commode
de le faire.

Finallement, toute l'énergie
nécessaire à la fusion

provient des pistons à vapeur,

ce qui est beaucoup moins cher
que les lasers

ou les bobines supraconductrices.

Tout ça est très bien,

sauf que ça n'a pas vraiment marché.

(Rires)

Il y a toujours un os.

Lorsque vous compressez le tout,
la plasma refroidit

plus vite que la compression
ne le chauffe.

Vous tentez de compresser,

mais le plasma refroidit et refroidit

et vous n'obtenez absolument rien.

En voyant ça, je me suis que
c'était dommage,

car c'est vraiment une bonne idée.

Je devrais pouvoir l'améliorer.

J'y ai donc réfléchi une minute,

et je me suis demandé
comment faire.

Et puis j'ai pensé à l'impact.

Si on utilisait un gros marteau,

et qu'on frappait comme sur des clous,
comme ça,

au lieu de poser le marteau
sur le clou

et de le pousser,
d'essayer de le faire entrer ?

L'idée, c'est d'utiliser
le principe de l'impact.

On accélère les pistons avec de la vapeur,

ce qui prend un peu de temps,

et puis bang !
on frappe le piston,

et paf ! toute l'énergie se produit
instantanément,

et se transfère dans le liquide,
ce qui compresse le plasma bien plus vite.

Je me suis dis :
ça c'est bien, faisons-le.

Donc nous avons construit cette machine
dans ce garage, là.

Une petite machine d'où nous avons pu
tirer quelques neutrons,

et ces neutrons m'ont servi
d'argument de vente,

et avec ces arguments,

j'ai pu lever environ
50 millions de dollar,

et j'ai embauché 65 personnes.
Ça c'est mon équipe.

Et voici notre projet.

Ça va être une grande machine
d'environ 3 mètres de diamètre,

avec du plomb liquide
qui tourne à l'intérieur,

un gros tourbillon au milieu,

on met le plasma en haut et en bas,

des pistons frappent les côtés,

bang !, ça le compresse,

ça produira de l'énergie,

et les neutrons entreront
dans le métal en fusion,

qui ira dans une machine à vapeur
faire tourner la turbine

et une partie de la vapeur reviendra
pour actionner le piston.

Nous ferons ça une fois par seconde,

et ça produira 100 mégawatts
d'électricité.

On a aussi construit cet injecteur
qui produit le plasma de départ.

Il le produit à la douce température
d'environ 3 million de degrés C.

Malheureusement, il ne dure pas assez.

Nous avons besoin d'allonger
la durée de vie du plasma.

Mais on a bien progressé le mois dernier,

et je pense que nous maîtrisons maintenant
la compression du plasma.

Puis on a créé une sphère
d'à peu près cette taille,

entourée de 14 pistons
qui compresseront le liquide.

Cependant, le plasma est difficile
à compresser.

Quand on le compresse,
il a tendance à se tordre comme ça,

donc la synchronisation des pistons
doit être excellente.

Et pour ça nous utilisons
des systèmes de contrôle

qui n'existaient pas en 1970.

Mais aujourd'hui la nouvelle électronique
rend tout ça possible.

Pour finir, la plupart des gens
pensent que la fusion

appartient au futur et n'arrivera jamais.

Mais en vérité, la fusion se rapproche.

On y est presque.

Les grands labos ont montré
qu'elle était faisable,

et maintenant des petites
entreprises y pensent

et disent :
certes, ce n'est pas impossible,

mais il faut que ce soit rentable.

General Fusion est l'une d'entre elles.

et j'espère que bientôt
quelqu'un résoudra le problème,

et peut-être que ce sera General Fusion.
Merci beaucoup.

(Applaudissement).