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Episode 10 : les Moissonneurs de Bruegel

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    L'Art...
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    ... en question
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    Un repas revigorant, ...
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    ... des faucheurs dans les blés, ...
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    ... la campagne à perte de vue.
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    Un tableau de Peter Bruegel !
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    Un moment d’empathie pour la vie paysanne ?
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    …ou le regard condescendant du grand propriétaire ?
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    La réponse paraît simple :
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    ce tableau appartient à une série
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    faite par un citadin pour un autre citadin,
    riche marchand anversois…
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    … et les visages rougeauds,
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    hagards,
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    ou exténués par le labeur
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    dénotent un monde auquel on ne brûle pas vraiment d’appartenir.
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    Alors, que viennent chercher l’artiste et son commanditaire
    chez les paysans ?
  • 1:10 - 1:13
    Le plaisir de regarder de haut
    de petites fourmis travailleuses ?
  • 1:13 - 1:17
    ... et de s’en moquer ?
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    ... ou bien considèrent-ils que ces paysans
    sont vraiment intéressants ?
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    Episode 10 : Bruegel - La Moisson
    Le Bonheur est dans le pré ?
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    Partie 1. L’instant paysan
  • 1:38 - 1:42
    Face à la lune pâle, …
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    … les blés brillent comme l’or…
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    Méthodiquement fauchés…
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    …rassemblés…
  • 1:57 - 2:00
    …attachés…
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    …puis transportés...
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    …comme taillés par un géomètre, …
  • 2:07 - 2:10
    … ils guident le regard vers deux foyers :
  • 2:10 - 2:13
    - d’un côté, le village, …
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    … avec ses maisons soudées autour du clocher ;
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    - de l’autre, un univers totalement aménagé par l’homme :
  • 2:22 - 2:24
    bassins artificiels,
  • 2:25 - 2:27
    château et bourg,
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    pont à péage,
  • 2:31 - 2:34
    routes sinueuses...
  • 2:36 - 2:38
    L’arbre, chargé de lourdes poires,
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    est l’image même de la fécondité du travail et de la nature.
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    Les paysans en sont les racines :
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    la fatigue et la peine de l’homme endormi...
  • 2:49 - 2:53
    ... trouve sa compensation dans l’appétit jovial des comparses :
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    après la bouillie de céréales,
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    on se réjouit en tranchant pain et fromage,
  • 2:58 - 3:00
    en attendant de déguster le dessert.
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    Presque un repas de seigneurs !
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    Pourtant cette image n’est pas qu’une célébration générale de l’agriculture et de ses gestes immémoriaux :
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    le temps -le vrai temps de l’action et du changement- s’écoule...
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    Ces formes curieuses, suspendues dans les airs, ...
  • 3:23 - 3:28
    …ce sont les fruits du pommier, secoué par ce paysan…
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    … dont les enfants s’emparent.
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    Ici, près d’un autre cueilleur, le temps s’accélère :
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    des hommes en poursuivent d’autres.
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    Peut-être des intrus, chassés par les gardes du château ?
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    Pour d’autres, c’est l’instant du loisir :
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    - la baignade des moines est décomposée par étapes :
  • 3:50 - 3:51
    habillé,
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    déshabillé,
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    descendant dans l’eau,
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    tâtant la température,
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    s’apprêtant à plonger,
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    nageant les fesses à l’air
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    ou levant les bras en triomphe.
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    - pour les villageois, ensuite, en plein jeu de lancer de bâton :
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    celui qui parvient à tuer l’oie emporte le lot.
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    Un jeu qu’Hogarth condamnera deux siècles plus tard comme un exemple de cruauté.
  • 4:16 - 4:23
    L’instant précis, enfin, où un homme fait ses besoins devant la maison paysanne la plus cossue.
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    Ce motif, que l’on retrouve dans les Proverbes de Bruegel, est signe de mépris,
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    comme ici pour le monde…
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    ou pour l’autorité représentée par le gibet.
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    Au premier abord, ce paysage dessine la société des trois ordres,
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    qui se veut immuable dans l’ordre non moins immuable des saisons :
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    - la noblesse combat pour assurer la paix et l'ordre sur terre
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    - le clergé prie pour assurer la sécurité de tous dans l'au-delà,
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    - et le tiers-état travaille afin de pourvoir aux besoins terrestres.
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    Mais ici le château paraît perdu,
  • 5:01 - 5:03
    les moines ne prient pas
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    et seuls les paysans travaillent.
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    Les seuls ? Pas tout à fait ! Au loin, des navires emblématiques du grand commerce maritime.
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    Là est le changement fondamental du tableau :
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    dans cet horizon, qui dépasse les limites du vieux monde féodal.
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    Qui est alors le vrai héros du tableau ?
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    Les paysans, dans leur coin de terre,
    ou le marchand qui domine le monde ?
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    Partie 2. L’intérêt et la distance
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    Le marchand s’appelle Jongelinck...
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    ...et la série des saisons est destinée à la salle à manger de sa villa à la campagne.
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    Quel regard porte-t-il sur ces paysans ?
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    La confiance ne semble pas aller de soi.
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    On dirait que notre regard dérange !
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    Et ce motif est ambigu chez Bruegel :
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    dans les Apiculteurs, les hommes bien outillés triomphent de l’amateur pour s’emparer du produit des ruches.
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    Là, le ridicule est plus pour la belle conscience qui s’apprête à tomber dans le ruisseau,
  • 6:09 - 6:13
    plutôt que pour « le dénicheur » qui prend des risques.
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    Le vol lui-même peut-être gai, à l’exemple de ce tout jeune paysan –qui représente le monde–
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    qui tranche la bourse du sinistre misanthrope au milieu des champs.
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    Pour Bruegel et son commanditaire, qui pratiquent le « regard de haut »,
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    le vol apparaît presque « de bonne guerre ».
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    Peut-être parce que le marchand dispose d’une vision comptable :
  • 6:36 - 6:38
    on peut compter fruits et fagots
  • 6:38 - 6:41
    ainsi que le nombre de bouches à nourrir
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    on peut donc calculer le surplus !
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    Mais la distance s’inscrit surtout dans la manière dont Bruegel...
  • 6:48 - 6:51
    ... joue avec les corps au travail.
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    A l’image de cette autre représentation,
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    où les visages disparaissent derrières les charges et les cruches,
  • 6:57 - 7:00
    les femmes ressemblent à leurs fagots,
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    une amphore prend forme humaine,
  • 7:02 - 7:06
    comme si ces personnages, par ailleurs fortement individualisés,
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    devenaient leur métier.
  • 7:09 - 7:11
    Un métier basé sur l’effort et l’habileté,
  • 7:11 - 7:14
    bien loin de la souplesse d’esprit d’un Jongelinck.
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    Grand amateur d’art, il avait commandé deux autres séries pour sa villa à Frans Floris :
  • 7:20 - 7:25
    l’une sur les sept arts libéraux,
    supérieurs parce qu’ils s’apparentent à un savoir pur,
  • 7:25 - 7:28
    non subordonné à un but utilitaire :
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    - quatre arts liés aux mathématiques :
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    arithmétique,
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    géométrie,
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    musique,
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    astronomie
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    - trois liés au discours :
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    grammaire,
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    rhétorique,
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    logique.
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    L’autre sur les Douze travaux d’Hercule,
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    emblèmes de la force aristocratique.
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    Il n’en reste pas moins que ces séries apparaissent infiniment plus conventionnelles et stéréotypées :
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    ce sont de lourdes allégories qu’un parvenu pourrait collectionner
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    pour imiter n’importe quel prince éclairé.
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    Pourquoi a-t-on l’impression que ce sont ces frustes paysans
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    que l’on regarde avec l’intérêt le plus authentique ?
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    Partie 3. L’esprit des paysans
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    Avant Bruegel, les paysans semblent d’éternels faire-valoir :
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    dans ces nativités, ils restent au seuil de l’espace sacré –une étable !
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    Face à leurs visages mats et grossiers,
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    … la Vierge resplendit, blanche et délicate.
  • 8:32 - 8:36
    Dans ce livre d’heures, ils s’opposent à la vie aristocratique,
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    dans un monde borné par le majestueux château seigneurial.
  • 8:41 - 8:46
    Aux aristocrates, les banquets, la chasse et l’amour courtois !
  • 8:46 - 8:50
    Aux paysans, la besogne !
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    Chez Bruegel, au siècle suivant, c’est au contraire le travail des paysans qui est monumentalisé …
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    … tandis que l’aristocratie apparaît frivole et insignifiante.
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    Dans les autres tableaux des saisons, l’impression se confirme :
  • 9:07 - 9:09
    le monde s’est dilaté,
  • 9:09 - 9:13
    les fières forteresses sont plus lointaines,
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    et paradoxalement le monde paysan est devenu intéressant.
  • 9:17 - 9:19
    Pourquoi ?
  • 9:19 - 9:24
    Peut-être parce que l’élite bourgeoise –tout au souci des grandes affaires du monde–
  • 9:24 - 9:28
    envie secrètement l’horizon borné du paysan ?
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    Pendant que les bateaux sont broyés dans la tempête au grand dam d’un investisseur…
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    … la vie paysanne poursuit son cours…
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    … sans négliger l’esprit de fiction et de jeu :
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    il suffit d’une couronne de papier, de deux gros coussins, et d’un collier de vache…
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    …pour convaincre l’enfant d’être un roi-mage,
  • 9:51 - 9:56
    et d’une flûte aux adultes pour parodier une scène de séduction pastorale.
  • 9:58 - 10:04
    Ici, deux observateurs aux manières urbaines, sont intercalés entre cette figure désinvolte
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    et une joyeuse danse accomplie devant le sinistre gibet …
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    … gibet que l’on retrouve dans cet autre panneau des saisons.
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    Alors que l’exécution du condamné est encore fraîche,
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    le plaisir dominant c’est celui de contempler la croupe des vaches grasses…
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    …revenir au sein du paisible bourg où jouent les enfants.
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    Dans l’Hiver, enfin, on retrouve ce parallélisme entre le jeu de l’artiste
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    qui masque les têtes des chiens frigorifiés,
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    pour créer un bouquet de queues en tire-bouchons quasi-abstrait…
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    … et le jeu du patinage, qui met à jour chez ces villageois une humanité beaucoup plus large que celle du travail :
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    entre ceux qui restent au bord
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    et les rois de la glisse…
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    … il y a les timides tentatives…
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    …la coopération…
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    …les « petits drames »
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    …les échecs…
  • 10:57 - 11:00
    … et les imprévus.
  • 11:01 - 11:06
    La différence entre Jongelinck et un paysan n’est donc pas une différence de nature,
  • 11:06 - 11:09
    comme celle qui opposait le serf au seigneur,
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    mais une différence d’horizon.
  • 11:14 - 11:18
    Jongelinck possédait un dernier tableau de Bruegel :
  • 11:18 - 11:20
    la Tour de Babel, …
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    … représentée dans une ville flamande contemporaine.
  • 11:24 - 11:28
    Sans doute est-elle une condamnation de l’orgueil humain.
  • 11:29 - 11:36
    Mais elle marque aussi l’apparition d’un fossé entre les rêves d’une élite citadine, qui regarde l’horizon, …
  • 11:36 - 11:38
    … aime construire, ...
  • 11:38 - 11:40
    ... prendre des risques, …
  • 11:42 - 11:45
    …et la masse qui reste fixée à ce qu’elle connaît,
  • 11:45 - 11:47
    rivée sur son petit lopin de terre.
  • 11:49 - 11:57
    La série des Saisons traduit donc tout à la fois un sentiment de proximité et de distance :
  • 11:58 - 12:03
    proximité de celui qui voit dans le paysan une forme d’enfance de l’humanité …
  • 12:03 - 12:08
    …avec laquelle il est bon de se reconnecter.
  • 12:08 - 12:16
    Distance du marchand d’élite, manifestant la supériorité de celui qui sait regarder les horizons lointains, …
  • 12:19 - 12:28
    … contestant à l’aristocratie jouisseuse et décadente son pouvoir sur la terre.
  • 12:40 - 12:45
    Déjà le dernier épisode de la saison 1
    Vous en voulez encore ?
  • 12:45 - 12:51
    Plus d'informations sur : www.canal-educatif.fr
  • 12:51 - 12:55
    Ecrit et réalisé par :
  • 12:55 - 13:00
    Produit par :
  • 13:00 - 13:04
    Conseiller scientifique :
  • 13:04 - 13:08
    Financements et soutien public :
  • 13:08 - 13:12
    Voix-off :
  • 13:12 - 13:17
    Montage et vidéographisme :
  • 13:17 - 13:21
    Post-production / Prise de son
  • 13:21 - 13:25
    Sélection des musiques
  • 13:25 - 13:30
    Musiques
  • 13:30 - 13:34
    Remerciements
    Sous-titres français : CED
  • 13:34 - 13:36
    Un film du CED
Title:
Episode 10 : les Moissonneurs de Bruegel
Description:

"Quand des citadins regardent des paysans au travail, est-ce avec intérêt ou condescendance ?
Plus d'infos sur la série et le projet sur http://www.canal-educatif.fr"

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Video Language:
French
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