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Le pouvoir de la dépendance et la dépendance au pouvoir | Gabor Maté | TEDxRio+20

  • 0:10 - 0:12
    Je suis ici pour vous parler
    de la dépendance,
  • 0:12 - 0:14
    du pouvoir de la dépendance,
  • 0:14 - 0:17
    et aussi de la dépendance au pouvoir.
  • 0:17 - 0:20
    En tant que médecin, j'ai travaillé
    à Vancouver, au Canada,
  • 0:20 - 0:23
    avec des personnes
    vraiment très dépendantes.
  • 0:23 - 0:26
    Des consommateurs d'héroïne,
    de cocaïne,
  • 0:26 - 0:32
    des consommateurs d'alcool, de crystal
    meth ou de tout type de drogue.
  • 0:32 - 0:33
    Et ces personnes souffrent.
  • 0:33 - 0:38
    Si on mesure le succès d'un docteur
    à la longévité de ses patients,
  • 0:38 - 0:40
    alors j'ai échoué
  • 0:40 - 0:44
    car mes patients meurent jeunes,
    relativement parlant.
  • 0:44 - 0:48
    Ils meurent du VIH, de l'hépatite C,
  • 0:48 - 0:50
    ils meurent d'infections coronariennes,
  • 0:50 - 0:54
    d'infections cérébrales,
    de la moelle épinière,
  • 0:54 - 0:56
    du cœur ou du sang.
  • 0:56 - 1:00
    Ils meurent des suites de suicide,
    d'overdose,
  • 1:00 - 1:03
    de violence, d'accidents.
  • 1:03 - 1:06
    En les regardant, viennent à l'esprit
  • 1:06 - 1:10
    les mots du célèbre écrivain égyptien
    Naguib Mahfouz :
  • 1:10 - 1:15
    « Rien ne révèle mieux la tristesse d'une
    vie que le corps humain. »
  • 1:15 - 1:17
    Car ces gens perdent tout.
  • 1:17 - 1:20
    Ils perdent leur santé,
    ils perdent leur beauté,
  • 1:20 - 1:24
    ils perdent leurs dents,
    ils perdent leur argent,
  • 1:24 - 1:26
    ils perdent le sens des rapports humains,
  • 1:26 - 1:29
    et au final, ils perdent
    souvent leur vie.
  • 1:29 - 1:32
    Et pourtant, rien ne peut ébranler
    leur addiction.
  • 1:32 - 1:35
    Rien ne peut les motiver à
    rejeter leur addiction.
  • 1:35 - 1:39
    Les addictions sont trop puissantes,
    mais pourquoi ?
  • 1:39 - 1:41
    Comme un de mes patients disait :
  • 1:41 - 1:45
    « Je n'ai pas peur de mourir,
    j'ai plutôt peur de vivre. »
  • 1:45 - 1:51
    Alors je pose cette question :
    pourquoi les gens ont-ils peur de la vie ?
  • 1:51 - 1:54
    Et pour comprendre le principe
    de la dépendance,
  • 1:54 - 1:56
    il ne faut pas regarder
    les effets de cette dépendance,
  • 1:56 - 1:58
    mais ce qu'elle apporte.
  • 1:58 - 2:01
    En d'autres termes, que gagnent
    les gens à être accros ?
  • 2:01 - 2:04
    Qu'est-ce que ça leur apporte
    de plus ?
  • 2:04 - 2:08
    Eh bien, cela met leur souffrance
    en pause,
  • 2:08 - 2:13
    ils ont un sentiment de paix,
    un sentiment de contrôle,
  • 2:13 - 2:16
    un sentiment de calme,
    très très temporaire.
  • 2:16 - 2:20
    La question est de savoir pourquoi
    ils n'ont pas cela dans leur vie,
  • 2:20 - 2:22
    que leur est-il arrivé ?
  • 2:22 - 2:28
    Regardez des drogues comme
    l’héroïne, la morphine, la codéine,
  • 2:28 - 2:32
    regardez la cocaïne, l'alcool,
  • 2:32 - 2:34
    ce sont tous des analgésiques.
  • 2:34 - 2:36
    D'une façon ou d'une autre,
    ils soulagent la douleur.
  • 2:36 - 2:39
    C'est pourquoi la vraie question
  • 2:39 - 2:43
    n'est pas « Pourquoi est-on dépendant ? »
    mais « Pourquoi souffre-t-on ? »
  • 2:43 - 2:46
    Je viens de finir de lire
    la biographie de Keith Richards,
  • 2:46 - 2:48
    le guitariste des Rolling Stones,
  • 2:48 - 2:51
    et, comme vous vous en doutez,
    tout le monde est très surpris
  • 2:51 - 2:54
    que Richards soit encore en vie,
  • 2:54 - 2:57
    car il a été longtemps sérieusement
    accro à l’héroïne.
  • 2:57 - 3:02
    Et dans sa biographie, il explique
    que son addiction n'était liée
  • 3:02 - 3:05
    qu'au besoin d'oublier.
  • 3:05 - 3:08
    Il parle de tout ce
    qu'on est capable de faire
  • 3:08 - 3:12
    juste pour ne plus être soi
    quelques heures.
  • 3:12 - 3:14
    Je comprends ça très bien
  • 3:14 - 3:17
    car je connais ce mal-être,
  • 3:17 - 3:20
    je sais ce que c'est que d'être mal
    dans sa peau,
  • 3:20 - 3:24
    je connais ce désir de ne
    plus vouloir penser.
  • 3:24 - 3:30
    Le célèbre psychiatre anglais
    R.D. Laing a dit
  • 3:30 - 3:33
    que les gens ont peur de trois choses.
  • 3:33 - 3:38
    Ils ont peur de la mort, des autres et
    de leurs propres pensées.
  • 3:38 - 3:42
    Pendant très longtemps, j'ai cherché
    à m'éloigner de mes pensées
  • 3:42 - 3:44
    car j'avais peur de me
    retrouver seul avec.
  • 3:44 - 3:46
    Et comment pouvais-je les fuir ?
  • 3:46 - 3:51
    Eh bien, je n'ai jamais pris de drogues,
    mais je me suis investi à fond
  • 3:51 - 3:54
    dans le travail et dans
    d'autres activités,
  • 3:54 - 3:57
    et dans le shopping aussi,
  • 3:57 - 4:02
    dans l'achat de musique classique,
    de CDs de musique classique.
  • 4:02 - 4:04
    Un véritable accro.
  • 4:04 - 4:07
    Une semaine, j'ai dépensé 8 000 dollars
    en CDs de classique,
  • 4:07 - 4:08
    pas parce que je le voulais,
  • 4:08 - 4:10
    mais parce que je ne pouvais pas
  • 4:10 - 4:12
    m’empêcher de retourner au magasin.
  • 4:12 - 4:15
    Et en tant que médecin, j'ai pratiqué
    de nombreux accouchements.
  • 4:15 - 4:17
    Et une fois j'ai laissé une femme
  • 4:17 - 4:19
    en plein travail à l’hôpital
  • 4:19 - 4:21
    pour aller chercher un CD.
  • 4:22 - 4:26
    J'aurais pu faire vite et retourner
    à l’hôpital en temps et en heure
  • 4:26 - 4:27
    mais une fois dans le magasin,
  • 4:27 - 4:29
    vous ne pouvez plus partir.
  • 4:29 - 4:33
    Il y a ces maudits vendeurs
    dans les allées qui te disent :
  • 4:33 - 4:36
    « Hey mon pote, tu as écouté
    la dernière symphonie de Mozart ?
  • 4:36 - 4:38
    Non ? Eh bien.... »
  • 4:38 - 4:40
    Donc, j'ai manqué l'accouchement
  • 4:40 - 4:43
    et je suis rentré chez moi,
    en mentant à ma femme sur les raisons.
  • 4:43 - 4:47
    Comme tout drogué, je pouvais mentir
    et renier mes propres enfants
  • 4:47 - 4:49
    à cause de mon obsession du travail
    et de la musique.
  • 4:50 - 4:53
    Je connais donc bien ce besoin
    de s'échapper de soi-même.
  • 4:53 - 4:55
    Je définis la dépendance comme
  • 4:55 - 5:01
    tout comportement qui vous apporte un
    soulagement ou plaisir temporaire,
  • 5:01 - 5:05
    et qui cause beaucoup de dégâts à terme,
    qui a des effets négatifs,
  • 5:05 - 5:09
    mais que vous ne pouvez lâcher,
    en dépit de ces effets négatifs.
  • 5:09 - 5:12
    Dans cette perspective,
    vous comprenez donc
  • 5:12 - 5:16
    qu'il existe plein, plein d'addictions.
  • 5:16 - 5:18
    Oui, il y a la dépendance aux drogues,
  • 5:18 - 5:21
    mais aussi, la consommation compulsive,
  • 5:21 - 5:26
    la dépendance au sexe, à internet,
  • 5:26 - 5:29
    au shopping, à la nourriture.
  • 5:30 - 5:33
    Chez les bouddhistes, il y a
    les Fantômes Affamés.
  • 5:33 - 5:37
    Ce sont des créatures
    au gros ventre vide,
  • 5:37 - 5:39
    avec un cou tout maigre
    et une toute petite bouche,
  • 5:39 - 5:42
    ce qui fait qu'ils n'arrivent
    jamais à manger assez,
  • 5:42 - 5:44
    ils ne peuvent combler le vide intérieur.
  • 5:44 - 5:45
    Nos sommes tous
  • 5:45 - 5:47
    des Fantômes Affamés
    dans cette société.
  • 5:47 - 5:49
    Nous avons tous ce sentiment
    de vide intérieur,
  • 5:49 - 5:52
    et donc beaucoup essaient de remplir
    ce vide
  • 5:52 - 5:57
    et la dépendance est un manque en nous
    qu'on cherche à combler.
  • 5:58 - 6:03
    Maintenant, si vous voulez savoir
    pourquoi les gens souffrent,
  • 6:03 - 6:06
    ne cherchez pas dans les gènes.
  • 6:06 - 6:08
    Cherchez dans leur vie.
  • 6:08 - 6:12
    Chez mes patients,
    pour les plus dépendants,
  • 6:12 - 6:14
    l'origine de leur souffrance
    est très claire.
  • 6:14 - 6:17
    Ils ont été maltraités dans leur vie,
  • 6:17 - 6:19
    maltraités dès l'enfance.
  • 6:19 - 6:22
    Et toutes les femmes avec qui j'ai
    travaillé pendant 12 ans,
  • 6:22 - 6:23
    des centaines de femmes,
  • 6:23 - 6:25
    ont toutes été victimes
    d'abus sexuels petites.
  • 6:25 - 6:27
    Les hommes aussi ont été maltraités.
  • 6:27 - 6:30
    Ils ont été abusés sexuellement,
    livrés à eux-mêmes,
  • 6:30 - 6:33
    frappés, abandonnés
  • 6:33 - 6:36
    et blessés émotionnellement
    encore et encore.
  • 6:36 - 6:38
    Voilà la cause de la souffrance.
  • 6:38 - 6:42
    Et il y a autre chose :
    le cerveau humain.
  • 6:42 - 6:45
    Comme vous savez, le cerveau
  • 6:45 - 6:48
    intéragit avec l'environnement.
  • 6:48 - 6:50
    Il n'est pas génétiquement programmé.
  • 6:50 - 6:53
    L'environnement dans lequel
    un enfant grandit
  • 6:53 - 6:57
    va façonner son développement cérébral.
  • 6:57 - 7:01
    Je vais vous parler de deux expériences
    avec des souris.
  • 7:01 - 7:04
    Prenez une souris et mettez-lui
    de la nourriture dans la bouche,
  • 7:04 - 7:07
    elle va la manger, l'apprécier
    et l'avaler.
  • 7:07 - 7:11
    Mais si vous placez la nourriture à
    quelques centimètres de son nez,
  • 7:11 - 7:13
    elle ne va pas aller la chercher,
  • 7:13 - 7:16
    elle va se laisser mourir de faim.
  • 7:16 - 7:18
    Pourquoi ?
  • 7:18 - 7:19
    Parce que génétiquement, on a éliminé
  • 7:19 - 7:23
    les neurorécepteurs
    liés à la dopamine.
  • 7:23 - 7:26
    La dopamine est une neurohormone
    qui stimule et motive.
  • 7:26 - 7:29
    Elle est sécrétée chaque fois
    que nous sommes motivés,
  • 7:29 - 7:33
    excités, vibrants, curieux,
    à un moment critique,
  • 7:33 - 7:36
    quand on recherche à manger ou
    un partenaire sexuel.
  • 7:36 - 7:38
    Sans dopamine, nous n'avons
    aucune motivation.
  • 7:38 - 7:40
    Alors, qu'obtient un accro ?
  • 7:40 - 7:42
    Quand il prend de la cocaïne,
  • 7:42 - 7:45
    du crystal meth ou n'importe
    quelle autre drogue,
  • 7:45 - 7:47
    cela envoie un shoot de dopamine
    dans le cerveau.
  • 7:47 - 7:49
    La question est de savoir
  • 7:49 - 7:52
    ce qui se passe dans le cerveau
    au début.
  • 7:52 - 7:56
    Car c'est un mythe que les drogues
    rendent dépendant.
  • 7:56 - 7:58
    Elles ne le sont pas en tant que telles
  • 7:58 - 8:01
    car nombreux sont ceux qui essaient des
    drogues sans devenir accros.
  • 8:01 - 8:02
    Donc il faut se demander
  • 8:02 - 8:05
    pourquoi certains sont plus
    enclins à devenir dépendants.
  • 8:05 - 8:08
    La nourriture n'est pas addictive
    sauf pour certains ;
  • 8:08 - 8:11
    le shopping n'est pas addictif
    sauf pour certains ;
  • 8:11 - 8:14
    la télévision n'est pas addictive
    sauf pour certains ;
  • 8:14 - 8:17
    alors pourquoi cette prédisposition ?
  • 8:19 - 8:22
    Il y a une autre expérience
    avec des souris
  • 8:22 - 8:24
    où on constate que si on sépare
  • 8:24 - 8:28
    les souriceaux de leur mère,
    ils ne vont pas la pleurer.
  • 8:28 - 8:29
    Que se passerait-il dans la nature ?
  • 8:29 - 8:31
    Eh bien, ils mourraient,
  • 8:31 - 8:34
    car seule une mère peut nourrir
    et élever son enfant.
  • 8:34 - 8:35
    Alors pourquoi ?
  • 8:35 - 8:38
    Parce qu'on a génétiquement
    éliminé les récepteurs,
  • 8:38 - 8:42
    les sites de fixation d'une substance
    chimique, les endorphines.
  • 8:42 - 8:47
    Les endorphines ont le même effet
    que la morphine,
  • 8:47 - 8:50
    les endorphines sont
    nos anti-douleur naturels.
  • 8:50 - 8:56
    La morphine ou les endorphines rendent
    possible l'expérience de l'amour,
  • 8:56 - 8:59
    la possibilité de sentiment
    d'attachement à un parent
  • 8:59 - 9:02
    ou celui d'un parent à un enfant.
  • 9:02 - 9:05
    Donc ces petites souris sans récepteurs
    à endorphines
  • 9:05 - 9:07
    n'appelleront pas leur mère à l'aide.
  • 9:07 - 9:09
    En d'autres mots,
  • 9:09 - 9:14
    la dépendance aux drogues,
    notamment à l’héroïne et à la morphine,
  • 9:14 - 9:18
    est liée à leur action
    sur le système endorphinique ;
  • 9:18 - 9:20
    c'est pour cela que ça marche.
  • 9:20 - 9:23
    La question est de savoir
  • 9:23 - 9:27
    pourquoi certaines personnes cherchent
    ces substances à l'extérieur.
  • 9:27 - 9:30
    Ce qui se passe, c'est que chez des
    enfants maltratités,
  • 9:30 - 9:33
    ces circuits ne se développent pas.
  • 9:33 - 9:35
    Quand dans votre vie, vous n'avez eu
  • 9:35 - 9:37
    ni amour, ni relations,
  • 9:37 - 9:38
    quand vous êtes très très jeune,
  • 9:38 - 9:42
    les circuits cérébraux ne se
    développent pas correctement.
  • 9:42 - 9:46
    Maltraité, rien ne se développe
    correctement
  • 9:46 - 9:52
    et le cerveau est plus sensible
    quand on prend des drogues.
  • 9:52 - 9:54
    Alors, on se sent normal,
    on se sent soulagé,
  • 9:54 - 9:56
    on ressent de l'amour.
  • 9:56 - 9:58
    Et comme me l'a dit une patiente :
  • 9:58 - 10:00
    « La première fois que j'ai
    pris de l’héroïne,
  • 10:00 - 10:03
    c'était comme un gros câlin tendre,
  • 10:03 - 10:05
    comme celui d'une maman avec son bébé. »
  • 10:08 - 10:13
    Je ressens ce genre de vide intérieur,
    mais pas autant que mes patients.
  • 10:13 - 10:17
    Ce qui s'est passé, c'est que je suis né
    à Budapest, en Hongrie,
  • 10:17 - 10:19
    en 1944, de parents juifs,
  • 10:19 - 10:22
    juste avant l'occupation de la Hongrie
    par les Allemands.
  • 10:22 - 10:26
    Vous savez ce qui est arrivé aux Juifs
    d'Europe de l'Est.
  • 10:26 - 10:30
    J'avais 2 mois quand l'armée allemande
    est entrée dans Budapest.
  • 10:30 - 10:34
    Le jour d'après, ma mère a appelé
    le pédiatre
  • 10:34 - 10:35
    et lui a dit :
  • 10:35 - 10:39
    « Pourriez-vous passer voir Gabor
    car il pleure tout le temps ? »
  • 10:39 - 10:42
    Et le pédiatre a répondu :
    « Oui, je vais passer,
  • 10:42 - 10:46
    mais vous savez, tous les bébés juifs
    que je vois pleurent. »
  • 10:46 - 10:47
    Mais pour quelle raison ?
  • 10:47 - 10:51
    Que savaient les bébés d'Hitler,
    du génocide ou de la guerre ?
  • 10:51 - 10:52
    Rien du tout.
  • 10:52 - 10:56
    On ressentait juste
    le stress, les peurs
  • 10:56 - 10:58
    et la dépression de nos mères
  • 10:58 - 11:03
    et cela a façonné le cerveau des enfants.
  • 11:03 - 11:07
    Et bien sûr, ça s'est traduit par :
  • 11:07 - 11:10
    « Ok, j'ai eu le message, le monde ne
    veut pas de moi,
  • 11:10 - 11:13
    parce que si ma mère n'est pas
    heureuse auprès de moi,
  • 11:13 - 11:15
    c'est qu'elle ne veut pas de moi. »
  • 11:15 - 11:18
    Pourquoi suis-je devenu un
    accro du travail ?
  • 11:18 - 11:20
    Parce que s'ils ne veulent pas de moi,
  • 11:20 - 11:22
    au pire, ils auront besoin de moi.
  • 11:22 - 11:25
    Et je serai un docteur important
    et ils auront besoin de moi,
  • 11:25 - 11:27
    de cette façon, je peux compenser
  • 11:27 - 11:29
    le sentiment de ne pas avoir été
    désiré au départ.
  • 11:29 - 11:31
    Qu'est-ce que cela signifie ?
  • 11:31 - 11:33
    Cela veut dire que je travaille
    tout le temps,
  • 11:33 - 11:38
    et que quand je ne travaille pas,
    je ne pense qu'à acheter de la musique.
  • 11:38 - 11:40
    Quel message je donne à mes enfants ?
  • 11:40 - 11:43
    Qu'eux non plus n'ont pas été désirés.
  • 11:43 - 11:45
    Et c'est comme cela que ça se transmet,
  • 11:45 - 11:47
    on transmet un traumatisme,
  • 11:47 - 11:49
    et on transmet la souffrance,
    inconsciemment
  • 11:49 - 11:53
    d'une génération à une autre.
  • 11:53 - 11:56
    Donc, évidemment, il y a plein de
    moyens de combler le vide.
  • 11:56 - 11:59
    Et pour chacun, le moyen est différent.
  • 11:59 - 12:01
    Mais le vide se réfère toujours
  • 12:01 - 12:08
    à ce qu'on n'a pas eu enfant.
  • 12:08 - 12:11
    Et alors on regarde un toxicomane,
    et on lui dit :
  • 12:11 - 12:14
    « Comment peux-tu te faire ça à toi-même ?
  • 12:14 - 12:17
    Comment peux-tu t'injecter cette
    terrible substance
  • 12:17 - 12:19
    qui pourrait te tuer ? »
  • 12:19 - 12:21
    Mais regardez ce que l'on fait
    à la planète.
  • 12:21 - 12:24
    On envoie toutes sortes de choses
    dans l'atmosphère,
  • 12:24 - 12:28
    les océans et l'environnement,
  • 12:28 - 12:30
    qui nous tuent, qui tuent la planète.
  • 12:30 - 12:33
    Et quelle est la meilleure addiction ?
  • 12:33 - 12:36
    La dépendance au pétrole ?
    à la consommation ?
  • 12:36 - 12:38
    Qu'est-ce qui fait le plus de dégâts ?
  • 12:38 - 12:40
    Et si on juge les toxicomanes,
  • 12:40 - 12:44
    c'est parce que nous voyons bien
    qu'ils nous ressemblent
  • 12:44 - 12:45
    et nous n'aimons pas ça.
  • 12:45 - 12:49
    Alors on dit : « Vous n'êtes pas comme
    nous, vous êtes pire que nous. »
  • 12:49 - 12:54
    (Applaudissements)
  • 12:56 - 13:01
    Dans l'avion pour Sao Paulo
    et Rio de Janeiro,
  • 13:01 - 13:04
    j'ai lu le New York Times du 9 juin
  • 13:04 - 13:06
    et il y avait un article sur le Brésil,
  • 13:06 - 13:10
    sur un homme, Nisio Gomes,
  • 13:10 - 13:14
    un chef de la tribu amazonienne
    Guarani,
  • 13:14 - 13:19
    assassiné en novembre dernier.
    Je pense que vous en avez entendu parler.
  • 13:19 - 13:22
    Il a été tué car il essayait de
    protéger son peuple
  • 13:22 - 13:25
    des grands exploitants et compagnies
  • 13:25 - 13:29
    qui ont pris le contrôle et détruisent
    la forêt tropicale,
  • 13:29 - 13:32
    qui détruisent l'habitat naturel
    des Indiens d’Amérique ici au Brésil.
  • 13:32 - 13:35
    Et, originaire du Canada, je peux vous
  • 13:35 - 13:37
    dire qu'il s'est passé la
    même chose là-bas.
  • 13:37 - 13:41
    Et nombre de mes patients sont des Indiens
    issus des Premières Nations,
  • 13:41 - 13:44
    des Indiens du Canada, tous
    très très dépendants.
  • 13:44 - 13:47
    Ils représentent un faible pourcentage
    de la population,
  • 13:47 - 13:50
    mais un fort pourcentage des
    personnes incarcérées,
  • 13:50 - 13:52
    des personnes dépendantes,
  • 13:52 - 13:54
    des personnes avec des
    maladies mentales,
  • 13:54 - 13:56
    des personnes qui se suicident.
    Pourquoi ?
  • 13:56 - 13:58
    Parce qu'on leur a pris
    leur terre
  • 13:58 - 14:03
    et qu'on les a tués et maltraités
    depuis des générations.
  • 14:03 - 14:04
    La question que je pose,
  • 14:04 - 14:08
    c'est que si vous pouvez entendre
    la souffrance de ces autochtones
  • 14:08 - 14:12
    et comment grâce à leurs addictions,
    ils soulagent leurs peines,
  • 14:12 - 14:14
    qu'en est-il des responsables ?
  • 14:14 - 14:16
    A quoi sont-ils accros ?
  • 14:16 - 14:18
    Eh bien, ils sont accros au pouvoir,
  • 14:18 - 14:19
    ils sont accros à la richesse,
  • 14:19 - 14:21
    ils sont accros à la possession.
  • 14:21 - 14:23
    Ils veulent devenir toujours plus gros.
  • 14:23 - 14:25
    Et alors que j'essayais de comprendre
  • 14:25 - 14:26
    cette addiction au pouvoir,
  • 14:26 - 14:29
    j'ai cherché parmi les personnes
    les plus puissantes de l'histoire.
  • 14:29 - 14:34
    J'ai vu Alexandre le Grand,
    j'ai vu Napoléon, j'ai vu Hitler,
  • 14:34 - 14:36
    j'ai vu Gengis Kahn,
    j'ai vu Staline.
  • 14:36 - 14:39
    C'est très intéressant d'étudier
    ces personnages.
  • 14:39 - 14:42
    Tout d'abord, pourquoi cette soif
    de pouvoir ?
  • 14:42 - 14:44
    Curieusement,
  • 14:44 - 14:46
    ils étaient tous très petits,
  • 14:46 - 14:52
    ma taille ou plus petit,
    oui, en fait, plus petit.
  • 14:52 - 14:56
    C'étaient des étrangers,
  • 14:56 - 14:59
    ne faisant pas partie de la majorité.
  • 14:59 - 15:01
    Staline n'était pas russe mais géorgien ;
  • 15:01 - 15:04
    Napoléon n'était pas français mais corse ;
  • 15:06 - 15:10
    Alexandre n'était pas grec
    mais macédonien ;
  • 15:10 - 15:13
    Hitler n'était pas allemand
    mais autrichien.
  • 15:14 - 15:17
    Et donc avec un sentiment d'insécurité
    et d'infériorité.
  • 15:17 - 15:20
    Et le pouvoir leur permettait de
    se sentir bien,
  • 15:20 - 15:21
    de se sentir plus important,
  • 15:21 - 15:25
    et pour obtenir ce pouvoir,
    ils étaient prêts à faire la guerre
  • 15:25 - 15:28
    et tuer des milliers de gens juste
    pour conserver le pouvoir.
  • 15:29 - 15:33
    Je ne dis pas que seules les personnes
    petites sont assoiffées de pouvoir,
  • 15:33 - 15:35
    mais ces exemples sont intéressants,
  • 15:35 - 15:38
    parce que le pouvoir, l'addiction
    au pouvoir, a aussi à voir
  • 15:38 - 15:41
    avec ce vide que l'on essaie de combler.
  • 15:41 - 15:45
    Et Napoléon, même en exil à Sainte-Hélène,
  • 15:45 - 15:50
    après avoir perdu le pouvoir, disait :
    « J'aime le pouvoir, j'aime le pouvoir. »
  • 15:50 - 15:53
    Il ne pouvait s'imaginer sans pouvoir.
  • 15:53 - 15:57
    Il ne pouvait exister sans être
    extérieurement puissant.
  • 15:57 - 16:01
    Et c'est intéressant de les comparer
    à des personnes
  • 16:01 - 16:03
    comme Bouddha ou Jésus,
  • 16:03 - 16:06
    car dans l'histoire de Bouddha
    et de Jésus,
  • 16:06 - 16:08
    on voit que le diable a
    essayé de les tenter
  • 16:08 - 16:11
    et l'une des choses qu'il leur proposait
    était le pouvoir,
  • 16:11 - 16:14
    le pouvoir sur Terre,
  • 16:14 - 16:17
    et les deux ont refusé.
  • 16:17 - 16:18
    Pourquoi ont-ils refusé ?
  • 16:18 - 16:22
    Ils ont refusé car ils avaient le
    pouvoir en eux, à l'intérieur,
  • 16:22 - 16:25
    ils n'avaient pas besoin de le
    trouver à l'extérieur.
  • 16:25 - 16:29
    Les deux ont refusé car ils ne
    voulaient pas contrôler les gens,
  • 16:29 - 16:30
    ils voulaient les instruire.
  • 16:30 - 16:36
    Les instruire par l'exemple,
    par de douces paroles,
  • 16:36 - 16:41
    et par la sagesse, et non la force ;
    ils ont donc refusé.
  • 16:41 - 16:44
    C'est très intéressant ce qu'ils
    en ont dit aussi.
  • 16:46 - 16:53
    Jésus a dit que le pouvoir et la réalité
    est en soi et non à l'extérieur.
  • 16:53 - 16:57
    Il a dit que le Royaume de Dieu
    est à l'intérieur.
  • 16:57 - 17:01
    Et Bouddha, avant de mourir et que
    ses moines se lamentent et pleurent,
  • 17:01 - 17:03
    et soient furieux,
  • 17:03 - 17:06
    a dit : « Ne me pleurez pas,
    ne me vénérez pas.
  • 17:06 - 17:10
    Cherchez la lampe en vous,
    en votre for intérieur
  • 17:10 - 17:13
    et trouvez la lumière en dedans. »
  • 17:13 - 17:16
    Dans ce monde difficile, on assiste
    à une dégradation de l'environnement,
  • 17:16 - 17:21
    à un réchauffement de la planète et à la
    déprédation des océans,
  • 17:22 - 17:25
    ne comptez pas sur les puissants
    pour changer les choses,
  • 17:25 - 17:29
    car ces puissants, je suis désolé de le
    dire, sont souvent les personnes
  • 17:29 - 17:31
    les plus vides du monde
  • 17:31 - 17:33
    et ils ne vont rien changer pour nous.
  • 17:33 - 17:36
    Nous devons trouver la lumière
    à l'intérieur de nous,
  • 17:36 - 17:38
    nous devons la trouver au sein de
    notre communauté
  • 17:38 - 17:42
    et grâce à notre bon sens et
    à notre créativité.
  • 17:42 - 17:43
    Nous ne pouvons pas attendre
  • 17:43 - 17:46
    que les puissants arrangent
    les choses pour nous
  • 17:46 - 17:49
    parce qu'ils ne vont pas le faire,
    à moins qu'on ne les y force.
  • 17:53 - 17:58
    Ils disent que l'homme est par nature
    compétitif, par nature agressif,
  • 17:58 - 18:00
    et par nature égoiste.
  • 18:00 - 18:04
    C'est tout le contraire, la nature humaine
    est en fait coopérative,
  • 18:04 - 18:09
    la nature humaine est généreuse,
    la nature humaine est communautaire.
  • 18:09 - 18:14
    C'est ce que nous voyons ici maintenant,
    les gens partageant l'information,
  • 18:14 - 18:15
    des gens recevant des informations,
  • 18:15 - 18:17
    des gens impliqués pour
    améliorer le monde.
  • 18:17 - 18:19
    C'est cela la nature humaine.
  • 18:19 - 18:21
    Et ce que je voudrais dire,
  • 18:21 - 18:24
    c'est que si nous trouvons notre lumière
    intérieure, notre nature profonde,
  • 18:24 - 18:27
    nous serons plus bienveillants
    avec nous-mêmes
  • 18:27 - 18:28
    et donc avec la nature.
  • 18:28 - 18:29
    Merci.
  • 18:29 - 18:43
    (Bravos) (Applaudissements)
Title:
Le pouvoir de la dépendance et la dépendance au pouvoir | Gabor Maté | TEDxRio+20
Description:

Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.

Si le succès d'un médecin se mesure à la longévité de ses patients, Gabor Maté, psychanalyste canadien, né en Hongrie juste après le génocide perpétué par les Nazis, a échoué. Écrivain renommé et chroniqueur réputé pour ses connaissances sur les troubles de l'attention, le stress, les maladies chroniques et les relations parentales. Son sujet à TEDxRio+20 est la dépendance - aux drogues comme au pouvoir. Du manque d'amour au besoin de se fuir soi-même, de la fragilité de l'être au pouvoir intérieur, rien ne lui échappe. Il donne un conseil simple et généreux : « Trouvez votre véritable nature et soyez bon avec vous-même ».

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
18:47

French subtitles

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