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Ma vie en polices de caractères

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    Nous consommons des caractères
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    en quantités phénoménales.
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    Presque partout dans le monde,
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    c'est complètement indéniable.
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    Mais peu de consommateurs s'intéressent
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    à l'origine d'une police de caractères,
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    à sa date de création ou à son créateur.
  • 0:15 - 0:20
    Y a-t-il eu quelque intervention humaine
    au cours de sa création,
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    ou a-t-elle simplement pris forme
    à partir d'un éther logiciel ?
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    Mais je dois m'intéresser à ces choses.
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    C'est mon travail.
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    Je suis une des très rares personnes
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    à s'indigner contre le mauvais espacement
    entre le « T » et le « e »
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    que vous voyez là.
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    Je dois faire disparaître ça.
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    Je ne supporte pas ça ; Chris non plus.
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    Voilà. Bien.
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    Alors mon exposé portera sur le lien
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    entre la technologie
    et le dessin des caractères.
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    Les technologies se sont succédé
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    depuis que j'ai commencé à travailler :
  • 0:55 - 0:59
    la photo, le numérique,
    l'ordinateur de bureau, l'écran, le web.
  • 0:59 - 1:02
    J'ai dû survivre à ces changements
  • 1:02 - 1:05
    et tenter de comprendre leurs implications
    pour mes activités de dessinateur.
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    Cette diapo concerne
    l'influence des outils sur la forme.
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    Les deux lettres (les deux « k »)...
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    Celle de gauche est moderne,
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    faite à l'ordinateur.
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    Toutes les lignes droites sont parfaites.
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    Les courbes possèdent
    cette régularité mathématique
  • 1:23 - 1:27
    imposée par la formule de Bézier.
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    À droite, un caractère gothique ancien,
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    taillé à la main dans un acier résistant.
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    Aucune ligne n'est vraiment droite.
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    Les courbes sont plutôt subtiles.
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    La main humaine lui a donné
    cette étincelle de vie
  • 1:42 - 1:46
    qu'une machine ou un programme
    n'aurait jamais pu reproduire.
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    Quel contraste !
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    Eh bien, je mens.
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    Un mensonge, à TED.
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    Je suis vraiment désolé.
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    Les deux ont été faites à l'ordinateur :
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    même logiciel, mêmes courbes de Bézier,
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    même format de fonte.
  • 1:59 - 2:04
    Celle de gauche a été dessinée
    par Zuzana Licko chez Emigre,
  • 2:04 - 2:06
    et j'ai dessiné l'autre.
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    Bien que l'outil soit le même,
    les lettres sont différentes,
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    parce que les dessinateurs
    sont différents.
  • 2:12 - 2:13
    C'est tout.
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    Zuzana voulait la sienne comme ci,
    je voulais la mienne comme ça.
  • 2:16 - 2:18
    Point final.
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    La typographie s'adapte très facilement.
  • 2:21 - 2:24
    Contrairement aux beaux-arts,
    comme la sculpture ou l'architecture,
  • 2:24 - 2:27
    la typographie occulte sa méthodologie.
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    Je me vois un peu
    comme un dessinateur industriel.
  • 2:30 - 2:31
    Ce que je dessine est produit,
  • 2:31 - 2:35
    et a une fonction :
    être lu, transmettre un message.
  • 2:35 - 2:37
    Mais il y a un peu plus.
  • 2:37 - 2:39
    Il y a l'« élément esthétique ».
  • 2:39 - 2:41
    Qu'est-ce qui distingue ces deux lettres
  • 2:41 - 2:44
    d'une simple différence d'interprétation
    entre dessinateurs ?
  • 2:44 - 2:49
    Qu'est-ce qui confère
    un style personnel caractéristique
  • 2:49 - 2:55
    au travail du créateur de mode,
    du dessinateur automobile, etc. ?
  • 2:55 - 2:57
    En tant que dessinateur,
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    il y a bien eu quelques moments
  • 2:58 - 3:01
    où j'ai senti l'influence
    de la technologie.
  • 3:01 - 3:04
    Ceci vient du milieu des années 60 :
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    le passage du caractère métallique
    à la photo, du chaud au froid.
  • 3:08 - 3:12
    Cela a eu de bons côtés,
    mais aussi un inconvénient bien précis :
  • 3:12 - 3:17
    un système d'espacement
    comprenant seulement 18 unités discrètes
  • 3:17 - 3:22
    pour contenir les lettres.
  • 3:22 - 3:26
    On m'a demandé à l'époque de dessiner
    une série de linéales condensées,
  • 3:26 - 3:29
    avec autant de variantes
    qu'il était possible d'obtenir
  • 3:29 - 3:33
    avec ce rectangle de 18 unités.
  • 3:33 - 3:35
    Avec un peu d'arithmétique,
  • 3:35 - 3:38
    j'ai compris que je pouvais
    seulement en faire trois
  • 3:38 - 3:40
    qui aient un aspect connexe.
  • 3:40 - 3:42
    Vous les voyez ici.
  • 3:42 - 3:46
    Pour Helvetica Compressed,
    Extra Compressed et Ultra Compressed,
  • 3:46 - 3:50
    j'ai vraiment été confiné
    dans ce système rigide de 18 unités.
  • 3:50 - 3:54
    Ça a en quelque sorte déterminé
    les proportions du dessin.
  • 3:54 - 3:58
    Voici les lettres minuscules
    de ces polices.
  • 3:58 - 4:00
    Donc, en regardant ça,
    est-ce que vous vous dites :
  • 4:00 - 4:04
    « Pauvre Matthew ! Il a dû
    s'avouer vaincu par un problème,
  • 4:04 - 4:07
    et on le voit bien par les résultats » ?
  • 4:07 - 4:09
    J'espère que non !
  • 4:09 - 4:11
    Si je faisais la même tâche aujourd'hui,
  • 4:11 - 4:14
    au lieu d'avoir 18 unités d'espacement,
  • 4:14 - 4:17
    j'en aurais 1000.
  • 4:17 - 4:19
    Je pourrais assurément
    créer plus de variantes.
  • 4:19 - 4:24
    Mais ces trois variantes-là
    seraient-elles meilleures ?
  • 4:24 - 4:26
    Difficile à dire sans l'avoir fait,
  • 4:26 - 4:29
    mais je peux vous dire
    qu'elles ne seraient pas meilleures
  • 4:29 - 4:31
    dans un rapport de 1000 pour 18.
  • 4:31 - 4:34
    Une quelconque amélioration
    serait plutôt légère,
  • 4:34 - 4:36
    parce qu'elles ont été dessinées
  • 4:36 - 4:39
    en fonction du système
    auquel elles devaient s'ajuster,
  • 4:39 - 4:41
    et la typographie
    s'adapte très facilement.
  • 4:41 - 4:44
    Elle occulte vraiment sa méthodologie.
  • 4:44 - 4:47
    Tous les dessinateurs industriels
    composent avec des contraintes.
  • 4:47 - 4:49
    On ne parle pas de beaux-arts ici.
  • 4:49 - 4:53
    Il s'agit de savoir si la contrainte
    impose un compromis.
  • 4:53 - 4:55
    En acceptant une contrainte,
  • 4:55 - 4:57
    abaisse-t-on le niveau de son travail ?
  • 4:57 - 4:59
    Je ne crois pas,
  • 4:59 - 5:02
    et les paroles de Charles Eames
    m'ont toujours encouragé.
  • 5:02 - 5:04
    Il disait être conscient
    de composer avec des contraintes,
  • 5:04 - 5:07
    mais pas de faire des compromis.
  • 5:07 - 5:11
    Évidemment, la distinction
    entre une contrainte et un compromis
  • 5:11 - 5:12
    est très subtile,
  • 5:12 - 5:16
    mais elle est au centre
    de mon attitude face au travail.
  • 5:18 - 5:21
    Vous vous souvenez
    de cette expérience de lecture ?
  • 5:21 - 5:22
    L'annuaire téléphonique.
  • 5:22 - 5:25
    Je vais laisser la diapo
    pour que vous profitiez de la nostalgie.
  • 5:25 - 5:27
    (Rires)
  • 5:27 - 5:30
    Cela vient des premiers essais
    de la police Bell Centennial,
  • 5:30 - 5:32
    que j'ai dessinée au milieu des années 70
  • 5:32 - 5:34
    pour les annuaires américains.
  • 5:34 - 5:37
    C'était ma première expérience
    avec des caractères numériques,
  • 5:37 - 5:40
    et ce fut tout un baptême !
  • 5:41 - 5:43
    Conçue pour les annuaires,
  • 5:43 - 5:46
    pour être imprimée à une taille minuscule
    sur du papier journal
  • 5:46 - 5:49
    par des presses rotatives
    à très grande vitesse
  • 5:49 - 5:51
    avec une encre faite
    de kérosène et de noir de fumée.
  • 5:51 - 5:55
    Ce n'est pas un contexte hospitalier
  • 5:55 - 5:59
    pour un dessinateur typographique.
  • 5:59 - 6:01
    Ainsi, mon défi était
    de dessiner des caractères
  • 6:01 - 6:02
    qui ne soient pas trop affectés
  • 6:02 - 6:07
    par ces conditions de production
    très défavorables.
  • 6:07 - 6:10
    Les caractères numériques
    en étaient à leurs balbutiements.
  • 6:10 - 6:14
    Je devais dessiner chaque caractère
    à la main sur du papier quadrillé –
  • 6:14 - 6:16
    cette police avait quatre graisses –
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    un pixel à la fois,
  • 6:17 - 6:20
    puis l’encoder au clavier
    une ligne de trame à la fois.
  • 6:20 - 6:23
    Ça m'a pris deux ans,
    mais j'ai beaucoup appris.
  • 6:25 - 6:28
    Ces lettres semblent
    avoir été mâchées par un chien,
  • 6:28 - 6:31
    mais les pixels manquants
    à la croisée des traits ou aux fourches
  • 6:31 - 6:38
    sont le fruit de corrections faites
    suite à mes observations
  • 6:38 - 6:41
    sur l'étalement de l'encre
    sur du papier bon marché.
  • 6:41 - 6:44
    Ces étranges altérations
    visent à neutraliser
  • 6:44 - 6:50
    les effets d'échelle
    et le procédé de production.
  • 6:50 - 6:56
    À l'origine, AT&T voulait utiliser
    l'Helvetica dans ses annuaires.
  • 6:56 - 7:00
    Mais comme mon ami Erik Spiekermann
    l'a dit dans le film « Helvetica »,
  • 7:00 - 7:02
    les lettres de cette police
    ont été conçues
  • 7:02 - 7:05
    de manière à être
    aussi semblables que possible.
  • 7:05 - 7:08
    Ce n'est pas la bonne recette
    pour la lisibilité à petite taille.
  • 7:08 - 7:10
    C'est très élégant sur une diapo.
  • 7:10 - 7:15
    J'ai dû rendre les chiffres
    aussi distincts que possible
  • 7:15 - 7:16
    pour Bell Centennial,
  • 7:16 - 7:17
    en ouvrant les formes,
  • 7:17 - 7:20
    comme vous pouvez le voir
    au bas de cette diapo.
  • 7:21 - 7:23
    On se transporte maintenant
    au milieu des années 80 :
  • 7:23 - 7:28
    les débuts des fontes vectorielles.
  • 7:28 - 7:32
    Il y avait un problème à l'époque
    avec la taille des fontes,
  • 7:32 - 7:35
    c'est-à-dire la quantité
    de données nécessaire
  • 7:35 - 7:40
    pour trouver et stocker
    une fonte en mémoire.
  • 7:40 - 7:42
    Cela limitait le nombre de fontes
  • 7:42 - 7:45
    dans un système
    de composition typographique.
  • 7:45 - 7:51
    J'ai analysé les données, et j'ai conclu
    qu'un caractère à empattements typique
  • 7:51 - 7:53
    (que vous voyez à gauche)
  • 7:53 - 7:55
    nécessitait presque
    deux fois plus de données
  • 7:55 - 7:57
    qu'une linéale (au milieu),
  • 7:57 - 8:02
    en raison de tous ces points
    servant à définir les courbes élégantes
  • 8:02 - 8:04
    qui supportent les empattements.
  • 8:04 - 8:07
    En passant, les nombres au bas de la diapo
  • 8:07 - 8:13
    représentent la quantité de données
    nécessaire au stockage de chaque fonte.
  • 8:13 - 8:17
    Donc la linéale, au milieu,
    sans les empattements,
  • 8:17 - 8:18
    était beaucoup moins coûteuse :
  • 8:18 - 8:20
    81 contre 151.
  • 8:20 - 8:24
    « Ah, ah !, que je me suis dit,
    les ingénieurs ont un problème.
  • 8:24 - 8:26
    Dessinateur à la rescousse ! »
  • 8:26 - 8:31
    J'ai fait un caractère avec empattements
    non courbés (à droite).
  • 8:31 - 8:32
    Ils sont polygonaux,
  • 8:32 - 8:33
    faits à partir de segments rectilignes.
  • 8:33 - 8:35
    Des courbes biseautées.
  • 8:35 - 8:39
    Et regardez : aussi économique
    qu'une linéale.
  • 8:39 - 8:42
    La police de droite s'appelle Charter.
  • 8:42 - 8:44
    Je suis allé voir le chef de l'ingénierie
  • 8:44 - 8:45
    avec mes chiffres
  • 8:45 - 8:48
    et je lui ai dit avec fierté
    que j'avais réglé son problème.
  • 8:48 - 8:52
    « Euh !, qu'il me dit, quel problème ? »
  • 8:52 - 8:55
    Je lui ai répondu : « Tu sais,
    le problème des fontes à empattements
  • 8:55 - 8:57
    qui coûtent très cher en données. »
  • 8:57 - 8:58
    « Ah !, me dit-il.
  • 8:58 - 9:01
    On a réglé ce problème
    la semaine dernière.
  • 9:01 - 9:02
    On a écrit une routine de compression
  • 9:02 - 9:05
    qui réduit de façon importante
    la taille de toutes les fontes.
  • 9:05 - 9:09
    Tu peux avoir autant de fontes
    que tu en veux sur ton système. »
  • 9:09 - 9:11
    « Eh bien ! merci
    pour l'information », lui dis-je.
  • 9:11 - 9:13
    Encore déjoué !
  • 9:13 - 9:19
    Je me retrouvais avec une solution
    à un problème technique non avéré.
  • 9:19 - 9:22
    C'est ici que l'histoire
    devient intéressante.
  • 9:22 - 9:25
    Je n'ai pas simplement
    jeté mes dessins à la poubelle
  • 9:25 - 9:26
    dans un moment de dépit.
  • 9:26 - 9:28
    J'ai persévéré.
  • 9:28 - 9:30
    Ce qui avait débuté
    comme un exercice technique
  • 9:30 - 9:33
    est vraiment devenu
    un exercice d'esthétique.
  • 9:33 - 9:36
    Autrement dit, j'avais appris
    à aimer cette police.
  • 9:36 - 9:38
    Peu importent ses origines !
  • 9:38 - 9:41
    J'aimais les dessins
    pour ce qu'ils étaient.
  • 9:41 - 9:44
    L'aspect simplifié de Charter lui donnait
  • 9:44 - 9:49
    une espèce de franc-parler
    et une sobriété qui me plaisaient.
  • 9:49 - 9:52
    Vous savez, en ces temps
    d'innovation technique,
  • 9:52 - 9:54
    les dessinateurs veulent être influencés
  • 9:54 - 9:55
    par les tendances.
  • 9:55 - 9:58
    Nous voulons y répondre.
  • 9:58 - 10:01
    Nous voulons être poussés
    à explorer des nouveautés.
  • 10:01 - 10:04
    Ainsi, Charter est une sorte
    de parabole pour moi.
  • 10:04 - 10:08
    En fin de compte, il n'y avait pas
    de lien de cause à effet évident
  • 10:08 - 10:11
    entre la technologie
    et le dessin de Charter.
  • 10:11 - 10:15
    J'avais vraiment
    mal compris la technologie.
  • 10:15 - 10:18
    Oui, la technologie
    me suggérait quelque chose,
  • 10:18 - 10:20
    mais elle ne me forçait pas la main.
  • 10:20 - 10:23
    Et je pense que cela arrive très souvent.
  • 10:23 - 10:25
    Vous savez, les ingénieurs
    sont très brillants,
  • 10:25 - 10:29
    et malgré quelques frustrations
    étant donné que je suis moins brillant,
  • 10:29 - 10:31
    j'ai toujours aimé travailler avec eux
  • 10:31 - 10:32
    et apprendre d'eux.
  • 10:32 - 10:35
    À ce propos, au milieu des années 90,
  • 10:35 - 10:40
    j'ai commencé à parler à Microsoft
    des fontes pour écran.
  • 10:40 - 10:42
    Jusque là, les fontes affichées sur écran
  • 10:42 - 10:46
    étaient toutes des adaptations
    de fontes d'imprimerie préexistantes,
  • 10:46 - 10:47
    évidemment.
  • 10:47 - 10:52
    Mais Microsoft avait correctement prévu
    le mouvement, la ruée
  • 10:52 - 10:55
    vers la communication électronique,
  • 10:55 - 10:57
    vers la lecture et l'écriture à l'écran,
  • 10:57 - 11:02
    qui reléguaient l'impression
    au second rang.
  • 11:02 - 11:06
    Les priorités étaient tout simplement
    en train de basculer.
  • 11:06 - 11:08
    Ils voulaient un petit groupe
    de polices de base
  • 11:08 - 11:11
    qui ne soient pas adaptées,
    mais bien conçues pour l'écran,
  • 11:11 - 11:14
    afin de pallier le problème de l'écran,
  • 11:14 - 11:18
    c'est-à-dire sa basse résolution.
  • 11:18 - 11:20
    J'ai répondu à Microsoft
  • 11:20 - 11:23
    qu'une police conçue
    pour une technologie précise
  • 11:23 - 11:26
    était condamnée à l'obsolescence.
  • 11:26 - 11:28
    J'ai dessiné trop de polices dans le passé
  • 11:28 - 11:32
    qui visaient à atténuer
    des problèmes techniques.
  • 11:32 - 11:35
    Grâce aux ingénieurs,
    les problèmes se sont évaporés,
  • 11:35 - 11:37
    ainsi que mes polices.
  • 11:37 - 11:40
    Elles n'étaient que des bouche-trous.
  • 11:40 - 11:42
    Microsoft a répliqué en disant
  • 11:42 - 11:47
    que les écrans à haute résolution
    ne seraient pas abordables avant dix ans.
  • 11:47 - 11:50
    Alors je me suis dit que dix ans,
    ce n'était pas mauvais,
  • 11:50 - 11:52
    que c'était plus qu'un bouche-trou.
  • 11:52 - 11:54
    Ainsi, j'étais persuadé,
    j'étais convaincu,
  • 11:54 - 11:56
    et nous nous sommes mis à travailler
  • 11:56 - 11:58
    sur ce qui allait devenir
    Verdana et Georgia.
  • 11:58 - 12:01
    Pour la première fois,
    nous ne travaillions pas sur le papier,
  • 12:01 - 12:04
    mais directement à l'écran,
    à partir du pixel.
  • 12:04 - 12:08
    À cette époque,
    les écrans étaient binaires :
  • 12:08 - 12:11
    un pixel était soit allumé, soit éteint.
  • 12:11 - 12:16
    Voici le contour du « H »,
  • 12:16 - 12:18
    qui est la mince ligne noire.
  • 12:18 - 12:21
    C'est ainsi qu'il est stocké en mémoire.
  • 12:21 - 12:25
    L'image matricielle (en gris)
    y est superposée,
  • 12:25 - 12:27
    ce qui constitue l'affichage.
  • 12:27 - 12:30
    L'image vectorielle est dessinée
    à partir du contour.
  • 12:30 - 12:33
    Dans le cas d'un « H »,
    fait uniquement de lignes droites,
  • 12:33 - 12:35
    les deux se superposent
    presque parfaitement
  • 12:35 - 12:39
    sur le plan cartésien.
  • 12:39 - 12:42
    Ce n'est pas tout à fait
    le cas avec un « O ».
  • 12:42 - 12:45
    On dirait de la maçonnerie,
    pas du dessin de caractères !
  • 12:45 - 12:48
    Mais croyez-moi,
    c'est un bon « O » matriciel,
  • 12:48 - 12:49
    pour la simple et bonne raison
  • 12:49 - 12:52
    qu'il est symétrique
    par rapport aux deux axes.
  • 12:52 - 12:54
    Pour une image matricielle binaire,
  • 12:54 - 12:57
    on ne peut vraiment pas demander mieux.
  • 12:57 - 13:01
    Parfois, je faisais
    trois ou quatre versions
  • 13:01 - 13:03
    d'une lettre difficile, comme le « a »,
  • 13:03 - 13:06
    puis je me reculais
    pour choisir la meilleure.
  • 13:06 - 13:09
    En fait, aucune n'était la meilleure.
  • 13:09 - 13:11
    Le jugement du dessinateur
    entre alors en jeu
  • 13:11 - 13:15
    pour tenter de désigner la moins mauvaise.
  • 13:15 - 13:18
    Est-ce un compromis ?
  • 13:18 - 13:20
    Pas pour moi, si tu travailles
  • 13:20 - 13:23
    au niveau maximal
    permis par la technologie –
  • 13:23 - 13:27
    quoique ce niveau puisse
    être très loin du niveau idéal.
  • 13:27 - 13:29
    Vous parviendrez peut-être à distinguer
  • 13:29 - 13:31
    deux fontes matricielles ici.
  • 13:31 - 13:35
    Le « a » dans celle du haut est selon moi
    meilleur que le « a » dans celle du bas,
  • 13:35 - 13:37
    mais ce n'est tout de même pas fameux.
  • 13:37 - 13:41
    Vous pourriez peut-être mieux voir l'effet
    si je réduisais la taille.
  • 13:41 - 13:42
    Bon, peut-être pas.
  • 13:42 - 13:45
    Alors, je suis un pragmatiste,
    pas un idéaliste,
  • 13:45 - 13:46
    et je n’ai pas le choix.
  • 13:46 - 13:50
    Certains tempéraments éprouvent
    une certaine satisfaction
  • 13:50 - 13:54
    à accomplir quelque chose
    qui ne peut pas être parfait,
  • 13:54 - 13:57
    mais qui peut quand même être fait
    du mieux qu’ils le peuvent.
  • 13:57 - 14:02
    Voici le « h » de Georgia Italic.
  • 14:02 - 14:05
    L’image matricielle semble
    déchiquetée et grossière :
  • 14:05 - 14:06
    elle l’est.
  • 14:06 - 14:08
    Mais j’ai découvert, grâce à des essais,
  • 14:08 - 14:12
    qu’il y avait une inclinaison optimale
  • 14:12 - 14:14
    pour que les traits
    d’un italique à l’écran
  • 14:14 - 14:18
    se brisent bien aux frontières
    entre les pixels.
  • 14:18 - 14:20
    Regardez ici comment,
  • 14:20 - 14:22
    malgré la grossièreté,
  • 14:22 - 14:25
    les pattes gauche et droite
    se brisent à la même hauteur.
  • 14:25 - 14:29
    Juste ça, c’est une victoire !
  • 14:29 - 14:32
    Et évidemment, à très basse résolution,
  • 14:32 - 14:34
    tu n’as pas trop le choix.
  • 14:34 - 14:39
    C’est un « s », pour ceux
    qui se posaient la question.
  • 14:39 - 14:44
    Eh bien, 18 années se sont écoulées
    depuis la sortie de Verdana et Georgia.
  • 14:44 - 14:46
    Microsoft avait totalement raison :
  • 14:46 - 14:48
    ça a pris un bon dix ans,
  • 14:48 - 14:53
    mais les écrans ont maintenant
    une meilleure résolution spatiale,
  • 14:53 - 14:56
    et une bien meilleure
    résolution photométrique
  • 14:56 - 15:00
    grâce à l’anticrénelage et ainsi de suite.
  • 15:00 - 15:03
    Leur mission étant maintenant accomplie,
  • 15:03 - 15:07
    les fontes que j’avais alors dessinées
    pour des résolutions plus basses
  • 15:07 - 15:10
    sont-elles vouées à disparaître ?
  • 15:10 - 15:13
    Vont-elles survivre à ces écrans
    désormais obsolètes
  • 15:13 - 15:17
    et au déluge de nouvelles fontes web
    qui inondent le marché ?
  • 15:17 - 15:21
    Ou ont-elles établi leur propre
    « créneau évolutif »
  • 15:21 - 15:24
    qui soit indépendant de la technologie ?
  • 15:24 - 15:26
    Autrement dit, font-elles
    maintenant partie
  • 15:26 - 15:29
    du courant dominant de la typographie ?
  • 15:29 - 15:31
    Je n’en suis pas certain,
  • 15:31 - 15:33
    mais elles ont déjà fait
    un bon bout de chemin.
  • 15:33 - 15:36
    Hé ! 18 ans est un âge intéressant
    pour quoi que ce soit
  • 15:36 - 15:38
    au rythme actuel
    où les choses se démodent,
  • 15:38 - 15:40
    alors je ne me plains pas.
  • 15:40 - 15:41
    Merci !
  • 15:41 - 15:45
    (Applaudissements)
Title:
Ma vie en polices de caractères
Speaker:
Matthew Carter
Description:

Mettez la main sur un livre, un magazine ou un écran, et vous risquez fort de tomber sur une typographie conçue par Matthew Carter. Dans ce charmant exposé, l’homme derrière des polices de caractères telles que Verdana, Georgia et Bell Centennial (dessinée spécialement pour les annuaires téléphoniques – vous vous souvenez d’eux ?) nous emmène en balade à travers une carrière axée sur le tout dernier pixel de chacune des lettres d’une fonte.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
16:01

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