Comment grandir en étant noir ? | Op-Docs | Le New York Times

Dans ce document, de jeunes hommes noirs parlent des difficultés particulières qu'ils rencontrent en grandissant en Amérique.

Production : Joe Brewster et Perri Peltz

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Comment grandir en étant noir ?

Le racisme, en gros, ça veut dire

qu'une grande partie
d'un groupe ethnique

se sent supérieure
à un autre groupe ethnique.

Et ses membres ne se limitent
pas à cette conviction

mais ils agissent en conséquence.

Par exemple, en classe
j'étais parfois le seul élève noir

et on lisait un livre comme
Huckleberry Finn.

Puis venait ce moment gênant.

Le mot magique était dit et les gens
te regardaient semblant se demander

« Comment va-t-il réagir ? »

Un jour, je rentrais de l'école
à pied avec cette fille blanche,

on venait juste de
descendre du bus,

on était presque arrivé à la maison.

En approchant d'un groupe d'enfants noirs

qui venaient de quitter l'école,

elle m'a dit « traversons,

je ne veux pas croiser
cette bande de noirs. »

Elle m'a dit ça à moi !

Je ne comprends pas
pourquoi elle a fait ça.

Je portais un bandeau antitranspirant,
pour renforcer mon poignet

et un prof m'a dit « tu devrais l'enlever,

on dirait que tu fais partie d'un gang. »

Il m'est arrivé de changer de trottoir

parce que je ne voulais pas effrayer
la femme blanche qui marchait.

J'en étais arrivé au point

où je comptais le nombre de femmes
qui se cramponnaient à leur sac.

J'avais 16 ans, je vivais chez ma mère.

Je portais un pyjama avec
des bonhommes de neige dessinés

et avec mon frère,
on s'est fait contrôler par la police

plutôt brutalement.

J'ai été contrôlé par les flics
entre deux cours

qui avaient lieu dans
deux bâtiments séparés,

alors que je marchais
de l'un vers l'autre,

tandis que mes camarades de classe
blancs passaient à côté de moi.

C'est assez navrant.

Nous vivons dans un monde
où lorsque je suis dehors,

ma mère a peur à cause des gens
qui sont censés me protéger.

Et je n'aime pas que
ma mère vive ça.

J'aime ma mère et
je veux qu'elle soit heureuse.

Je marche droit, la tête haute,

j'essaie de m'exprimer
très clairement et d'être poli.

Je pense donc que tout se passera bien

si j'agis d'une certaine manière.

Evidemment, ça ne marche pas comme ça.

La façon dont les gens te perçoivent, tu
ne peux rien y faire.

Mes parents m'ont appris

que les flics sont mes alliés
qu'ils sont là pour me protéger,

mais tout ce que je vois
c'est le contraire.

Comment ne pas avoir peur alors
que j'ai l'impression d'être une proie,

que je me sens comme
un quota à atteindre ?

Nous vivons dans une société dite libre

et en tant qu'hommes noirs
nous ne nous sentons pas libres.

On ne sait pas ce qu'est la « liberté. »

Chaque fois qu'un de nous se fait tuer
la première chose que tu vois aux infos

c'est "casier judiciaire"

ou quelque chose du même genre.

À la seconde où la balle nous touche,

nous sommes immédiatement
déshumanisés.

Les personnes noires comme moi

n'ont pas les mêmes chances que les autres.

Alors tu dois rester sur tes gardes.

Tu n'a pas droit à l'erreur.

Pour moi ce fut émotionnellement
une expérience extrêmement lourde,

que d'accepter...

...la réalité du racisme

dans ma propre vie,
dans ce pays et dans le monde.

Et si tu attends que quelqu'un
ait 12, 13 ou 14 ans

pour le confronter à ça,
ça peut être très difficile.

Mon père est du genre honnête,
qui pourrait me dire :

« écoute fils, dans ce monde,

il y a des moments où
tu dois être prudent. »

Il ne veut pas que je vive dans la peur,

mais il veut que je sois éveillé.

Je veux que les gens sachent
que je suis parfaitement normal

et que je ne vais blesser personne
ni faire quoi que ce soit de mal.

Je devrais être jugé selon qui je suis,

selon le genre de personne que je suis.

Mes parents me disaient, surtout ma mère,

elle me disait « tu dois tenir le coup,
tu dois être fort »

C'est la même chose.

C'est aussi cela d'être une personne
de couleur en Amérique.

Et ce constat est quelque part rassurant,

parce que si je sais que
les choses sont ainsi

alors je sais comment faire avec.

Par chance, mes parent m'ont appris

que ça dépend de moi.

Maman, papa, tout ira bien
et c'est grâce à votre éducation.

Vous m'avez donné tous les moyens,

votre temps, votre sang,
votre sueur et vos larmes

pour faire de moi un homme
bon et respectable

et la force de survivre dans ce pays.

Je veux que vous sachiez
que je me conduirai bien,

que je ferai tout ce
que vous m'avez dit

parce que je vous aime.

Je sais que tout ce que
vous m'avez dit a un sens

et n'est pas simplement
une façon de parler.

Et je vous aime.