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La comédie de la normalité | Josef Shovanec | TEDxAlsace

  • 0:09 - 0:14
    Alors, vous avez devant vous
    une personne TED.
  • 0:14 - 0:16
    Personne TED !
  • 0:16 - 0:20
    TED, comme Trouble
    Envahissant du Développement.
  • 0:20 - 0:23
    Quoi ? Envahissant ?
  • 0:23 - 0:26
    Rassurez-vous, ce n'est pas contagieux.
  • 0:26 - 0:29
    Ce n'est pas non plus
    comme le Trésor Public
  • 0:29 - 0:32
    qui vient vous envahir
    jusque dans vos demeures.
  • 0:32 - 0:36
    Non, c'est quelque chose
    de beaucoup plus simple,
  • 0:36 - 0:40
    c'est ce que populairement,
    on peut appeler autiste.
  • 0:40 - 0:44
    Alors c'est vrai que TED, ça fait chic.
  • 0:44 - 0:47
    Autiste, malheureusement,
    ça l'est un peu moins.
  • 0:47 - 0:52
    Moi je dis toujours
    qu'entre le TED et l'autiste,
  • 0:52 - 0:55
    c'est un peu comme entre
    le SDF et le clochard.
  • 0:55 - 0:58
    C'est la même chose, le sigle varie.
  • 0:58 - 1:02
    (Applaudissements)
  • 1:03 - 1:05
    Après, ceci étant,
  • 1:05 - 1:10
    on dit aussi que ce sont ces personnes
    qui vivent dans des bulles.
  • 1:11 - 1:15
    Mais il y a 500 000 personnes
    avec autisme en France,
  • 1:15 - 1:17
    donc on est nombreux dans la bulle.
  • 1:17 - 1:20
    Et, je peux vous assurer, on s'amuse bien.
  • 1:20 - 1:23
    On passe de bons moments.
  • 1:23 - 1:27
    Peut-être, et même sans doute
    que l'on passe de meilleurs moments
  • 1:27 - 1:33
    que « monsieur moi je, moi président. »
  • 1:33 - 1:38
    (Applaudissements)
  • 1:40 - 1:44
    Lui, il est tout seul
    dans sa bulle. Tout seul.
  • 1:44 - 1:45
    (Rires)
  • 1:45 - 1:47
    Et en plus, il paraît...
  • 1:47 - 1:51
    - du moins, c'est ce que
    certaines rumeurs m'ont rapporté -
  • 1:51 - 1:58
    que le pauvre serait astreint
    à l'épreuve dite « du caviar ».
  • 1:58 - 2:00
    L'épreuve dite « du caviar »
  • 2:00 - 2:05
    consiste à devoir ingurgiter,
    plusieurs fois par jour,
  • 2:05 - 2:08
    une substance dégueulasse
  • 2:08 - 2:12
    qui vous éclate
    dans la bouche entre les dents
  • 2:12 - 2:15
    dés que vous essayez de la goûter.
  • 2:15 - 2:23
    Il paraît que d'autres épreuves
    attendent encore le petit bonhomme.
  • 2:23 - 2:24
    À ce qu'il paraît,
  • 2:24 - 2:29
    il aurait aussi l'épreuve
    dite « du champagne ».
  • 2:29 - 2:33
    Le champagne, cette boisson fermentée,
  • 2:33 - 2:35
    alors que mes parents
    m'avaient toujours dit
  • 2:35 - 2:39
    de ne pas consommer
    de nourriture moisie ou pourrie.
  • 2:39 - 2:40
    (Rires)
  • 2:40 - 2:42
    Donc, vous voyez.
  • 2:42 - 2:46
    Après également, en tant que personne TED,
  • 2:46 - 2:48
    je ne fume pas.
  • 2:48 - 2:51
    Pas forcément pour
    des raisons philosophiques,
  • 2:51 - 2:56
    mais simplement comment
    voulez-vous aller acheter du tabac ?
  • 2:56 - 2:59
    Où est-ce que vous
    le commandez sur Internet ?
  • 2:59 - 3:02
    Je ne sais pas, ça exige
    des compétences sociales.
  • 3:02 - 3:06
    Donc ni alcool, ni caviar, ni tabac,
  • 3:06 - 3:09
    ni substances autres encore.
  • 3:09 - 3:11
    Comme vous pouvez le constater,
  • 3:11 - 3:15
    être autiste c'est
    écologique, économique...
  • 3:15 - 3:18
    (Applaudissements)
  • 3:18 - 3:21
    ...éco- tout ce que vous voulez.
  • 3:21 - 3:26
    En somme, je pense qu'être autiste
    devrait être remboursé par la sécurité.
  • 3:26 - 3:29
    (Rires)
    (Applaudissements)
  • 3:29 - 3:32
    Ceci étant,
  • 3:32 - 3:33
    ne comptez pas sur moi
  • 3:33 - 3:37
    pour venir à une quelconque
    cérémonie de remise de pin's
  • 3:37 - 3:41
    plus ou moins dorés ou autre.
  • 3:41 - 3:45
    A la même heure, j'ai mon cours
    de grammaire du vieil éthiopien
  • 3:45 - 3:46
    que je ne peux pas rater,
  • 3:46 - 3:48
    et de toute manière,
  • 3:48 - 3:52
    je n'affectionne guère
    ce genre de cinéma social.
  • 3:52 - 3:55
    D'ailleurs, pour tout vous confier,
    j'ai un petit secret.
  • 3:55 - 3:57
    J'ai un ami proche,
  • 3:57 - 3:59
    il est éminent linguiste,
  • 3:59 - 4:02
    maintenant docteur en linguistique,
  • 4:02 - 4:07
    et je me faisais des soucis pour lui
    pour le jour de sa soutenance de thèse.
  • 4:07 - 4:10
    Je me disais : « Mais comment
    est-ce qu'il va faire face
  • 4:10 - 4:13
    pendant des heures
    au feu roulant de questions
  • 4:13 - 4:14
    plus ou moins vicieuses ? »
  • 4:14 - 4:18
    Et le soir même, j'ai reçu un email.
  • 4:18 - 4:20
    Il m'écrit le soir à heure fixe,
  • 4:20 - 4:25
    et il disait : « La soutenance
    de thèse s'est très bien passée. »
  • 4:25 - 4:26
    - Ça je n'en doute pas -
  • 4:26 - 4:30
    « Mais ce qui était insupportable,
    c'était le pot après la thèse. »
  • 4:30 - 4:32
    (Rires)
  • 4:32 - 4:36
    Donc votre serviteur a résolu
    le problème de manière plus nette :
  • 4:36 - 4:40
    il n'y avait pas de pot
    après ma soutenance de thèse.
  • 4:40 - 4:42
    Donc voilà, le problème était résolu.
  • 4:42 - 4:46
    Mais vous savez, c'était compliqué.
  • 4:46 - 4:48
    Ça a très, très mal démarré,
  • 4:48 - 4:49
    très, très mal.
  • 4:49 - 4:50
    Rendez-vous compte :
  • 4:50 - 4:55
    je suis né le même jour et la même année
    que Britney Spears.
  • 4:55 - 4:57
    (Rires)
  • 4:57 - 4:59
    Au moins, le seul avantage que cela a,
  • 4:59 - 5:03
    c'est que je connais maintenant
    au moins une célébrité
  • 5:03 - 5:04
    que je peux citer
  • 5:04 - 5:09
    lors des dîners en société
    auxquels je ne peux me soustraire.
  • 5:09 - 5:11
    Et donc, au moins cela.
  • 5:11 - 5:15
    D'autre part, également, je suis né
  • 5:15 - 5:19
    dans les locaux de l'ancien asile
    psychiatrique de Charenton.
  • 5:19 - 5:21
    Comme on disait à une époque,
  • 5:21 - 5:25
    la maison royale de Charenton,
    pour les amateurs de vieux livres.
  • 5:25 - 5:27
    Donc voilà, je suis né là.
  • 5:27 - 5:30
    Autant vous dire que
    ce n'était pas fameux au début.
  • 5:30 - 5:31
    Mes parents, quand ils m'ont vu,
  • 5:31 - 5:34
    ils ont dit : « On arrête les gosses,
    là, c'est fini quoi ! »
  • 5:34 - 5:36
    (Rires)
  • 5:36 - 5:40
    Et ensuite est venu l'âge scolaire.
  • 5:41 - 5:47
    Bon, alors, inutile de vous dire que
    j'étais en très grosse difficulté
  • 5:47 - 5:51
    pour reprendre l'expression
    fétiche de mes profs d'alors,
  • 5:51 - 5:56
    je ne suis pas entré
    dans les apprentissages.
  • 5:56 - 6:00
    Effectivement,
    je ne savais pas jouer au cerceau,
  • 6:00 - 6:02
    d'ailleurs je ne le sais toujours pas.
  • 6:02 - 6:06
    Je n'ai toujours pas les compétences
    requises pour passer au CP.
  • 6:06 - 6:09
    Si on m'avait fait redoubler,
    je ne sais combien,
  • 6:09 - 6:11
    une dizaine de fois,
  • 6:11 - 6:12
    ça n'aurait sans doute pas suffi.
  • 6:12 - 6:14
    Parce que, rendez-vous compte,
  • 6:14 - 6:16
    pour l'Éducation Nationale,
  • 6:16 - 6:19
    il faut savoir jouer au cerceau
  • 6:19 - 6:22
    avant de savoir calculer
    des intégrales triples.
  • 6:22 - 6:25
    Pas l'inverse.
    (Rires)
  • 6:25 - 6:32
    (Applaudissements)
  • 6:32 - 6:35
    Si vous savez calculer
    des intégrales triples,
  • 6:35 - 6:38
    vous n'êtes pas entré
    dans les apprentissages.
  • 6:38 - 6:41
    D'autant plus,
    si on vous ramène chez le psy,
  • 6:41 - 6:43
    vous passerez pour vraiment cinglé.
  • 6:43 - 6:46
    Vous aurez droit à des petits cachetons.
  • 6:46 - 6:50
    C'est d'ailleurs ce qui m'est
    arrivé pendant des années.
  • 6:50 - 6:55
    Je suis devenu, je crois,
    un grand ami des laboratoires divers.
  • 6:55 - 6:58
    J'ai sans doute bien
    contribué à leur santé.
  • 6:58 - 7:03
    Et puis je dois vous dire que
    les psychiatres que j'avais à l'époque
  • 7:03 - 7:06
    étaient extraordinairement compétents.
  • 7:06 - 7:11
    Ils savaient vider votre compte
    bancaire en quelques instants.
  • 7:11 - 7:13
    D'ailleurs, pour reprendre
    l'expression fétiche,
  • 7:13 - 7:15
    il faut s'en souvenir,
  • 7:15 - 7:18
    il ne faut jamais payer par chèque,
  • 7:18 - 7:20
    parce que vous signez votre échec.
  • 7:20 - 7:22
    Il faut payer en espèces,
  • 7:22 - 7:25
    ce qui a naturellement
    d'autres avantages également,
  • 7:25 - 7:29
    mais bon,
    je ne les ai compris qu'ultérieurement.
  • 7:29 - 7:31
    Donc les années ont passé,
  • 7:31 - 7:34
    et, en primaire,
  • 7:34 - 7:37
    j'étais quand même en difficulté,
  • 7:37 - 7:40
    parce que je m'étais rendu
    compte de quelque chose d'horrible.
  • 7:40 - 7:45
    J'avais compris que ma prof
    de CE2 était une ignorante.
  • 7:45 - 7:51
    Elle ne connaissait même pas
    le successeur de Ramsès II.
  • 7:51 - 7:53
    Il semblerait aussi
  • 7:53 - 7:56
    qu'elle ne connaissait
    pas la capitale du Belize.
  • 7:56 - 7:58
    Non mais oh ! C'est quoi ça !
  • 7:58 - 8:01
    Et donc bon, les années ont passé.
  • 8:01 - 8:05
    Au collège, personne ne voulait
    être assis à coté de moi.
  • 8:05 - 8:09
    D’ailleurs, je venais au collège
    de manière plus ou moins assidue.
  • 8:09 - 8:14
    Mais les choses, là encore, ont changé
    en arrivant au lycée.
  • 8:14 - 8:18
    Curieusement, et j'ai mis
    du temps à comprendre,
  • 8:18 - 8:21
    certains souhaitaient
    être assis à coté de moi,
  • 8:21 - 8:24
    notamment avant les contrôles de math.
  • 8:24 - 8:25
    (Rires)
  • 8:25 - 8:31
    Bon, il y a des équations sociales
    que l'on peine à résoudre.
  • 8:31 - 8:33
    Mais c'est la vie, paraît-il.
  • 8:33 - 8:36
    Donc, encore un peu plus tard,
  • 8:36 - 8:39
    maintenant je suis quasiment libre,
  • 8:39 - 8:41
    j'étudie pour le plaisir.
  • 8:41 - 8:45
    J'ai choisi mes cours, et ça c'est bien.
  • 8:45 - 8:50
    Donc j'ai assisté pendant un certain temps
    à des cours de vieil éthiopien.
  • 8:50 - 8:53
    Là, les cours sont garantis
    « compatibles autiste ».
  • 8:53 - 8:55
    Vous êtes seul avec le prof.
  • 8:55 - 8:57
    (Rires)
  • 8:57 - 9:03
    (Applaudissements)
  • 9:03 - 9:04
    Soit dit en passant,
  • 9:04 - 9:06
    le prof a - comment dire ? -,
  • 9:06 - 9:10
    un profil bien de chez nous.
    (Rires)
  • 9:10 - 9:12
    Donc on s'entendait très, très bien.
  • 9:12 - 9:16
    Je vais également, et ça va
    reprendre cette année, je l'espère,
  • 9:16 - 9:19
    à des cours de vieil avestique.
  • 9:19 - 9:21
    Là on est plus nombreux : on est trois.
  • 9:21 - 9:26
    Les deux bonshommes,
    ils se passionnent pour des querelles
  • 9:26 - 9:29
    sur les formations
    de l'aoriste sigmatique
  • 9:29 - 9:31
    en sanskrit védique
  • 9:31 - 9:33
    par rapport aux formes avestiques.
  • 9:33 - 9:37
    Et là je leur dis : « Mais stop !
    Revenez à l'essentiel !
  • 9:37 - 9:38
    (Rires)
  • 9:38 - 9:41
    Intéressez-vous aux choses
    importantes de la vie.
  • 9:41 - 9:46
    Par exemple, la transition entre
    l'écriture sumérienne et acadienne. »
  • 9:46 - 9:48
    (Rires)
  • 9:48 - 9:52
    Vous voyez, mais on passe
    de bons moments comme cela.
  • 9:52 - 9:54
    (Rires)
  • 9:54 - 9:58
    Il faut également
    souligner une chose.
  • 9:58 - 10:02
    Certains disent - du moins,
    c'est dans les traités savants - :
  • 10:02 - 10:07
    l'autisme s'accompagne
    de difficultés relationnelles.
  • 10:07 - 10:09
    Je dirais : pas toujours.
  • 10:09 - 10:10
    Par exemple,
  • 10:10 - 10:14
    je n'ai absolument aucune
    difficulté relationnelle
  • 10:14 - 10:16
    avec la belle-mère.
  • 10:16 - 10:17
    (Rires)
  • 10:17 - 10:21
    Et je crois même,
    et je pousserais le vice un peu plus loin,
  • 10:21 - 10:24
    d'après mes petites
    statistiques non homologuées,
  • 10:24 - 10:30
    99 % des gens ayant des troubles
    relationnels avec leur mère
  • 10:30 - 10:31
    ne sont pas autistes.
  • 10:31 - 10:34
    (Rires)
  • 10:34 - 10:37
    Donc, au boulot, c'était compliqué.
  • 10:37 - 10:42
    Moi j'ai un petit - disons - privilège.
  • 10:42 - 10:43
    J'ai un titre.
  • 10:43 - 10:46
    Je suis celui qui a raté
  • 10:46 - 10:50
    tous mes entretiens
    d'embauche, sans exception.
  • 10:50 - 10:52
    Alors en début d'après-midi,
  • 10:52 - 10:56
    nous avons brillamment entendu
    parler de l'Aïkido Management.
  • 10:56 - 10:58
    Moi, c'est plutôt l'échec management.
  • 10:58 - 10:59
    (Rires)
  • 10:59 - 11:04
    Aussi pour vous dire,
    mon attitude antisportive au possible.
  • 11:04 - 11:06
    Bon, ceci étant,
  • 11:06 - 11:08
    maintenant, depuis quelques années,
  • 11:08 - 11:10
    j'ai la chance de travailler
  • 11:10 - 11:15
    pour un patron qui ne m'en veut pas
    pour ma tenue vestimentaire.
  • 11:15 - 11:18
    Il est aveugle de naissance.
    (Rires)
  • 11:18 - 11:19
    C'est utile.
  • 11:19 - 11:24
    J'ai aussi du temps libre pour m'adonner
    à l'une mes de récentes passions,
  • 11:24 - 11:27
    qui est restée un peu
    secrète jusqu'à ce jour :
  • 11:27 - 11:32
    je collectionne les bouteilles
    d'eau petit format.
  • 11:32 - 11:35
    Alors là, c'est une bouteille corse.
  • 11:35 - 11:38
    Voilà, il faut la manier avec prudence.
  • 11:38 - 11:39
    (Rires)
  • 11:39 - 11:42
    Mais je suis très fier
    de ma petite collection.
  • 11:42 - 11:44
    D'autre part, depuis quelques années,
  • 11:44 - 11:47
    je suis maintenant
    saltimbanque dans l'autisme.
  • 11:47 - 11:51
    C'est-à-dire que comme
    il y a les gens du voyage,
  • 11:51 - 11:53
    il y a des autistes du voyage.
  • 11:53 - 11:59
    Maintenant, à défaut d'être ami
    avec le syndicat des pharmacologistes,
  • 11:59 - 12:03
    je suis ami avec le syndicat
    des hôteliers de France.
  • 12:03 - 12:06
    Je vais bientôt demander ma petite carte
  • 12:06 - 12:08
    pour accéder aux aires de stationnement
  • 12:08 - 12:12
    réservées aux gens,
    aux autistes du voyage.
  • 12:12 - 12:17
    Alors vous savez,
    on parle souvent de guérir,
  • 12:17 - 12:20
    guérir les autistes.
  • 12:20 - 12:25
    Alors le mot, si vous parlez
    à l'un des spécialistes de l'autisme,
  • 12:25 - 12:27
    « spécialiste » entre guillemets,
  • 12:27 - 12:30
    l'un des mots que vous
    entendrez en premier,
  • 12:30 - 12:33
    c'est la souffrance. Vous souffrez.
  • 12:33 - 12:38
    Et donc, comme me l'a dit
    un de mes amis avec autisme :
  • 12:38 - 12:40
    La souffrance de l'autiste,
  • 12:40 - 12:43
    c'est une nécessité vitale
    pour le psychiatre.
  • 12:43 - 12:45
    Eh bien oui.
    (Rires)
  • 12:45 - 12:51
    Sans ça...
    (Applaudissements)
  • 12:52 - 12:57
    Mais, vous savez, pour faire
    taire certaines rumeurs,
  • 12:57 - 13:02
    il est impératif de préciser que
    j'ai fait des études de médecine.
  • 13:02 - 13:03
    Deux heures.
    (Rires)
  • 13:03 - 13:08
    Je m'étais trompé d'amphi
    en fait et je n'osais pas sortir.
  • 13:08 - 13:10
    C'était ça, le truc.
  • 13:10 - 13:14
    Mais, on peut en rire
    et le rire est bienvenu.
  • 13:14 - 13:20
    Mais, ceci étant, je puis vous assurer
    que nombre de grands professionnels
  • 13:20 - 13:22
    qui ont des titres ronflants,
  • 13:22 - 13:25
    ont souvent eu beaucoup
    moins de deux heures
  • 13:25 - 13:27
    de cours sur l'autisme,
  • 13:27 - 13:31
    au cours de toutes les années
    qu'ils ont pu passer à l'Université.
  • 13:31 - 13:32
    Hélas, quoi.
  • 13:32 - 13:34
    Donc quand...
  • 13:34 - 13:37
    Application pratique,
    regardons les pommes.
  • 13:37 - 13:39
    Quand un enfant autiste vous dit :
  • 13:39 - 13:43
    « Tomber dans les pommes,
    qu'est-ce que cela veut dire ? »
  • 13:43 - 13:45
    Tomber dans les pommes,
  • 13:45 - 13:48
    c'est « boum », c'est ça ?
  • 13:48 - 13:51
    Ou à votre avis,
    un portefeuille, c'est quoi ?
  • 13:51 - 13:53
    C'est un arbre.
  • 13:53 - 13:55
    C'est un truc avec des feuilles.
  • 13:55 - 13:58
    Voilà, c'est comme ça
    que comprennent le langage
  • 13:58 - 14:00
    des enfants avec autisme.
  • 14:00 - 14:03
    Est-ce que c'est une tare,
    est-ce qu'il faut le guérir ?
  • 14:03 - 14:05
    À mon avis, c'est une moindre tare
  • 14:05 - 14:09
    que la conception du portefeuille chez
    un certain nombre d'hommes politiques.
  • 14:09 - 14:10
    (Rires)
  • 14:10 - 14:21
    (Applaudissements)
  • 14:21 - 14:26
    Et si je peux vous livrer
    une statistique électorale,
  • 14:26 - 14:30
    il semblerait que 99 %
    des hommes politiques
  • 14:30 - 14:33
    avec lesquels toute
    communication est impossible
  • 14:33 - 14:35
    ne sont pas autistes.
  • 14:35 - 14:37
    (Applaudissements)
  • 14:37 - 14:40
    Et là, malheureusement,
  • 14:40 - 14:46
    aucune thérapie actuellement
    existante ne s'avère fructueuse.
  • 14:46 - 14:48
    Comment procéder ?
  • 14:48 - 14:49
    C'est très, très embêtant.
  • 14:49 - 14:52
    D'ailleurs, je n'ose même pas le dire,
  • 14:52 - 14:56
    mais ça se murmure dans
    tout le petit monde de l'autisme,
  • 14:56 - 14:59
    les Marseillais,
    ils nous ont fait un sale coup là.
  • 14:59 - 15:01
    Vraiment, vraiment.
  • 15:01 - 15:03
    Ils n'ont pas voulu de Carlotti.
  • 15:03 - 15:09
    Donc là, on va devoir, nous
    les autres personnes handicapées...
  • 15:09 - 15:11
    Bon, ça, c'est notre problème.
  • 15:11 - 15:16
    Bref, donc également,
    je souhaitais dire une chose,
  • 15:16 - 15:22
    c'est qu'on parle maintenant
    de scolarisation des enfants autistes.
  • 15:22 - 15:25
    C'est très bien, il faut le faire.
  • 15:25 - 15:27
    Mais ceci étant,
    je tiens à dire une chose,
  • 15:27 - 15:31
    je connais nombre d'enfants non autistes
  • 15:31 - 15:34
    qui auraient besoin
    d'adaptation à l'école.
  • 15:34 - 15:39
    Je pense d'ailleurs
    que les adaptations que l'on met en place
  • 15:39 - 15:41
    pour des enfants avec autisme à l'école,
  • 15:41 - 15:44
    bénéficient d'abord aux autres enfants,
  • 15:44 - 15:45
    à tous les enfants.
  • 15:45 - 15:46
    Cela a été montré.
  • 15:46 - 15:51
    Quand vous ajoutez un enfant
    avec autisme dans une salle de classe,
  • 15:51 - 15:54
    tout le niveau de l'école
    et de la classe augmente.
  • 15:54 - 15:57
    De même dans l'entreprise.
  • 15:57 - 15:59
    Je ne sais pas si vous avez vu,
  • 15:59 - 16:01
    mais à l'été dernier,
  • 16:01 - 16:04
    SAP, le géant allemand des logiciels
  • 16:04 - 16:08
    a annoncé qu'ils allaient embaucher
    des centaines de collaborateurs
  • 16:08 - 16:09
    avec autisme.
  • 16:09 - 16:12
    Qu'est-ce qu'on a entendu
    dans la presse française !
  • 16:12 - 16:18
    « Merkel veut esclavagiser
    même les autistes. »
  • 16:18 - 16:21
    Alors bon, un peu de calme,
  • 16:21 - 16:24
    c'est simplement des gens
    qui auront un bon travail
  • 16:24 - 16:29
    et seront rémunérés
    en fonction de leurs compétences.
  • 16:29 - 16:32
    Et si dans quelques années,
    les résultats de SAP
  • 16:32 - 16:35
    sont encore meilleurs qu'aujourd'hui,
  • 16:35 - 16:40
    on criera encore une fois au complot
    germanique contre la France.
  • 16:40 - 16:49
    (Applaudissements)
  • 16:50 - 16:55
    Vous savez, on m'a positionné
    sous les yeux un appareil, ici
  • 16:55 - 16:57
    appelé « timer ».
  • 16:57 - 17:00
    On le dispose souvent
    dans des établissements
  • 17:00 - 17:04
    destinés à accueillir
    des personnes avec autisme.
  • 17:04 - 17:08
    Soi-disant, ces établissements
    sont souvent en deçà de tout,
  • 17:08 - 17:13
    et parce que les gens avec autisme
    ne savent pas gérer leur temps.
  • 17:13 - 17:15
    Mais je peux
    vous assurer encore une fois
  • 17:15 - 17:19
    qu'on observe le plus souvent
    que ce sont des gens sans autisme
  • 17:19 - 17:22
    qui ont beaucoup
    de mal à gérer leur temps.
  • 17:22 - 17:25
    Donc j'en viendrai
    à mes deux dernières phrases
  • 17:25 - 17:26
    si vous le voulez bien.
  • 17:26 - 17:28
    Premièrement :
  • 17:28 - 17:32
    quand on dit que les gens
    avec autisme vivent dans des bulles,
  • 17:32 - 17:37
    je connais nombre de gens sans autisme
    qui vivent dans d’épaisses bulles
  • 17:37 - 17:41
    avec lesquels nulle
    communication n'est possible.
  • 17:41 - 17:45
    Vous savez, s'intéresser
    aux décimales du nombre π,
  • 17:45 - 17:49
    ce n'est ni plus stupide, ni plus bizarre,
  • 17:49 - 17:53
    que de retenir les résultats
    des matchs de football.
  • 17:53 - 17:54
    (Rires)
  • 17:54 - 17:59
    (Applaudissements)
  • 18:00 - 18:04
    D'autre part,
    ça me fait également penser...
  • 18:04 - 18:06
    - on pourrait baratiner
    durant de longues heures,
  • 18:06 - 18:10
    d'autant plus que je souffre également,
    ça, on ne vous l'a pas dit,
  • 18:10 - 18:13
    du syndrome Fidel Castro.
  • 18:13 - 18:17
    Et je tenais juste
    à rapporter une petite histoire.
  • 18:17 - 18:22
    Il y a quelques années
    était venu en France un grand monsieur.
  • 18:22 - 18:25
    Un Américain, Stephen Shore.
  • 18:25 - 18:29
    Et donc lui, quand il était jeune enfant,
  • 18:29 - 18:33
    les médecins de l'époque,
    dans les années 60-70,
  • 18:33 - 18:37
    les médecins américains étaient
    à peu près aussi compétents en autisme
  • 18:37 - 18:40
    que les médecins français aujourd'hui.
  • 18:40 - 18:43
    Donc ils prédisaient aux parents :
  • 18:43 - 18:48
    « Ah ! Certains parents
    ont un chien à la maison,
  • 18:48 - 18:50
    vous vous aurez cet enfant. »
  • 18:50 - 18:52
    Les années ont passé,
  • 18:52 - 18:54
    le petit Stephen est devenu grand,
  • 18:54 - 18:57
    eh bien oui, les enfants autistes
    deviennent adultes autistes.
  • 18:57 - 19:00
    On l'ignore parfois, mais c'est comme ça.
  • 19:00 - 19:03
    Et donc les années ont passé,
  • 19:03 - 19:06
    maintenant Stephen
    est prof à l'Université de Boston,
  • 19:06 - 19:11
    et quand il était venu en France,
    à la fin de sa conférence,
  • 19:11 - 19:14
    une personne avait posé une question :
  • 19:14 - 19:18
    « Monsieur Shore, vous êtes marié.
    Pourquoi vous n'avez pas d'enfants ? »
  • 19:18 - 19:20
    Et lui, il a répondu :
  • 19:20 - 19:23
    « Ma femme et moi avons
    décidé de ne pas avoir d'enfants,
  • 19:23 - 19:27
    parce qu'il y avait un risque
    qu'il ne soit pas autiste. »
  • 19:27 - 19:28
    (Rires)
  • 19:28 - 19:29
    Merci.
    (Applaudissements)
Title:
La comédie de la normalité | Josef Shovanec | TEDxAlsace
Description:

Josef Shovanec souffre d'un « trouble envahissant du développement », entendez « syndrome d'Asperger ». Il milite pour que le trouble dont il souffre soit mieux connu en France. On devine derrière son témoignage mêlant des tonnes d'humour à quelques grammes de tristesse, une vie mâtinée d'incompréhensions et du haut de laquelle il nous parle aujourd'hui avec sincérité et générosité.

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
19:35

French subtitles

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