Faire des choix plus responsables, un premier pas vers plus de liberté ? | Olivier Peyre | TEDxParis

Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.

De retour d’un incroyable tour du monde zéro carbone de 7 ans à vélo, voilier stop et parapente, Olivier Peyre fait une escale sur la scène de TEDxParis pour nous partager ses histoires, ses rencontres et surtout sa philosophie de vie : s’informer et se responsabiliser pour gagner en liberté.

Adolescent, Olivier voit son frère traverser la France en vélo. Depuis, un rêve est né : faire un tour du monde à vélo. À la suite de ses études d’ingénieur, il est animé par une soif de voyages et de découvertes. Il quitte alors la France pour l’Océanie afin de se perfectionner en parapente. À son retour, il obtient un CDI dans l’aéronautique. Rapidement insatisfait de ce choix de vie, il « plaque tout » et décide de partir à l’aventure pour un tour du monde de 7 ans non-motorisé, à vélo, voilier-stop et parapente. Depuis son retour en 2015, il travaille sur l’écriture du récit de son voyage : « En Route avec Aile ».

(Applaudissements)

Il y a un an,

quasiment jour pour jour,

je passais la frontière

de l'Iran vers la Turquie,

juste au nord de la Syrie.

Sur ma droite,

s'élève l’immense silhouette
du Mont Ararat.

La légende raconte

que l’arche de Noé s’y serait échouée.

5167 mètres

Un cône comme ça

pour un pilote de parapente comme moi,

c’est comme

une glace à la vanille

un après-midi d’été.

Je me donne donc trois jours.

J’ai très peu de temps sur Internet
mais j’arrive à collecter deux infos.

De un, les conditions sont
magiques pour voler.

Mais par contre, il me faut éviter
à tout prix les guides

qui risquent de me demander
mon permis d'accès,

impossible à obtenir en si peu de temps.

Je ne l'ai pas.

Au deuxième matin de l'ascension,

à mi-pente, je suis en train de dormir,

enroulé dans mon aile de parapente.

L’aube n’est pas encore tout à fait levée.

Quand soudain...

Oh putain, c'est la guerre !

C'était juste là.

Là, je peux vous dire

que je fonce
direct me planquer dans les rochers.

Sept ans plus tôt,

le 11 juillet 2008 à 9h30 du matin,

je donne le premier coup de pédale
pour un tour du monde à vélo,

un vieux rêve d’enfance.

Alors tous ceux qui dans cette salle ici
pensaient que le monde est petit,

croyez-moi, c’est complètement faux.

Il est immense !

Je me donne donc cette fois-ci 4 ans.

Je sais

que ça va avoir des conséquences
importantes dans ma vie.

J’avais un bon travail,
ingénieur en CDI dans l’aéronautique.

En quelque sorte,
je suicidais ma carrière.

J'avais une compagne que j’aimais...

ma famille, mes amis.

J’ai tout largué.

Alors, ça sonne comme une autre belle
connerie bien irresponsable,

comme celle que je viens
de raconter sur le mont Ararat,

mais en fait,

c'était sans doute,

et je le pense encore aujourd'hui,

la décision la plus
responsable de ma vie.

En faisant ça,
ce que je cherchais au fond,

au-delà de voir le monde,

c’était de reprendre en main ma vie.

Je me laissais un peu aller.

Je suivais un schéma classique
guidé moins par des choix personnels

que par des choix presque
imposés par la société :

études, carrière, famille,
confort matériel...

Je n’avais pas vraiment l’impression
que ces choix étaient les miens.

Alors pour une fois,

j'ai osé prendre une décision,

qui allait influer
énormément sur ma vie.

Mais du coup,

il était primordial que ce choix-là
soit vraiment responsable,

que j’en mesure pleinement
les conséquences,

sur ma vie d’abord,

puis à force de réflexions
c‘en est venu aux autres,

aux impacts environnementaux.

A tel point que j’ai décidé

que mon tour du monde

serait intégralement non motorisé.

Zéro carbone pour avancer.

Je traverserai les continents en vélo,

les océans en voilier-stop.

Et pour rajouter
un peu de magie à tout ça,

je prendrai avec moi un parapente
pour voir le monde d’en haut.

Ça a donné le projet

« En route avec Aile ».

A - I - L - E

Je n'avais pas choisi
la voie la plus simple.

Pour me donner une chance de réussir,
il fallait donc l’organiser proprement.

Ben oui, je reste ingénieur
malgré tout ce que je voulais quitter.

Je le prends comme
un vrai projet d’entreprise.

Pendant 6 mois,
je contacte médias, sponsors.

J'étudie le budget,
le matos qu'il faut prendre.

Bref, un vrai business plan,
j'adore Excel,

je me suis fait plaisir, croyez-moi !

(Rires)

Puis j’ai pris en compte les visas,

les hivers dans les Andes,
dans l'Himalaya,

les zones de guerre,
pour tracer ceci :

l’itinéraire idéal.

Je savais que si je me trompais,
j’allais en subir les conséquences.

Un truc tout con par exemple.

Un jour,

je traversais le Pamir en Asie centrale

et je croise en face de moi un cycliste,
tout aussi chevelu et hirsute que moi.

Je peux vous dire que c'était
quelque chose à l'époque !

Du coup, on cause un peu,
et puis il me raconte

que lui aussi veut traverser
les océans en voilier-stop

et se rendre ainsi
en Amérique depuis l’Asie…

Aïe !

Ça m'a fait une boule au ventre !

J’ai du me résoudre à lui dire
qu'en fait, ce n'était pas possible.

Les voiliers suivent en effet les alizés

et font le tour du monde vers l’ouest !

Très rarement l'inverse.

Et du coup, il va se retrouver
en face de l'océan

contraint à prendre l'avion

alors qu’il se démène comme un fou
pour rendre son voyage démotorisé !

Et moi aussi,
j'ai failli aller vers l’est.

Mais heureusement,

un ami est venu me voir,

peu de temps avant le départ,

et m'a donné cette information cruciale,

et j'ai pu aller dans l'autre sens.

Et c’était exactement
le même genre d'erreur

qu'a fait le cycliste.

Quand j'étais sur le Mont Ararat
derrière un rocher,

à me faire tirer dessus par des F-16,

après la fin des explosions,

j'ai cru que c’était
un exercice militaire,

j’ai continué jusqu’au sommet,

d’où j’ai décollé le lendemain

pour éviter en volant
la zone de tir de la veille.

J’atterris sain et sauf
et récupère mon vélo,

et atteins la première ville
où je rencontre enfin quelqu’un

qui parle anglais.

Là, il m'explique

que

la montagne est fermée
depuis trois mois,

qu’elle est remplie de rebelles du PKK

et que l’armée tire à vue
sur tout ce qui bouge.

(Rires)

(Applaudissements)

J’ai mis ma vie gravement en danger

par ignorance.

Pour peu que je m'étais
un petit peu informé,

je n’aurais jamais fait ces choix
complètement irresponsables.

Parce que, oui,

le manque d’informations conduit
à des choix irresponsables,

et même parfois à des désastres.

Mais à l'inverse,

le fait d’avoir en majorité

fait des choix éclairés,

responsables,

où j’étais conscient des conséquences,

m’a permis de faire
de mon rêve une réalité,

et même, à aller bien au-delà !

Quatre mois après,
le 29 décembre 2015,

je franchis la ligne d’arrivée
après 2723 jours,

soit 7 ans et demi sur les routes
au lieu des 4 prévus.

J’ai traversé 105 000 km
dans des régions incroyables.

J'ai rencontré des personnes
de tous horizons,

j’ai eu la chance
de voir des merveilles,

j’étais heureux et j’ai réussi mon pari.

C'est comme ça que ça
s’est passé pour moi !

Mais qu’est-ce qui se passerait

si c'était comme ça aussi

pour chacun d’entre nous ?

Et qu’est-ce qui se passerait

si c'était comme ça aussi

au niveau
plus large de notre pays

ou de notre planète ?

Est-ce qu’on ne pourrait pas penser
à une société plus consciente,

donc plus responsable,

et donc plus libre ?

Parce qu’un tour du monde,
un projet de vie ou de société,

c’est comme un vol en parapente.

C’est un truc bourré de contraintes,
de risques, qu’on a choisis nous-mêmes

et dont on fait tout

pour contrôler les conséquences.

Une mauvaise lecture du vent,
et c'est la mort ou la paralysie.

Mais l’envol,

c’est ce moment ultime,

cet instant de vérité,

où les choix deviennent
vraiment responsables,

et nous emmènent
vers une immense liberté.

Alors...

on s'envole ?

Merci.

(Applaudissements)