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L'histoire de deux Amériques. Et le dépanneur où elles se sont affrontées

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    « D'où venez-vous? a demandé l'homme
    tatoué au visage pâle.
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    D'où venez-vous? »
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    C’est le 21 septembre 2001,
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    10 jours après l'attentat
    horrifique contre les États-Unis depuis
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    la Seconde Guerre mondiale.
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    Tout le monde craint une
    autre attaque aérienne.
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    Chacun cherche des boucs émissaires.
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    Dans son discours la veille,
    le président s'engage à
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    « traduire nos ennemis en justice ou
    administrer la justice à nos ennemis.»
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    Et dans un dépanneur
    à Dallas,
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    un dépanneur en plein milieu des magasins
    de pneus et des boîtes de strip-tease,
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    un immigrant du Bangladesh
    travaille à la caisse.
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    Chez lui Raisuddin Bhuiyan était officier
    de l'armée de l'air, un homme important.
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    Mais il rêvait d'un nouveau départ
    aux États-Unis.
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    Travailler brièvement dans un dépanneur
    pour payer ses cours en informatique
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    et son mariage deux mois après
    ne le gênait pas.
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    Puis, le 21 septembre, cet homme tatoué
    entre dans le magasin.
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    Il tient un fusil de chasse.
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    Raisuddin connaît bien la routine :
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    il met l'argent sur le comptoir.
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    Cette fois, l'homme ne touche pas
    l'argent.
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    « D'où venez-vous? » demande-t-il.
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    « Je vous demande pardon? »
    répond Raisuddin.
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    Son accent le trahit.
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    L'homme tatoué, un soi-disant
    défenseur de l'Amérique,
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    tire sur Raisuddin pour se venger
    des attentats du 11 septembre.
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    Il semble à Raisuddin que des millions
    d'abeilles le piquent le visage.
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    En effet, des douzaines de grenailles
    brûlantes lui perforent le crâne.
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    Il s'effondre derrière le comptoir,
    baigné de sang.
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    Il met ses mains en coupe sur le front
    pour protéger le cerveau
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    sur lequel il avait tout misé.
  • 2:22 - 2:29
    Il récite des versets du Coran, suppliant
    son Dieu de le laisser vivre.
  • 2:29 - 2:33
    Il sent qu'il meurt.
  • 2:33 - 2:36
    Mais il n'est pas mort.
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    Il a perdu la vue de son œil droit.
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    Sa fiancée l'a quitté.
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    Son propriétaire, le patron du dépanneur
    l'a jeté dehors.
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    Il est devenu sans-abri, endetté de
    60 000 dollars pour frais médicaux,
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    y compris les frais pour avoir appelé
    une ambulance.
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    Mais Raisuddin a survécu.
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    Des années plus tard, il se demanderait ce
    qu'il peut faire pour remercier son Dieu,
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    pour mériter cette deuxième chance qui
    lui a été donnée.
  • 3:10 - 3:12
    Il croyait en effet
  • 3:12 - 3:18
    que cette deuxième chance était un appel
    pour donner une deuxième chance
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    à un homme qu'on pourrait penser
    ne méritait aucune chance.
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    Il y a douze ans, j'étais jeune diplômé
    cherchant mon chemin dans la vie.
  • 3:30 - 3:32
    Né dans l'Ohio de parents
    Indiens immigrés
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    pour moi l'expression ultime de rébellion
    contre mes parents
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    était de me déménager au pays qu'ils
    avaient quitté au prix de tant d'efforts.
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    Ce que je prévoyais être un séjour
    de 6 mois à Mumbai s'est prolongé sur 6 ans.
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    Je suis devenu écrivain, saisi par
    une histoire fabuleuse:
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    le réveil de l'espoir dans une grande
    partie de ce qu'on appelle le Tiers-Monde.
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    Il y a 6 ans, je suis revenu aux États-Unis
    et je me suis rendu compte que
  • 4:00 - 4:03
    le rêve américain était
    toujours vivant
  • 4:03 - 4:07
    mais seulement en Inde.
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    Ici aux États-Unis, pas vraiment.
  • 4:10 - 4:14
    J'ai remarqué qu'en effet, les
    États-Unis se divisaient
  • 4:14 - 4:16
    en deux sociétés distinctes :
  • 4:16 - 4:21
    une république de rêves et
    une république de la peur.
  • 4:21 - 4:24
    À ce moment je suis tombé sur cette
    histoire incroyable de deux vies,
  • 4:24 - 4:32
    des deux Amériques qui se sont affrontées
    brutalement dans ce dépanneur à Dallas.
  • 4:32 - 4:34
    J'ai su très vite que
    je voulais en savoir plus,
  • 4:34 - 4:37
    et que je finirai par écrire
    un livre sur eux,
  • 4:37 - 4:41
    car leur histoire est l'histoire de
    la cassure de l'Amérique
  • 4:41 - 4:46
    et comment on pourrait les réunir.
  • 4:46 - 4:50
    Après avoir tiré dessus, la vie était
    très difficile pour Raisuddin.
  • 4:50 - 4:55
    Le lendemain même de son admission,
    il a dû quitter l'hôpital.
  • 4:55 - 4:57
    Il avait perdu la vue de son œil droit.
  • 4:57 - 4:59
    Il ne pouvait plus parler.
  • 4:59 - 5:02
    Son visage a été rongé par le plomb.
  • 5:02 - 5:06
    Comme il n'avait pas
    d'assurance santé, il a été expulsé.
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    Sa famille au Bangladesh l'a supplié
    de rentrer à la maison.
  • 5:11 - 5:14
    Mais il leur a dit qu'il a un rêve
    à vivre.
  • 5:15 - 5:18
    Il a trouvé du travail
    dans le télémarketing,
  • 5:18 - 5:21
    puis il est devenu serveur
    à l'Olive Garden,
  • 5:21 - 5:25
    quel meilleur endroit pour vaincre sa peur
    envers les blancs qu'à l’Olive Garden?
  • 5:25 - 5:28
    (Rires)
  • 5:28 - 5:33
    Comme un musulman pieux,
    il refusait l'alcool,
  • 5:33 - 5:35
    il n’y touchait pas.
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    Mais il a appris que s'il n’en vendait
    pas, son salaire serait moindre.
  • 5:40 - 5:44
    Il s’est dit qu’en
    bon américain pragmatique
  • 5:44 - 5:48
    « Le bon Dieu ne voudrait sûrement pas
    que je meure de faim. »
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    En peu de temps, dans quelques mois
    à l’Olive Garden, Raisuddin
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    faisait les plus grosses recettes
    découlant de la vente de l'alcool.
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    Il a rencontré quelqu'un qui lui a appris
    la gestion des bases de données.
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    Il a eu de petits boulots
    en informatique.
  • 6:01 - 6:05
    Il a fini par toucher un salaire dans les
    six chiffres dans une société
  • 6:05 - 6:09
    informatique de premier ordre à Dallas.
  • 6:09 - 6:13
    Alors qu'il reprenait sa vie en main,
    Raisuddin
  • 6:13 - 6:17
    a pris soin d'éviter l'erreur classique
    souvent commise par les privilégiés :
  • 6:17 - 6:21
    de supposer qu'ils constituent la règle
    plutôt que l'exception.
  • 6:21 - 6:25
    Il a remarqué que plusieurs parmi ceux qui
    ont la chance d'être nés aux États-Unis
  • 6:26 - 6:33
    restent néanmoins prisonniers dans leurs
    vies, dépourvus d'une deuxième chance.
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    Il le voit au sein même de l’Olive Garden,
  • 6:37 - 6:40
    où des collègues racontent des histoires
    d'horreur vécues durant l'enfance
  • 6:40 - 6:45
    du dysfonctionnement familial, du chaos,
    de l'addiction, du crime.
  • 6:45 - 6:49
    Pendant le procès, il a appris que
    celui qui a tiré sur lui
  • 6:49 - 6:52
    avait vécu dans les mêmes conditions.
  • 6:52 - 6:58
    Plus Raisuddin s’intégrait aux États-Unis qu'il
    avait idéalisé de loin,
  • 6:58 - 7:02
    plus il se rend compte qu'il existe une
    autre Amérique, tout aussi réelle,
  • 7:02 - 7:06
    avare en matière de deuxième chances.
  • 7:07 - 7:14
    L'homme qui a tiré sur Raisuddin
    avait grandi dans cette Amérique avare.
  • 7:14 - 7:19
    En toute apparence,
    Mark Stroman est extroverti,
  • 7:19 - 7:23
    il complimente les filles.
  • 7:23 - 7:27
    Toujours au travail, malgré les drogues
    et les bagarres de la veille.
  • 7:27 - 7:31
    Mais toute sa vie,
    il se confronte aux démons.
  • 7:31 - 7:34
    Il a grandi avec les trois handicaps
  • 7:34 - 7:36
    qui taxent tant de jeunes hommes
    aux États-Unis
  • 7:36 - 7:41
    de mauvais parents, de mauvaises écoles,
    de mauvaises prisons.
  • 7:41 - 7:45
    Quand il était enfant, sa mère lui
    a annoncé, qu’à regret,
  • 7:45 - 7:50
    il lui manquait seulement 50$
    pour pouvoir avorter.
  • 7:50 - 7:56
    À l’occasion, à l'école,
    ce petit garçon
  • 7:56 - 8:01
    menace ses copains avec un couteau.
  • 8:01 - 8:04
    D'autres fois, chez ses grands-parents,
    ce même garçon
  • 8:04 - 8:07
    nourrit les chevaux avec tendresse.
  • 8:07 - 8:09
    Avant même d’avoir de la barbe
  • 8:09 - 8:10
    il a été arrêté, enfermé
  • 8:10 - 8:11
    dans les maisons de correction,
  • 8:11 - 8:13
    puis dans les prisons.
  • 8:13 - 8:15
    Il est devenu militant pour la
    suprématie blanche
  • 8:15 - 8:21
    et, comme beaucoup de ceux qui l'entourent, un
    père abruti de drogues, souvent absent.
  • 8:21 - 8:26
    Et bientôt, il a été condamné à mort
  • 8:26 - 8:32
    parce qu'en accomplissant son contre-jihad
    en 2011, il avait tiré sur
  • 8:32 - 8:34
    trois caissiers de dépanneur.
  • 8:34 - 8:36
    Raisuddin était le seul survivant.
  • 8:37 - 8:42
    Curieusement, le couloir de la mort est
    le premier établissement
  • 8:42 - 8:45
    où Stroman s'est amélioré.
  • 8:45 - 8:48
    Ses anciennes habitudes ont disparu.
  • 8:48 - 8:51
    Les gens qui l’ont approché
    sont vertueux et attentionnés :
  • 8:51 - 8:56
    les pasteurs, les journalistes, les
    correspondants européens.
  • 8:56 - 9:02
    Ils l’écoutent, ils prient avec lui,
    l'aident à s'interroger.
  • 9:02 - 9:07
    Pour entreprendre un voyage
    d'introspection et d'amélioration.
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    Il a finalement pu faire face à la haine
    qui a marqué toute sa vie.
  • 9:12 - 9:15
    Il a lu Viktor Frankl, un survivant
    de l'Holocauste,
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    et il a regretté ses tatouages
    svastika.
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    Il a trouvé Dieu.
  • 9:21 - 9:25
    Un jour en 2011, 10 ans après ses crimes,
  • 9:25 - 9:28
    Stroman a reçu des nouvelles.
  • 9:28 - 9:34
    Le seul qui a survécu parmi ses victimes
    se battait pour le sauver.
  • 9:34 - 9:41
    Vous voyez, à la fin de 2009,
    8 ans après cette fusillade,
  • 9:41 - 9:47
    Raisuddin est parti en voyage, pour
    faire un pèlerinage à La Mecque.
  • 9:47 - 9:51
    Au milieu de la foule, il a ressenti non
    seulement une profonde reconnaissance,
  • 9:51 - 9:53
    mais une responsabilité.
  • 9:53 - 9:57
    Il s'est rappelé de sa promesse au Dieu,
    faite en 2001, tandis qu'il agonisait,
  • 9:57 - 10:02
    que s'il survivait, il servirait
    l'humanité toute sa vie.
  • 10:02 - 10:08
    Mais il s'était occupé de bâtir sa vie
    de nouveau, brique par brique.
  • 10:08 - 10:11
    Le moment est venu de payer ses dettes.
  • 10:12 - 10:15
    Après réflexion, il a décidé que, pour
    lui, le mode de paiement
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    serait d'agir dans le cycle infernal
    de vengeance
  • 10:19 - 10:22
    qui existe entre le monde musulman et le
    monde occidental.
  • 10:22 - 10:24
    Mais comment agir?
  • 10:24 - 10:28
    En pardonnant à Stroman publiquement
    au nom de l'islam,
  • 10:28 - 10:31
    fidèle à sa doctrine de miséricorde.
  • 10:31 - 10:37
    Et de poursuivre en justice l'État du
    Texas et son gouverneur Rick Perry
  • 10:37 - 10:41
    pour les empêcher d’exécuter Stroman,
  • 10:41 - 10:44
    — comme le font la plupart
    des gens qu’on à tiré au visage —
  • 10:44 - 10:46
    (Rires)
  • 10:46 - 10:54
    Pourtant, la clémence de Raisuddin
    a été inspirée non seulement par la foi.
  • 10:54 - 11:00
    En tant que nouveau citoyen Américain,
    il est persuadé que Stroman
  • 11:00 - 11:04
    est issu d'une Amérique souffrante qu'on
    ne peut pas faire disparaître
  • 11:04 - 11:07
    par injection mortelle.
  • 11:07 - 11:11
    C'est cette connaissance qui m'a poussé à
    écrire le livre « The True American ».
  • 11:11 - 11:16
    Cet immigrant qui supplie l'Amérique
    d'être miséricordieuse envers son fils
  • 11:16 - 11:20
    tout comme elle l'avait été envers
    son fils adoptif.
  • 11:20 - 11:24
    Dans ce dépanneur, il y a des
    années, il ne s'agissait pas de
  • 11:24 - 11:28
    deux hommes, mais
    de deux Amériques en conflit.
  • 11:28 - 11:31
    L'Amérique qui continue de rêver,
    qui fait tout son possible,
  • 11:31 - 11:35
    qui croit que le monde de demain
    se construit dès aujourd'hui,
  • 11:35 - 11:38
    et l'autre Amérique qui se résigne,
  • 11:38 - 11:41
    qui cède à la pression et au chaos,
    qui abaisse les attentes,
  • 11:41 - 11:44
    et qui cherche se cacher derrière le
    refuge le plus ancien :
  • 11:44 - 11:48
    la confrérie tribale au sein du cercle
    restreint de ses semblables.
  • 11:48 - 11:51
    C'est Raisuddin, bien qu'il soit
    nouveau venu,
  • 11:51 - 11:52
    bien qu'il ait été attaqué,
  • 11:52 - 11:55
    bien qu'il ait été sans abri et traumatisé,
  • 11:55 - 11:58
    qui appartenait à la république de rêves
  • 11:58 - 12:03
    et non pas Stroman qui appartenait
    à cet autre pays blessé,
  • 12:03 - 12:07
    malgré le privilège d'être né
    homme blanc dans ce pays.
  • 12:07 - 12:14
    J'ai compris que ces histoires servent
    à illustrer clairement l'Amérique.
  • 12:14 - 12:19
    Le pays que j'appelle avec fièrté le mien
  • 12:19 - 12:23
    ne vit pas un déclin général
    comme c'est le cas
  • 12:23 - 12:29
    en Espagne ou en Grèce où les perspectives
    d'avenir sont sombres pour tous.
  • 12:29 - 12:35
    Les États-Unis sont, dans le même temps,
    le pays le plus réussi et le moins réussi
  • 12:35 - 12:37
    parmi tous les pays industrialisés.
  • 12:37 - 12:40
    On y lance les meilleures entreprises
    dans le monde
  • 12:40 - 12:43
    alors que les enfants en nombre record
    souffrent de la faim.
  • 12:43 - 12:47
    L’espérance de vie y est en baisse chez
    de nombreuses catégories de la société
  • 12:47 - 12:51
    pendant qu'il se permet les
    meilleurs hôpitaux dans le monde.
  • 12:51 - 12:54
    Les États-Unis d'aujourd'hui est un corps
    jeune et énergique,
  • 12:54 - 13:01
    comme atteint par un AVC
    d'un côté,
  • 13:01 - 13:04
    tout en laissant l'autre côté dans un
    état trop parfait.
  • 13:05 - 13:11
    Le 20 juillet 2011, peu après que Raisuddin
    ait témoigné, en sanglots,
  • 13:11 - 13:14
    pour sauver la vie de Stroman,
  • 13:14 - 13:21
    ce dernier a été tué par injection
    mortelle par l'État qu'il a tant aimé.
  • 13:21 - 13:25
    Quelques heures plus tôt alors que Raisuddin
    espérait encore pouvoir sauver Stroman,
  • 13:25 - 13:28
    les deux hommes ont pu parler
    pour la deuxième fois seulement.
  • 13:28 - 13:32
    Voici un extrait de leur conversation
    par téléphone.
  • 13:32 - 13:37
    Raisuddin : « Mark, vous devez savoir que
    je prie Dieu,
  • 13:37 - 13:40
    le Tout Compatissant et le Tout
    Miséricordieux.
  • 13:40 - 13:43
    Je vous pardonne, je ne vous haïs pas.
  • 13:43 - 13:46
    Je ne vous ai jamais haï. »
  • 13:46 - 13:50
    Stroman : « Vous êtes quelqu'un de
    remarquable.
  • 13:50 - 13:53
    Je vous remercie de tout mon cœur.
  • 13:53 - 13:55
    Je vous aime, mon frère. »
  • 13:55 - 13:59
    Plus étonnant encore, après l'exécution,
  • 13:59 - 14:04
    Raisuddin a contacté Amber,
    la fille aînée de Stroman,
  • 14:04 - 14:06
    une criminelle et toxicomane,
  • 14:06 - 14:08
    pour lui proposer son aide.
  • 14:08 - 14:11
    « Vous avez perdu votre père,
    il lui a dit,
  • 14:11 - 14:14
    mais vous avez gagné un oncle. »
  • 14:14 - 14:20
    Il voulait qu'elle ait aussi
    une deuxième chance.
  • 14:20 - 14:26
    Si l'histoire de l'humanité est un défilé,
  • 14:26 - 14:32
    le char allégorique de l’Amérique serait
    un « autel à la deuxième chance ».
  • 14:32 - 14:38
    Mais l’Amérique, généreuse de deuxième
    chances envers les enfants d'autres pays,
  • 14:38 - 14:44
    est aujourd'hui avare en premières chances
    à l'égard de ses propres enfants.
  • 14:44 - 14:49
    L’Amérique qui permet à n'importe qui
    de devenir citoyen, brille de mille feux.
  • 14:49 - 14:56
    Mais elle perd son éclat en permettant
    chaque Américain de devenir quelqu’un.
  • 14:56 - 14:58
    Pendant la dernière décennie, on a accordé
  • 14:58 - 15:00
    la citoyenneté américaine
    à 7 millions de personnes
  • 15:00 - 15:03
    C'est extraordinaire.
  • 15:03 - 15:08
    Entre-temps, combien d'Américains ont atteint
    le statut de classe moyenne?
  • 15:08 - 15:12
    En vérité, l'afflux net a affiché
    un solde négatif.
  • 15:12 - 15:14
    Remontons plus haut, c'est encore
    plus frappant :
  • 15:14 - 15:19
    Depuis les années soixante, la classe
    moyenne a diminué de 20%,
  • 15:19 - 15:23
    Cela s'explique principalement par
    les personnes qui en sont exclues.
  • 15:23 - 15:26
    Des rapports provenant de partout au pays
    me révèlent un problème plus sombre
  • 15:26 - 15:29
    qu'une simple inégalité.
  • 15:29 - 15:35
    Je constate une paire de sécessions au
    centre unificateur de la vie américaine.
  • 15:35 - 15:38
    Des riches qui déplacent haut et loin,
    pour vivre dans les milieux
  • 15:38 - 15:42
    les plus aisés et instruits,
    dans une matrice globale
  • 15:42 - 15:44
    du travail, de l'argent et des contacts,
  • 15:44 - 15:48
    et les gens qui s’appauvrissent qui se
    retrouvent avec
  • 15:48 - 15:51
    des vies déconnectées, sans
    issue
  • 15:51 - 15:55
    que les fortunés ne voient presque jamais.
  • 15:55 - 16:00
    Ne vous consolez pas du fait que vous
    faites partie des 99%.
  • 16:02 - 16:07
    Si vous vivez près du
    supermarché Whole Foods,
  • 16:07 - 16:10
    si personne dans votre famille ne sert
    dans l'armée,
  • 16:10 - 16:15
    si vous parlez d'un salaire annuel et
    non pas d'un salaire horaire,
  • 16:15 - 16:19
    si la plupart des gens que vous
    connaissez sont diplômés,
  • 16:19 - 16:21
    si aucun parmi eux ne consomme
    des drogues,
  • 16:21 - 16:23
    si vous êtes marié et vous l'êtes
    toujours,
  • 16:23 - 16:28
    si vous ne faites pas partie de 65
    millions d'Américains ayant un casier
  • 16:28 - 16:31
    si l'une ou plusieurs de ces descriptions
    correspondent à vous;
  • 16:31 - 16:34
    acceptez donc la possibilité qu'en
    réalité,
  • 16:34 - 16:37
    vous n'avez aucune idée de ce qui se passe
  • 16:37 - 16:43
    et que vous êtes peut-être
    responsables du problème.
  • 16:43 - 16:49
    Les générations avant nous ont dû bâtir
    une nouvelle société après l'esclavage,
  • 16:49 - 16:53
    survivre à une dépression, vaincre
    le fascisme,
  • 16:53 - 16:56
    participer dans les « Freedom Rides »
    au Mississippi.
  • 16:56 - 16:58
    Je pense que le défi moral de notre
    génération
  • 16:58 - 17:01
    est de faire rapprocher ces deux
    Amériques,
  • 17:01 - 17:06
    de choisir l'union au lieu d'une
    deuxième sécession.
  • 17:06 - 17:10
    On ne peut pas résoudre ce problème
    par l’augmentation ou la baisse d'impôts.
  • 17:10 - 17:15
    Il ne sera pas résolu si on tweete plus,
    si on conçoit des apps malins,
  • 17:15 - 17:19
    ou même si on lance un autre commerce
    de la torréfaction du café artisanal.
  • 17:19 - 17:25
    Il s'agit d'un défi moral qui porte sur
    chacun de nous dans l'Amérique prospère
  • 17:25 - 17:29
    d'assumer nous-mêmes les obligations
    de l'Amérique qui languit,
  • 17:29 - 17:32
    comme Raisuddin a essayé de faire.
  • 17:32 - 17:35
    Comme lui, on peut faire un pèlerinage.
  • 17:35 - 17:38
    Et comme lui, à Baltimore, en Oregon et
    dans les Appalaches,
  • 17:38 - 17:41
    on peut découvrir de nouveaux objectifs.
  • 17:41 - 17:44
    On peut plonger dans cet autre pays,
  • 17:44 - 17:48
    être témoin de ses espoirs et de
    ses malheurs,
  • 17:48 - 17:55
    et, comme Raisuddin, nous demander
    ce qu'on peut faire.
  • 17:55 - 17:58
    Que pouvez-vous faire?
  • 17:58 - 18:00
    Que pouvez-vous faire?
  • 18:00 - 18:02
    Que pouvons-nous faire?
  • 18:02 - 18:07
    Comment construire un pays clément?
  • 18:07 - 18:11
    Nous qui sommes les plus grands
    inventeurs dans le monde,
  • 18:11 - 18:16
    on peut trouver des solutions aux maux
    de l'Amérique aussi bien que les nôtres.
  • 18:16 - 18:19
    Nous, journalistes et écrivains, racontons
    l'histoire de cette Amérique,
  • 18:19 - 18:23
    au lieu de fermer les agences
    de services.
  • 18:23 - 18:26
    On peut financer les idées de cette
    Amérique,
  • 18:26 - 18:29
    plutôt que celles qui proviennent de
    New York et de San Francisco.
  • 18:29 - 18:32
    On peut appliquer nos stéthoscopes à
    son dos,
  • 18:32 - 18:38
    on peut y enseigner, y aller à la cour,
    y fabriquer, y vivre, y prier.
  • 18:38 - 18:43
    Je crois que c'est la mission d'une
    génération dans son ensemble.
  • 18:43 - 18:47
    Une Amérique où les deux moitiés
    apprennent de nouveau
  • 18:47 - 18:52
    à marcher à grands pas, à labourer, à oser
    faire, tous ensemble.
  • 18:54 - 19:00
    Une république qui offre des chances,
    qui est retissée et renouvelée,
  • 19:00 - 19:04
    commence avec nous.
  • 19:04 - 19:06
    Merci.
  • 19:06 - 19:11
    (Applaudissements)
Title:
L'histoire de deux Amériques. Et le dépanneur où elles se sont affrontées
Speaker:
Anand Giridharadas
Description:

Dix jours après les attentats du 11 septembre, une attaque effroyable qui a eu lieu dans un dépanneur au Texas a bouleversé la vie de deux hommes : celles du victime et de l'agresseur. Dans cet exposé frappant, Anand Giridharadas, l'auteur du livre « The True American », raconte l'histoire de ce qui s'est passé après. Il s'agit d'une parabole de deux chemins qui s'offrent à une vie américaine ainsi que d'un puissant appel à la réconciliation.

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Video Language:
English
Team:
closed TED
Project:
TEDTalks
Duration:
19:23

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