Return to Video

La propriété de soi, le combat de la nouvelle génération ? | Gaspard Koenig | TEDxParis

  • 0:09 - 0:13
    J'aimerais commencer par vous présenter
    quelqu'un de plus mal habillé que moi.
  • 0:15 - 0:18
    Alors vous remarquerez
    outre l'harmonie des couleurs,
  • 0:18 - 0:20
    le tatouage.
  • 0:20 - 0:22
    « Mon corps m'appartient. »
  • 0:22 - 0:23
    Mais qui est donc cette personne ?
  • 0:24 - 0:25
    Est-ce un punk,
  • 0:26 - 0:29
    qui a emprunté la garde robe
    de sa grand-mère ?
  • 0:29 - 0:31
    Est-ce une ado du 16ème,
  • 0:31 - 0:33
    qui veut faire la rebelle ?
  • 0:34 - 0:35
    Non.
  • 0:35 - 0:38
    C'est notre Ministre de la Santé,
  • 0:39 - 0:42
    Marisol Touraine sur le perron
    de l’Élysée.
  • 0:43 - 0:46
    Et c'était l'année dernière pour fêter
    les 40 ans de la loi Veil,
  • 0:47 - 0:51
    de la loi qui permet aux femmes
    de prendre le contrôle de leur corps,
  • 0:52 - 0:54
    via l'interruption volontaire
    de grossesse.
  • 0:56 - 0:58
    Mon corps m'apparient
    maintenant c'est banal,
  • 0:58 - 0:59
    tout le monde le dit.
  • 0:59 - 1:02
    D'ailleurs pour une fois,
    l'Assemblée Nationale entière
  • 1:02 - 1:05
    a voté une loi symbolique
  • 1:05 - 1:06
    pour réapprouver la loi Veil.
  • 1:07 - 1:10
    C'est banal, puisque même les ministres
    se le tatouent sur le bras.
  • 1:13 - 1:15
    Or, ce n'est pas tout à fait vrai.
  • 1:15 - 1:18
    J'aimerais vous citer
    quelques exemples, un peu extrêmes,
  • 1:18 - 1:20
    voire franchement choquants,
  • 1:21 - 1:23
    qui vont montrer que
    pour beaucoup de personnes
  • 1:23 - 1:24
    et dans bien des circonstances,
  • 1:24 - 1:27
    eh bien « Mon corps ne m'appartient pas ».
  • 1:28 - 1:30
    D'abord il ne m'appartient pas,
  • 1:31 - 1:33
    lorsque je suis vivant.
  • 1:33 - 1:36
    Je n'ai pas le droit de louer mon ventre,
  • 1:37 - 1:41
    je n'ai pas le droit dans beaucoup de pays
    de vendre ma sexualité,
  • 1:41 - 1:44
    je n'ai pas le droit de définir moi-même
    le genre auquel j'appartiens,
  • 1:44 - 1:47
    puisque je dois passer
    devant le médecin ou devant le juge
  • 1:47 - 1:51
    pour déclarer à l'état civil
    si je suis homme, femme ou autre,
  • 1:51 - 1:54
    ni le droit de faire
    n'importe quoi de mon corps.
  • 1:54 - 1:56
    Par exemple, je ne peux pas faire ceci.
  • 1:56 - 1:58
    [Lancer de nains]
  • 1:58 - 2:00
    Alors,
  • 2:00 - 2:02
    vous auriez reconnu Léonardo Di Caprio,
  • 2:02 - 2:04
    dans ce bel exercice de lancer de nains,
  • 2:04 - 2:07
    mais il en existe des versions
    un peu moins chics
  • 2:07 - 2:11
    notamment celles que pratiquait
    la belle commune de Morsang-sur-Orge,
  • 2:11 - 2:13
    dans l'Essonne, au début des années 90.
  • 2:14 - 2:18
    Le maire de Morsang-sur-Orge a dit :
    « Quand même, ça n'est pas possible.
  • 2:18 - 2:19
    On peut pas lancer des nains. »
  • 2:21 - 2:23
    Et donc il a interdit le lancer de nains.
  • 2:24 - 2:26
    Et qui a protesté ?
  • 2:26 - 2:29
    Les lanceurs de nains ont trouvé
    d'autres activités à faire,
  • 2:29 - 2:31
    ils sont revenus à la pêche probablement.
  • 2:31 - 2:34
    Ce sont les nains eux-mêmes
    qui ont protesté,
  • 2:34 - 2:36
    parce qu'ils avaient un gagne-pain,
  • 2:36 - 2:41
    et puis une certaine renommée,
    un certain succès avec les femmes.
  • 2:42 - 2:44
    Et le Conseil d’État
    dans l'arrêt Morsang-sur-Orge,
  • 2:44 - 2:46
    les juristes le connaissent bien,
  • 2:46 - 2:48
    a dit : « Non, c'est interdit. »
  • 2:49 - 2:52
    Je ne peux pas non plus faire
    n'importe quoi de mon corps pour mourir.
  • 2:52 - 2:55
    Je n'ai pas le droit de me faire
    euthanasier,
  • 2:56 - 2:58
    mais je n'ai pas non plus le droit
    de me faire manger,
  • 2:59 - 3:02
    En 2001, un ingénieur allemand charmant
  • 3:02 - 3:04
    a posté une annonce
  • 3:04 - 3:07
    en disant « Je cherche un volontaire
    pour me manger. »
  • 3:08 - 3:11
    Il a reçu un certain nombre de candidats,
  • 3:11 - 3:13
    a fait une sélection,
  • 3:14 - 3:16
    peut-être quelques interviews
    de dernier stade,
  • 3:17 - 3:19
    et puis finalement, il a trouvé Bernt,
  • 3:19 - 3:21
    qui était tout à fait d'accord.
  • 3:21 - 3:24
    Alors ils ont commencé d'abord
    par découper le sexe de Bernt
  • 3:24 - 3:26
    et par le manger ensemble,
  • 3:26 - 3:28
    probablement aux chandelles.
  • 3:28 - 3:30
    (Rires)
  • 3:30 - 3:33
    Visiblement assez satisfaits
    de ce petit apéritif,
  • 3:34 - 3:36
    ils ont décidé de passer à la suite --
  • 3:37 - 3:39
    et d'ailleurs tout est filmé,
    donc on peut le voir,
  • 3:39 - 3:41
    je vous le recommande,
    c'est très sympa --
  • 3:42 - 3:44
    Armin a mangé Bernt,
  • 3:45 - 3:47
    Mais figurez-vous que c'est interdit.
  • 3:48 - 3:51
    C'est incroyable, ils ne font quand même
    rien de mal à personne.
  • 3:51 - 3:54
    Eh bien non, on n'a pas le droit
    de se faire manger.
  • 3:55 - 3:57
    Et même après la mort,
  • 3:57 - 4:00
    je ne peux pas toujours faire
    n'importe quoi de mon corps.
  • 4:00 - 4:04
    Par exemple, je n'ai pas le droit
    de pratiquer l'immersion en mer.
  • 4:04 - 4:08
    Alors que le plongeon
    est autorisé en vivant.
  • 4:09 - 4:11
    Je n'ai pas le droit non plus
    de me faire embaumer,
  • 4:11 - 4:16
    à moins que je m'appelle Lénine,
    Mao, ou Valéry Giscard d'Estaing.
  • 4:16 - 4:18
    (Rires)
  • 4:18 - 4:22
    (Applaudissements)
  • 4:24 - 4:27
    Et je n'ai pas le droit non plus,
    et c'est encore plus grave,
  • 4:27 - 4:29
    de me faire cryogéniser.
  • 4:29 - 4:32
    Vous savez ces personnes, qui se font...
  • 4:33 - 4:36
    qui se font geler, qui se font congeler,
  • 4:36 - 4:40
    en espérant que dans 10 ans,
    100 ans, un million d'années
  • 4:40 - 4:42
    on les décongèle,
  • 4:42 - 4:44
    parce qu'on aura trouvé les moyens
  • 4:44 - 4:48
    de les faire revivre, ou bien de guérir
    les maladies qui les ont tués.
  • 4:48 - 4:51
    Ça a un certain succès ; il y a en Russie
    et aux États-Unis
  • 4:51 - 4:55
    des bases de cryogénisés
    où vous pouvez voir les cercueils,
  • 4:55 - 4:58
    certains mettent le corps entier, d'autres
    seulement la tête, c'est moins cher.
  • 4:58 - 5:00
    (Rires)
  • 5:01 - 5:03
    Et en France un médecin, Martineau,
  • 5:03 - 5:06
    a trouvé que c'était une très bonne idée
    d'avoir fait congeler sa femme,
  • 5:07 - 5:09
    (Rires)
  • 5:09 - 5:12
    et comme ça avait l'air de bien se passer,
  • 5:12 - 5:15
    il a décidé de la suivre
    dans la congélation.
  • 5:16 - 5:19
    Unis à jamais dans le repos
    de la congélation.
  • 5:21 - 5:24
    Dans un château,
  • 5:24 - 5:27
    quelqu'un a découvert ça et a porté
    plainte : « Ce n'est pas possible,
  • 5:27 - 5:31
    il y a des gens qui sont congelés dans
    le village, vous vous rendez compte ? »
  • 5:31 - 5:32
    (Rires)
  • 5:34 - 5:36
    Leur fils était ravi,
  • 5:36 - 5:38
    il allait les voir de temps en temps,
  • 5:38 - 5:40
    c'est mieux de se recueillir
    sur une tombe,
  • 5:40 - 5:44
    et le Conseil d’État, le même Conseil
    d’État, a dit : « Ce n'est pas possible,
  • 5:44 - 5:47
    vous allez les décongeler et les brûler.
    Allez hop !
  • 5:47 - 5:49
    Tout ça au feu. »
  • 5:49 - 5:51
    Alors procès etc,
  • 5:51 - 5:54
    le fils Martineau a été obligé
    de brûler ses parents,
  • 5:54 - 5:55
    vous imaginez ces pauvres Martinau
  • 5:55 - 5:58
    qui s'imaginaient unis
    pour des millions d'années
  • 5:58 - 6:01
    et revivre dans un futur,
    sexualité serait totalement ouverte
  • 6:01 - 6:04
    totalement revivifiée, rajeunie,
  • 6:04 - 6:07
    eh bien non, maintenant
    c'est un tas de cendres.
  • 6:07 - 6:09
    (Rires)
  • 6:10 - 6:13
    Alors derrière ces tragédies --
    elles ne nous concernent pas tous,
  • 6:13 - 6:16
    si nous ne voulons pas être mangés
  • 6:16 - 6:17
    être congelés,
  • 6:17 - 6:19
    ou être lancés,
  • 6:19 - 6:21
    bon, on s'en fiche.
  • 6:23 - 6:26
    Mais le problème, c'est que ça s'applique
    à chacun d'entre nous,
  • 6:27 - 6:31
    c'est le Code Civil qui le dit par
    la loi de bio-éthique de 1994,
  • 6:31 - 6:34
    où les conventions...
    Enfin vous pouvez lire.
  • 6:34 - 6:36
    Ça veut dire
    qu'il n'y a pas de propriété privée,
  • 6:36 - 6:37
    de patrimonialité sur le corps.
  • 6:37 - 6:41
    parce qu'on dit : la personne
    est indisponible, en droit,
  • 6:42 - 6:45
    et donc le corps lui-même
    n'est pas patrimonial,
  • 6:45 - 6:47
    vous n'avez pas la propriété
    de votre propre corps.
  • 6:48 - 6:51
    Alors vous me direz : « De toute façon,
    en France, on interdit tout alors. »
  • 6:51 - 6:53
    (Rires)
  • 6:53 - 6:56
    Mais même aux États-Unis,
    pays censément libéral,
  • 6:56 - 6:57
    c'est pareil,
  • 6:58 - 7:00
    Ça a été d'ailleurs marqué
    de manière très claire
  • 7:00 - 7:03
    dans un arrêt de la Cour Suprême
    de Californie,
  • 7:04 - 7:05
    l'arrêt John Moore.
  • 7:05 - 7:08
    Alors John Moore est un patient
    qui souffrait d'une leucémie,
  • 7:08 - 7:10
    dans les années 80,
  • 7:10 - 7:12
    et les médecins ont dû
    lui enlever la rate,
  • 7:13 - 7:14
    et ils ont découvet que ses cellules
  • 7:15 - 7:17
    avaient des vertus extraordinaires
  • 7:17 - 7:19
    pour produire un certain type de protéine
  • 7:19 - 7:22
    et donc les médecins ont extrait
    sans lui dire, à John Moore,
  • 7:22 - 7:26
    plein de ses cellules, du sang,
    du sperme, de la moelle épinière.
  • 7:26 - 7:29
    Je sais pas comment ils lui ont
    dit que pour sa leucémie,
  • 7:29 - 7:32
    ils devaient lui retirer du sperme,
    mais enfin, c'est comme ça apparemment.
  • 7:32 - 7:34
    (Rires)
  • 7:34 - 7:36
    Et ils ont en fait une lignée cellulaire,
  • 7:36 - 7:38
    la lignée John Moore,
  • 7:38 - 7:41
    qu'ils ont revendue des centaines
    de milliers de dollars
  • 7:41 - 7:44
    à des grands instituts pharmaceutiques.
  • 7:44 - 7:48
    Et John Moore, quand il s'est aperçu
    de cette supercherie,
  • 7:48 - 7:51
    a dit : « Pourquoi j'ai pas quelque
    chose là-dedans ? C'est mes cellules.
  • 7:51 - 7:53
    Excusez-moi. »
  • 7:53 - 7:56
    Et donc ça a fait un immense procès,
  • 7:56 - 7:59
    et le juge a conclu que non,
    ce n'était pas « ses » cellules,
  • 7:59 - 8:02
    qu'il n'avait pas la propriété
    de ses cellules.
  • 8:03 - 8:04
    Alors,
  • 8:05 - 8:07
    d'où est-ce que ça vient, tout ça ?
  • 8:07 - 8:09
    Il y a de bonnes raisons pour croire
  • 8:09 - 8:12
    que ça vient de l'héritage
    des grands monothéismes.
  • 8:12 - 8:14
    Cette idée --
  • 8:14 - 8:16
    Saint Paul : « Le corps
    est pour le Seigneur,
  • 8:16 - 8:18
    et le Seigneur pour le corps. »
  • 8:18 - 8:21
    Dans les grands monothéismes, surtout
    dans les religions judéo-chrétiennes,
  • 8:22 - 8:24
    mon corps n'appartient pas
    à moi mais à Dieu,
  • 8:24 - 8:28
    le corps est le reflet de l'esprit,
    chez Thomas d'Aquin.
  • 8:28 - 8:30
    Le corps est le reflet de l'esprit,
    mon âme est immortelle,
  • 8:30 - 8:32
    elle rejoint le royaume des cieux.
  • 8:32 - 8:34
    Et d'ailleurs je peux même
  • 8:36 - 8:37
    aller à la résurrection
  • 8:37 - 8:40
    si tant est que le Conseil d’État
    ne m'a pas fait brûler.
  • 8:40 - 8:41
    (Rires)
  • 8:43 - 8:45
    Le pape Pie XII l'a dit
    de manière extrêmement explicite.
  • 8:45 - 8:49
    C'est la première fois que je cite
    le pape Pie XII en public.
  • 8:49 - 8:52
    En 1954, devant un congrès de médecins,
  • 8:52 - 8:54
    où il a expliqué
  • 8:54 - 8:58
    que l'homme n'est que l'usufruitier
    de son corps,
  • 8:58 - 9:00
    et non pas son possesseur plein et entier.
  • 9:02 - 9:05
    Alors dans notre droit séculaire,
    sécularisé,
  • 9:05 - 9:07
    il n'est plus question de Dieu,
  • 9:07 - 9:12
    et bien, le concept de Dieu a été remplacé
    par le concept de dignité.
  • 9:12 - 9:14
    C'est cet arrêt, toujours Morsang-Sur-Orge
  • 9:14 - 9:16
    c'est pour cela
    que le Conseil d’État a interdit
  • 9:16 - 9:20
    le lancer de nains, parce que la dignité
    de la personne humaine
  • 9:20 - 9:23
    est regardée comme une composante
    de l'ordre public.
  • 9:23 - 9:25
    Ça veut dire que c'est aujourd'hui,
  • 9:25 - 9:28
    cette transcendance qu'on a aboli,
    transcendance divine,
  • 9:28 - 9:31
    est reprise par l’État, ou par la société,
    si vous voulez,
  • 9:31 - 9:33
    qui définit la dignité de chacun.
  • 9:34 - 9:36
    La dignité, c'est le sacré sans Dieu,
  • 9:36 - 9:38
    l'idée que quand même le corps,
    c'est sacré,
  • 9:38 - 9:40
    on ne peut pas faire n'importe quoi.
  • 9:40 - 9:42
    Alors moi je vous propose
    d’essayer d’aller
  • 9:42 - 9:44
    au bout de la logique de la modernité.
  • 9:45 - 9:49
    Et si on était vraiment complètement
    dans l’immanence,
  • 9:50 - 9:52
    à qui appartient
    le corps sinon à moi ?
  • 9:52 - 9:54
    Qui peut définir sa dignité,
    sinon moi-même ?
  • 9:54 - 9:57
    Alors là, c'est ce qu'a fait
    John Locke, pas John Moore,
  • 9:57 - 9:59
    décidément beaucoup de John.
  • 9:59 - 10:02
    John Locke est le premier
    à avoir écrit, à ma connaissance,
  • 10:02 - 10:05
    que chacun avait la propriété
    de sa propre personne.
  • 10:05 - 10:07
    C'est pas un hasard
    si c’est lui qui écrit ça
  • 10:07 - 10:09
    parce qu'il était médecin,
  • 10:09 - 10:11
    il connaissait bien la chair,
    les réactions du corps.
  • 10:12 - 10:15
    et parce qu'il était
    dans la glorieuse révolution britannique,
  • 10:15 - 10:17
    la révolution des « Bill of Rights »,
  • 10:18 - 10:20
    cette théorie sur le contrat social,
  • 10:20 - 10:22
    sur les droits premiers, fondamentaux,
  • 10:23 - 10:24
    sur la résistance civile,
  • 10:24 - 10:27
    c'est de dire que j'ai
    des droits naturels qui préexistent,
  • 10:27 - 10:28
    dont la propriété de moi-même.
  • 10:28 - 10:30
    II est allé plus loin :
  • 10:30 - 10:32
    si je peux avoir la propriété
    sur des choses extérieures,
  • 10:32 - 10:35
    si je peux m'approprier
    le monde en le travaillant,
  • 10:35 - 10:37
    en y ajoutant de la valeur.
  • 10:37 - 10:41
    Cette idée de propriété
    est d'abord née de l'appropriation
  • 10:41 - 10:43
    de moi-même.
  • 10:44 - 10:46
    Et réfléchissez-y,
    si on a la propriété du corps,
  • 10:46 - 10:50
    on a, suivant les termes classiques
    l’usus, le fructus et l’abusus.
  • 10:50 - 10:51
    L’usus, c’est-à-dire --
  • 10:51 - 10:54
    toujours bien des termes en latin --
  • 10:55 - 10:57
    L’usus, c’est l’usage,
  • 10:57 - 10:59
    si j’ai l’usus du corps,
  • 10:59 - 11:03
    eh bien, les nains peuvent exercer
    leur profession dignement.
  • 11:03 - 11:05
    Ensuite, le fructus, je peux
    le faire fructifier
  • 11:05 - 11:09
    et donc John Moore peut toucher
    l’argent de ses cellules.
  • 11:09 - 11:12
    L’abusus, je peux en abuser
    et en faire ce que je veux.
  • 11:12 - 11:15
    Et si je veux le cryogéniser,
    c’est mon problème.
  • 11:16 - 11:18
    Il me semble que la nouvelle génération
  • 11:19 - 11:22
    refuse les structures préconçues,
  • 11:22 - 11:24
    veut définir son propre métier,
  • 11:24 - 11:27
    veut définir sa propre vie en voyageant,
  • 11:28 - 11:30
    veut se construire, se posséder soi-même,
  • 11:30 - 11:32
    être le créateur de soi-même.
  • 11:32 - 11:35
    Et on peut voir de manière
    un peu anecdotique, sociologique,
  • 11:35 - 11:38
    à quel point cette génération
    s'approprie son corps,
  • 11:38 - 11:40
    par le tatouage par exemple.
  • 11:40 - 11:44
    C'est aussi la manière de définir sa
    sexualité de manière beaucoup plus fluide.
  • 11:44 - 11:46
    Une étude est sortie qui montrait
  • 11:46 - 11:49
    que la génération Z --
    c’est plus Y, c’est Z maintenant --
  • 11:49 - 11:50
    la génération Z est post-genre,
  • 11:50 - 11:53
    c’est même plus qu’elle est « bi »,
  • 11:53 - 11:55
    c'est qu’elle définit,
  • 11:55 - 11:58
    chacun définit sa propre sexualité,
  • 11:58 - 12:00
    avec un peu de ceci, un peu de cela.
  • 12:00 - 12:02
    Alors ça donne beaucoup de choses.
  • 12:04 - 12:06
    Par exemple, on peut être demi-sexuel,
  • 12:07 - 12:09
    gris sexuel,
  • 12:09 - 12:11
    gynésexuel,
  • 12:11 - 12:13
    pansexuel,
  • 12:13 - 12:15
    Strauss-Kahn sexuel, non ! C’est pas ça.
  • 12:15 - 12:17
    Enfin bon, il y a plein de versions.
  • 12:17 - 12:19
    Je ne les connais pas toutes,
  • 12:19 - 12:22
    mais c’est intéressant,
    je vous les recommande.
  • 12:22 - 12:24
    Fondamentalement,
    ça nous permet de traiter
  • 12:24 - 12:26
    les trois grands sujets de l’avenir :
  • 12:27 - 12:31
    le sujet de l'homme augmenté,
    de l'augmentation de soi,
  • 12:33 - 12:35
    le sujet du transhumanisme,
  • 12:35 - 12:37
    et le sujet des data, des données.
  • 12:38 - 12:42
    Si demain je peux,
    et je peux déjà, m’augmenter,
  • 12:42 - 12:45
    c'est-à-dire me construire
    des bras artificiels,
  • 12:45 - 12:48
    augmenter mes membres,
    augmenter ma capacité cérébrale,
  • 12:48 - 12:50
    voire modifier mon propre ADN.
  • 12:50 - 12:53
    Si je modifie mon propre ADN,
    je dois bien en être propriétaire.
  • 12:56 - 12:59
    Si demain je veux tester,
    je veux essayer, l'immortalité
  • 13:00 - 13:04
    soit par la cryogénisation -- voilà
    cet exemple sympathique qui revient --
  • 13:04 - 13:08
    soit par exemple comme l’imagine
    Ray Kurzweil, le pape du transhumanisme,
  • 13:08 - 13:11
    en transférant ma conscience
    sur une clé USB.
  • 13:12 - 13:14
    Eh bien, de même je vais définir moi-même,
  • 13:14 - 13:16
    même contractuellement,
  • 13:16 - 13:19
    la manière dont mon corps
    est lié au monde.
  • 13:19 - 13:22
    Et il y a une 3e grande question,
    un peu adjacente,
  • 13:22 - 13:24
    qui est la question des données,
    la question des data.
  • 13:25 - 13:28
    Les data, on en produit,
    vous savez, énormément,
  • 13:28 - 13:29
    leur valeur est gigantesque
  • 13:29 - 13:33
    puisqu'en Europe, on estime qu’elle vaudra
    mille milliards d’euros d'ici 2020.
  • 13:34 - 13:36
    Or ces data qui valent tant d’argent
  • 13:36 - 13:39
    et avec lesquelles des groupes
    font tant d'argent,
  • 13:39 - 13:42
    eh bien vos données personnelles
    ne vous appartiennent pas,
  • 13:43 - 13:45
    de même qu'il n'y a pas
    de patrimonialité du corps,
  • 13:45 - 13:47
    pas de patrimonialité des données,
  • 13:47 - 13:48
    et pour la même raison :
  • 13:48 - 13:52
    parce que les données sont considérées
    le reflet de votre personnalité
  • 13:52 - 13:54
    et que, on l’a vu, en droit,
  • 13:54 - 13:58
    la personnalité est inaliénable
    et le corps n'est pas patrimonial.
  • 13:58 - 14:00
    Si demain nous trouvons,
  • 14:00 - 14:03
    nous pouvons construire
    une propriété privée des data
  • 14:03 - 14:06
    qui sera, à l’ère digitale,
    ce que la propriété intellectuelle
  • 14:06 - 14:08
    fut à la révolution industrielle,
  • 14:08 - 14:10
    alors vous deviendrez propriétaire
  • 14:10 - 14:14
    en termes véritablement juridiques,
    financiers, de vos données,
  • 14:14 - 14:16
    que vous pourrez négocier.
    En d'autres termes :
  • 14:16 - 14:19
    enfin, vous serez payé
    pour aller sur Facebook.
  • 14:22 - 14:26
    Alors mon corps m'appartient,
    ce n'est pas une banalité,
  • 14:27 - 14:32
    c'est un tatouage que, finalement,
    on devrait tous porter,
  • 14:33 - 14:35
    parce que la toute nouvelle génération,
  • 14:35 - 14:38
    eh bien, ce sont des sujets
    qu’elle va devoir affronter.
  • 14:38 - 14:40
    Le transhumanisme arrive,
  • 14:40 - 14:42
    les comités de bioéthique
    sont déjà dépassés.
  • 14:42 - 14:46
    Et pour que chacun puisse choisir
    ses propres valeurs
  • 14:47 - 14:49
    dans cet univers complexe,
  • 14:49 - 14:52
    nous devons d'abord posséder
    notre propre corps.
  • 14:52 - 14:53
    Merci.
  • 14:53 - 14:56
    (Applaudissements)
Title:
La propriété de soi, le combat de la nouvelle génération ? | Gaspard Koenig | TEDxParis
Description:

Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.

Nous serions tentés de penser, à juste titre, que notre corps nous appartient et que l’on peut en disposer à notre guise. Pourtant, au travers d’exemples, souvent hilarants, Gaspard Koenig, nous prouve le contraire et pose la question : Serait-il temps pour nous de récupérer la propriété de notre corps ?

Philosophe (ENS, agrégation, Columbia), Gaspard Koenig dirige le think-tank libéral GénérationLibre. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy et à la BERD à Londres. Il est l’auteur d’une dizaine de romans et d’essais, enseigne la philosophie à Sciences Po Paris et apparaît régulièrement dans les médias - notamment à travers sa chronique hebdomadaire dans Les Échos.

more » « less
Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
14:58

French subtitles

Revisions