La propriété de soi, le combat de la nouvelle génération ? | Gaspard Koenig | TEDxParis
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0:09 - 0:13J'aimerais commencer par vous présenter
quelqu'un de plus mal habillé que moi. -
0:15 - 0:18Alors vous remarquerez
outre l'harmonie des couleurs, -
0:18 - 0:20le tatouage.
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0:20 - 0:22« Mon corps m'appartient. »
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0:22 - 0:23Mais qui est donc cette personne ?
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0:24 - 0:25Est-ce un punk,
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0:26 - 0:29qui a emprunté la garde robe
de sa grand-mère ? -
0:29 - 0:31Est-ce une ado du 16ème,
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0:31 - 0:33qui veut faire la rebelle ?
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0:34 - 0:35Non.
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0:35 - 0:38C'est notre Ministre de la Santé,
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0:39 - 0:42Marisol Touraine sur le perron
de l’Élysée. -
0:43 - 0:46Et c'était l'année dernière pour fêter
les 40 ans de la loi Veil, -
0:47 - 0:51de la loi qui permet aux femmes
de prendre le contrôle de leur corps, -
0:52 - 0:54via l'interruption volontaire
de grossesse. -
0:56 - 0:58Mon corps m'apparient
maintenant c'est banal, -
0:58 - 0:59tout le monde le dit.
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0:59 - 1:02D'ailleurs pour une fois,
l'Assemblée Nationale entière -
1:02 - 1:05a voté une loi symbolique
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1:05 - 1:06pour réapprouver la loi Veil.
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1:07 - 1:10C'est banal, puisque même les ministres
se le tatouent sur le bras. -
1:13 - 1:15Or, ce n'est pas tout à fait vrai.
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1:15 - 1:18J'aimerais vous citer
quelques exemples, un peu extrêmes, -
1:18 - 1:20voire franchement choquants,
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1:21 - 1:23qui vont montrer que
pour beaucoup de personnes -
1:23 - 1:24et dans bien des circonstances,
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1:24 - 1:27eh bien « Mon corps ne m'appartient pas ».
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1:28 - 1:30D'abord il ne m'appartient pas,
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1:31 - 1:33lorsque je suis vivant.
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1:33 - 1:36Je n'ai pas le droit de louer mon ventre,
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1:37 - 1:41je n'ai pas le droit dans beaucoup de pays
de vendre ma sexualité, -
1:41 - 1:44je n'ai pas le droit de définir moi-même
le genre auquel j'appartiens, -
1:44 - 1:47puisque je dois passer
devant le médecin ou devant le juge -
1:47 - 1:51pour déclarer à l'état civil
si je suis homme, femme ou autre, -
1:51 - 1:54ni le droit de faire
n'importe quoi de mon corps. -
1:54 - 1:56Par exemple, je ne peux pas faire ceci.
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1:56 - 1:58[Lancer de nains]
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1:58 - 2:00Alors,
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2:00 - 2:02vous auriez reconnu Léonardo Di Caprio,
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2:02 - 2:04dans ce bel exercice de lancer de nains,
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2:04 - 2:07mais il en existe des versions
un peu moins chics -
2:07 - 2:11notamment celles que pratiquait
la belle commune de Morsang-sur-Orge, -
2:11 - 2:13dans l'Essonne, au début des années 90.
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2:14 - 2:18Le maire de Morsang-sur-Orge a dit :
« Quand même, ça n'est pas possible. -
2:18 - 2:19On peut pas lancer des nains. »
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2:21 - 2:23Et donc il a interdit le lancer de nains.
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2:24 - 2:26Et qui a protesté ?
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2:26 - 2:29Les lanceurs de nains ont trouvé
d'autres activités à faire, -
2:29 - 2:31ils sont revenus à la pêche probablement.
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2:31 - 2:34Ce sont les nains eux-mêmes
qui ont protesté, -
2:34 - 2:36parce qu'ils avaient un gagne-pain,
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2:36 - 2:41et puis une certaine renommée,
un certain succès avec les femmes. -
2:42 - 2:44Et le Conseil d’État
dans l'arrêt Morsang-sur-Orge, -
2:44 - 2:46les juristes le connaissent bien,
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2:46 - 2:48a dit : « Non, c'est interdit. »
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2:49 - 2:52Je ne peux pas non plus faire
n'importe quoi de mon corps pour mourir. -
2:52 - 2:55Je n'ai pas le droit de me faire
euthanasier, -
2:56 - 2:58mais je n'ai pas non plus le droit
de me faire manger, -
2:59 - 3:02En 2001, un ingénieur allemand charmant
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3:02 - 3:04a posté une annonce
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3:04 - 3:07en disant « Je cherche un volontaire
pour me manger. » -
3:08 - 3:11Il a reçu un certain nombre de candidats,
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3:11 - 3:13a fait une sélection,
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3:14 - 3:16peut-être quelques interviews
de dernier stade, -
3:17 - 3:19et puis finalement, il a trouvé Bernt,
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3:19 - 3:21qui était tout à fait d'accord.
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3:21 - 3:24Alors ils ont commencé d'abord
par découper le sexe de Bernt -
3:24 - 3:26et par le manger ensemble,
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3:26 - 3:28probablement aux chandelles.
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3:28 - 3:30(Rires)
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3:30 - 3:33Visiblement assez satisfaits
de ce petit apéritif, -
3:34 - 3:36ils ont décidé de passer à la suite --
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3:37 - 3:39et d'ailleurs tout est filmé,
donc on peut le voir, -
3:39 - 3:41je vous le recommande,
c'est très sympa -- -
3:42 - 3:44Armin a mangé Bernt,
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3:45 - 3:47Mais figurez-vous que c'est interdit.
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3:48 - 3:51C'est incroyable, ils ne font quand même
rien de mal à personne. -
3:51 - 3:54Eh bien non, on n'a pas le droit
de se faire manger. -
3:55 - 3:57Et même après la mort,
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3:57 - 4:00je ne peux pas toujours faire
n'importe quoi de mon corps. -
4:00 - 4:04Par exemple, je n'ai pas le droit
de pratiquer l'immersion en mer. -
4:04 - 4:08Alors que le plongeon
est autorisé en vivant. -
4:09 - 4:11Je n'ai pas le droit non plus
de me faire embaumer, -
4:11 - 4:16à moins que je m'appelle Lénine,
Mao, ou Valéry Giscard d'Estaing. -
4:16 - 4:18(Rires)
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4:18 - 4:22(Applaudissements)
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4:24 - 4:27Et je n'ai pas le droit non plus,
et c'est encore plus grave, -
4:27 - 4:29de me faire cryogéniser.
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4:29 - 4:32Vous savez ces personnes, qui se font...
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4:33 - 4:36qui se font geler, qui se font congeler,
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4:36 - 4:40en espérant que dans 10 ans,
100 ans, un million d'années -
4:40 - 4:42on les décongèle,
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4:42 - 4:44parce qu'on aura trouvé les moyens
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4:44 - 4:48de les faire revivre, ou bien de guérir
les maladies qui les ont tués. -
4:48 - 4:51Ça a un certain succès ; il y a en Russie
et aux États-Unis -
4:51 - 4:55des bases de cryogénisés
où vous pouvez voir les cercueils, -
4:55 - 4:58certains mettent le corps entier, d'autres
seulement la tête, c'est moins cher. -
4:58 - 5:00(Rires)
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5:01 - 5:03Et en France un médecin, Martineau,
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5:03 - 5:06a trouvé que c'était une très bonne idée
d'avoir fait congeler sa femme, -
5:07 - 5:09(Rires)
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5:09 - 5:12et comme ça avait l'air de bien se passer,
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5:12 - 5:15il a décidé de la suivre
dans la congélation. -
5:16 - 5:19Unis à jamais dans le repos
de la congélation. -
5:21 - 5:24Dans un château,
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5:24 - 5:27quelqu'un a découvert ça et a porté
plainte : « Ce n'est pas possible, -
5:27 - 5:31il y a des gens qui sont congelés dans
le village, vous vous rendez compte ? » -
5:31 - 5:32(Rires)
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5:34 - 5:36Leur fils était ravi,
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5:36 - 5:38il allait les voir de temps en temps,
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5:38 - 5:40c'est mieux de se recueillir
sur une tombe, -
5:40 - 5:44et le Conseil d’État, le même Conseil
d’État, a dit : « Ce n'est pas possible, -
5:44 - 5:47vous allez les décongeler et les brûler.
Allez hop ! -
5:47 - 5:49Tout ça au feu. »
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5:49 - 5:51Alors procès etc,
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5:51 - 5:54le fils Martineau a été obligé
de brûler ses parents, -
5:54 - 5:55vous imaginez ces pauvres Martinau
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5:55 - 5:58qui s'imaginaient unis
pour des millions d'années -
5:58 - 6:01et revivre dans un futur,
sexualité serait totalement ouverte -
6:01 - 6:04totalement revivifiée, rajeunie,
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6:04 - 6:07eh bien non, maintenant
c'est un tas de cendres. -
6:07 - 6:09(Rires)
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6:10 - 6:13Alors derrière ces tragédies --
elles ne nous concernent pas tous, -
6:13 - 6:16si nous ne voulons pas être mangés
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6:16 - 6:17être congelés,
-
6:17 - 6:19ou être lancés,
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6:19 - 6:21bon, on s'en fiche.
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6:23 - 6:26Mais le problème, c'est que ça s'applique
à chacun d'entre nous, -
6:27 - 6:31c'est le Code Civil qui le dit par
la loi de bio-éthique de 1994, -
6:31 - 6:34où les conventions...
Enfin vous pouvez lire. -
6:34 - 6:36Ça veut dire
qu'il n'y a pas de propriété privée, -
6:36 - 6:37de patrimonialité sur le corps.
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6:37 - 6:41parce qu'on dit : la personne
est indisponible, en droit, -
6:42 - 6:45et donc le corps lui-même
n'est pas patrimonial, -
6:45 - 6:47vous n'avez pas la propriété
de votre propre corps. -
6:48 - 6:51Alors vous me direz : « De toute façon,
en France, on interdit tout alors. » -
6:51 - 6:53(Rires)
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6:53 - 6:56Mais même aux États-Unis,
pays censément libéral, -
6:56 - 6:57c'est pareil,
-
6:58 - 7:00Ça a été d'ailleurs marqué
de manière très claire -
7:00 - 7:03dans un arrêt de la Cour Suprême
de Californie, -
7:04 - 7:05l'arrêt John Moore.
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7:05 - 7:08Alors John Moore est un patient
qui souffrait d'une leucémie, -
7:08 - 7:10dans les années 80,
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7:10 - 7:12et les médecins ont dû
lui enlever la rate, -
7:13 - 7:14et ils ont découvet que ses cellules
-
7:15 - 7:17avaient des vertus extraordinaires
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7:17 - 7:19pour produire un certain type de protéine
-
7:19 - 7:22et donc les médecins ont extrait
sans lui dire, à John Moore, -
7:22 - 7:26plein de ses cellules, du sang,
du sperme, de la moelle épinière. -
7:26 - 7:29Je sais pas comment ils lui ont
dit que pour sa leucémie, -
7:29 - 7:32ils devaient lui retirer du sperme,
mais enfin, c'est comme ça apparemment. -
7:32 - 7:34(Rires)
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7:34 - 7:36Et ils ont en fait une lignée cellulaire,
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7:36 - 7:38la lignée John Moore,
-
7:38 - 7:41qu'ils ont revendue des centaines
de milliers de dollars -
7:41 - 7:44à des grands instituts pharmaceutiques.
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7:44 - 7:48Et John Moore, quand il s'est aperçu
de cette supercherie, -
7:48 - 7:51a dit : « Pourquoi j'ai pas quelque
chose là-dedans ? C'est mes cellules. -
7:51 - 7:53Excusez-moi. »
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7:53 - 7:56Et donc ça a fait un immense procès,
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7:56 - 7:59et le juge a conclu que non,
ce n'était pas « ses » cellules, -
7:59 - 8:02qu'il n'avait pas la propriété
de ses cellules. -
8:03 - 8:04Alors,
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8:05 - 8:07d'où est-ce que ça vient, tout ça ?
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8:07 - 8:09Il y a de bonnes raisons pour croire
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8:09 - 8:12que ça vient de l'héritage
des grands monothéismes. -
8:12 - 8:14Cette idée --
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8:14 - 8:16Saint Paul : « Le corps
est pour le Seigneur, -
8:16 - 8:18et le Seigneur pour le corps. »
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8:18 - 8:21Dans les grands monothéismes, surtout
dans les religions judéo-chrétiennes, -
8:22 - 8:24mon corps n'appartient pas
à moi mais à Dieu, -
8:24 - 8:28le corps est le reflet de l'esprit,
chez Thomas d'Aquin. -
8:28 - 8:30Le corps est le reflet de l'esprit,
mon âme est immortelle, -
8:30 - 8:32elle rejoint le royaume des cieux.
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8:32 - 8:34Et d'ailleurs je peux même
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8:36 - 8:37aller à la résurrection
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8:37 - 8:40si tant est que le Conseil d’État
ne m'a pas fait brûler. -
8:40 - 8:41(Rires)
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8:43 - 8:45Le pape Pie XII l'a dit
de manière extrêmement explicite. -
8:45 - 8:49C'est la première fois que je cite
le pape Pie XII en public. -
8:49 - 8:52En 1954, devant un congrès de médecins,
-
8:52 - 8:54où il a expliqué
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8:54 - 8:58que l'homme n'est que l'usufruitier
de son corps, -
8:58 - 9:00et non pas son possesseur plein et entier.
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9:02 - 9:05Alors dans notre droit séculaire,
sécularisé, -
9:05 - 9:07il n'est plus question de Dieu,
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9:07 - 9:12et bien, le concept de Dieu a été remplacé
par le concept de dignité. -
9:12 - 9:14C'est cet arrêt, toujours Morsang-Sur-Orge
-
9:14 - 9:16c'est pour cela
que le Conseil d’État a interdit -
9:16 - 9:20le lancer de nains, parce que la dignité
de la personne humaine -
9:20 - 9:23est regardée comme une composante
de l'ordre public. -
9:23 - 9:25Ça veut dire que c'est aujourd'hui,
-
9:25 - 9:28cette transcendance qu'on a aboli,
transcendance divine, -
9:28 - 9:31est reprise par l’État, ou par la société,
si vous voulez, -
9:31 - 9:33qui définit la dignité de chacun.
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9:34 - 9:36La dignité, c'est le sacré sans Dieu,
-
9:36 - 9:38l'idée que quand même le corps,
c'est sacré, -
9:38 - 9:40on ne peut pas faire n'importe quoi.
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9:40 - 9:42Alors moi je vous propose
d’essayer d’aller -
9:42 - 9:44au bout de la logique de la modernité.
-
9:45 - 9:49Et si on était vraiment complètement
dans l’immanence, -
9:50 - 9:52à qui appartient
le corps sinon à moi ? -
9:52 - 9:54Qui peut définir sa dignité,
sinon moi-même ? -
9:54 - 9:57Alors là, c'est ce qu'a fait
John Locke, pas John Moore, -
9:57 - 9:59décidément beaucoup de John.
-
9:59 - 10:02John Locke est le premier
à avoir écrit, à ma connaissance, -
10:02 - 10:05que chacun avait la propriété
de sa propre personne. -
10:05 - 10:07C'est pas un hasard
si c’est lui qui écrit ça -
10:07 - 10:09parce qu'il était médecin,
-
10:09 - 10:11il connaissait bien la chair,
les réactions du corps. -
10:12 - 10:15et parce qu'il était
dans la glorieuse révolution britannique, -
10:15 - 10:17la révolution des « Bill of Rights »,
-
10:18 - 10:20cette théorie sur le contrat social,
-
10:20 - 10:22sur les droits premiers, fondamentaux,
-
10:23 - 10:24sur la résistance civile,
-
10:24 - 10:27c'est de dire que j'ai
des droits naturels qui préexistent, -
10:27 - 10:28dont la propriété de moi-même.
-
10:28 - 10:30II est allé plus loin :
-
10:30 - 10:32si je peux avoir la propriété
sur des choses extérieures, -
10:32 - 10:35si je peux m'approprier
le monde en le travaillant, -
10:35 - 10:37en y ajoutant de la valeur.
-
10:37 - 10:41Cette idée de propriété
est d'abord née de l'appropriation -
10:41 - 10:43de moi-même.
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10:44 - 10:46Et réfléchissez-y,
si on a la propriété du corps, -
10:46 - 10:50on a, suivant les termes classiques
l’usus, le fructus et l’abusus. -
10:50 - 10:51L’usus, c’est-à-dire --
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10:51 - 10:54toujours bien des termes en latin --
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10:55 - 10:57L’usus, c’est l’usage,
-
10:57 - 10:59si j’ai l’usus du corps,
-
10:59 - 11:03eh bien, les nains peuvent exercer
leur profession dignement. -
11:03 - 11:05Ensuite, le fructus, je peux
le faire fructifier -
11:05 - 11:09et donc John Moore peut toucher
l’argent de ses cellules. -
11:09 - 11:12L’abusus, je peux en abuser
et en faire ce que je veux. -
11:12 - 11:15Et si je veux le cryogéniser,
c’est mon problème. -
11:16 - 11:18Il me semble que la nouvelle génération
-
11:19 - 11:22refuse les structures préconçues,
-
11:22 - 11:24veut définir son propre métier,
-
11:24 - 11:27veut définir sa propre vie en voyageant,
-
11:28 - 11:30veut se construire, se posséder soi-même,
-
11:30 - 11:32être le créateur de soi-même.
-
11:32 - 11:35Et on peut voir de manière
un peu anecdotique, sociologique, -
11:35 - 11:38à quel point cette génération
s'approprie son corps, -
11:38 - 11:40par le tatouage par exemple.
-
11:40 - 11:44C'est aussi la manière de définir sa
sexualité de manière beaucoup plus fluide. -
11:44 - 11:46Une étude est sortie qui montrait
-
11:46 - 11:49que la génération Z --
c’est plus Y, c’est Z maintenant -- -
11:49 - 11:50la génération Z est post-genre,
-
11:50 - 11:53c’est même plus qu’elle est « bi »,
-
11:53 - 11:55c'est qu’elle définit,
-
11:55 - 11:58chacun définit sa propre sexualité,
-
11:58 - 12:00avec un peu de ceci, un peu de cela.
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12:00 - 12:02Alors ça donne beaucoup de choses.
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12:04 - 12:06Par exemple, on peut être demi-sexuel,
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12:07 - 12:09gris sexuel,
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12:09 - 12:11gynésexuel,
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12:11 - 12:13pansexuel,
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12:13 - 12:15Strauss-Kahn sexuel, non ! C’est pas ça.
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12:15 - 12:17Enfin bon, il y a plein de versions.
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12:17 - 12:19Je ne les connais pas toutes,
-
12:19 - 12:22mais c’est intéressant,
je vous les recommande. -
12:22 - 12:24Fondamentalement,
ça nous permet de traiter -
12:24 - 12:26les trois grands sujets de l’avenir :
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12:27 - 12:31le sujet de l'homme augmenté,
de l'augmentation de soi, -
12:33 - 12:35le sujet du transhumanisme,
-
12:35 - 12:37et le sujet des data, des données.
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12:38 - 12:42Si demain je peux,
et je peux déjà, m’augmenter, -
12:42 - 12:45c'est-à-dire me construire
des bras artificiels, -
12:45 - 12:48augmenter mes membres,
augmenter ma capacité cérébrale, -
12:48 - 12:50voire modifier mon propre ADN.
-
12:50 - 12:53Si je modifie mon propre ADN,
je dois bien en être propriétaire. -
12:56 - 12:59Si demain je veux tester,
je veux essayer, l'immortalité -
13:00 - 13:04soit par la cryogénisation -- voilà
cet exemple sympathique qui revient -- -
13:04 - 13:08soit par exemple comme l’imagine
Ray Kurzweil, le pape du transhumanisme, -
13:08 - 13:11en transférant ma conscience
sur une clé USB. -
13:12 - 13:14Eh bien, de même je vais définir moi-même,
-
13:14 - 13:16même contractuellement,
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13:16 - 13:19la manière dont mon corps
est lié au monde. -
13:19 - 13:22Et il y a une 3e grande question,
un peu adjacente, -
13:22 - 13:24qui est la question des données,
la question des data. -
13:25 - 13:28Les data, on en produit,
vous savez, énormément, -
13:28 - 13:29leur valeur est gigantesque
-
13:29 - 13:33puisqu'en Europe, on estime qu’elle vaudra
mille milliards d’euros d'ici 2020. -
13:34 - 13:36Or ces data qui valent tant d’argent
-
13:36 - 13:39et avec lesquelles des groupes
font tant d'argent, -
13:39 - 13:42eh bien vos données personnelles
ne vous appartiennent pas, -
13:43 - 13:45de même qu'il n'y a pas
de patrimonialité du corps, -
13:45 - 13:47pas de patrimonialité des données,
-
13:47 - 13:48et pour la même raison :
-
13:48 - 13:52parce que les données sont considérées
le reflet de votre personnalité -
13:52 - 13:54et que, on l’a vu, en droit,
-
13:54 - 13:58la personnalité est inaliénable
et le corps n'est pas patrimonial. -
13:58 - 14:00Si demain nous trouvons,
-
14:00 - 14:03nous pouvons construire
une propriété privée des data -
14:03 - 14:06qui sera, à l’ère digitale,
ce que la propriété intellectuelle -
14:06 - 14:08fut à la révolution industrielle,
-
14:08 - 14:10alors vous deviendrez propriétaire
-
14:10 - 14:14en termes véritablement juridiques,
financiers, de vos données, -
14:14 - 14:16que vous pourrez négocier.
En d'autres termes : -
14:16 - 14:19enfin, vous serez payé
pour aller sur Facebook. -
14:22 - 14:26Alors mon corps m'appartient,
ce n'est pas une banalité, -
14:27 - 14:32c'est un tatouage que, finalement,
on devrait tous porter, -
14:33 - 14:35parce que la toute nouvelle génération,
-
14:35 - 14:38eh bien, ce sont des sujets
qu’elle va devoir affronter. -
14:38 - 14:40Le transhumanisme arrive,
-
14:40 - 14:42les comités de bioéthique
sont déjà dépassés. -
14:42 - 14:46Et pour que chacun puisse choisir
ses propres valeurs -
14:47 - 14:49dans cet univers complexe,
-
14:49 - 14:52nous devons d'abord posséder
notre propre corps. -
14:52 - 14:53Merci.
-
14:53 - 14:56(Applaudissements)
- Title:
- La propriété de soi, le combat de la nouvelle génération ? | Gaspard Koenig | TEDxParis
- Description:
-
Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.
Nous serions tentés de penser, à juste titre, que notre corps nous appartient et que l’on peut en disposer à notre guise. Pourtant, au travers d’exemples, souvent hilarants, Gaspard Koenig, nous prouve le contraire et pose la question : Serait-il temps pour nous de récupérer la propriété de notre corps ?
Philosophe (ENS, agrégation, Columbia), Gaspard Koenig dirige le think-tank libéral GénérationLibre. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy et à la BERD à Londres. Il est l’auteur d’une dizaine de romans et d’essais, enseigne la philosophie à Sciences Po Paris et apparaît régulièrement dans les médias - notamment à travers sa chronique hebdomadaire dans Les Échos.
- Video Language:
- French
- Team:
- closed TED
- Project:
- TEDxTalks
- Duration:
- 14:58
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