Qu'est-ce que vous faites quand pendant un camp de sciences on vous met en groupe avec trois amis, on vous donne un bout de fil et la tâche est de calculer la largeur d'un ruisseau ? Bien sûr on se met à discuter pour voir quoi faire avec le fil, on traverse le ruisseau mille fois, pour voir combien de fois le fil tient dans ce ruisseau, On se mouille et se fatigue, c'est sûr. Et moi, morte de froid, épuisée, et surtout, toute trempée je me demande comment calculer cette largeur sans devoir me mouiller plus. Et alors, je m'arrête sur la rive et commence à observer. et je compris que là, se formaient trois distances : celle de mes pieds à mes yeux, celle de mon regard à la rive opposée, et celle de la rive opposée à celle où je me tenais. et je me suis rappelée. Soh Cah Toa ! (Rires) Une connaissance de base en trigonométrie qui jusque là m'avait semblé être quelque chose d'inutile, m'apportait la réponse à un problème bien réel. Et aussi simple qu'ait pu paraitre cette situation, le processus mental que j'ai du accomplir à ce moment a été très différent des choses que j'avais faites dans ma vie. Parce que c'était quelque chose de personnel. C'était la vraie vie. Et là quelque chose s'est éveillé en moi, qui semblait avoir été endormi, par le simple fait de croire que je ne pouvais pas. Mais cette fois j'ai pu, et je saisis cette chance pour essayer d'en apprendre plus sur les choses et la réalité. Après je n'ai pas arrêté de chercher des expériences semblables au camp. Je suis allée à l'Institut Balseiro, ai convaincu mes amis d'école d'assembler un purificateur d'eau solaire pour un concours du Conicet. J'ai participé à plus de concours et de camps, pour continuer à apprendre. Si bien qu'à la fin de l'année, on m'a donné le titre de "fille scientifique" de l'école. Mais ça a passé. J'ai eu des 7 sur 10 dans presque toutes les matières. Je pensais que c'était parce que je grandissais, non ? Enfin bon... C'est normal de perdre ces intérêts avec le temps. De plus quand on est un enfant qui soudain se retrouve dans un nouveau monde plein de contraintes et de choses qui enlèvent le temps pour ce que tu considerais essentiel. Regardez, pendant toutes nos années au lycée pour pouvoir réussir et passer dans la classe supérieure tous les élèves en Argentine doivent obtenir plus qu'un 6 ou un 7. Je me rappelle quand j'étais petite j'avais cette idée de l'école comme d'un lieu fait uniquement pour apprendre et je n'arrêtais pas de m'émerveiller devant des choses nouvelles. Je rêvais d'être astronaute, et chercheuse, je me rappelle qu'avec mes amies nous jouions à être les grandes personnes que nous serions plus tard. Mon amie Rocio se mettait toujours à dessiner, disant qu'un jour elle serait dessinatrice de dessins animés. Aujourd'hui, Rocio a presque 19 ans et a commencé ses études de traductrice d'anglais. Où sont passés ses rêves pendant ces 10 ou 11 années ? Elle a certainement crû qu'elle avait changé d'idée, elle s'est dit que ce rêve n'était pas le sien. Je lui ai demandé et sa réponse fut à peu près celle-ci : « ce qui se passe c'est que les dessins en 3D demandent des mathématiques. Et j'ai toujours été nulle en maths. Par contre en anglais, j'avais toujours de bonnes notes. Ça me vient plus facilement. » Et c'est comme ca, parce que l'école est l'unique référence officielle que nous les enfants avons de notre niveau intellectuel et académique. Voilà le résultat que peut avoir une simple note. à l'intérieur du contexte du système éducatif : on ne consacre pas notre temps à ce qui nous passionne. Parce que tu n'obtiens pas seulement un 3 ou un 4 tu es un 3 ou un 4. Et tu vas continuer à être ces 3 et ces 4. Les notes finissent par nous classer de 1 à10. Vous, les enfants "10", êtes meilleurs que tout le monde. Vous les 1, allez vous préparer pour ce qui vous attend. Ce paradoxe d'être la fille scientique et en même temps un 7, m'a ammené à considérer qu'en réalité si tu finis l'école et en plus tu oses aller à l'université il est fort probable que tu tombes sur quelquechose qu'on t'avait enseigné Tu fais un bilan des meilleures notes que tu avais ou des matières où tu recevais l'approbation des profs, et tu cherches simplement une carrière qui incorpore tous ces élèments. Alors, souvent, ce qu'on apprend à penser à l'école est quelque chose comme ça : « Si je peux facilement avoir une bonne note dans cette matière, sur que ça me plait, c'est pourquoi c'est ce que je dois faire. » Et pendant ce qu'il te reste d'études secondaires tu te focalises simplement sur tes notes. J'ai fini par penser que les étudiants apprennent à être étudiants, et à répondre uniquement à ce qu'on leur demande. Mais quand est-ce qu'on apprend vraiment ? Après beaucoup d'efforts j'ai pu comprendre que j'étais plus que mes notes. Que je suis plus que ces septs. Et quand je l'ai fait, mes notes ne changeaient pas beaucoup. Mais ce qui a changé c'est que jai commencé à apprendre. Mais jusqu'a quel point peut-on se rebeller et dédaigner ses notes ? Bon tu peux les éviter en décembre, en mars, ou même l'année suivante, mais si ta révolution tourne mal tu redoubles. Nous ne pouvons pas faire ça tout seul. Nous avons besoin d'aide. Le système éducatif a besoin de changement. Je peux vous assurer que la passion et l'intérêt qui animent cette fille, Rocio, mon amie, pour le dessin, vaut bien plus qu'un 3 ou un 4 dans une autre matière. L'école devrait être cet endroit qui nous apprend à penser. A chercher ce que nous aimons tant. A être de la manière dont nous voulons être, et non pas ce que les numéros nous disent que nous sommes. Aujourd'hui mon bulletin scolaire me dit que je suis un 7, c'est vrai. Mes camarades, mes enseignants et mon établissement scolaire continuent à avoir cette contradiction de la matheuse pleine de septs. Mais moi je me sens plus qu'un numéro. Maintenant les notes, sont-elles vraiment quelque chose d'utile, de nécessaire ? Je ne sais pas. Mais nous montrer pendant tout notre processus éducatif que nous sommes et pouvons plus que ces numéros, je suis convaincue que c'est quelque chose d'indispensable. Merci. (Applaudissements)