Bonjour, tout le monde. J'ai apporté une couche pour bébé. Je vous le dirai pourquoi. Elles ont des propriétés particulières. Elles se gonflent beaucoup quand vous y ajoutez de l'eau, comme le prouvent des millions d'enfants tous les jours. (Rires) C'est parce qu'elles ont été conçues très intelligemment. Elles sont faites d'un matériel gonflable. Quand vous y ajoutez de l'eau, ça se gonfle énormément, peut-être mille fois en volume. C'est un polymère industriel très utile. Ce que mon équipe au MIT essaie de faire est de voir si on peut faire quelque chose de semblable au cerveau. Peut-on l'agrandir pour le regarder de près, pour voir comment ces infimes blocs, les biomolécules, sont organisés en trois dimensions ? Voir la structure de base du cerveau, on pourrait dire ? En faisant ceci, on aurait une meilleure idée de comment le cerveau est organisé pour produire des pensées et émotions, des actions et sensations. Peut-être qu'on pourrait identifier les changements exacts qui provoquent des maladies comme Alzheimer, l'épilepsie et Parkinson, pour lesquelles il y existe peu de soins et de remèdes et desquelles on connaît rarement les origines, ce qui les causent vraiment. Notre équipe au MIT essaie de voir les choses d'une autre façon en retraçant l'évolution de la neuroscience au cours des 100 dernières années. On est designers et inventeurs. On essaie de concevoir des technologies pour observer et réparer le cerveau. La raison derrière est que le cerveau est sacrément compliqué. On a appris au cours du premier siècle de la neuroscience que le cerveau est un réseau très complexe composé de neurones, des cellules spécialisées avec des géométries très complexes à travers lesquelles traversent des courants électriques. De plus, les neurones sont connectés en réseaux par de petites jonctions, des synapses, qui transmettent les éléments chimiques qui leur permettent de communiquer entre eux. Le cerveau est d'une densité incroyable. Dans un millimètre cube du cerveau, il y a environ 100 000 de ces neurones et peut-être bien un milliard de ces jonctions. Mais c'est pire que ça. Si vous zoomez sur un neurone -- et ceci n'est qu'une représentation artistique -- vous allez voir des milliers et des milliers de types de biomolécules, des machines nanométriques organisées en schémas 3D servant de médiateurs entre les impulsions électriques, ces échanges chimiques qui permettent aux neurones de travailler ensemble pour générer des choses comme les pensées et les sentiments. Nous ne savons pas exactement comment sont organisés ces neurones pour former des réseaux ou comment sont organisées les biomolécules à l'intérieur des neurones pour former ces machines complexes. Si on veut vraiment comprendre ceci, il faudra de nouvelles technologies. En arrivant à cartographier le tout, on pourrait voir l'organisation des molécules et neurones, et des neurones et réseaux. On pourrait comprendre comment le cerveau dirige de l'information des régions sensorielles, mélange ceci avec les émotions et produit nos décisions et actions. On pourrait identifier les changements moléculaires exacts qui se produisent dans un trouble cérébral. Une fois qu'on comprend comment ces molécules ont changé, si elles ont augmenté ou changé de schéma, on les utiliserait comme cibles pour de nouveaux médicaments, de nouvelles façons de transmettre de l'énergie dans le cerveau pour y réparer les computations abîmées chez les patients atteints de troubles cérébraux. Beaucoup de nouvelles technologies au cours du dernier siècle ont relevé ce défi. On a tous vu des scans cérébraux pris dans des machines fMRI. Leur grand atout est leur non invasivité, donc on peut les utiliser sur des sujets humains vivants. Mais ils sont aussi visuellement peu raffinés. Chacune de ces zones à l'écran, des voxels, peut contenir des millions de neurones. Alors on n'a pas la résolution requise pour identifier les changements moléculaires ou les changements dans le câblage du cerveau qui contribue à nous faire des êtres conscients et capables. À l'autre extrême, vous avez les microscopes. Ils se servent de la lumière pour observer des choses minuscules. Pendant des siècles, on a ainsi observé les bactéries, etc. En neuroscience, les microscopes ont fait la découverte des neurones il y a 130 ans. Mais la lumière a ses limites. On ne peut pas voir des molécules individuelles avec un microscope. On ne peut pas voir ces petites jonctions. Si nous voulons améliorer la façon d'observer le cerveau, de voir sa structure de base de près, on aura besoin de meilleures technologies. Mon équipe s'est demandé : si on faisait le contraire ? Si c'est compliqué de zoomer sur le cerveau, pourquoi pas l'agrandir ? Ça a commencé avec deux doctorants de l'équipe, Fei Chen et Paul Tillberg. Maintenant d'autres m'aident dans cette expérience. On a décidé d'essayer de prendre des polymères comme ceux des couches et les installer dans le cerveau. Si on arrive à le faire et on y ajoute de l'eau, on pourrait gonfler le cerveau au point de pouvoir distinguer une molécule d'une autre. On pourrait voir ces jonctions et cartographier le cerveau. Ça pourrait avoir un effet important. On a apporté une démo. Voici du matériel de couche purifié. C'est plus facile d'en acheter sur Internet que d'extraire les quelques graines qui se trouvent dans les couches. Ici, je vais placer une cuillerée de ce polymère purifié. Et voici un peu d'eau. Ce qu'on va faire est essayer de voir si cette cuillerée de matière de couche peut augmenter en taille. Vous allez la voir augmenter par mille sous vos yeux. Je pourrais y ajouter encore plus d'eau, mais vous avez déjà en gros vu que c'est une molécule très intéressante. Si on l'utilise intelligemment, on pourra zoomer sur le cerveau d'une façon que les autres technologies n'ont pas pu faire. Maintenant, un peu de chimie. Que se passe-t-il dans ce polymère de couche ? Si on zoomait dessus, ça ressemblerait à ce qu'il y a sur l'écran. Les polymères sont de longues et minces chaînes d'atomes. Ces chaînes sont minuscules, de la largeur d'une biomolécule, et ces polymères sont très denses. Ils sont séparés par la distance d'une biomolécule. Ceci est bien parce qu'on pourrait tout écarter dans le cerveau. Si nous y ajoutons de l'eau, le matériel gonflable va l'absorber, les chaînes vont s'écarter l'une de l'autre et tout le matériel va grandir. Parce que ces chaînes sont minuscules et séparées par des distances biomoléculaires, on pourrait agrandir le cerveau à une taille visible. La question clé est : comment mettre ces chaînes de polymère dans le cerveau pour faire s'écarter les biomolécules ? Si on pouvait le faire, on pourrait cartographier les bases du cerveau. On pourrait voir le câblage. On y regarderait à l'intérieur pour voir les molécules. On a conçu des animations pour mieux expliquer ceci. Les représentations artistiques nous permettent de voir comment seraient les biomolécules si nous les écartions. La première étape serait de lier chaque biomolécule (ici en marron) à une petite ancre, une petite anse. On doit écarter les molécules du cerveau l'une de l'autre, et pour le faire, on a besoin d'une petite anse qui fasse que les polymères se lient à elles et exercent leur force. Si vous mettez simplement le polymère sur le cerveau, ça va seulement s'installer dessus. Il faudrait plutôt le fabriquer à l'intérieur même. Sur ce point, on est chanceux car on peut prendre les blocs constructifs appelés « monomères » et les lâcher dans le cerveau avant d'induire des réactions chimiques qui les transformeraient en ces longues chaînes à l'intérieur même du tissu cérébral. Ils vont s'enrouler autour des biomolécules et entre celles-ci pour former des réseaux complexes qui permettraient, éventuellement, d'écarter les molécules l'une de l'autre. À chaque fois qu'il y a une petite anse, le polymère s'y attachera, et c'est ce dont on a besoin pour écarter les molécules les unes des autres. Nous voici à un moment crucial. On doit traiter ce spécimen avec un agent chimique pour détacher chaque molécule de l'autre, puis, à l'ajout de l'eau, le matériel gonflable va commencer à l'absorber et les chaînes vont s'écarter, mais maintenant, les biomolécules vont les accompagner. Et tout comme quand on dessine un ballon et puis qu'on le gonfle, l'image reste la même, mais les particules d'encre se sont écartées. Et ce que nous avons pu faire en 3D. Il y a un dernier truc. Comme vous le voyez, on a codé toutes les biomolécules en marron parce qu'elles se ressemblent toutes. Elles sont faites des mêmes atomes, juste dans des ordres différents. On a besoin d'un dernier truc pour les rendre visibles. On a besoin de petites étiquettes teintes de couleurs vives qui les différencient. Un type de biomolécule aurait la couleur bleue. Un autre type aurait la couleur rouge. Et ainsi de suite. Ceci est l'étape finale. On peut maintenant regarder le cerveau et voir les molécules individuelles parce qu'elles ont été assez écartées l'une de l'autre pour qu'on les différencie. L'idée est de rendre visible l'invisible. On peut prendre des choses minuscules et obscures et les agrandir jusqu'à ce qu'elles deviennent des constellations d'information. Voici une vidéo d'à quoi ça pourrait ressembler. On a un petit cerveau dans un pétri -- un morceau de cerveau, en fait. On y a injecté le polymère et on y ajoute de l'eau. Vous verrez de vos propres yeux (cette vidéo est accélérée par soixante) comment grandit ce petit morceau de tissu cérébral. Ça peut augmenter par cent ou encore plus en volume. Ce qui est super, c'est que ces polymères sont si petites que la séparation des biomolécules est uniforme. C'est un élargissement uniforme. La configuration de l'information ne se perd pas. Elle devient simplement plus facile à voir. Prenons maintenant un vrai circuit cérébral, par exemple la partie qui s'occupe de la mémoire, et on peut zoomer dessus. On peut discerner comment sont configurés ces circuits. Peut-être même « lire » une mémoire. Voir comment ils sont configurés pour traiter les émotions, comment le câblage du cerveau est vraiment organisé pour nous rendre qui nous sommes. Nous espérons, bien sûr, identifier les réels problèmes cérébraux au niveau moléculaire. Et si on pouvait regarder dans les cellules du cerveau et voir que, disons, 17 molécules ont changé dans ce tissu cérébral qui est atteint d'épilepsie ou de Parkinson ou a changé d'une autre manière ? Si on dresse une liste de tout ce qui va de travers, on a une liste de nos cibles thérapeutiques pour concevoir des médicaments et pour cibler de l'énergie sur certaines parties afin d'aider ceux atteints de Parkinson ou d'épilepsie ou d'autres maladies qui touchent plus d'un milliard de personnes dans le monde. Ce qui est intéressant est qu'il s'avère qu'à travers la biomédecine, l'agrandissement pourrait résoudre d'autres problèmes. Voici la biopsie d'une patiente atteinte d'un cancer du sein. Si vous regardez les cancers ainsi que le système immunitaire, le vieillissement et le développement, tous ces procédés impliquent des systèmes biologiques à grande échelle, mais, bien sûr, le problème commence à l'échelle des molécules nanométriques, ces « machines » qui font marcher les cellules et organes de nos corps. On essaie de comprendre comment utiliser cette technologie pour cartographier les schémas structuraux de plusieurs maladies. Pouvons-nous identifier les changements dans une tumeur pour pouvoir l'attaquer de manière intelligente et fournir les médicaments qui éliminent précisément les cellules qu'il faut ? Beaucoup de médicaments ont un risque très élevé. C'est souvent de l'approximation. J'espère transformer quelque chose à risque très élevé en quelque chose de plus sûr. La première mission sur la Lune avait des bases scientifiques solides. On comprenait déjà la gravité, les lois de l'aérodynamisme, la construction des fusées. Le risque scientifique était sous contrôle, mais c'était quand même un grand exploit d'ingénierie. Mais en médecine, on n'a pas toujours toutes les lois. Avons-nous des lois qui sont analogues à celle de la gravité, à celles de l'aérodynamisme ? Je dirais qu'avec les technologies dont je parle aujourd'hui, on pourrait bien trouver ces lois. On pourrait cartographier les profils des systèmes vivants et trouver des remèdes aux maladies qui nous affectent. Mon épouse et moi avons deux enfants. En tant que bio-ingénieur, je veux que leur vie soit meilleure que la nôtre actuellement. Mon rêve est de transformer la biologie et la médecine de ces projets à risque élevé, gouvernés par la chance et le hasard, à des domaines où on réussit grâce à l'effort et aux compétences. Ce serait une grande avancée. Merci beaucoup. (Applaudissements)