Je n'ai jamais été seule. Je suis née à deux, j'ai une sœur jumelle, elle s'appelle Lucie, elle est brillante et c'est probablement la personne qui me fait le plus rire au monde. Si je vous dis ça, c'est que, naître à deux, ce n'est pas anodin. Naître à deux, c'est se construire à deux, en binôme, c'est être amené à être toujours en relativité par rapport à quelqu'un, donc, toujours à se comparer. Moi, c'est ce qui m'a amenée à me poser beaucoup de questions sur notre système éducatif. Je suis un pur produit de l'éducation nationale. Emballée au lycée Henri IV, packagée dans une grande école, celle-ci, j'ai suivi la route, l'autoroute, même, parfois, sans trop me poser de questions. C'est pratique, une autoroute, on se met en pilote automatique. Alors, notre système éducatif, il est parfait pour les gens comme moi, pour ces types de talents-là : des personnes structurées, qui peuvent voir la vie en trois parties, trois sous-parties, qui savent s'adapter. Pour tous les autres, ceux qui comme ma sœur ne veulent pas tellement s'adapter, ceux qui sont hors cadre, l'école est souvent perçue comme une lutte. Une lutte dont il faut sortir victorieux, c'est-à-dire avec le bac ou un diplôme, ce petit bout de papier qui va nous permettre enfin de commencer notre vie. Pour toutes ces personnes en fait, c'est une fois seulement sorties du système, qu'elles comprennent qu'elles sont bonnes à quelque chose, qu'elles ont des talents. Alors, je vous rassure, ma sœur va très bien, elle a très bien réussi, mais moi, pendant toutes ces années, je me suis dit qu'il y avait un problème. Il y a un problème de gâchis de talents. Pourquoi est-ce que le talent de ma sœur a dû mettre tant de temps avant de s'exprimer ? Pourquoi 20 ans avant d'exceller ? Et pourquoi mon talent uniquement était reconnu à l'école ? Un talent en fait, ce n'est pas seulement être virtuose au piano. On a une vision hyper restreinte du talent, du coup, on a l'impression qu'on n'en a pas. Un talent au sens propre du terme, c'est quelque chose qu'on fait naturellement, sans effort. Ça peut être avoir une capacité d'écoute incroyable. Ça peut être, être super organisé ou savoir convaincre n'importe qui en moins de deux minutes. On a tous des talents, simplement, on n'en est pas conscient, d'abord, parce qu'on le fait justement sans effort, ensuite, parce que généralement, on ne les a pas tellement valorisés à l'école, et encore plus probablement, vous ne les utilisez pas dans vos métiers. Alors, pourquoi c'est important de savoir son talent ? Ok, petit sondage rapide, je vous vois. Qui ici s'est déjà dit au moins une fois : « Je suis nul » ? Soyez honnêtes. Qui s'est déjà dit : « Je ne suis pas légitime dans ce que je fais » ? Ok. Et : « Je n'y arriverai pas » ? Les trois à la fois ? Ceux-là, vous viendrez me voir à la fin, ça va bien se passer, on a une cellule psychologique. Non, sérieusement, on se dit tous ça, tout le temps. Je me dis ça à peu près tous les jours. C'est justement pour ça que c'est super important de se demander en quoi on est bon, quels sont nos talents ? A quel moment dans sa vie, on exprime pleinement nos potentiels ? Alors, moi, j'ai eu de la chance, parce que j'ai été amenée à me poser quelques-unes de ces questions assez rapidement. En fait, en arrivant dans ce bel établissement, il s'est passé deux choses. La première, c'est que j'ai perdu mon talent. Je venais d'une classe préparatoire littéraire, donc, je suis passée de questions métaphysiques à la gestion financière, le choc a été un petit peu rude, et du coup, je n'étais plus si forte que ça à l'école. Alors, ça m'a amenée à la deuxième chose, me poser la question abyssale : pourquoi ? Pourquoi j'étudiais ce que j'étudiais ? On me parlait de maximisation du profit d'entreprise, mais j'avais un peu du mal à croire que c'était la seule finalité de toutes mes matières. Pendant cette 1e année, je me suis posée plusieurs fois la question de partir, de fuir. Et puis, bon, je me suis dit que j'avais quand même pas mal travaillé pour en arriver là, ça valait peut-être le coup de creuser cinq minutes. Alors, je suis partie, mais à la découverte de mon école. Et c'est là que j'ai découvert cette alliance de deux mots improbables : entrepreneuriat social. Ces deux mots allaient me passionner pour les huit années à venir. C'est là que j'ai compris que prendre le large, en fait, c'est parfois faire l'effort de rester. Mais à l'époque, je n'avais pas encore intégré cette leçon. Pour moi, prendre le large, c'était uniquement partir loin, partir ailleurs. Alors, c'est ce que j'ai fait, je suis partie en voyage en tour du monde pendant neuf mois, c'était génial, et puis je suis rentrée en France. Et là, j'étais paumée. Moi, à l'époque, je voulais repartir, je voulais partir vivre à l'étranger, de nouveau ailleurs, fuir encore. Mais en fait, le vrai voyage, il a commencé ici. Enfin, pas à Cergy mais à Paris, pas très loin. Il a commencé par une rencontre, celle de trois personnes incroyables, à refaire le monde autour d'une mauvaise bouteille de vin rouge. Ils m'ont proposé de rejoindre leur voyage, celui d'une aventure entrepreneuriale, qui en fait, allait me permettre d'agir pour le problème qui me touchait vraiment, celui du gâchis de talents. Alors, il y a trois ans, avec ces associés et l'aide de beaucoup d'autres personnes, on a monté Ticket for Change. Ticket for Change, le point de départ, c'est que chacun de nous a des talents. Ça, j'espère que c'est bon, je vous ai convaincus. Maintenant, la vraie question, c'est qu'est-ce qu'on fait de ces talents ? Comment est-ce qu'on permet à chaque personne d'utiliser ses talents pour avoir un impact positif sur la société ? Comment on fait rencontrer chaque problème du monde avec un de ces talents pour le résoudre ? Il existe des milliers de personnes en France qui ont envie d'agir mais ne savent pas par où commencer. On a même fait une étude avec un cabinet spécialisé au niveau national. On a découvert que sur 100 Français, il y en a 74 qui déclarent vouloir agir pour résoudre un enjeu de société, mais qui ne le font pas. Ça , c'est du gâchis de talents. Alors, comment on fait pour aider tous ces talents à agir, à passer à l'action ? Nous, on développe des programmes de formation et de sensibilisation à l'entrepreneuriat. Un pré-incubateur de start-up sociale, un cours en ligne gratuit ouvert à tous, des ateliers, des conférences. En trois ans, on a touché plus de 53 000 personnes. On a permis à plus de 400 projets d'émerger, et on a accompagné dans la durée 89 start-ups sociales, dont certaines sont ici. Ou plutôt, on a accompagné 89 talents. Parce que oui, on les aide à développer leur projet du point de vue juridique, financier, on leur fait rencontrer les bons mentors, les bons experts, on les aide sur tout ça. Mais en fait, là où c'est vraiment unique, c'est qu'on les aide à activer leurs talents, et c'est là qu'ils deviennent vraiment entreprenants. Parce qu'en fait, entrepreneur, c'est éphémère, c'est un statut, c'est un métier. Être entreprenant, c'est durable, c'est une posture. En fait, c'est être capable dans n'importe quelle situation, que ce soit dans sa vie personnelle ou dans sa vie professionnelle, d'aborder chaque problème qui se pose à nous, en se demandant : « Est-ce qu'il n'y a pas une solution pour le résoudre ? » Alors, ça tombe bien, parce qu'on n'en aura pas mal des problèmes à résoudre, ces prochaines années. Des problèmes locaux, des problèmes globaux, urgents, importants, vous les connaissez, mais j'ai trois très bonnes nouvelles. La première, c'est qu'il y a déjà des gens qui nous montrent la voie, qui agissent, qui nous montrent que c'est possible. Je vous ai parlé de 89 d'entre eux, mais il y en a des milliers d'autres en France et des millions dans le monde. La deuxième, c'est que chacun de nous est porteur de solutions. Chacun de nous a un ou plusieurs talents lui permettant d'aborder les problèmes avec un angle unique, particulier. Et enfin, la troisième, c'est qu'aujourd'hui, ces talents, ils ont un impact potentiel démultiplié. Grâce aux nouvelles technologies, grâce à ces ordinateurs surpuissants qu'on trimbale tous dans nos poches, on peut faire des choses extraordinaires de notre salon. On est des super-héros potentiels. Alors, oui, prenez le large, prenez le large, mais faites-le de manière entreprenante. Partez loin s'il le faut, mais partez en vous demandant pourquoi vous partez, et surtout, partez à la découverte de vous-même, partez à la découverte de vos talents. Faites l'exercice. Demain ou cette semaine, essayez vraiment de voir des situations, encore une fois de votre vie personnelle ou professionnelle, dans lesquelles vous vous sentez pleinement vous-même, pleinement unique. Ces moments où vous sentez que vous exploitez votre potentiel, où vous êtes bon. Notez-le, gardez-le dans un coin de votre tête, ou mieux encore, dites-le, formulez-le. Alors, c'est super flippant, je sais, du coup, je vais vous montrer, je vais le faire. Moi, mon talent, c'est ma capacité à transmettre mon énergie, à transmettre ce que je porte. Voilà, c'est fait. Maintenant, c'est à vous. Alors, à vos talents, prêts, partez. (Applaudissements) Merci. (Applaudissements)