WEBVTT

00:00:05.315 --> 00:00:08.964
Je vais vous parler d'une initiative
qui me semble importante


00:00:08.964 --> 00:00:11.346
dans le champ de la psychanalyse

00:00:11.346 --> 00:00:15.722
qui sont les Centres Psychanalytiques 
de Consultation et de Traitement.

00:00:17.222 --> 00:00:21.512
Donc, après la réalité virtuelle,
la réalité psychique,

00:00:21.942 --> 00:00:25.265
qui nous offre également
beaucoup de surprises

00:00:25.265 --> 00:00:27.819
pour autant qu'on y prête l'oreille.

00:00:29.119 --> 00:00:31.316
J'ai construit un exposé,
comme nous le faisons

00:00:31.316 --> 00:00:34.122
dans nos rencontres entre psychanalystes.

00:00:34.122 --> 00:00:35.423
Je vais vous le présenter.

00:00:35.423 --> 00:00:37.393
C'est donc un travail construit,

00:00:37.393 --> 00:00:43.867
que je vais vous lire, qui a le mérite
d'être publiable et consultable.

00:00:45.567 --> 00:00:49.749
Les CPCT sont destinés à faciliter
l'accès à la psychanalyse

00:00:49.749 --> 00:00:52.266
à des sujets en souffrance psychique,

00:00:52.266 --> 00:00:55.938
quel que soit leur niveau
social ou professionnel.

00:00:55.938 --> 00:00:57.348
C'est l'idée de base.

00:00:58.188 --> 00:01:03.537
Ce lieu accueille, traite et oriente
toute personne qui en fait la demande.

00:01:04.387 --> 00:01:08.799
Les traitements sont gratuits
et limités à quatre mois,

00:01:08.799 --> 00:01:12.009
soit 16 séances au maximum.

00:01:12.009 --> 00:01:13.759
Ça peut s'arrêter avant.

00:01:15.019 --> 00:01:16.826
Les psychanalystes impliqués,

00:01:16.826 --> 00:01:20.756
qui sont psychiatres ou psychologues
de formation, y sont bénévoles.

00:01:20.756 --> 00:01:24.833
Tous sans exception se réfèrent
à l'enseignement de Lacan.

00:01:24.833 --> 00:01:31.877
C'est un point important à souligner,
pour autant que l'action analytique

00:01:31.877 --> 00:01:35.453
dépend de la théorie 
à laquelle on se réfère.

00:01:35.453 --> 00:01:40.001
Même si on n'a pas de théorie, 
on fonctionne avec des a priori au fond.

00:01:41.241 --> 00:01:45.035
Le concept de CPCT est une initiative
de l'École de la Cause freudienne

00:01:45.035 --> 00:01:48.241
qui est une association
reconnue d'utilité publique.

00:01:49.191 --> 00:01:52.251
Les CPCT sont implantés
dans les grandes villes,

00:01:52.711 --> 00:01:54.849
et en général, subventionnés

00:01:54.849 --> 00:01:57.649
par les conseils généraux
ou les municipalités.

00:01:59.279 --> 00:02:03.806
Ils répondent à trois enjeux 
que je liste rapidement,

00:02:03.806 --> 00:02:07.702
ensuite, je passerai à une partie
un peu plus clinique

00:02:07.702 --> 00:02:10.993
pour que vous ayez 
une idée du travail qui s'y fait.

00:02:11.773 --> 00:02:14.770
D'abord, des enjeux cliniques :
plusieurs centaines de patients

00:02:14.770 --> 00:02:16.291
nous sont adressés chaque année,

00:02:16.291 --> 00:02:20.380
soit par les structures sociales,
soit par les structures associatives,

00:02:21.360 --> 00:02:23.249
donc il y a un partenariat qui se fait.

00:02:23.249 --> 00:02:26.759
C'est vraiment l'idée d'implanter
la psychanalyse dans la cité,

00:02:26.759 --> 00:02:30.387
et non pas la laisser,
comme souvent on l'imagine,

00:02:30.387 --> 00:02:33.746
dans une tour d'ivoire 
ou réservée à certains.

00:02:35.236 --> 00:02:37.536
Premier enjeu, enjeu clinique :

00:02:37.536 --> 00:02:41.079
mettre la psychanalyse
à la portée du tutti quanti.

00:02:41.499 --> 00:02:45.823
Deuxième enjeu : enjeu de recherche.

00:02:46.203 --> 00:02:48.878
Au fond, la question 
qu'on s'est posée en 2007,

00:02:48.878 --> 00:02:53.837
c'est : que devient l'acte analytique 
à partir du moment où on fait sauter

00:02:53.837 --> 00:02:58.410
les standards habituels
qui sont le paiement et la durée ?

00:02:58.410 --> 00:03:01.696
La durée qui est posée,
au départ, comme illimitée,

00:03:01.696 --> 00:03:05.006
alors que là, on a un traitement 
qui est limité dans le temps.

00:03:05.006 --> 00:03:07.595
Donc on fait sauter ces deux standards,

00:03:07.595 --> 00:03:09.780
qu'est-ce qui reste de l'acte analytique ?

00:03:10.620 --> 00:03:15.179
Ces résultats de recherche
sont mis régulièrement à ciel ouvert

00:03:16.319 --> 00:03:20.821
au cours de conférences publiques
qu'on appelle des rendez-vous cliniques.

00:03:20.821 --> 00:03:24.782
C'est une façon de restituer 
les produits du travail.

00:03:26.352 --> 00:03:31.645
Il y a également des enjeux politiques
dont vous avez peut-être entendu parler,

00:03:31.645 --> 00:03:34.321
c'est-à-dire dans le débat,
qui parfois tourne au combat,

00:03:34.321 --> 00:03:37.361
entre la psychanalyse
et d'autres méthodes.

00:03:37.711 --> 00:03:45.108
C'est au fond ne pas déserter 
le terrain des traitements courts.

00:03:45.108 --> 00:03:47.051
Il y a des enjeux aussi.

00:03:48.061 --> 00:03:49.883
Le dispositif est le suivant :

00:03:49.883 --> 00:03:53.733
la personne est reçue par un consultant
dans un premier temps,

00:03:53.733 --> 00:03:56.438
pour déterminer
l'opportunité du traitement

00:03:56.438 --> 00:04:00.198
et, point important,
dégager les enjeux d'un travail,

00:04:00.198 --> 00:04:02.593
ce qu'on ne fait pas 
dans une cure classique.

00:04:02.593 --> 00:04:07.331
On n'essaye pas de serrer 
une question ou un objectif a priori.

00:04:10.271 --> 00:04:13.512
Le traitement est ensuite 
assuré par un autre clinicien.

00:04:15.112 --> 00:04:17.978
Il n'est pas question 
de psychanalyse en modèle réduit,

00:04:17.978 --> 00:04:18.959
vous l'entendez,

00:04:18.959 --> 00:04:21.829
il s'agit de sensibiliser
à la relation analytique

00:04:21.829 --> 00:04:26.689
en mettant en œuvre de façon preste,
pragmatique, les concepts.

00:04:26.689 --> 00:04:31.557
Au fond, on se rend compte que parfois,
la levée d'un seul refoulement

00:04:31.557 --> 00:04:36.442
permet au sujet de rebondir
ou de sortir d'une impasse subjective.

00:04:36.442 --> 00:04:41.633
Sans engager vraiment un travail de fond,
ça permet de débloquer les choses.

00:04:45.073 --> 00:04:48.086
Les deux moments cruciaux de l'analyse,
vous le savez peut-être,

00:04:48.086 --> 00:04:53.200
sont, comme aux échecs,
le début de partie et la fin de partie.

00:04:53.930 --> 00:04:57.878
J'ai donc choisi de vous faire part
de quelques entretiens préalables

00:04:57.878 --> 00:05:00.545
où se repère l'ouverture à l'inconscient.

00:05:01.255 --> 00:05:03.270
Tous ces sujets dont je vais vous parler -

00:05:03.270 --> 00:05:06.290
rapidement bien entendu,
on appelle ça des vignettes cliniques -

00:05:06.290 --> 00:05:08.742
tous ces sujets sont aux prises,
vous allez le voir,

00:05:08.742 --> 00:05:10.572
avec la question de la solitude,

00:05:10.572 --> 00:05:13.614
mais il y a une vérité cynique
de la psychanalyse

00:05:13.614 --> 00:05:16.083
qu'il faut rappeler de façon
un peu laconique, là :

00:05:16.503 --> 00:05:17.686
on est seul, au fond,

00:05:17.686 --> 00:05:20.706
quand on est enfermé
dans sa prison de fantasmes,

00:05:20.706 --> 00:05:24.457
de nostalgie, d'ennui, de haine, etc.

00:05:25.067 --> 00:05:27.564
C'est une solitude psychique d'abord.

00:05:28.914 --> 00:05:31.921
Derrière tout ça, il y a souvent 
une insatisfaction secrète.

00:05:33.311 --> 00:05:37.094
Freud espérait que chaque sujet
puisse traduire dans sa langue

00:05:37.094 --> 00:05:43.159
cette part secrète, obscure, de l'être,
pour rentrer dans un lien à l'autre.

00:05:43.159 --> 00:05:45.994
C'est un peu cette tâche qu'on poursuit.

00:05:46.554 --> 00:05:50.548
Comment sortir d'abord
de sa propre solitude ?

00:05:51.538 --> 00:05:55.950
Voici quelques vignettes assez rapides
que j'ai construites de façon resserrée

00:05:56.850 --> 00:06:00.712
puisque je reçois en première intention 
depuis deux ans maintenant.

00:06:01.702 --> 00:06:04.647
La première vignette
que j'ai appelée « l'amoureuse ».

00:06:05.277 --> 00:06:08.846
Avec cette patiente, 
la consultation a été ultra-rapide

00:06:08.846 --> 00:06:10.230
parce qu'elle était en retard

00:06:10.230 --> 00:06:12.756
mais surtout parce que
la teneur de l'entretien

00:06:12.756 --> 00:06:16.588
a permis de conclure très vite
et dire oui au traitement.

00:06:17.818 --> 00:06:20.347
Madame B est une femme de la quarantaine.

00:06:20.347 --> 00:06:22.792
Elle est, en arrivant, sur un petit nuage.

00:06:22.792 --> 00:06:27.981
Heureuse, gaie, souriante,
elle est amoureuse et ravie de l'être.

00:06:28.861 --> 00:06:32.033
Le problème est que l'homme
qu'elle aime et dont elle est aimée,

00:06:32.373 --> 00:06:34.656
n'est pas son mari
mais un collègue de travail.

00:06:35.696 --> 00:06:37.396
Elle est dans l'embarras.

00:06:38.366 --> 00:06:42.402
Nous lui disons : « Vous ne demandez
tout de même pas au CPCT 


00:06:42.402 --> 00:06:43.951
de vous guérir de l'amour ? »

00:06:46.331 --> 00:06:48.561
« Eh bien, c'est
tout à fait ça ! » dit-elle.

00:06:48.561 --> 00:06:53.046
Elle dépeint l'homme que je crois être
son amant dans un premier temps,

00:06:53.046 --> 00:06:57.230
comme l'opposé de son mari :
il est attentif, il est charmant,

00:06:57.230 --> 00:07:01.288
il lui fait des compliments 
et surtout, il lui parle beaucoup.

00:07:02.438 --> 00:07:06.974
Treize ans de vie commune ont usé
son couple, le désir a disparu.

00:07:07.754 --> 00:07:10.487
Le mari se doute de quelque chose,

00:07:10.487 --> 00:07:11.797
il la harcèle,

00:07:11.797 --> 00:07:14.297
mais quand elle veut parler,
dit-elle, plus personne.

00:07:15.327 --> 00:07:20.171
Au fond, elle a son idée sur la manière
de résoudre le conflit.

00:07:24.441 --> 00:07:28.513
Quelle est cette façon qu'elle imagine,

00:07:28.513 --> 00:07:31.297
surprenante, de résoudre les choses ?

00:07:31.297 --> 00:07:34.768
Il faudrait qu'on l'aide, dit-elle, 
à « transposer » -

00:07:34.768 --> 00:07:37.198
c'est vraiment son mot -

00:07:37.198 --> 00:07:39.661
ce nouvel amour sur son mari.

00:07:40.741 --> 00:07:43.894
Autrement dit, elle voudrait 
faire revenir les couleurs d'origine,

00:07:43.894 --> 00:07:45.715
comme dit Souchon.

00:07:45.715 --> 00:07:48.775
Cet amour nouveau lui fait 
du bien mais la rend coupable.

00:07:49.735 --> 00:07:54.027
Nous lui demandons explicitement 
ce qu'il en est de sa sexualité.

00:07:55.597 --> 00:07:59.283
Il n'y en a pas,
la relation est platonique.

00:08:00.063 --> 00:08:01.838
S'est-elle refusée ?

00:08:01.838 --> 00:08:04.558
Non, l'homme ne l'a pas proposé.

00:08:05.258 --> 00:08:07.936
Voudrait-elle de cette aventure ?

00:08:07.936 --> 00:08:09.316
C'est toujours non.

00:08:10.321 --> 00:08:14.543
Au fond, avec les deux partenaires,
elle se prive de l'orgasme.

00:08:14.843 --> 00:08:17.458
La solitude de ce sujet est sexuelle.


00:08:18.468 --> 00:08:22.882
L'analyste lui dit :
« Ces deux hommes que tout oppose

00:08:22.882 --> 00:08:26.615
ne sont pas si différents pour vous,
de ce point de vue.

00:08:27.495 --> 00:08:29.402
Elle n'a jamais vu ça comme ça.

00:08:29.892 --> 00:08:32.898
La surprise signe 
la mobilisation de l'inconscient

00:08:33.248 --> 00:08:35.943
et permet l'ouverture 
du travail psychique.

00:08:36.893 --> 00:08:39.573
Le ton de l'entretien
n'est plus du tout à la légèreté.

00:08:40.383 --> 00:08:44.427
Faire surgir le désir, 
fût-ce par son absence,

00:08:44.427 --> 00:08:50.069
sous le voile trompeur de l'amour -
ou idéalisant, on peut dire, de l'amour -

00:08:50.069 --> 00:08:52.662
permet d'arrêter l'entretien
sur un instant de voir

00:08:52.662 --> 00:08:54.742
et d'ouvrir le temps du traitement.

00:08:55.052 --> 00:08:57.282
Sa question est remise à l'endroit.

00:08:57.282 --> 00:09:01.038
Voilà un petit peu comment 
s'est amorcé pour ce sujet

00:09:01.638 --> 00:09:05.411
le travail dans un temps très court
de dix minutes, un quart d'heure.

00:09:06.321 --> 00:09:09.531
Deuxième vignette, « le chouchou »,
je l'ai appelé le chouchou.

00:09:09.891 --> 00:09:11.681
Ce sujet est dans l'urgence.

00:09:11.681 --> 00:09:13.581
Sans travail depuis deux ans,

00:09:13.581 --> 00:09:16.841
il voit sa vie de couple
se dégrader une fois de plus.

00:09:17.511 --> 00:09:20.551
Il a dégagé le cycle infernal 
dans lequel il est pris.

00:09:21.024 --> 00:09:24.354
Il met en place des choses 
et ne les assume pas.

00:09:25.245 --> 00:09:27.343
Il traîne cela depuis l'adolescence.

00:09:27.863 --> 00:09:31.498
Au lycée, il ne travaillait pas,
à l'université non plus.

00:09:32.038 --> 00:09:34.584
Il se plaint de ne pas savoir se battre.

00:09:34.584 --> 00:09:36.930
Il a beaucoup démissionné de ses emplois


00:09:36.930 --> 00:09:39.942
et dans sa vie de couple, 
il a toujours fui.

00:09:41.582 --> 00:09:44.552
Nous remarquons : « C'est embêtant,

00:09:44.962 --> 00:09:47.377
le CPCT exige un certain travail.

00:09:48.145 --> 00:09:52.441
Nous ne vous demandons pas d'argent,
mais un travail psychique. »

00:09:53.601 --> 00:09:55.213
Quelle est son hypothèse ?

00:09:55.213 --> 00:09:57.423
Que s'est-il passé à l'adolescence ?

00:09:57.853 --> 00:10:01.227
Il s'est renfermé, dit-il, 
il faisait la gueule.

00:10:01.747 --> 00:10:04.145
Sa mère d'ailleurs l'appelait « l'ours ».

00:10:04.545 --> 00:10:07.366
Ours est le nom de solitude de ce sujet.

00:10:08.116 --> 00:10:10.292
Il rejetait la société et ses standards :

00:10:10.486 --> 00:10:12.786
être bon, rapide, performant.

00:10:13.506 --> 00:10:15.817
Il se sentait décalé 
même avec ses copains.

00:10:16.417 --> 00:10:19.535
« Rien n'a duré, dit-il,
et aujourd'hui je suis seul. »

00:10:20.125 --> 00:10:22.888
Dans cette famille nombreuse,
il était déjà seul.

00:10:23.168 --> 00:10:26.361
Et aujourd'hui encore, il n'arrive 
même plus à parler à sa femme.

00:10:26.751 --> 00:10:30.767
Nous insistons, que s'est-il
passé à l'adolescence ?

00:10:32.217 --> 00:10:37.557
« Dans la fratrie des six enfants, 
étonnamment, c'était moi le chouchou.

00:10:38.667 --> 00:10:41.189
J'ai toujours entendu :
''Tu es le plus beau,

00:10:41.189 --> 00:10:43.946
le plus gentil, le plus intelligent." »

00:10:44.546 --> 00:10:47.067
Mais c'est un bon début dans la vie, ça !

00:10:47.247 --> 00:10:51.805
Lui, songeur : « Et j'ai tout fait
pour gâcher ça. »

00:10:52.605 --> 00:10:57.339
L'analyste interprète :
« Non, je ne crois pas.

00:10:58.008 --> 00:11:01.472
Je pense au contraire que vous faites tout
pour rester le chouchou.

00:11:01.832 --> 00:11:05.924
Vous êtes toujours dans cette position,
l'autre vous doit tout

00:11:05.924 --> 00:11:10.769
et vous n'avez aucun effort à faire,
et d'ailleurs, vous n'en faites pas. »

00:11:11.589 --> 00:11:14.190
Ce renversement de perspective
le fait sourire,

00:11:14.190 --> 00:11:16.190
mais ne l'étonne pas vraiment.

00:11:16.190 --> 00:11:20.141
Nous arrêtons l'entretien ;
voilà une bonne piste de travail.

00:11:21.151 --> 00:11:24.662
Ici, le surgissement
de l'identification au chouchou -

00:11:24.662 --> 00:11:27.527
identification ancienne 
mais toujours active

00:11:27.527 --> 00:11:30.359
qui immobilise le sujet,
vous l'avez entendu,

00:11:30.359 --> 00:11:32.189
l'autre versant de l'ours -

00:11:32.189 --> 00:11:36.743
laisse entrevoir le point secret 
de jouissance qui fait sa solitude :

00:11:36.743 --> 00:11:40.947
il ne travaille pas, il attend 
que l'autre travaille pour lui.

00:11:42.477 --> 00:11:44.910
C'est le point secret de sa solitude.

00:11:45.230 --> 00:11:47.270
Vraie ou fausse, l'hypothèse a le mérite

00:11:47.270 --> 00:11:50.555
d'amorcer le travail psychique 
et de lui donner une orientation.

00:11:50.905 --> 00:11:58.677
Donc, voilà encore une ouverture 
et un démarrage de travail.

00:11:59.257 --> 00:12:02.701
Troisième vignette, que j'ai appelée
« le mari de la sorcière ».

00:12:03.601 --> 00:12:06.958
Chez ce sujet, au contraire,
la solitude est inassumée

00:12:07.318 --> 00:12:10.944
et niée au point de constituer 
une objection au traitement.

00:12:12.114 --> 00:12:15.668
La consultation produit 
une pseudo-hystérisation

00:12:15.668 --> 00:12:19.350
mais cela ne suffit pas pour faire
une demande de traitement recevable.

00:12:20.220 --> 00:12:24.219
Le sujet sera invité à reprendre 
un rendez-vous ultérieurement,

00:12:24.219 --> 00:12:25.840
ce qu'il ne fera pas.

00:12:26.400 --> 00:12:29.862
Le problème est mis en scène
d'emblée de façon théâtrale

00:12:29.862 --> 00:12:31.307
chez ce jeune comédien,

00:12:31.307 --> 00:12:34.180
il commence en disant :
« J'ai combien de temps ? »

00:12:34.870 --> 00:12:36.948
Puis il décrit avec force détails

00:12:36.948 --> 00:12:42.280
de violentes scènes de ménage
où sa compagne, dépeinte comme une folle,

00:12:42.280 --> 00:12:46.389
menace de le poignarder, 
menace de se jeter par la fenêtre.

00:12:46.719 --> 00:12:50.486
Le couple se bat, s'insulte, 
s'envoie des objets à la figure,

00:12:50.486 --> 00:12:53.763
et tout cela devant
deux enfants en bas âge.

00:12:54.343 --> 00:12:58.747
M. M met tout sur le compte
de la maladie mentale de sa compagne.

00:12:59.277 --> 00:13:02.131
Il l'a même suivie chez sa psychanalyste

00:13:02.131 --> 00:13:05.561
qu'il a appelée par la suite pour dénoncer
les comportements de sa femme

00:13:05.561 --> 00:13:08.349
et s'assurer qu'elle ait bien dit
ce qu'il fallait dire.

00:13:09.219 --> 00:13:13.708
Depuis peu, ayant appris
qu'elle avait pris rendez-vous au CPCT,

00:13:13.708 --> 00:13:15.774
il fait au fond la même démarche

00:13:15.774 --> 00:13:19.099
en espérant qu'on l'aiderait 
à comprendre cette furie.

00:13:19.899 --> 00:13:24.090
Il méconnaît totalement qu'à se faire
témoin des crises de cette femme,

00:13:24.090 --> 00:13:27.510
il alimente une jouissance 
à deux démesurée,

00:13:28.280 --> 00:13:31.436
jouissance qu'il tente ici 
de faire partager au clinicien.

00:13:32.296 --> 00:13:33.938
L'analyste finit par lui dire :

00:13:34.638 --> 00:13:37.409
« C'est un vrai psychodrame,
votre vie de couple ! »

00:13:38.389 --> 00:13:40.071
Il ne se démonte pas.

00:13:41.261 --> 00:13:43.522
« Pourquoi cela vous arrive-t-il à vous ?

00:13:44.102 --> 00:13:46.853
- C'est une sorcière, » dit-il,
mais il aime cette femme.

00:13:47.773 --> 00:13:53.014
Il attend du CPCT l'opération même 
qu'il met en oeuvre dans la consultation -

00:13:53.014 --> 00:13:56.563
il répète plusieurs fois,
« il s'agit de vider un trop-plein » -

00:13:56.913 --> 00:14:00.989
soit se délecter de la narration
de disputes qui dégénèrent.

00:14:00.989 --> 00:14:03.510
Entrevoit-il une causalité à tout cela ?

00:14:03.940 --> 00:14:06.827
C'est parce qu'elle a arrêté
sa psychothérapie.

00:14:07.877 --> 00:14:11.255
Nous l'incitons à tenir ses deux enfants
à l'écart des combats.

00:14:11.255 --> 00:14:15.993
En revanche, nous estimons qu'il n'est pas
prêt pour engager un travail de parole.

00:14:16.643 --> 00:14:21.769
Aucune ouverture ne s'est faite
pendant ce travail préliminaire,

00:14:21.769 --> 00:14:24.703
aucun bougé ne s'est avéré possible.

00:14:24.703 --> 00:14:28.595
Il ne repère pas l'usage de jouissance
qu'il fait de sa parole.

00:14:28.985 --> 00:14:33.886
Mieux vaut dire non à son idée
que le CPCT s'occuperait de son couple.

00:14:35.246 --> 00:14:39.902
Au fond, il est venu alerter le centre
de la dangerosité de sa femme

00:14:39.902 --> 00:14:43.774
comme il l'a fait par téléphone 
avec la psychanalyste de celle-ci.

00:14:44.584 --> 00:14:49.305
Là, c'est un non, le sujet est invité 
à réfléchir, à reprendre rendez-vous,

00:14:50.025 --> 00:14:55.812
ça fait une scansion, il n'insistera pas.

00:14:56.882 --> 00:15:02.128
Dernière petite vignette,
« la jeune fille au petit cadre ».

00:15:02.918 --> 00:15:06.057
C'est un cas pour lequel 
j'ai hésité à dire oui au traitement,

00:15:06.057 --> 00:15:08.122
j'ai donc demandé
à la patiente de revenir.

00:15:08.762 --> 00:15:11.679
Il s'agit d'une étudiante 
qui se dit déboussolée.

00:15:11.879 --> 00:15:15.591
Elle sort d'une relation homosexuelle
qui a été très dure pour elle.

00:15:15.591 --> 00:15:18.651
Elle a dépassé ses limites 
pour garder sa partenaire.

00:15:19.391 --> 00:15:21.982
C'est dans le fil d'une vie décousue

00:15:22.412 --> 00:15:25.283
qu'elle mène en collant
à la demande de l'autre.

00:15:26.303 --> 00:15:29.862
Elle peut rester trois jours
chez un hôte qui l'a invitée pour un soir

00:15:29.862 --> 00:15:32.995
sans tenir compte aucun 
de son cursus universitaire.

00:15:34.085 --> 00:15:37.510
En découvrant peu à peu 
sa pente à la soumission,

00:15:37.510 --> 00:15:38.423
elle a pris peur,

00:15:38.423 --> 00:15:40.423
c'est ce qui motive sa demande.

00:15:40.903 --> 00:15:43.661
Elle est attirée, dit-elle,
par les grandes méchantes.

00:15:44.401 --> 00:15:48.043
Avec sa copine, elle se laissait faire
au point de disparaître.

00:15:48.813 --> 00:15:52.303
Autre point important, elle a noué 
une relation amoureuse

00:15:52.303 --> 00:15:56.106
avec sa psychothérapeute quelque temps
après l'arrêt des séances

00:15:56.587 --> 00:15:59.706
de sa dernière psychothérapie.

00:16:00.286 --> 00:16:03.577
Des éléments laissent planer 
un doute sur la gravité du cas :

00:16:03.577 --> 00:16:06.806
des bizarreries de langage,
de la confusion,

00:16:06.806 --> 00:16:09.368
presque rien sur son histoire familiale

00:16:09.368 --> 00:16:11.968
et une ambiguïté
sur l'orientation sexuelle.

00:16:12.568 --> 00:16:14.793
Je décide de la faire revenir.

00:16:15.163 --> 00:16:17.018
Au second rendez-vous, elle est absente

00:16:17.018 --> 00:16:18.475
mais elle téléphone :

00:16:18.475 --> 00:16:20.512
elle s'est endormie, dit-elle,

00:16:20.512 --> 00:16:24.003
et saisit l'occasion de me questionner,
un peu suspicieuse,

00:16:24.003 --> 00:16:26.329
sur la raison de ce deuxième entretien.

00:16:27.826 --> 00:16:30.976
Je prends le temps au téléphone 
de lui expliquer que j'ai besoin

00:16:30.976 --> 00:16:34.348
de mieux la connaître pour décider
d'une orientation de travail.

00:16:34.868 --> 00:16:37.830
Au deuxième rendez-vous, 
elle est alors beaucoup plus précise,

00:16:37.830 --> 00:16:39.272
beaucoup plus déterminée

00:16:39.272 --> 00:16:43.192
et à la fin, me demande
explicitement de la recevoir,

00:16:43.192 --> 00:16:45.353
que ce soit moi
le consultant qui la reçoive.

00:16:45.893 --> 00:16:49.108
esquissant déjà
son savoir-y-faire avec l'autre.

00:16:49.838 --> 00:16:53.206
Son problème, dit-elle, est qu'elle se met
dans des situations limites.

00:16:53.606 --> 00:16:57.204
Par exemple, elle est toujours en retard 
et perd énormément de temps.

00:16:57.884 --> 00:17:01.302
« J'ai besoin
d'un petit cadre », dira-t-elle.

00:17:01.702 --> 00:17:05.473
Eh bien au CPCT, vous aurez à faire
à un petit cadre, justement.

00:17:06.303 --> 00:17:11.793
Nous lui rappelons rapidement 
le cadre de travail.

00:17:12.263 --> 00:17:16.037
Enfin, elle amène des éléments
sur son histoire :

00:17:16.037 --> 00:17:20.256
un père violent, qui impose 
durement les choses,

00:17:20.256 --> 00:17:23.438
et qui la lâche brutalement 
à l'âge de 13 ans.

00:17:23.438 --> 00:17:26.999
Elle séjourne de plus en plus longuement
chez une grand-mère trop laxiste

00:17:26.999 --> 00:17:31.606
puis finit par y habiter ;
la mère, en dépression, a laissé faire.

00:17:32.176 --> 00:17:35.451
Son père a parlé beaucoup 
mais n'exigeait plus rien, dit-elle.

00:17:35.671 --> 00:17:38.090
À 17 ans, elle faisait ce qu'elle voulait.

00:17:38.960 --> 00:17:43.376
Actuellement, elle vit du RSA
mais soutire de l'argent au père.

00:17:43.866 --> 00:17:48.918
On a déjà repéré qu'elle voulait
lui faire payer l'addition, quand même.

00:17:48.918 --> 00:17:52.025
Ce temps préliminaire
en trois phases logiques a permis

00:17:52.025 --> 00:17:56.545
que se dénude la question à traiter
chez ce sujet, celle de la limite.

00:17:56.935 --> 00:18:01.081
Sa demande ambiguë du petit cadre
se manifeste très vite

00:18:01.081 --> 00:18:03.271
dans ce que nous appelons le transfert.

00:18:03.271 --> 00:18:05.634
C'est-à-dire, d'abord
elle bouscule le cadre

00:18:05.634 --> 00:18:08.414
en oubliant le deuxième rendez-vous

00:18:08.414 --> 00:18:11.124
et ensuite en demandant 
un traitement d'exception :

00:18:11.574 --> 00:18:16.229
être reçue par celui même dont elle sait
qu'il n'est là que pour la consultation.

00:18:18.769 --> 00:18:22.919
Au fond, la piste de travail 
s'impose d'elle-même.

00:18:22.919 --> 00:18:27.584
C'est la question de la limite 
qu'il va falloir qu'elle traite.

00:18:27.584 --> 00:18:35.637
Le travail psychique peut s'engager
sur ce petit moment préliminaire

00:18:35.637 --> 00:18:38.251
où on repère trois temps déjà.

00:18:38.561 --> 00:18:41.990
Pour conclure, je dirais
que nous faisons le pari,

00:18:42.630 --> 00:18:47.449
dans ces temps assez courts
mais qui ont une certaine teneur,

00:18:47.449 --> 00:18:54.409
nous faisons le pari qu'en rencontrant 
un fragment de ce qui lui appartient

00:18:54.409 --> 00:18:56.567
mais de ce qui est caché à lui-même,

00:18:56.567 --> 00:18:58.945
c'est-à-dire au fond,
un fragment de l'inconscient,

00:18:58.945 --> 00:19:01.904
le sujet reparte de la consultation

00:19:01.904 --> 00:19:05.472
avec l'idée que quelque chose
en lui veut être dit,

00:19:05.472 --> 00:19:11.142
soit le désir de prendre la parole 
et d'écorner sa solitude.

00:19:11.612 --> 00:19:12.787
Je vous remercie.

00:19:12.787 --> 00:19:14.881
(Applaudissements)