Une jeune fille de neuf ans, témoin de premier plan de l'exode de populations civiles, fuyant l'avancée de troupes étrangères, gardera toute sa vie, même en temps de paix, la crainte de perdre les siens. Quand 25 ans plus tard, son pays sera de nouveau envahi, elle confectionnera pour ses enfants de petits bracelets portant leur nom et leur adresse, dans l'éventualité d'une séparation forcée. Cette jeune femme s'appelait Mathilde, était française, et vivait à Villemomble, à l'est de Paris, tout près d'ici. Nous avons la mémoire courte. Nous aussi, nous avons connu l'exil. L'histoire de l'Europe est empreinte du vécu et de l'expérience de déplacements massifs de populations civiles fuyant la guerre. Mathilde était ma grand-mère. Près de cent ans plus tard, Mounzon, jeune Syrienne de 14 ans, a trouvé refuge dans le camp d'Azraq, en Jordanie. Non seulement, aujourd'hui, Mounzon a pu poursuivre avec succès ses études en Jordanie, mais elle est également une actrice engagée de l'accès des réfugiés syriens à l'éducation, plus particulièrement celui des filles. L'abnégation dont font preuve les réfugiés syriens à mener une existence la plus ordinaire possible est remarquable. En tant que directeur adjoint du HCR pour le Moyen-Orient, j'ai eu le privilège de découvrir le courage, la résilience, et la dignité, dont font preuve les réfugiés par rapport à l'exil. Et également de découvrir l'ensemble des aides qui leur sont apportées. Si depuis 2015, plus de 500 000 réfugiés syriens ont [gagné] l'Europe par la route des Balkans, la majorité vit toujours au Moyen-Orient. 4,8 millions de réfugiés syriens sont enregistrés dans les principaux pays hôtes : la Turquie, le Liban, la Jordanie, l'Irak et l'Égypte. Aujourd'hui, un habitant sur quatre au Liban est un réfugié syrien. Ramené à l'échelle européenne, cela signifierait 125 millions de réfugiés syriens en Europe. Seuls 20% des réfugiés syriens résident dans des camps, la majorité réside au sein de communautés locales. Composé de préfabriqués organisés en damier, Zaatari, en Jordanie, est le plus grand camp de réfugiés syriens. Établie en moins d'un an, sa population de 80 000 résidents est équivalente à celle d'une ville comme La Rochelle. Le quotidien de Zaatari a tous les attributs de la vie d'une localité de cette taille. Questions de logement, avec l'attribution des préfabriqués, assistance aux plus démunis, questions d'éducation, de santé, implication des réfugiés dans la gestion du camp. La vie du camp est une véritable ruche d'activité dès les premières heures. Sa vie s'organise autour des commerces situés sur l'artère principale qui traverse le camp, autour des écoles, des structures de santé, et des installations sanitaires. Dans un contexte très différent, les réfugiés résidant au milieu des communautés locales font aussi face à de multiples défis. Pour la majeure partie, ils subviennent à leurs besoins grâce à leurs propres économies, mais aussi aux revenus très modestes des emplois informels qu'ils ont réussi à trouver. Notamment dans l'agriculture et la construction. Certains louent une ou deux pièces pour 100 ou 200 dollars par mois, garage, établi, remise, que les propriétaires ont décidé de louer. D'autres occupent des bâtiments publics désaffectés, ou ont établi des centres communautaires. Le quotidien des réfugiés syriens est précaire, et, chaque jour, le devient de plus en plus. 70% des populations réfugiées syriennes au Liban et 86% en Jordanie, vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Les dettes contractées par les réfugiés, pour subvenir à leurs besoins quotidiens, s'accroissent dramatiquement. Un nombre de plus en plus important de réfugiés font aussi appel, ont recours, à des stratégies de survie négatives. On retire les enfants des écoles pour les faire travailler, mendicité, mariage de plus en plus précoces des filles, et prostitution. Nous devons les protéger. Dans les pays limitrophes de la Syrie, l'aide aux réfugiés est organisée à plusieurs niveaux. En première ligne, les communautés locales. Le second niveau est constitué des autorités nationales et municipales, qui ont fait preuve d'un courage et d'une générosité exemplaires en accueillant 4,8 millions de réfugiés. Le quotidien des réfugiés est précaire, et le devient de plus en plus. Les réfugiés ont contracté de plus en plus de dettes pour subvenir à leurs besoins quotidiens. Les pays de la région contribuent à un bien public global, c'est-à-dire une action dont la responsabilité doit être partagée. Et il est vital que cette responsabilité soit partagée, car elle est de l'intérêt général. Malheureusement, la responsabilité principale continue de résider avec les pays hôtes, qui continuent aussi à en supporter la majorité des coûts. Facette importante d'une répartition plus égale de l'aide internationale en faveur de l'aide aux réfugiés, le HCR promet la réinstallation d'un nombre croissant de réfugiés hors de la région à travers différentes voies légales, la réinstallation classique, visas étudiants, visas de travail, et réunification familiale. Comme l'a souligné le haut-commissaire aux réfugiés, les réfugiés méritent investissements et actions au pluriel, et non indifférence et cruauté. Accueillir et soutenir des réfugiés fuyant bombardements, viols, et conditions de survie de plus en plus précaires, ce n'est pas un acte de charité, c'est une obligation légale prescrite par le droit international, c'est un devoir commun de notre humanité, il en est de l'intérêt général. Merci. (Applaudissements)