Je veux vous parler aujourd'hui d'un sujet difficile qui me concerne de près, et qui est plus près de vous que vous ne pourriez le penser. Je suis arrivé au Royaume-Uni il y a 21 ans en tant que demandeur d'asile. J'avais 21 ans. J'ai été forcé de quitter la République démocratique du Congo, mon pays, où j'étais un étudiant activiste. J'aimerais beaucoup que mes enfants puissent rencontrer ma famille au Congo. Laissez-moi vous expliquer en quoi le Congo vous concerne. Mais tout d'abord, je veux vous demander de me faire une faveur. Pouvez-vous s'il vous plait mettre la main dans votre poche et sortir votre téléphone cellulaire ? Sentez ce poids familier, comme vos doigts glissent naturellement vers les boutons. (Rires) Pouvez-vous imaginer votre monde sans lui ? Il nous relie à ceux que nous aimons, notre famille, nos amis et nos collègues, chez nous et outre-mer. C'est le symbole d'un monde interconnecté. Mais ce que vous tenez dans la main laisse une traînée de sang, qui se résume en un minéral : le tantale, qu'on extrait au Congo sous forme de coltan. C'est un conducteur de chaleur anticorrosif. Il emmagasine l'énergie dans nos téléphones cellulaires, nos Playstations et nos ordinateurs portables. On l'utilise dans les équipements aérospatiaux et médicaux sous forme d'alliages. Il est si puissant que seules de petites quantités sont nécessaires. Ça serait parfait si l'histoire se terminait ainsi. Malheureusement, ce que vous tenez dans la main a non seulement permis un développement technologique et une expansion industrielle incroyables, mais il a aussi contribué à des souffrances humaines inimaginables. Depuis 1996, plus de 5 millions de gens sont morts dans la République démocratique du Congo. Un nombre incalculable de femmes, d'hommes et d'enfants ont été violés, torturés ou réduits à l'esclavage. Le viol est utilisé comme une arme de guerre, il inspire la peur, et il vide des zones entières de leur population. La quête pour l'extraction de ce minerai a non seulement facilité la guerre qui est en cours au Congo, mais elle l'a alimentée. Mais ne jetez pas vos téléphones tout de suite. 30 000 enfants sont enrôlés et forcés à combattre en groupes armés. Le Congo a régulièrement des chiffres épouvantables dans les classements mondiaux concernant la santé et la pauvreté. Pourtant le Programme des Nations Unies pour l'environnement a estimé la richesse du pays à plus de 24 billions de dollars. L'industrie minière réglementée par l'État s'est effondrée, et le contrôle des mines a volé en éclats. Le coltan est facilement contrôlé par des groupes armés. Une route commerciale illicite bien connue est celle qui traverse la frontière vers le Rwanda, où le tantale congolais est déguisé en tantale rwandais. Mais ne jetez pas vos téléphones tout de suite, parce que l'ironie incroyable est que la technologie qui a imposé de telles exigences non viables et dévastatrices sur le Congo est la même technologie qui a attiré notre attention sur cette situation. Tout ce que nous savons de la situation au Congo et à propos des mines, nous le savons grâce au type de communication que permet le téléphone cellulaire. Comme pour le printemps arabe, lors des récentes élections au Congo, les électeurs ont pu envoyer des textos des bureaux de votes aux quartiers généraux dans la capitale, Kinshasa, et dans dans le sillage des résultats, la diaspora s'est jointe au Carter Center, à l'Église catholique et aux autres observateurs pour attirer l'attention sur le résultat antidémocratique. Le téléphone cellulaire a donné aux gens dans le monde entier un outil important pour obtenir leur liberté politique. Il a vraiment révolutionné la façon dont nous communiquons sur la planète. Il a permis à des changements politiques capitaux d'avoir lieu. Alors nous sommes confrontés à un paradoxe. Le téléphone cellulaire est un instrument de liberté et un instrument d'oppression. TED a toujours encensé ce que la technologie peut faire pour nous, la technologie sous sa forme aboutie. Il est temps de poser des questions à propos de la technologie. D'où vient-elle ? Qui la fabrique ? Et dans quel but ? Je suis ici et je m'adresse directement à vous, la communauté TED, et à tous ceux qui nous regardent sur un écran, sur votre téléphone, aux quatre coins du monde, au Congo. Toute la technologie est en place pour que nous communiquions, et toute la technologie est en place pour communiquer ceci. En ce moment, il n'y a pas de solution claire pour le commerce équitable, mais il y a eu des progrès énormes. Les États-Unis ont récemment adopté une loi sur les pots-de-vin et les exactions au Congo. Une loi récente du Royaume-Uni pourrait être utilisée de la même manière. En février, Nokia a dévoilé sa nouvelle politique sur son approvisionnement en minéraux au Congo, et il y a une pétition pour qu'Apple fabrique un iPhone libre de conflit. Il y a des campagnes qui se répandent à travers les campus universitaires pour que l'équipement de leurs départements ne soit pas lié à des conflits. Mais nous n'y sommes pas encore. Nous devons continuer à faire monter la pression sur les compagnies de téléphone pour qu'elles changent leurs processus d'approvisionnement. Quand je suis venu au Royaume-Uni pour la première fois, il y a 21 ans, j'avais le mal du pays. La famille et les amis que j'avais laissés derrière moi me manquaient. Les communications étaient extrêmement difficiles. Envoyer et recevoir des lettres prenait des mois, avec de la chance. Souvent, elles n'arrivaient pas. Même si j'avais pu payer les factures de téléphone pour appeler chez moi, comme la plupart des gens au Congo, mes parents n'avaient pas le téléphone. Aujourd'hui, mes deux fils David et Daniel peuvent parler à mes parents et apprendre à les connaître. Pourquoi devrions-nous permettre qu'un produit aussi merveilleux, brillant et nécessaire soit la cause de souffrances inutiles chez des êtres humains ? Nous exigeons de la nourriture équitable et des vêtements équitables. Il est temps d'exiger des téléphones équitables. C'est une idée qui vaut la peine d'être partagée. Merci. (Applaudissements)