Bonjour à tous.
Alors, je me suis demandé un moment,
justement si je devais pas me mettre
en dehors du cercle
pour faire la présentation,
parce que le thème général
de cette rencontre TEDx,
c'est « Il est temps d'agir »,
et moi je suis plutôt là pour
essayer de vous expliquer pourquoi
il est urgent de ne rien faire.
(Rires)
Alors, ceci dit, je suis sorti
d'une école militaire,
où j'ai appris la discipline,
qui peut être fort utile quand
c'est quelque chose qui est accepté.
Donc comme on m'a demandé
de me mettre dans le cercle,
ben je vais me mettre dans le cercle.
(Applaudissements)
Pendant que je faisais mes études,
puis j'ai continué après,
j'ai beaucoup lu de science-fiction
écrite par des scientifiques
comme Asimov, comme Arthur Clarke,
et puis aussi, un qui m'a beaucoup touché,
c'était Fred Hoyle, astronome qui a fait
le mont Palomar, notamment, en Californie.
Et dans un des livres de Fred Hoyle,
dans ses conférences, « Comment
fait-on pour devenir scientifique ? »
au début, il raconte,
une question qu'on lui pose souvent
Il dit : « Il y a pas de règle. »
Donc il raconte sa propre histoire :
il était né dans un petit village perdu
en Écosse, pas loin
de la frontière avec l'Angleterre,
et le soir, avec les gamins de son âge
quand il avait 8 ans,
quand les parents étaient couchés,
et eux supposés en train de dormir,
il s'échappait par la fenêtre
et il jouait à cache-cache
dans le village
en essayant de pas se faire prendre
et c'était passionnant.
Et un soir où il y avait
un beau ciel étoilé,
il était là bien caché, il est resté
de longues minutes à contempler le ciel
et il s'est dit : « J'aimerais un jour
voir comment ça fonctionne,
comment sont ces machines
qui me font rêver. »
Alors il a fait ses études,
qui à l'époque, comme en France
et un peu partout
se terminaient vers 12-13 ans
quand on avait fait les études primaires,
et il fallait, il était temps
de trouver un métier.
Aucun des métiers qu'on lui proposait,
qu'il voyait, ne lui plaisait vraiment,
jusqu'au jour où il a découvert
que ça pouvait être un métier,
de regarder les étoiles,
ça s'appelait « astronome ».
Je crois qu'il y en a à peu près
actuellement 6 000 dans le monde
qui sont payés pour regarder les étoiles.
Donc c'est un métier assez rare,
et puis il a vu aussi que
pour s'occuper des étoiles,
il valait mieux être bon en maths,
et, Fred Hoyle, qui jusque-là
était un élève extrêmement moyen,
trois mois après, était le premier
de la classe, premier en maths,
et il est devenu astronome.
Donc il y a moyen de réaliser ses rêves.
Personnellement, après mes études,
je me suis vite aperçu que
je ne connaissais pas grand chose,
pas grand chose de ma planète,
et du coup, j'ai éprouvé et j'ai décidé
de donner libre cours à ma curiosité,
qui est un des cinq piliers de la
république, qui sont, vous connaissez,
liberté, égalité, fraternité, curiosité,
c'est comme les mousquetaires,
et j'ai rajouté « curiosité ».
Donc j'ai eu une carrière en zigzag,
par des chemins de traverse,
et cette carrière donc,
finalement au bout d'un moment,
je suis rentré au pays,
et de faire de la Réunion
le centre du monde,
de mon univers, qui n'a cessé
de s'étendre à la planète Terre
et aujourd'hui depuis un congrès
en Inde l'année dernière,
de me sentir habitant
de l’atmosphère d'une étoile
puisque au centre, il y a le soleil.
Donc j'ai fait le tour de la planète,
visité peut-être pas autant de pays
qu'il n'y en a, mais un certain nombre,
et je suis rentré
dans la carrière spatiale.
Un jour j'ai découvert qu'il y avait
autre chose que la planète Terre
dans « notre » monde,
celui dans lequel on vit,
que l'astronomie, on pouvait en faire
non seulement avec des lunettes
mais maintenant ce qu'on appelle
l'astronomie de contact,
où on va voir sur place
toutes nos origines,
l'origine du système solaire,
l'origine de la planète, etc.
Je suis rentré au CNES.
Un jour, j'ai fait un rêve
qui était assez étrange,
c'est un des rêves les plus puissants
que j'ai eus dans ma vie :
il m'est apparu un billet d'avion
comme il y en avait autrefois
quand on n'avait pas
les billets électroniques
et sur ce billet, à l'endroit
où il y a marqué les destinations,
quand dans mon rêve, j'ai regardé
de plus près, il y avait écrit :
« Il n'y a pas de limite pour
la destination que vous avez choisie. »
(Rires)
Alors suivant toujours ma curiosité,
je savais faire des photocopies etc.
et je me suis retrouvé un jour
le président d'un comité mondial
d'éducation spatiale.
J'ai continué et même un jour,
j'ai poussé le bouchon...
enfin, pas le bouchon,
la petite fleur,
et il y a actuellement un letchi
qui est parti de La Réunion
qui a été un petit peu préparé
pour faire un letchi cosmonaute,
et qui depuis 6 ans et demi
tourne autour de la planète
où il a fait à peu près
un milliard et demi de kilomètres
et on le voit quelquefois
passer dans le ciel.
Non, c'est pas vrai.
(Rires)
Non, ce que j'ai vu,
au moins une demi douzaine de fois,
c'est assez, relativement facile,
j'ai vu passer la boîte
dans laquelle le letchi est en train
de flotter, de faire son voyage.
Le letchi, non, on ne peut pas le voir.
(Rires)
Alors je vais vous raconter
mes débuts dans ma carrière spatiale
qui a commencé relativement tard
et c'est vers 1980
que j'ai commencé à travailler
à l'Agence Spatiale Française,
d'abord à Toulouse, ensuite à Paris.
Pendant 25 ans, j'ai fait le grand écart
avec ma maison à l'île de La Réunion
et mon bureau à Toulouse puis à Paris.
Mais ça s'est bien passé,
et une des premières manifestations
auxquelles j'ai participé
quand je suis arrivé à Toulouse
était une conférence
donnée par un Américain
d'origine allemande,
un des compagnons
de Wernher von Braun
qui s'appelait Jesco von Puttkamer.
Et j'ai gardé quelques relations
avec Jesco von Puttkamer
qui était chargé, à l'époque,
des projets de prospective,
de futur au siège de la NASA
à Washington.
Quelques années plus tard,
ça devait être 1984,
le Figaro Magazine m'a demandé
de faire un cahier science
consacré au futur de l'espace.
Il fallait plusieurs auteurs,
j'ai demandé à Jesco von Puttkamer
s'il ne voulait pas coopérer,
et à l'occasion
d'un voyage aux États-Unis,
je l'ai rencontré à Washington.
Ça a été passionnant :
l'affaire du Figaro Magazine,
ça a duré 5 minutes, il m'a donné
quelques articles qui étaient en anglais
et m'a dit : « Tu traduis ça,
tu mets ma signature en bas,
et puis voilà. » Et on a continué
tout un après-midi
avec une conversation passionnante
parce que Jesco von Puttkamer
était aussi l'un des conseillers
techniques d'une série télévisée
qui fait encore des remous,
qui s'appelle Star Trek.
On a parlé des possibles
de l'avenir de l'humanité,
de l'évolution, etc. Et là,
Jesco von Puttkamer m'a dit :
« Dans le monde, il y a 2 sortes de gens.
On est dans un monde qui évolue,
qui change, ça on le voit tous.
Il y a les gens qui essayent
de comprendre et de s'adapter
aux changements du monde pour
rester en cohérence
et puis les gens qui ont une idée
bien calée, bien précise,
souvent développée, puissante,
de ce que le monde devrait être,
et qui essayent de changer le monde
pour qu'il corresponde à leur vision
et -- m'a dit J. von Puttkjamer --
ces gens-là peuvent être très dangereux. »
Donc voilà un premier élément de...
comment je dirais, « warning ».
Attention, avant d'agir,
on dit en français « tourner 7 fois
sa langue dans sa bouche »,
mais il y a peut-être plus aussi.
Donc comme je vous l'ai dit,
j'habite à Sainte-Rose,
vous voyez Sainte-Rose,
on a l'habitude à la Réunion
dire que Sainte-Rose, c'est loin.
Effectivement, vu sur une image
qui a été prise par la NASA
depuis les anneaux de Saturne.
C'est une des sondes de la NASA.
On voit au fond de l'image un point bleu
qui est notre chère planète,
troisième planète en partant du Soleil,
quelque part sur le petit point bleu,
il y a Sainte-Rose.
(Rires)
On a même fait une expédition
pseudo-scientifique pour vérifier
que le centre du monde était là,
il est bien...
(Rires)
Non, non, mais je vous dis ça
parce que, quand Salvador Dali
qui au cours d'un voyage people
est passé au large de Sainte-Rose
et a transféré le centre du monde
qui n'est plus à la gare de Perpignan
mais sous le pont de la Rivière de l'est
à Sainte-Rose,
et il y a quelques années,
on l'avait un peu perdu de vue
donc on a monté une expédition
de vérification. C'était pas simple.
Oh surprise, on en a trouvé deux :
l'ancien centre du monde
et le centre d'un nouveau monde,
ce qui est peut-être une chose
pour un sujet ici.
(Rires)
Bien. Donc je vous ai dit
qu'à une époque de ma vie,
j'ai présidé un comité mondial
où on se réunissait une fois par an
pour réfléchir un petit peu
à l'éducation à l'espace,
je l'ai fait pendant 7 ans,
la septième année,
je me suis dit, il faut passer la main,
donc ce sera le dernier.
Donc ce rassemblement mondial, il sera
à Sainte-Rose à l'île de La Réunion.
Et nous nous sommes retrouvés,
des Chinois, des Américains,
des Brésiliens, un cosmonaute russe,
des Européens,
des Japonais, qui étaient là à Sainte-Rose
où nous étions une quinzaine d'experts
à penser aux grands projets du futur.
Ça a été passionnant. A l'unanimité,
on commençait nos travaux
par regarder comment
est-ce qu'on voit l'avenir
à l'échelle d'une génération.
Nous étions tous des éducateurs,
privés, entreprises, université,
gouvernement, etc.
A l'unanimité, on a estimé
que l'avenir de nos grandes
institutions étatiques, enfin nationales,
politiques, économiques, sociales,
n'était pas particulièrement brillant,
mais enfin, là,
je vous apprends rien de nouveau,
parce que ça a déjà été mentionné
par un certain nombre de personnes.
Ayant fait ce constat,
comme nous étions des éducateurs,
nous nous sommes posé la question :
alors, qu'est-ce qu'on dit
aux étudiants d'aujourd'hui ?
Qu'est-ce qu'on leur raconte ?
et nos conclusions de ce séminaire
mondial à Sainte-Rose ont été...
Il y a des constantes dans la vie :
on a 24 heures par jour,
ça, c'est des constantes dures,
c'est solide, ça bouge pas.
Ces 24 heures dont on dispose et
on n'en aura pas plus, ni plus ni moins.
Ce n'est pas la peine de se fatiguer
pour essayer de sauver
des systèmes en perdition.
(Rires)
Ne pas non plus se fatiguer à essayer
de les faire chuter plus rapidement.
En temps voulu, ça va tomber
comme les feuilles.
Donc nos conclusions d'experts
de la planète étaient :
laisse tomber au niveau système,
ne te fatigue pas,
c'est absolument inutile d'agir,
et encore moins de réagir.
Au niveau système.
Donc en systémique, il y a
le niveau système,
il y a l'environnement, et
il y a les sous-systèmes.
Et en tant qu'éducateurs, il fallait
travailler tous au niveau sous-système,
c'est-à-dire les individus
dans cette société qui fait le monde,
et vu ce qu'on vient de dire,
peu importe ce qu'on fait,
ça n'a strictement aucune importance
dans le monde d'aujourd'hui,
(Rires)
mais par contre, ce qui est essentiel,
c'est ce qu'on fait, de le faire bien
et de le faire le mieux possible.
Et c'était ça notre message.
Là, je prends un petit objet ici.
(l'objet bipe)
(Rires)
Voilà. C'était en même temps
à peu près que ce séminaire.
Il y a eu en 1997 des élèves réunionnais
en coopération avec quelques
jeunes collègues du sud de la Russie
ont conçu et réalisé le premier
satellite collégial du monde
fait par des jeunes de 15 ans.
Ici, on voit une copie d'exposition
de cet objet.
Ça a été aussi
le troisième projet spatial
le plus rapide
de l'histoire de l'astronautique :
huit mois entre le moment
où ça a été décidé
et le moment où il a été
lancé dans l'espace.
Alors il faut que
je vous raconte ça aussi.
Il y a un cosmonaute russe
qui s'appelait Pavel Vinogradov.
qui était en mission à bord de Mir.
Il l'a emporté dans un sac de voyage.
Alors les antennes démontées,
parce que c'est plus facile
et puis on a remonté ça à bord.
Et un jour, c'était le 4 novembre 1997,
Pavel Vinogradov a mis
son plus beau scaphandre,
il est sorti de la station Mir avec,
là il y a un petit anneau,
c'était pour pas le perdre, il y avait
une laisse pour l'attacher
à son scaphandre.
Quand il a été dehors, bien calé,
il l'a dégoupillé et enlevé la laisse,
et d'un geste auguste du semeur
de satellite, l'a lancé dans l'espace.
donc il y a un millier de radioamateurs
qui l'ont entendu dans le monde.
À la mairie de Saint-Denis,
donc capitale de La Réunion,
notre métropole urbaine à nous.
Cette histoire-là est à l'origine
d'une fabuleuse photo
que vous avez certainement tous vue
parce que notre ami Pavel Vinogradov est
venu après faire un tour de la Réunion,
qui comme tous ceux qui sont venus
à l'île de la Réunion l'ont adorée.
Il a fait des conférences et il en a gardé
une amitié profonde et durable
pour notre île. Récemment entre
le mois d'avril et le mois de septembre,
Pavel Vinogradov est retourné,
à l'âge de 60 ans,
faire un petit tour en orbite à bord
de la Station spatiale Internationale
dont il a été pendant la moitié du temps
le commandant de bord
et il a fait une série impressionnante
de photos de notre île
que vous verrez sans doute bientôt,
et bien sûr il a fait -- c'est tout petit,
la Station Spatiale Internationale --
la promotion de notre île
auprès de ses collègues cosmonautes.
Et en particulier dans la nuit
du 25 août à 23h57,
sa collègue cosmonaute américaine
Karen Nyberg a fait cette photo
où on voit le cercle de lumière
de la ville de La Réunion,
un peu plus loin l'île Maurice, l'horizon,
on voit le reflet de la Lune
sur l'Océan Indien ;
ça nous apporte un autre regard
sur l'île de la Réunion,
puisque la plupart des photos qu'on a
sont des satellites et ont été faites
pour de la cartographie et des choses
comme ça, c'est de la verticale.
Ici, on a une autre vision,
un autre regard,
je dirais une autre écoute sur la position
de la Réunion dans le monde.
Et c'est un peu un appel et donc je vais
revenir sur mon propos :
il y a un vieux sujet de bac,
ou quelque chose comme ça, qui est
le rapport entre le verbe avoir
et le verbe être, et comment on se sent,
il y aurait quelque chose, je dirais,
de même nature.
Quelquefois, il convient d'agir.
Notre culture, je dirais en particulier
notre langage, nous invite souvent,
quand on a des sollicitations, à réagir.
le monde va mal, alors agissons,
faisons des choses, etc. Parce que
on a une vision avec une certaine optique
et c'est une optique actuelle.
Mais je dis, il faut aussi prendre
le temps de regarder, le temps d'écouter
et qu'on pourrait faire un sujet de bac
entre l'agir et l'écouter.
Voilà, je vous remercie pour votre écoute.
(Applaudissements)