Alors d'abord je voudrais souhaiter
une bonne fête à toutes les dames
puisque c'est la fête
de la femme aujourd'hui.
Et vous connaissez cette pensée
de Jean-Marc Reiser qui disait :
« Les femmes qui veulent
être les égales des hommes
manquent sérieusement d'ambition. »
Alors, je suis avocat
depuis la nuit des temps,
avocat fiscaliste, avocat d'affaires,
et quand mes clients me
téléphonaient, il y a huit ans,
pour me dire :
« J'ai tel ou tel problème »,
j'avais envie de dire : « Je m'en fous ».
Donc, je me suis dit
que c'était peut-être le signe
que je devais changer
quelque chose à ma vie
parce que je pense que
quand on n'est plus dans l'enthousiasme,
c'est justement le signe
qu'on doit changer quelque chose à sa vie.
Vous savez sans doute
d'où vient le mot « enthousiasme » ?
Il vient du grec « éntheos theiasmós »,
ce qui littéralement signifie :
« dans le souffle du divin ».
Cela n'a évidemment rien de religieux,
on pourrait dire que
c'est le souffle de la transcendance.
Il est vrai que, parfois,
je faisais du droit fiscal
de manière un petit peu particulière,
parce que je me souviens qu'il y a 25 ans,
une avocate me téléphone en disant :
« Luc, j'ai un gros problème,
un client richissime
qui fait l'objet
d'un terrible chantage fiscal
de la part de sa fille
qui par ailleurs
lui vole plein d'argent, etc.»
Je lui dis : « Très bien,
viens avec ton client. »
Et je vois arriver un homme,
80 ans, très excité,
« Maître, il faut tout organiser
au Liechtenstein
dans les îles Caïman, au Luxembourg,
ma fille va tout me voler,
elle me fait un chantage fiscal, etc.»
Je le laisse partir
comme un cheval fou au grand galop
et je ne l'interromps plus
pendant dix minutes.
Au bout de dix minutes,
je l'interromps tranquillement,
et dans sa tête,
il vient voir un avocat fiscaliste,
et je dis : « Monsieur, est-ce que
vous n'avez pas le sentiment
que tout l'argent
que vous vole votre fille
n'est rien d'autre que
le symbole de l'amour
que vous ne lui avez jamais donné ? »
Consternation chez l'avocate,
le client ne m'entend pas,
continue de plus belle :
taïaut ! taïaut ! Liechtenstein !
Îles Caïman ! etc.
Et je le laisse repartir
et je ne l'interromps plus.
Et au bout d'un quart d'heure,
il s'arrête, et il dit :
« Quand même, Maître,
ce que vous m'avez dit
tout à l'heure m'interpelle,
je reconnais que jamais
je n'ai accordé
le moindre regard à ma fille.
J'étais toujours en voyage d'affaires,
je m'occupais de mon business, etc. »
Et en sortant de mon cabinet,
ce client a eu un très beau réflexe :
il a téléphoné à sa fille,
il l'a invitée à dîner le soir
et lui a présenté ses excuses
pour tout le mal qu'il lui a fait.
Plus jamais cet homme n'a fait l'objet
du moindre chantage fiscal,
ni du moindre vol.
Et donc,en fait il se fait que j'ai donné
pendant quelques années
un cours de droit des affaires
dans une grande école de commerce
à Bruxelles
et j'aimais bien raconter
l'histoire du tailleur de pierre,
que vous connaissez sans doute,
mais s'il y a une seule personne qui
ne la connaît pas,
je la raconte quand même.
C'est l'histoire d'un homme qui passe
devant une cathédrale
et il voit trois ouvriers qui
sont occupés à tailler des pierres.
Il demande au premier :
« Qu'est-ce que tu fais ? »
« Moi, Monsieur, vous voyez bien,
je suis occupé à tailler une pierre.
C'est un métier terrible,
on ne gagne pas d'argent,
c'est affreux, etc. »
Puis, il passe devant le deuxième
qui fait un petit peu moins la gueule
et qui dit : « Moi je taille une pierre,
je taille des pierres aussi,
mais enfin finalement,
c'est quand même bien,
je suis en plein air,
et je gagne un peu ma vie
pour nourrir mes enfants. »
Et puis il passe devant le troisième
qui fait la même chose
que les deux premiers.
Il lui dit : « Et toi tu fais quoi ? »
« Bah moi, Monsieur,vous voyez bien
je suis occupé à construire
une cathédrale ! »
Et il est tout heureux.
Donc j'explique à mes étudiants :
voilà trois ouvriers
qui font exactement la même chose.
Mais pourtant la question n'est pas
de savoir ce qu'ils font,
mais dans quel état d'esprit
ils le font.
Je dis : « Vous, par exemple,
pourquoi vous voulez devenir
ingénieur commercial
ou licencié en science consulaire ? »
Ils me prennent un peu pour un dingue
parce que je viens donner
un cours de droit des affaires
et j'entends derrière dans l'auditoire :
« Pour le pognon ! »
Je dis : « Très bien, parlons-en un peu,
c'est quoi l'argent pour vous ? »
Vous savez, vous pouvez considérer
que l'argent c'est une matière inerte
que vous allez tenter d'accumuler le
plus possible pour soigner vos angoisses.
Quelles angoisses ?
Eh bien d'abord l'angoisse
par rapport à la finitude de votre vie,
parce que figurez-vous que l'argent
c'est un nombre
et que par définition
le nombre est infini.
Donc pour conjurer l'angoisse
par rapport à la finitude de votre vie,
vous serez peut-être tentés
d'accumuler le plus possible de l'argent.
Ou alors je dis : « Vous considérerez
que l'argent, c'est une énergie. »
Une belle énergie
si vous faites de belles choses
pour ou avec l'argent,
une énergie moche si vous faites
des choses moches pour ou avec.»
Alors me voilà arrivé au terme
d'un septennat sabbatique aujourd'hui,
et donc j'avais créé
cette association qui s'appelle
la Ligue des Optimistes
du Royaume de Belgique
- c'est un truc un peu surréaliste -
(Rires)
c'est un peu belge.
Mais enfin, l'idée au fond,
c'est de faire émerger, je dirais,
avec un peu de légèreté, une idée
plus sérieuse qu'elle n'en a l'air.
L'idée, c'est quoi ?
J'essaie de... Ah voilà, attendez.
(Réglages techniques)
L'idée c'est de dire : je suis le maître
de mes pensées et pas l'inverse.
Si je suis le maître de ma pensée,
décidément - bon tant pis
si je suis le maître de ma pensée,
je suis une personne responsable,
si j'ai cette responsabilité,
je suis responsable pour ma vie,
pour mon environnement,
pour le monde.
Donc l'idée au fond,
c'est de dire que l'optimisme,
ce n'est pas une aptitude
congénitale au bonheur
qui nous affranchirait
de tous les problèmes douloureux
et des grands chagrins de notre vie.
L'optimisme au fond,
relève d'une décision et d'une discipline
et en fait il constitue aussi
le fondement
de la responsabilité de chacun.
C'est de dire que si nous voulons
que le monde aille mieux,
il va falloir que chacun s'y implique
et je pense que c'est ça,
fondamentalement, l'idée.
Alors vous savez, on a, je veux dire,
on a bien entendu aujourd'hui,
on parle beaucoup de la crise.
Cette crise est bien sûr une crise
économique difficile, douloureuse,
mais c'est probablement,
et peut-être davantage encore,
une crise du sens.
C'est-à-dire que nous avons appris
très bien comment faire les choses.
Les avancées technologiques
de ces dernières années sont fulgurantes
en matière informatique,
en matière technologique, etc.
Mais le problème, c'est que
nous ne savons plus pourquoi.
Et c'est ça, la question du sens.
Alors, j'ai créé cette association,
la Ligue des Optimistes
du Royaume de Belgique,
qui est une association qui compte
aujourd’hui 5 000 membres en Belgique.
Nous avons créé
des petites et des grandes sœurs,
notamment aux Pays-Bas, en Allemagne,
dans votre pays, en France ici,
mais notamment
avec France Roque, Philippe Gabilliet,
Jean d'Ormesson, Erik Orsenna,
Matthieu Ricard, Eric-Emmanuel Schmitt,
Jean-Michel Guenassia.
En Suisse, à Monaco, au Bénin,
et on est occupé maintenant -
et en Espagne aussi -
on est occupé maintenant
avec la Norvège, le Canada,
le Congo, Congo-Brazzaville
et une dizaine de pays en Afrique.
Et alors nous avons constitué
une association internationale
qui s'appelle Optimistes Sans Frontières
dont aujourd'hui d'ailleurs
le président est Français.
L'idée c'est que tous les deux ans,
la présidence change
et tout cela constitue
le concept de l'Optimistan.
Alors l'Optimistan, c'est quoi ?
L'Optimistan, c'est un état métaphorique,
c'est un état poétique,
c'est un nouvel état de conscience
selon cette formule de Teilhard
de Chardin, qui disait que :
« A mesure que le monde se complexifiera,
il conviendra d'en élever
l'état de conscience. »
Donc la proposition que nous formulons,
c'est de dire : « Créons ensemble
un nouvel état de conscience »,
et d'ailleurs,
tous les citoyens de l'Optimistan,
c'est-à-dire tous les membres
de toutes les associations d'optimistes,
recevront bientôt
un vrai passeport de l'Optimistan
avec un QR Code qui nous permettra
d'entrer en contact avec chacun d'eux.
Mais pour moi l'optimisme, ce n'est pas
uniquement le contraire du pessimisme.
Je pense que c'est davantage encore
le contraire du cynisme.
Le cynisme, ça c'est une véritable peste,
et je pense réellement que, aujourd'hui,
le monde est en train d'évoluer
de manière extrêmement cynique.
Ce capitalisme financier
est devenu absolument cynique.
Et je pense que ce monde-là,
ce monde que nous avons construit
ici en Occident, ce monde de l'argent,
ce monde-là, on va devoir le détruire.
Et je crois qu'il va mourir
d'ailleurs de son cynisme
au même titre que le communisme
est mort de son cynisme,
s'il n'évolue pas, et rapidement,
vers davantage de fraternité.
Donc je pense qu'au fond, l'optimisme,
c'est aussi cette prise de conscience
que nous sommes tous reliés
les uns aux autres
et que nous sommes aussi
reliés à la planète.
Et donc je pense que l'idée,
c'est quand même
de remettre un peu de souffle dans la vie
et que nous ne devenions pas
la vermine de la planète.
Donc moi, ce que je voudrais faire,
c'est, à la limite, participer,
modestement, au réenchantement du monde.
Cela me paraît une tâche
absolument fondamentale.
Je pense que, si vous voulez,
nous avons aujourd'hui...
on a bien compris
comment faire les choses,
mais maintenant,
il faudrait qu'on remette de l'esprit.
Par exemple, nous avons également
un grand projet qui est de créer
une école d'actionnaires :
la Optimistan Share Holder School.
Pourquoi
une Optimistan Share Holder School ?
Mais parce que, vous savez,
il y a longtemps qu'on me dit
que je devrais absolument créer
une Optimistan Business School.
J'ai un problème avec les Business School
qui enseignent que
le but de l'entreprise, c'est le profit.
Moi je pense que ça, c'est encore
la manifestation d'un cynisme.
Je pense que le but de l'entreprise,
ça n'est le profit,
le but de l'entreprise,
c'est l'action juste
pour l'humanité et pour le monde
et que le profit doit être
la conséquence nécessaire
de l'entreprise.
C'est le profit évidemment
qui est absolument nécessaire
mais qui est là pour, en fait,
assurer la pérennité de l'entreprise
mais ça ne peut pas être le but.
Et donc, ce que je voudrais,
c'est parler, en quelque sorte,
aux personnes qui ont véritablement
le pouvoir de décision.
Parce que malheureusement,
on constate que de nombreux managers
se comportent comme, je dirais,
de véritables mercenaires
d'un capital qui devient
de plus en plus cupide.
Et ce que je ne peux plus supporter,
très franchement,
c'est d'entendre des actionnaires dire :
« Oui, mais nous donnons
du travail aux ouvriers. »
Je n'ai jamais entendu un ouvrier dire :
« Oui, mais je donne du
dividende à mes actionnaires.»
Eh bien, je dis non,
non, ce ne sont pas les actionnaires
qui donnent du travail
aux ouvriers ou aux salariés.
Ce sont les entreprises qui donnent
des revenus du travail aux uns
et des revenus du dividende aux autres.
Ce ne sont pas les uns
qui créent le travail
et les autres qui créent la richesse.
C'est un tout.
Et donc je pense qu'il
va falloir réfléchir, vraiment à...
il va falloir repenser, je dirais,
la question essentielle
de la conscience de l'entreprise.
Parce qu'on parle beaucoup
de culture d'entreprise,
mais on ne parle pas beaucoup
de la conscience des entreprises.
Or, je pense que c'est
absolument indispensable d'y réfléchir.
Donc, je crois vraiment que
le capitalisme financier, aujourd'hui,
tel qu'il est, tel qu'il évolue,
eh bien, il ne peut plus rien pour l'homme
et, à mon avis, nous qui vivons
dans ce qui est encore une des parties
les plus prospères de la planète,
eh bien, je dis nous qui avons inventé
ce capitalisme financier,
nous devons réfléchir ici,
nous avons, je dirais, le devoir impérieux
d'inventer un nouveau modèle de société
qui, s'il était appliqué par le
monde entier, pourrait fonctionner.
Moi, j'aime beaucoup
cette pensée d'Emmanuel Kant qui disait :
« Il faut agir de telle sorte
que l'ordre du monde ne soit pas troublé
si tout le monde agissait
comme nous agissons. »
Or, il se fait que
si le monde entier se mettait à vivre
selon le modèle de surproduction
et de surconsommation
de biens à faible bonheur ajouté
que nous avons inventé ici,
eh bien la vie sur Terre
ne sera plus possible pour nos enfants.
La question que je pose est de savoir :
est-ce que c'est ça que nous voulons ?
Moi pas. Et si moi je ne le veux pas,
je pense que des parents congolais,
new-yorkais, argentins, japonais,
ont aussi le droit de vouloir
que la vie soit encore possible
pour leurs enfants.
Et donc, moi je pense que nous qui avons,
qui vivons dans cette partie de la planète
qui a une population scolarisée,
où, je dirais,
la pauvreté est encore contrôlée,
quoique,
eh bien, je dis que nous avons aussi
le devoir d'inventer un nouveau modèle.
Voilà, c'est la proposition que je fais.
Donc un nouvel état de conscience
et je pense que si nous nous regroupons,
si tout le monde se met ensemble,
on peut vraiment faire émerger
une nouvelle façon de vivre ensemble
qui, à mon avis,
sera beaucoup plus heureuse,
qui, forcément, va être un petit peu...
va libérer beaucoup d'énergie
et voilà la proposition que je formule.
A la Ligue des Optimistes en Belgique,
on organise beaucoup de conférences
et après les conférences, on offre,
on fait toujours une petite réception
et puisque je sais que
ça va être une interruption maintenant,
vous avez été très courageux
jusqu'à présent,
vous avez été très sages,
c'est très très bien,
eh bien, en fait,
ce que je demande à chaque fois
aux gens qui assistent à la réception :
ne partez pas
avant d'avoir parlé à trois personnes
que vous ne connaissiez pas auparavant.
Voilà, je vous remercie.
(Applaudissements)