(La Parisienne Libérée) (Jérémie Zimmermann - entretien pour le projet "Datalove" (Le Net neutre) [Jérémie Zimmermann] On utilise souvent ce terme de neutralité du Net qui est en fait un mauvais terme, parce que "neutralité", dans notre société, ça n'a pas une connotation vraiment positive. Ça a une connotation neutre. Personne ne va aller mourir pour la neutralité, même pas en Suisse. En réalité, la neutralité du Net, c'est l'universalité du Net. C'est cette caractéristique absolument unique qui est liée à des événements historiques, mais de l'histoire de la technologie. C'est qu'il y a quelques années, on ne savait pas faire un internet autre que neutre, autre qu'universel. Et c'est comme ça qu'internet c'est développé, c'est le modèle de croissance d'internet qui est basé là-dessus. Ça veut dire que tout le monde connecté à internet a accès à tout internet et peut participer à tout internet. Tout le monde peut accéder à tous les contenus, tous les services, toutes les applications et tout le monde peut publier des nouveaux contenus et expérimenter, publier des nouveaux services et de nouvelles applications. C'est ça, la neutralité du Net, c'est ça, le Net neutre. En réalité, ça -- c'est presque plus explicite de parler d'universalité, parce que ça donne bien l'image d'un petit gamin au Gabon, d'un autre en Afghanistan, d'un autre aux US ou d'un autre en Europe, qui vont avoir exactement le même potentiel d'accès et de participation. Alors il y a évidemment d'autres barrières à l'accès à la participation: le fait qu'énormément de ressources soient en anglais et pas dans d'autres langues, le fait qu'au Gabon ou en Afghanistan, les débits sont sans doute très inférieurs à ce qu'on peut avoir aux Etats-Unis ou en Europe. Mais, dans les faits, avoir un accès à plus bas débit, ça reste un accès internet. Il faudra peut-être plus longtemps pour afficher la page Web, mais on y arrivera. On a été les pionniers du Web quand on avait des modems à 9600 ou à 14'400 caractères par seconde, là où aujourd'hui, ça se compte en millions. Cette universalité, elle est clé, parce qu'elle est, elle est de fait, elle n'a pas été choisie mais c'est un état de fait, et elle est le reflet de ce que pourrait être une société hyperconnectée, dans laquelle, sans barrières de langue, sans barrières de religion, sans barrières géographiques, les uns pourraient participer avec les autres, les uns et les autres pourraient s'entraider, pourraient inventer ensemble, pourraient -- à l'image des logiciels libres qui sont fabriqués, inventés collectivement par des gens aux quatre coins de la planète. C'est cet idéal humaniste qu'est l'universalité d'internet. Le problème, aujourd'hui,c'est que des intérêts industriels, d'une part, et politiques, d'autre part, rêvent de porter atteinte à cette universalité. (3:00)