J'aimerais commencer par vous présenter quatre personnes, deux hommes et deux femmes, Florian, un jeune homme de 20 ans qui n'a pas eu son bac, mais qui adore bricoler avec son ordinateur et qui adore les jeux vidéo. À côté de lui, Emmanuelle, une jeune femme de 44 ans, qui a trois enfants, qui a tenu une boulangerie pendant 12 ans. Après, elle a eu un accident cérébral grave, et elle ne peut plus aujourd'hui exercer son ancien métier. Vous avez à côté Aizkoa, une jeune femme qui vient du Pays Basque. Elle était, il y a encore un an, une institutrice dans une école maternelle, et s'occupait des tout-petits. Enfin Balthazar, un jeune homme qui porte un short l'hiver comme l'été. Il a fait des études de cinéma, et puis il s'est dit : « En fait, je ne voulais pas faire du cinéma. » Il s'est retrouvé au chômage. Ces quatre personnes, si différentes, qu'ont-elles en commun ? Elles sont toutes, aujourd'hui, devenues des développeurs. Vous savez, un développeur, c'est celui qui crée des sites internet, des applications web et mobiles. Ce métier, en fait, aujourd'hui, est devenu tout à fait accessible. Il s'est démocratisé considérablement. On est loin de l'image du geek boutonneux devant son écran. Non, le métier s'est ouvert. C'est d'ailleurs un véritable accélérateur de carrière. Quel autre domaine vous permet de changer votre vie professionnelle aussi radicalement ? Dans ce domaine, il y a de nouveaux métiers qui apparaissent tous les jours. D'autres meurent. Par exemple, le métier de webmaster a été remplacé, il n'y a pas longtemps, par le métier de community manager. Vous ne le savez peut-être pas, mais, en Europe, en 2020, il va nous falloir 900 000 professionnels sachant coder. Et 90 % des métiers exigeront des compétences numériques. Dans ces conditions, travailler dans le numérique, c'est passionnant. Il y a le métier de développeur, d'autres métiers en pénurie, comme UX designer, community manager, data scientist. Travailler dans le numérique, c'est passionnant, mais peut s'apparenter parfois à un marathon, parce qu'il faut courir de plus en plus vite, rester à jour. Il y a aujourd'hui des développeurs au chômage, comme il y a aussi une pénurie de développeurs. Et les développeurs au chômage, ce sont ceux qui n'ont pas couru assez vite, qui ont décroché. Alors, dans cet univers où tout va de plus en plus vite, suite aux nouvelles technologies qui évoluent, est-ce que cela fait encore du sens de faire des études longues ? Sert-il encore à quelque chose de faire un master, un bac+5 ? Pensez-y. Ce que vous allez apprendre en première année va devenir obsolète en cinquième. Et ce que vous allez faire trois ans après la fin de vos études, n'aura probablement plus rien à voir avec ce que vous avez étudié. Non, cela n'a plus de sens de rester, pendant des années, éloigné de la vraie vie professionnelle. Alors, pourquoi entend-on, aujourd'hui, certains dire que les études se prolongent, qu'il y a des étudiants qui veulent faire des études plus en plus longues, qu'on se contente de moins en moins d'un bac+2, bac+3 ? On veut faire un master, et puis il y en a qui veulent faire un doctorat. Il y a une véritable inflation des diplômes. Vous allez me dire que ce sont des métiers qui demandent de plus en plus de compétences. Eh bien non, ce sont les formations, désolée, qui sont de moins en moins adaptées. Et après une formation de trois ans, inadaptée, l'étudiant ne se sent pas prêt pour affronter le vrai monde professionnel. Donc il va faire encore des années d'études. Et après un master, un bac+5, il ne se sent toujours pas prêt, pas plus qu'après un bac+3. Et demandez à un thésard s'il se sent prêt. Non, on n'est jamais prêt. Figurez-vous qu'un ami à moi a dû supprimer de son CV la mention de son doctorat pour enfin être embauché. En fait, notre système scolaire nous pousse vers de plus en plus d'études, vers la carrière universitaire dans un sens. Or à l'université, il n'y a pas de débouchés. Alors, comment apprendre autrement ? Comment changer le système ? Comment le rendre plus efficace, plus agile ? plus proche des besoins des métiers ? Comment, enfin, éviter ce coût extraordinaire pour la société des années d'études pour apprendre des métiers sans débouchés ? J'ai envie de partager avec vous trois idées. Première idée : il faut arrêter de penser « études longues » . Il faut penser court, modulaire. Je fais une formation de cinq mois et puis je vais travailler. Et puis plus tard, je vais faire une autre formation de cinq mois, et puis je vais travailler. Deuxième idée : il faut arrêter de cloisonner l'enseignement. Il faut arrêter de distinguer « formation initiale » et « formation continue ». Pensons ensemble. Pierre, un jeune homme, vient d'avoir son bac. Il va s'inscrire à l'université. Il va peut-être aller dans une école d'ingénieurs. Il va faire ensuite cinq ans d'études pour ensuite travailler comme développeur logiciel. Et puis prenons Marc, un jeune homme de 30 ans, technicien du secteur automobile, qui va faire une formation d'un an, et ensuite, il va travailler comme développeur logiciel. Est-ce justifié que l'un va faire des études de cinq ans pour apprendre le métier que l'autre va apprendre en une année ? Ma troisième idée, le numérique. Il nous permet d'automatiser une partie de l'enseignement. Imaginons... Vous êtes en train d'écouter un cours sur comment parler en public, votre enseignant va vous parler de bonnes pratiques, va vous partager ses techniques. Et en fait cet enseignant va répéter les mêmes techniques plusieurs fois, devant plusieurs salles, autant de fois qu'il va donner ce cours. Avec l'outil numérique, l'enseignant va pouvoir enregistrer son cours en vidéo, va écrire dans un document en ligne la consigne, et ensuite, il va rendre disponible ces ressources à tous ses étudiants avant même le début du cours. Ainsi les étudiants, quand ils arrivent en cours, ils sont préparés, ils peuvent poser des questions, et l'enseignant peut aller plus vite. Donc, l'outil informatique permet de gagner du temps, et avec ce temps, l'enseignant peut se consacrer davantage à l'accompagnement individuel de chacun de ses élèves. À partir de ces idées, j'ai créé la Wild Code School, une école où on forme des personnes issues d'horizons divers au métier de développeur web en cinq mois. Dans cette école, nous ne faisons pas de distinction entre la formation initiale et la formation continue. On utilise aussi l'outil numérique pour automatiser une partie de l'apprentissage, et pour faire gagner du temps au formateur pour qu'il puisse davantage se consacrer à l'accompagnement individuel de ses élèves. À ce propos, j'aimerais vous raconter une histoire. Il y a dix ans, j'étais jeune enseignante à l'université. J'avais 25 ans. J'animais un cours avec un professeur expérimenté. J'avais envie d'améliorer mon enseignement, d'aller au-delà des exposés classiques. Donc, j'ai imaginé des exercices ludiques, des ateliers interactifs, des jeux sérieux. J'ai proposé cette nouvelle méthode à mon professeur. Malheureusement, il n'a pas du tout apprécié. Il m'a dit : « Anna, cela ne fait pas partie de notre tradition universitaire. Cela ne va pas marcher, et de toute façon, les étudiants vont faire la grève. » Qu'est-ce que j'avais à faire ? Soit j'essaie, je poursuis avec mes idées, et je risque la sanction, je ne pourrais plus compter sur le soutien du professeur, ou alors, j'abandonne, je fais comme tout le monde, je m'inscris dans la « tradition universitaire ». Bon, je me suis déjà trop investie dans la préparation de mes exercices interactifs pour laisser tomber comme ça. Donc, j'ai décidé de poursuivre. Donc, je fais ma méthode, mes exercices, le professeur n'a même pas remarqué, d'ailleurs. Et finalement les étudiants ont apprécié. Ils ont réussi leurs examens, et personne n'a fait grève. Cette histoire m'a fait comprendre une chose : si on en croit en quelque chose, véritablement, quelles que soient les difficultés, il faut essayer, expérimenter, il faut oser. Ça va peut-être échouer, mais ça peut aussi réussir, et là, vous aurez gagné. Donc moi, j'ai osé créer la Wild Code School. Et c'est parce que j'ai osé, qu'Emmanuelle, Aizkoa, Florian, Balthazar, et des dizaines d'autres ont, aujourd'hui, un métier où ils s'éclatent. Merci à vous. (Applaudissements)