Le flux empathique. Un titre un peu étrange, mais je voudrais montrer avec ces deux mots qu'une dynamique de paix est possible. Comment ? Parce que les flux, la fluidité, au contraire de la force, permettent d'organiser les relations humaines de manière différente, plus juste et plus équilibrée. Et parce que l'empathie, c'est la capacité que l'on a, psychologiquement, à se mettre à la place de l'autre pour comprendre ses émotions et ses sentiments. Une grande différence avec la force. L'usage de la force dans les rapports sociaux et dans les rapports humains. Usage de la force qui conduit souvent au conflit, à l'affrontement et parfois même à la violence. Tandis que la pratique raisonnée et intelligente des flux peut conduire au partage, peut conduire à la solidarité, peut conduire aussi à la collaboration. Une grande différence, notez-le, avec l'usage de cette force. Une très grande différence, qui fait que aujourd'hui, nous sommes confrontés à des rapports de force et à des rapports de flux, deux expressions qui vous le comprendrez interpellent le scientifique et le surfeur qui vous parle. Alors voyons un peu ensemble comment ces rapports de force et ces rapports de flux peuvent nous aider à mieux comprendre les chemins, ou à tracer les chemins vers la paix, thème magnifique choisi par TEDx Basque pour cette formidable journée. Nos sociétés se sont construites depuis l'origine sur des rapports de force : voyez, je fais ce geste, un affrontement des puissances, militaires, économiques, religieuses, politiques, parti contre parti, mais aussi plus proche de nous, rapport de force entre les syndicats et le patronat. De manière plus globale, avec la dissuasion nucléaire, avec l'équilibre de la terreur. Or, le problème avec les rapports de force, vous le comprenez, c'est que pour sortir d'un rapport de force, il faut ce que l'on appelle une escalade, c'est-à-dire que l'une prend le dessus sur l'autre pendant un certain temps et l'autre essaye de la rattraper. D'où discontinuité, déséquilibre, précarité, insécurité. Et pourtant, depuis toujours, nous apprenons à nos enfants à être le plus fort, le meilleur, le premier de la classe... Peut-être pas tout le monde ! mais à gagner... et nos entreprises, à être compétitives, concurrentes, C'est ce que l'on prône toujours, la concurrence, le dépassement, battre les autres. Or, ces pratiques conduisent bien souvent à des tensions sociales que l'on connaît de plus en plus. Moi je reconnais, dans ma carrière j'ai bien sûr pratiqué, je pratique encore des rapports de force : pour que mon équipe, dans la recherche, soit la première à publier une découverte en gardant le secret pour que telle autre équipe, dans un registre plus commercial, plus managérial, soit avant les autres pour lancer un produit, lancer un service, sans rien dire à personne, et sans partager. Tout ça pour les honneurs, la gloire, les titres, la reconnaissance. Mais j'ai compris progressivement, et je voudrais qu'on le partage un peu ensemble, que les rapports de flux pouvaient, dans l'intérêt de tous, et bien sûr de la paix, remplacer progressivement les rapports de force. Et ceci, dans une optique que je voudrais expliquer ici en faisant un geste différent de celui de tout à l'heure, qui est celui-ci : un échange de flux complémentaires non pas antagonistes, mais qui s'ajustent l'un par rapport à l'autre. Des flux qui peuvent être de l'information, des flux financiers, des flux de personnes, des flux de biens, mais je voudrais vous donner un exemple très simple avec du liquide, imaginez un seau transparent, il se remplit par un robinet en haut, il se vide par un robinet de vidange en dessous. Vous comprenez tout de suite que si les deux débits, d'entrée et de sortie, sont exactement les mêmes, le niveau de l'eau dans le seau reste à la même hauteur. Il reste constant. Écoutez-moi bien, j'ai dit constant. Je n'ai pas dit « qui reste statique ». C'est ce qu'on appelle en biologie un niveau stationnaire. Toutes les molécules d'eau se renouvellent en permanence dans mon seau, et pourtant le niveau reste constant. Je peux jouer sur les débits pour faire monter ce niveau ou l'abaisser un petit peu plus bas. Et voilà la clé de l'adaptation des flux à leur environnement, aux circonstances, c'est l'information ! Sans information, je ne peux pas ajuster les flux l'un par rapport à l'autre, et l'adapter à son environnement, à leurs différentes circonstances, et à l'évolution. Et d'ailleurs, moi j'ai choisi un mode de fonctionnement, dans la vie ou avec les autres, qui est un mode fluide. Un modèle fluide, un modèle de la fluidité. Et ça ne vous étonnera pas que ce modèle de la fluidité, c'est le surf. Ce modèle de la fluidité, il permet au surfeur ou à la surfeuse, de tirer plaisir et davantage, et avantage, pour un concours ou pour son plaisir de surfeur, des rapports de flux, de la dynamique des flux. Il faut qu'en permanence il soit capable de contrôler cette information multidimensionnelle. Pourquoi ? Parce que la vague elle-même est un flux, elle roule vers la plage, en série. Et sur ce premier flux, moi je peux adapter ma planche pour aller de travers, en créant un second flux. Et en plus j'en crée un troisième, c'est que mon corps, la dynamique de mon corps sur la planche, si je m'avance trop, je vais piquer ; si je recule, je vais la perdre. Donc je suis obligé d'avoir en permanence une information multidimensionnelle venant de mon environnement, venant des autres, venant des circonstances, absolument essentielle à la pratique de ce sport. Sinon il est impossible. Et donc, on a besoin non seulement de cette information en temps réel mais on a aussi besoin de tenir compte du temps, de tenir compte de la durée, de savoir quelles sont les circonstances qui peuvent modifier d'un moment à l'autre - un surfeur qui passe devant, une vague qui casse, etc. - Et donc, si vous voulez, ce que je voulais dire ici en prenant cette image du surfeur, c'est que, on peut aussi utiliser l'information pour dominer de la force. J'ai dit que j'avais l'air d'opposer les rapports de force et les rapports de flux. Non ! On peut aussi utiliser l'un par rapport à l'autre. Je donne trois exemples : le premier, c'est les arts martiaux. Je peux, en faisant du judo, avoir une information précise du corps de mon adversaire et en donnant une petite force à un endroit, le déstabiliser ; le second exemple, c'est la navigation en catamaran, par exemple. Le barreur, il navigue au près, c'est-à-dire qui peut remonter dans le vent, ce qui est paradoxal. Évidemment, le troisième exemple, c'est le surfeur, il va à l'encontre de la direction de la vague, puisqu'il va sur le côté. Et même puisqu'il va dans le sens de cette vague, il est sous le tube qui cherche à l’engouffrer, donc il est à l'encontre de deux éléments de la vague. Je vous ai donné ces exemples parce que je prône depuis longtemps une approche multidimensionnelle des événements, des rapports de flux, qui permet de mieux comprendre la complexité du monde qui nous entoure et qui permet aussi, me semble-t-il, de mieux gérer cette complexité, ce qui est essentiel dans le monde dans lequel nous entrons. À la différence de ces rapports de force qui isolent souvent : des petits groupes, des petites élites... Eh bien les rapports de flux rapprochent les hommes parce qu'ils sont fondés sur une information permanente, essentielle, constante. Une information relationnelle, une information qui conduit aussi au partage et la solidarité, qui conduit à ce qu'on pourrait appeler l'approche multisectorielle à la fois de soi, des autres et de son environnement. Et donc cette dynamique des flux, ces échanges, qui sont pas seulement des échanges classiques d'information, de finance, de biens matériels mais qui peuvent aussi et surtout être des échanges culturels, artistiques musicaux, émotionnels, conduisent à une vision différente de la relation des uns avec les autres, une vision différente du monde et donc nous ouvre au respect de la diversité et surtout à l'écoute des autres. C'est cela, l'empathie. Ils nous ouvrent à l'empathie. Et ça c'est fondamental et je voudrais là faire une petite... pas digression mais vulgarisation scientifique, c'est que le secret de cette empathie est dû à des neurones, à la densité de certains neurones dans notre cerveau qu'on appelle des neurones miroirs. Et ces neurones miroirs nous aident à reproduire les sentiments, les attitudes, les émotions des autres. Et surtout à simuler des réponses possibles pour apporter non seulement une réponse adaptée mais aussi un altruisme adapté, une harmonie équilibrée dans nos relations avec les autres. Et c'est pourquoi je pense, me semble-t-il, en tout cas c'est mon avis personnel, que les chemins vers la paix sont impossibles ou très difficiles sans la fluidité et sans l'empathie. Ce sont eux qui nous permettent d'aller les uns vers les autres, de nous ouvrir au monde qui vient. Et en conclusion, je dirais que la réalité des choses fait que devant nous, ces deux éléments, à l'opposé de ces rapports de force qui nous ont construits, permettront, si on sait bien les utiliser, de construire ensemble et de manière solidaire le monde de demain, et donc je vous dis sans hésiter, vive le flux empathique ! (Applaudissements)