Réfléchissons un moment à la constitution des États-Unis. Qu'est-ce qui vous vient d'abord à l'esprit ? La liberté d'expression ? La protection contre les fouilles illégales ? Le droit de posséder et de porter des armes ? Ces extraits sont si souvent cités qu'il est difficile d'imaginer ce document sans eux. Pourtant, ce fut le cas. La liste des libertés individuelles, aussi appelée la déclaration des droits n'était pas dans le texte initial et ne fut ajoutée qu'au bout de trois ans. Les pères fondateurs n'y avaient pas pensé. Qu'est-ce que cela signifie ? La réponse remonte aux origines mêmes de la constitution. Avant même les premiers coups de feu de la révolution américaine, les treize colonies s'unirent pour former un gouvernement provisoire, appelé le Congrès continental. Durant la guerre de 1781, les articles de la confédération furent ratifiés comme le premier véritable gouvernement national. Mais créer une nouvelle nation s'avéra plus facile que de la gouverner. Le Congrès n'avait pas le pouvoir de forcer les États à appliquer ces lois. Après que le gouvernement s'est avéré incapable de lever des fonds, de faire respecter les traités, ou de réprimer les rébellions, il devint clair que des réformes étaient nécessaires. En mai 1787, tous les États, sauf l'État de Rhode Island, envoyèrent donc des représentants à Philadelphie à une convention constitutionnelle. La majorité de ces représentants était partisan d'une nouvelle constitution nationale dans le but de créer un gouvernement fédéral plus fort. Grace à des compromis sur, par exemple, la représentation des États, la taxation et l'élection présidentielle, leurs propositions gagnèrent peu à peu des soutiens. Mais la version finale du texte, rédigée en septembre, devait encore être approuvée lors de conventions dans chacun des États. Alors, durant les mois qui suivirent, la ratification fut débattue à travers la toute jeune nation. Parmi ceux qui s'opposèrent à ce nouveau document se trouvaient Alexander Hamilton, James Madison et John Jay. Ensemble, ils apportèrent des arguments philosophiques avec éloquence afin d'affirmer leurs positions dans une série de 85 articles connue maintenant sous le nom des articles du Fédéraliste. D'autres estimèrent que la constitution allait trop loin et qu'un pouvoir plus centralisé serait un retour vers une forme de tyrannie que les États venaient juste de quitter. Les antifédéralistes étaient particulièrement préoccupés par le manque apparent de protection des libertés individuelles de ce texte. Alors que la convention avançait, une grande partie des opposants menacèrent de rejeter la constitution tout entière et insistèrent pour l'ajout d'une déclaration des droits explicite. Quel était donc le problème des Fédéralistes avec cette idée ? Bien que leurs opposants les accusèrent de despotisme en voulant maintenir le pouvoir absolu du gouvernement central, leurs véritables motivations étaient surtout pratiques. Changer la constitution, qui venait tout juste d'être ratifiée par certains États, pourrait compliquer le processus dans son ensemble. Plus important encore, Madison pensait que les droits des personnes étaient déjà garantis par le processus démocratique et qu'ajouter des dispositions supplémentaires pourrait créer des contresens. Et certains craignaient que la création d'une liste des choses que le gouvernement ne peut pas faire impliquerait qu'il puisse faire tout le reste. Après que les cinq premiers États eurent ratifié rapidement la constitution, le débat s'est intensifié. Le Massachusetts et d'autres États ne voulaient la ratifier que s'ils pouvaient proposer leurs propres amendements, pour examen. Les fédéralistes admirent le besoin de compromis et promirent de les examiner avec soin. Lorsque la constitution fut enfin adoptée après la ratification par neuf États, ils tinrent leurs promesses. Lors de la réunion du premier Congrès des États-Unis, le représentant James Madison monta à l'estrade pour proposer l'amendement qu'il pensait inutile auparavant. Après plus de débats et modifications, tout d'abord au Congrès puis dans les États, les dix amendements furent ratifiés le 15 décembre 1791, plus de trois ans après que la constitution des États-Unis fut adoptée. Aujourd'hui, chaque phrase, mot et ponctuation de la Déclaration des droits sont toujours considérés comme fondamental pour la liberté des Américains, même si les pères fondateurs ne les avaient pas inclus.