De temps en temps, Cela vous ennuierait-il de… M'emmener loi de tout ça, juste… Pour aller voir la mer, juste… Pour qu'elle nous lèche les pieds, juste… Faire semblant d'oublier. Sentir chaque grain de sable Effleurer paumes et plantes, Sentir chaque algue caresser nos chevilles, Sentir dans nos cheveux tout le ciel qui... Vente. De temps en temps, Cela vous ennuierait-il de… Me surprendre au coin d'une rue, Oubliez que je vous l'ai demandé, Admettons qu'j'sois étonnée, Agréablement surprise Et qu'après un sursaut je vous saute… Au cou. Et qu'après avoir plongé mon regard dans le vôtre Avec l'indiscrétion d'y trouver quelque chose Je vous vole un baiser Pour le mettre dans ma poche et le garder pour quand vous n'serez plus là Et qu'j'me sentirai seule Avec tout ce monde autour. Alors je le prendrai tout doucement au creux de ma main Et le poserai lentement sur ma joue, là. Vous voyez, Vous sentez comme c'est doux, Vous sentez ? De temps en temps, Cela vous ennuierait-il de... Me porter sur votre dos, Rêvant de m'isoler Facilement loin du sol Là où tout est si beau Comme les notes de votre dos, Comme les ronds de votre dos, Mélodie de mes sens, Vous voyez comme j'y pense Et mes pieds sont si lourds Et mes vers sont si courts, Mes si et mes syllabes me broient et me labourent Je laisse sur le trottoir Des traces de pas encrées. Alors rien qu'une fois Pourriez-vous me porter ? De temps en temps Cela vous ennuierait-il de me laisser vous caresser Du bout de ma plume Du bout de mes doigts Je redessinerai votre visage Comme on esquisse un paysage. J'l' ferai un jour de brume pour cacher un peu mes émois Et mes 'et moi', Mes 'je', mes jeux, Rien que pour vous Rien que pour nous deux. Vous savez, Il en faut si peu. J'aurais juste une dernière requête. J'vous garde encore un peu, J'voulais juste vous demander Si de temps en temps Cela vous ennuierait-il que... Pour dire toi et moi Comme au ciné, pour dire... 'Nous', c'est tout. Pour dire Tu me transportes pour dire Tu me chavires pour dire Tu m'enivres pour dire Tu m'inspires pour dire et redire Des 'tu' à tue tête Car au creux de ma tête C'est toi qui déborde, pour dire Tes baisers me brûlent, me transportent, Pour dire "tu me plais" Et bien plus encore, oui. De temps en temps, cela... Je vous tutoie ? t'ennuierait-il de m'emmener loin de tout ça, juste... ♫ Pour aller voir la mer ♫ ♫ Juste pour qu'elle nous lèche les pieds, juste ♫ ♫ Faire semblant d'oublier ♫ ♫ Car de vous à moi ♫ ♫ Celui que j'préfère c'est ♫ ♫ Toi. ♫ C’est avec ce texte que j’ai gagné le Championnat de France de Slam en 2005. Et oui ! (Applaudissements) Merci. Vous n’imaginiez pas un champion de Slam comme ça ? Le Slam, qu’est-ce que c’est ? C'est une scène ouverte où chaque personne du public peut venir s’exprimer. On te donne 3 minutes et tu peux en faire ce que tu veux. Sans accessoires, sans musique, sans décor. Juste le texte, la voix, le corps. Un terrain d’expression libre où rappeurs, poètes, conteurs, chanteurs ou simplement amoureux des mots peuvent se rencontrer, échanger… Finalement c’est assez proche de ce qu’on fait ici aujourd’hui, bien que TEDx ne soit pas une scène slam… Et non ! Vous ne pourrez pas monter sur scène après moi, désolée ! (à part peut-être ceux qui attendent leur tour cachés derrière). J’ai toujours été attirée par la scène, depuis toute petite. Je chantais sans arrêt et imaginais des super-productions en costumes pour mes parents... Je pensais juste qu’en vivre, ça n’arrivait qu’aux autres. C’était un rêve d’enfant. Aujourd’hui, je suis auteur-compositeur-interprète, c’est mon métier. La découverte du slam à l'âge de 17 ans a été un élément déclencheur. C’est là que j’ai pris conscience que mon envie de monter sur scène était bien réelle, que j’ai réalisé aussi que je voulais écrire pour être… entendue. Tout à coup, tout est devenu possible ! Quand, à 20 ans, j’ai tout quitté pour faire un disque, j’avais pas peur du tout, c’était une évidence ! Aujourd’hui, j’appelle ce moment « l’été le plus spontané de ma vie ». J’ai sorti un premier album en 2009, puis un second en 2015. Entre les deux, le monde de la musique a beaucoup changé. Ce 2ème album, "Une", je l’ai auto-produit. Les chansons étaient prêtes et je ne voulais plus attendre qu’une maison de disque se décide à me produire. Je me suis retrouvée chef d’entreprise, capitaine de bateau ! Dans ce contexte en mouvement, en transition, j’ai dû apprendre un nouveau métier, plusieurs même ! Celui de productrice, de directrice marketing, de chargée de projet, de community manager… Prise dans une tornade de mails, de logistique, un tourbillon d’objectifs et de codes obligatoires auxquels se plier quand on veut faire un disque… Peu à peu, j’ai perdu pied, oubliant, cachée sous ces multiples casquettes, que j’étais artiste, avant tout. ♫ Autour, dansent les pensées en aller-retour ♫ ♫ Autour, dansent les pensées en aller-retour ♫ ♫ Je les fais monter ♫ ♫ Je les fais monter dans ♫ ♫ Je les fais monter dans mon bateau ♫ ♫ Je les fais monter ♫ ♫ Je les fais monter dans ♫ ♫ Je les fais monter dans mon bateau ♫ ♫ De papier ♫ ♫ Et je les laisse voguer ♫ (Applaudissements) Mon disque est sorti. J’ai pu trouver des aides, des partenaires pour m’accompagner, j'ai reçu tout un tas de retours élogieux mais… quelque chose clochait. Je ressentais de la déception, de la frustration et même de la culpabilité. J’avais l’impression d’avoir échoué quelque part alors qu’à mon échelle, c’était plutôt le contraire. Comment j’en suis arrivée là ? Je me suis comparée. Je mettais constamment mon projet en parallèle de ceux des autres. J’avais l’impression qu’ils y arrivaient mieux que moi, trompée par toutes ces images de succès qu’on peut voir sur les réseaux sociaux, internet… D’ailleurs, beaucoup ont dû penser la même chose en visitant ma page Facebook toujours pleine de bonnes nouvelles. On ne met en avant que le positif. On ne parle presque jamais de nos épreuves. Du coup on se retrouve avec cette impression d’être le seul à rencontrer des difficultés alors que c'est faux ! Nous en rencontrons tous ! On gagnerait peut-être à en parler plus souvent, non ? Moi, j’en faisais jamais assez, même si je travaillais du matin au soir, presque 7 jour sur 7 : jamais assez ! Je passais mon temps au téléphone ou sur mon ordinateur. Je prenais plus le temps d’écrire… Pour moi, capitaine, ça a été une terrible tempête intérieure. Et des trombes d’eau ! J’étais, je suis, si fière de cet album, j’en aimais chaque parcelle ! Et malgré ça, je voyais mon verre à moitié vide. Je me concentrais sur le reste à remplir plutôt que sur le chemin accompli. Je me levais le matin avec cette question qui tournait en boucle : à quoi bon ? Il était temps de tirer la sonnette d’alarme et de tenter d’y répondre. À un moment, je n’ai juste plus réussi à savourer mes succès, alors qu’il était là sous mes yeux, mon rêve d’enfant ! J’ai sorti 2 disques, j’ai gagné des prix, j’ai chanté dans de grands festivals, dans des salles magnifiques comme l'Olympia, participé à plein de beaux projets et surtout, surtout, je vis de mon art ! Mais quelle chance ! Ça devrait être le comble du bonheur ! Pourtant, à un moment, j’ai oublié qui j’étais et pourquoi je faisais tout ça… Mais l’important c’est de s’en rendre compte, non ? C’est normal de douter. Ce n’est pas une route en ligne droite. C’est mouvementé, c’est une traversée ! Aujourd’hui, je veux regarder mon verre, le voir à moitié plein et aimer cette moitié, la trouver belle ! Je veux continuer d’écrire, cultiver ma singularité, arrêter de me comparer parce que c’est ça qui me paralyse. Et surtout, je ne veux plus perdre de vue cette raison si fondamentale qui répond à tous mes "à quoi bon ?" : parce que j’aime ce que je fais par-dessus tout. Parce que j’adore chercher les mots justes, écouter comment ils sonnent. Parce que j’aime les partager sur scène avec ma voix, avec mes mains, avec mon visage et mes pieds nus ! Parce que pour moi c’est une nécessité et que je me verrais pas faire autre chose de ma vie. Voilà pourquoi je fais de la musique : pas pour atteindre cette vision du succès que le monde voudrait nous imposer. J’ai déjà réussi. Et c’est la cerise sur le gâteau si dans mes mots quelques-uns en viennent à se reconnaître… ♫ Quand le silence hurle ♫ ♫ Se fait assourdissant ♫ ♫ Que des sons minuscules ♫ ♫ Se font cris de géant ♫ ♫ Nos mots sont des compas, nos guides sur l'océan ♫ ♫ Des mots comme continent ♫ ♫ Il nous restera ça ♫ ♫ Quand les nuages filent sans qu'on puisse les toucher ♫ ♫ Dans le bleu tendres îles, impossible d'acoster ♫ ♫ Nos mots sont des trois-mats naviguent dans ces nuées ♫ ♫ Nos mots comme voiliers ♫ ♫ Il nous restera ça. ♫ ♫ Et quand le ciel pleure, se grise de sanglots ♫ ♫ Que les sons, les couleurs, se prennent dans les rouleaux ♫ ♫ Nos mots à bouts de bras sont nos armes, nos flambeaux ♫ ♫ Nos mots comme drapeaux, Il nous restera ça ♫ ♫ Quand les portes sont fermées que l'on reste dehors ♫ ♫ Quand on a beau frapper de nos mains, de nos corps ♫ ♫ Les mots resteront là, gravés dans le décor ♫ ♫ Nos mots comme trésor Il nous restera ça ♫ ♫ Quand mes lèvres sont scellées, Que je ne sais que dire ♫ ♫ Quand je ne sais que pleurer, Quand je voudrais sourire ♫ ♫ Mes mots glissent tout bas pour éviter le pire ♫ ♫ Mes mots comme des soupirs, Il me restera ça ♫ ♫ Quand on voudrait fixer chaque souvenir, chaque nom ♫ ♫ Pour ne rien oublier de chaque sensation ♫ ♫ Les mots sont nos combats, Les mots sont … ♫ ♫ l'émotion ♫ ♫ Nos mots comme chansons ♫ ♫ Il nous restera ça. ♫ (Applaudissements) Merci. Merci. Voilà, je ne veux garder que ça, ce goût de la scène, ce besoin de transmettre par la voix, de partager des textes qui inspirent. C’est un peu ce qu’ont fait tous ensemble cet après-midi… Voilà ce qui est important pour moi et je suis certaine que vous aussi vous connaissez la réponse à votre "à quoi bon ?", cette idée plus forte que tout, qui sera toujours là pour nous guider quand nous nous sentirons égarés. La mienne, l’évidence de mes 20 ans, mon rêve de petite fille, je ne veux plus l’oublier ni toutes ces victoires qui n’appartiennent qu’à moi et à mon chemin plein de virages. Tant qu’elles resteront là, je pourrais continuer, malgré les doutes et les obstacles, la mer agitée, la persévérance et la passion pour alliées. Alors levons-nos verres à moitié pleins et réjouissons-nous qu’il y reste tant de place pour les remplir encore. À nous ! (Applaudissements)