J'ai eu une vie relativement normale
jusqu'à l'âge de 20 ans.
J'étais un bon étudiant,
et j'ai étudié l'économie.
Et puis, j'ai fait un choix radical.
Je suis devenu infirmier.
J'avais mes ailes,
mais en tant qu'infirmier,
infirmier « homme »,
j'espère que vous arrivez à voir,
j'ai travaillé le reste de ma vie
avec de nombreuses femmes,
j'ai trouvé que c'était très positif,
et de cela, j'ai beaucoup appris.
J'ai travaillé de nombreuses années
à l'hôpital, et après ça,
j'ai commencé à travailler comme infirmier
de quartier sur un secteur.
Et ce fut la plus belle partie
de ma vie parce que
j'ai appris à gérer toutes sortes
de problèmes sur le secteur.
Dans le village où je travaillais,
j'avais des collègues
et ensemble, nous résolvions
tous les problèmes que nous rencontrions.
Ce n'était pas une grosse organisation,
c'était juste une équipe d'infirmières
qui organisaient le travail elles-mêmes.
Nous prenions soin des patients
en phase terminale,
des patients avec des démences,
des personnes qui sortaient de l'hôpital,
et il y avait des activités très diverses.
Nous prenions également soin
de petits enfants.
A cette période, c'était le travail
le plus sain qu'on pouvait avoir.
Nous avons également construit
un système de soutien sur le secteur.
C'était un travail très inspirant,
et je l'ai beaucoup aimé jusqu'en 1993
où en Hollande, ce fut un grand désastre
parce que les politiciens décidèrent
que le soin de quartier
devait devenir plus professionnalisé.
Et par là, je veux dire que
ça devait être intégré
dans une grande organisation
gérée par des managers
et organisée non pas dans la perspective
de fournir des solutions aux personnes
mais pour délivrer des produits.
Pour les infirmières,
cela ressemblait à ça :
au lieu de penser à aider les patients
elles devaient penser : quel type
de produit est-ce que je dois délivrer ?
Nous avions du soin personnel,
du soin personnel extra,
du soin personnel spécial.
Nous avions du soin de nursing,
du nursing extra, du nursing spécial.
Et toutes ces infirmières étaient
perturbées en pensant :
quel type d'activité dois-je dispenser,
et comment dois-je l'encoder ?
Parce qu'il y avait beaucoup de codes.
Pour les patients, c'était
un désastre encore plus grand
parce que pour chaque tâche,
ils avaient une nouvelle personne
et il y avait parfois des personnes
souffrant de démence
qui avaient 30 à 40 personnes différentes
qui passaient chez eux chaque mois.
Et vous pouvez imaginer
qu'à chaque fois,
il faut réexpliquer la situation
et dire comment
vous voulez mener votre vie.
Par conséquent, aussi bien
les infirmières que les patients
étaient très, très insatisfaits
du déroulement des choses.
Parallèlement, les organisations de soins
ressemblaient de plus en plus à des usines
et je vois cela se produire
dans de nombreux pays.
Donc, toutes ces choses
qui s'étaient développées
dans l'industrie et les entreprises,
elles étaient aussi dans les organisations
et on voyait que les managers prenaient
de plus en plus la main sur la profession.
Et donc on constatait
qu'il y avait de plus en plus de niveaux
hiérarchiques dans les organisations :
un PDG, des directeurs, des managers,
et ils oubliaient presque
qu'il y avait aussi des employés.
Et cela peut être organisé
très différemment
comme vous le voyez
sur la droite de la diapo.
Les conséquences furent très différentes
des prévisions des politiciens.
Parce qu'avec cette organisation,
ils s'attendaient
à ce que les coûts diminuent
et à ce que la qualité s'améliore.
Il y avait aussi
des incitations financières.
Mais c'est l'inverse qui s'est produit.
La qualité a chuté terriblement
car de nombreuses personnes
intervenaient chez chaque patient,
et les coûts ont doublé en 10 ans.
Donc les hypothèses
des politiciens étaient plutôt fausses.
Mais ce qu'on a vu, c'est que
les gens qui nous payaient
étaient toujours plus centrés
sur l'efficacité.
Par exemple, quand une infirmière
mettait 10 minutes de plus
pour aller chez un patient,
elle devait expliquer pourquoi
à son manager.
En 2006, quelques amis et moi, on a pensé
qu'il était temps que ça change.
J'avais été directeur dans quelques
organisations pendant quelques années,
et j'avais vu que l'on pouvait faire
très différemment.
Et notre idée, c'était de changer
le système de santé en Hollande
et d'entamer un mouvement pour montrer
que le soin aux personnes âgées
pouvait être amélioré,
fondé sur la confiance
et sur l'auto-organisation.
Ainsi, les principes selon lesquels
j'avais travaillé dans les années 80,
nous les avons repris comme principes
de base pour notre organisation.
De quatre infirmières en 2007,
on est passé à 9 000 en 2015.
Et cela s'est fait tout seul.
La première année, 2007,
c'était une sorte d'expérimentation.
Nous avons commencé
dans dix lieux différents
et à chaque fois, c'était la même chose :
des infirmières développaient
leurs réseaux dans le secteur ;
elles se remettaient à travailler
avec les mêmes principes
que dans les années 80,
et en l'espace de quelques mois
elles avaient leurs patients
et elles couvraient leurs coûts.
Il n'y avait aucun problème financier.
A partir de 2008,
on a gagné 10 à 20 équipes par mois,
et chaque fois, il se passait
la même chose.
Elles m'appelaient pour venir
dans une des maisons d'infirmières,
et on passait toute la soirée
à parler de notre profession :
qu'est-ce que ça signifie
d'aider les gens ?
Et comment peut-on le faire
selon leurs souhaits
sans être entravé par quelque
régulation que ce soit ?
Donc on faisait ça,
et le lendemain soir,
en général, une des infirmières
m'appelait,
et demandait : « Quand est-ce
qu'on peut commencer ? »
Et alors nous démarrions une nouvelle
équipe dans un nouveau quartier,
en nous centrant sur les patients
comme avant.
Tout cela est allé très vite,
et on n'a pas eu de problème à le gérer
parce qu'elles se géraient toutes seules.
On avait un petit back office,
et on a toujours un petit back office
de 30 personnes.
Ma femme et moi, on forme une sorte
d'équipe de direction,
mais on n'a pas de réunion,
et tout se passe bien.
Ma femme se réveille toujours très tôt,
vers 6 heures,
et là, elle me dit ce que je dois faire,
comme toute épouse, je pense,
le dit à son mari.
C'est comme ça qu'on gère.
Et comme ça, on a beaucoup de temps,
juste pour résoudre les problèmes.
Dans mon travail d'avant, j'avais
des réunions du matin au soir,
et je n'avais pas le temps
de résoudre les problèmes.
Donc c'est assez différent.
En 2015, il n'y avait
toujours pas de management.
Il y a eu beaucoup de critiques
quand on a démarré.
Ils disaient : « Oui, c'est facile
de faire ça tant qu'on est peu nombreux. »
Puis ils disaient :
« Attendez, peut-être que
l'année prochaine, ils vont s'effondrer
ou avoir de graves problèmes financiers. »
Mais l'inverse s'est produit
parce que les équipes
ont maîtrisé de mieux en mieux
et ont trouvé de nombreuses solutions
aux problèmes qu'elles rencontraient.
Donc ça se développait, et la connaissance
se développait dans les équipes,
et c'est devenu de plus en plus pérenne.
On a essayé d'éviter tout type
de bureaucratie.
On a bâti un système informatique
qui empêchait que la bureaucratie
dirige le travail des infirmières.
On a gardé toute la bureaucratie
à l'extérieur.
On a séparé le travail administratif
du professionnel
pour que les infirmières puissent
se centrer sur leur raison d'être,
c'est-à-dire prendre soin des patients,
trouver des solutions pour les patients
qui ont des problèmes graves.
En 2015, vous pouvez le voir
si vous regardez en arrière,
on a, depuis qu'on a commencé,
le plus grand taux de satisfaction
des clients en Hollande.
Et ce qui est très important
pour les décideurs politiques,
c'est que, au lieu que ça coûte plus cher,
ou que ça prenne plus d'heures,
comme on travaille avec des infirmières
mieux formées,
les coûts ont baissé de 40%.
Ainsi hier soir,
le Parlement hollandais débattait
au sujet des infirmières de quartier.
Et ils débattaient sur la place
de l'infirmière de quartier
dans le futur en Hollande.
Et ils disaient que ce mouvement
devrait être étendu à toute la Hollande
et nous voulons soutenir cela.
Tous les partis politiques
étaient d'accord là-dessus.
En même temps, on est devenu
le meilleur employeur de l'année
sur trois années consécutives.
Juste en ne faisant rien.
On n'a pas de service
de ressources humaines,
donc on ne...
donc en ne faisant rien, ou en faisant
moins, on a de bien meilleurs résultats.
Toutes ces idées de management
sur le contrôle et
la direction des personnes,
sont, selon moi, assez destructrices.
Si vous laissez les personnes
organiser le travail elles-mêmes,
vous obtenez de bien meilleurs résultats
et les gens sont beaucoup plus heureux
parce qu'ils peuvent faire
ce qu'ils veulent.
Cela semble très logique,
mais c'est devenu très difficile
pour les gens de travailler comme ça
dans beaucoup d'endroits,
pareil à l'école ou dans la police.
Ce n'est pas juste en Hollande
que cela s'est produit.
De nombreux pays ont les mêmes problèmes,
et on a des questions en provenance
des États-Unis,
du Japon, de la Suède, de la Chine,
de la République tchèque, etc...
J'ai visité 30 pays,
et dans chaque pays, j'ai rencontré
des infirmières avec les mêmes idées.
Et on commence le même mouvement.
Juste quelques infirmières, ça suffit.
Et vous montrez qu'on peut le faire.
Et alors, les autres personnes
deviennent curieuses.
Et disent : « On n'aurait jamais cru que
ce serait possible dans notre système,
parce que chez nous,
le système est si compliqué. »
On a même développé une théorie là-dessus.
La théorie qui intègre la simplification.
Essayez de rendre les choses simples,
et non complexes.
Et si vous faites ça, alors,
en conséquence,
il est plus facile pour les personnes
de prendre leurs responsabilités,
et de penser à ce qui peut être fait
pour résoudre des problèmes.
Je pense que le soin,
c'est une affaire de confiance.
Je n'ai jamais rencontré d'infirmières ne
souhaitant pas faire son travail au mieux.
Vous pouvez faire confiance
aux infirmières.
C'est une question de relations véritables
entre infirmières entre elles,
et entre infirmières et patients bien sûr.
C'est une question d'empathie.
Essayez de comprendre quels sont
les soucis des personnes
et essayez de faire quelque chose
de positif avec ça.
Selon moi, nous devrions
remettre une âme
au cœur des organisations,
et repousser la complexité à l'extérieur.
Merci beaucoup.
(Applaudissements)