Nous savons tous
que les valeurs de notre communauté
affectent notre manière de penser,
ou que le code de la route
affecte notre façon de conduire ;
nous comprenons tous
que les lois de notre pays
dictent la manière de nous comporter.
Mais, je suis ici pour parler
des types d’influence,
des services du web
que vous utilisez tous les jours ;
quel rôle ils jouent dans votre vie,
et comment les infimes décisions
dans leur conception
peuvent avoir des répercussions
sur la réalité.
Il est facile de qualifier ces services
du web de surhumains.
Facebook ou Google
sont tellement énormes et compliqués
qu'il est impossible de comprendre
ce qu'il s'y passe.
Et il est impossible de connaître
les motivations humaines
de leur conception.
Essayons un petit exercice de réflexion.
Et si votre réseau social préféré
commençait à classer vos amis ?
Pas en se basant sur leurs publications
ou votre supposée affinité avec eux,
mais sur le désaccord
qu'il y a entre vous.
Cela changerait-il un peu
votre expérience ?
Cela rendrait-il votre monde
légèrement différent ?
Et si votre moteur de recherche passait
en version islandaise ?
Ce serait une expérience différente
quand vous commenceriez à consulter
un nouveau sujet qui vous fascine ?
Ou si votre magasin de musique
décidait tout à coup
que vous deviez écouter
de la musique country.
Ça pourrait réellement changer
le regard que vous portez sur la musique.
Dans n'importe quel cas,
remarqueriez-vous vraiment
que le service a changé
ou penseriez-vous
que c'est le monde qui a changé ?
Pour le comprendre,
vous devez comprendre
comment les services
et leurs règles sont créés
et comment les décisions se prennent.
Nous pourrions imaginer que c'est
une inspiration du moment :
des geeks dans des cafés qui trouvent
des idées et les partagent sur le web,
mais, en fait aucune entreprise
digne de ce nom
n'a recours à la mesure.
Ils regardent les schémas
de l'utilisation de leur site
et ils les changent et regardent
si ça les attire plus.
S'ils y parviennent, ces méthodes
sont publiées quelque part
et se propagent très, très rapidement
sur Internet.
Ainsi, la mesure est au cœur
du processus de prise de décision.
La question logique suivante est :
que mesurent-ils ?
La réponse est « l'engagement »
au sens large du terme.
A chaque fois
qu'on clique sur quelque chose,
à chaque fois qu'on crée des liens,
à chaque fois qu'on tweete,
à chaque fois qu'on fait quelque chose
qui peut être mesuré,
ça s'appelle l'engagement.
Il a des propriétés plutôt étranges.
Une dispute longue et désagréable,
quelque chose d'amer et fougueux
qui peut être très stimulant
par n'importe quelle mesure objective ;
une guerre du feu d'Internet,
extrêmement stimulant.
Mais, une petite lettre d'amour qui peut
rendre la vie de deux personnes meilleure,
ce n'est pas vraiment stimulant.
Alors, les données sont fausses.
Les gros potins sont plus importants
que les conseils santé ?
Je doute que ce soit vrai.
Alors que se passe-t-il
lorsque ce qui est bon pour nous
n'est pas très stimulant ?
Voyons trois exemples
de comment la stimulation de l'engagement
peut être néfaste pour les utilisateurs.
Notez bien qu'il ne s'agit pas
du rôle des méchants,
ce ne sont pas des gens qui essayent
de manipuler la populace.
Ce sont des choses qui arrivent
partout sur Internet.
Ce sont des exemples
de la prochaine nouveauté.
Les entreprises investissent des millions
pour devenir expertes
sans vraiment garder un œil sur les coûts.
Donc, le premier problème est que
les sites vraiment captivants
vous connaissent trop bien.
La personnalisation est le Saint-Graal
du web moderne.
Vous voulez une expérience qui est
complètement adaptée à l'utilisateur
qui sait ce qu'il veut
avant que l'utilisateur lui-même le sache.
Donc par exemple, si je vais sur Google,
et recherche Apple, j'obtiens ça.
Mais, lorsqu'un agriculteur va sur Google,
et recherche Apple,
Il pourrait obtenir ça, et c'est génial.
Ça donne aux gens ce qu'il veulent
et ça ne coûte rien à personne.
Donc, voyons comment un tel système
fonctionne.
L'algorithme de recommandation de Netflix
est probablement le plus sophistiqué.
Netflix examine tous les films
que vous avez regardés,
tous les films que vous avez notés,
et vous range dans un seau.
Ensuite, il regarde ce que les autres
personnes dans le seau aiment,
que vous n'avez pas vu, regardé, ou noté,
et il vous le recommande.
60% de Netflix consiste en 16 millions
d'utilisateurs,
donc, 10 millions de personnes
utilisent ça pour regarder leurs films,
pour faire leurs choix.
Mais, encore une fois,
ça n'a pas l'air très nocif.
C'est de toute évidence un service
populaire qui recommande de bons films.
Tout ça semble très bien.
Mais, personne ne sait
à quel seau il appartient,
ou dans quel seau il souhaiterait être.
Les films ne représentent
qu'une infime partie de notre vie.
On ne prend pas de décisions
de vie ou de mort basées sur ce système,
on choisit seulement
comment on va passer deux
ou trois heures de notre soirée.
Qu'en est-il des faits alors ?
Imaginons ce système d'ici dix ans :
c'est encore mieux
et vraiment personnalisé,
vous recherchez des informations
sur l'histoire ancienne.
Pour 42 % des Canadiens,
c'est le résultat qu'on obtiendrait.
Ces 42 % de Canadiens croient
que les dinosaures et les humains
ont marché sur la Terre en même temps.
Suis-je le seul à penser
que c'est plutôt effrayant ?
Que tandis que le système s'améliore,
il renforce les préjugés des gens ?
Car il est impossible
que vous fassiez partie de ces 42 %,
vous n'allez pas cliquer sur ces liens,
ni écrire un blog là-dessus,
ou tweeter à ce sujet ;
vous allez stimuler
chaque mesure d'engagement
pour dire au service que
ce contenu est fiable.
Et si vous aviez tort ?
Et s'il existait une manière de faire
connaître la vérité et qu'on ignore ?
Ça effraye car c'est ce qu'il se passe.
Vous pouvez le voir ici.
Vous allez sur Google News
et on vous recommande des actualités.
mais, la recommandation de ces articles
se base sur ce qui vous intéressait avant,
ce qui veut dire
qu'il récupère vos préférences.
À chaque fois que vous cliquez
sur les articles à scandale,
ça dit au système
que vous aimez ce genre d'articles.
Le système n'a pas été conçu
pour améliorer votre lecture d'articles,
mais pour avoir un engagement
à court terme
et simplement pour que
les gens cliquent sur la boîte.
Donc, le problème suivant
avec ces sites captivants,
c'est qu'ils sont très amusants.
Et je dis ça en plaisantant à moitié,
mais, les faire amusants
peut rendre les gens accros,
pas nécessairement
par la valeur qu'ils apportent,
mais, simplement à cause de l'obsession,
le circuit qu'ils ont conçu
dans le système
pour les rendre vraiment attachants.
Attachants ne veut pas dire enrichissants.
Regardez à quel point
ça peut devenir attachant :
World of Warcraft a investi six millions
d'années de travail.
Six millions d'années d'une personne
ont été passées dans World of Warcraft.
Donc c'est visiblement très addictif
et très captivant.
Les gens passent en général
3 milliards d'heures par semaine
dans des mondes virtuels.
Ils dépensent des milliards de dollars
dans des propriétés qui n'existent
que dans une base de données
donc, les gens ont complètement adhéré
au système.
Et j'aimerais comprendre pourquoi.
Nous pouvons tirer des conclusions
qui peuvent être utiles.
La raison qui pousse les gens à passer
tant de temps dans ces mondes est
que les développeurs
prennent le plaisir au sérieux.
Ils les optimisent et les testent.
En gros, ils organisent à l'envers
le centre de divertissement du cerveau.
Et ils nous disent
quelque chose à propos de nous
en fonction des jeux qui prospèrent
et ceux qui sont ennuyeux.
Des biologistes évolutionnistes
nous disent
que les gens ressentent du plaisir
après avoir complété une collection.
Par exemple, si vous collectionnez
les timbres,
et vous obtenez le dernier de la série
des trains mongoliens de 1956,
vous allez être content.
Mais, pas besoin d'en alerter
les frères Parker.
Ils finissent par le savoir tout seul.
B.F. Skiner a passé des années
à étudier les rats,
et leur réaction à plusieurs
programmes de récompense.
Il a construit une boîte, et y a ajouté
un levier ainsi qu'un distributeur
de nourriture, et il s'est amusé
à faire le rapport entre le nombre
d'appuis du levier
et la quantité de nourriture
que ça distribue.
Il a découvert qu'en variant
la taille de la récompense
et la fréquence de distribution,
les rats sont plus susceptibles
de continuer d'essayer.
Mais, on aurait pu faire la même chose
avec les joueurs de machines à sous
car leur comportement
est exactement le même.
Ça s'applique à bien plus que les jeux.
Le meilleur exemple en dehors du monde
d'Internet est Weight Watchers.
Ils utilisent des mécaniques de jeu
brillamment
pour rendre plus difficile
l'abandon d'un régime.
Les joueurs comptabilisent leurs points
et sont récompensés
s'ils restent dans une certaine fourchette
de points
et ça fonctionne.
Ça existe depuis 40 ans, et les gens
sont restés bloqués sur le système.
Mais aujourd'hui, l'utilisation la plus
performante des mécaniques du jeu a été
de faire connecter les gens entre eux.
Je parle des jeux sociaux
comme Farmville ou Mafia Wars.
Ils se développent très rapidement
et ont des millions de joueurs.
Comment font-ils ça et pourquoi les gens
sont bloqués dessus ?
Pourquoi des gens passent des heures
de leur journée dans ces mondes ?
Je pense que nous en venons au fait
que nous ressentons l'envie
de nous connecter avec les autres.
Lorsqu'on ne peut pas, on se sent seul,
ensuite on déprime.
Ces jeux nous donnent une façon simple
d'échapper à ces sentiments,
une façon d'être constamment
connecté avec les autres,
et ils sont parfaitement conçus
pour vous donner des interactions sûres
avec les autres.
« Vous avez ce cadeau gratuit. »
Personne ne devrait réfléchir
à la formulation du message.
On vous donne tout.
C'est très facile de rester connecté.
Je veux dire, ce sont des endroits où
vous pouvez vraiment passer du temps.
Mais, de quel genre d'endroit s'agit-il ?
C'est un endroit où qui vous connaissez
importe plus que ce que vous connaissez.
C'est construit directement
dans la logique du jeu.
Vous ne pouvez pas accéder
au niveau supérieur
avant d'avoir invité
un certain nombre d'amis.
Tout est dans le statut.
Le statut vient à partir du temps
et de l'argent dépensé dans ce système.
C'est un endroit où c'est mieux
d'hurler que de parler.
Si vous jetez un œil
sur votre fil d'actualité Facebook,
vous verrez des gens hurler à propos
de ces différents jeux sociaux.
J'ai l'impression que ça ressemble
plus à une boîte de nuit bruyante.
Zynga gagne de l'argent en vendant
des articles virtuels
pour de l'argent réel,
mais ça ne fonctionne
que si les joueurs achètent,
de la même façon que si une boîte
de nuit leur disait qu'ils sont cool,
ça ne serait pas suffisant.
Vous devez vraiment y croire
si vous voulez rester devant l'entrée
dans le froid pendant 30 minutes
sachant que l'endroit est vide
à l'intérieur.
Le statut de l'article sera évalué
par les gens intéressés par ça.
À chaque fois que vous rejoignez un jeu
ou que vous invitez un ami,
vous ajoutez de la valeur à ce jeu.
Vous êtes une personne de plus qui dit :
« Ce monde est réel, tout va bien,
viens me rejoindre ! »
Et s'il suffit simplement
d'une relation superficielle
pour faire entrer des gens dans ce monde
et qu'ils s'engagent,
ils vont donc développer le jeu
en promouvant
les relations superficielles.
Mais, ça ne doit pas forcément
se passer ainsi.
On n'a pas à passer notre temps
dans des boîtes de nuit ringardes.
Tous ces outils que j'ai mentionnés
peuvent être utilisés pour motiver
les gens à faire n'importe quoi.
Ça peut rendre les gens plus heureux,
en meilleure santé voire plus soignés.
L'un de mes exemples préférés
est Nike Plus.
Ils font tout pour que les gens
s'intéressent à la course à pied,
et ça fonctionne.
Les coureurs Nike Plus courent plus
que sans recours au système.
Ils mettent une puce de traçabilité
dans vos chaussures,
puis vous courez et vous enregistrez
votre progrès en ligne,
et eux peuvent utiliser
tous ces leviers et astuces
afin de rendre la course plus amusante.
ReMission est un jeu pour les enfants
atteints du cancer.
Le jeu fonctionne ainsi : en parcourant
le corps humain, vous apprenez des choses
sur le cancer, tandis que vous
le combattez avec un pistolet laser.
Une étude indépendante
a montré que
les enfants qui jouaient à ce jeu
géraient mieux leur traitement.
Ils sont plus calmes, plus à l'aise
et font des choses proactives
qui sont enseignées à travers le jeu
pour améliorer leur situation.
Chore Wars est un jeu
pour des colocataires.
(Rires)
C'est un jeu basé sur
les tâches ménagères.
Il divise les tâches pénibles entre
des personnes vivant ensemble,
ce qui rend ça amusant et coopératif.
Vous jouez au jeu,
vous créez votre profil,
vous gagnez des points
sans vous rendre compte
que vous êtes en train de balayer le sol
et de récurer les toilettes.
En ce moment, je travaille sur un jeu
appelé Save My Life
avec des personnes dans le public,
et le vrai but est de réduire le risque
que les gens ont de mourir d'un cancer.
À mon avis, l'une des manières de faire ça
est de jeter des choses
de cette matrice standard,
la manière dont nous regardons
les services en ligne
et de se concentrer sur
des actions saines dans le monde réel.
Si c'est le but final, si c'est ce à quoi
nous aspirons réellement,
nous avons une chance de réussir.
Il y a beaucoup de personnes
ici dans le public
qui développent des services pour le web,
qui construisent des choses en ligne
attirant l'attention des gens.
J'aimerais que vous preniez tous un moment
et que vous réfléchissiez
ce que vous pouvez mesurer d'autre,
une autre façon de prendre des décisions
et s'il existe une meilleure manière de
rendre le monde meilleur avec vos services
Merci.
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