Ce sont des objets simples :
des horloges, des clés,
des peignes, des lunettes.
Ce sont les choses que les victimes
du génocide en Bosnie
portaient sur eux
pour leur dernier voyage.
Nous avons tous l'habitude de
ces objets du quotidien, banals.
Le fait que certaines
des victimes portaient
des objets personnels tels que
du dentifrice et une bosse à dents,
est le signe clair
qu'ils n'avaient aucune idée
de ce qu'il allait leur arriver.
En général, on leur disait qu'ils allaient
être échangés
contre des prisonniers de guerre.
Ces éléments ont été récupérés
de nombreux charniers
à travers ma patrie,
et pendant que nous parlons,
les experts médico-légaux
sont en train d'exhumer des corps
d'un charnier récemment découvert,
vingt ans après la guerre.
Et il est très probablement
le plus grand jamais découvert.
Pendant les quatre ans du conflit
qui a ravagé la Bosnie
au début des années 80,
environ 30 000 citoyens,
principalement des civils,
ont été portés disparus, présumés tués,
et 100 000 autres ont été tués
au cours des combats.
La plupart d'entre eux ont été tués
soit durant les premiers jours
de la guerre
ou à la fin des hostilités,
quand les zones de sécurité
des Nations Unies,
comme Srebrenica, sont tombées
entre les mains de l'armée serbe.
Le Tribunal Pénal International
a prononcé un certain nombre de peines
pour crimes contre l'humanité et génocide.
Le génocide est la destruction
délibérée et systématique
d'un groupe racial, politique, religieux
ou ethnique.
Un génocide, s'il s'agit d'abord de tuer,
c'est aussi détruire leur propriété,
leur patrimoine culturel,
et, finalement, la notion même
de leur existence.
Le génocide n'est pas
seulement le meurtre ;
il s'agit de la négation de l'identité.
Il y a toujours des traces —
le crime parfait n'existe pas.
Il y a toujours des restes
de ceux qui ont péri
qui sont plus durables
que leurs corps fragiles
et que notre mémoire sélective
et nos souvenirs qui s'estompent.
Ces éléments ont été récupérés
à partir de nombreux charniers,
et l'objectif principal
du rassemblement de ces éléments
est un procédé unique
d'identification de ceux
qui ont disparu dans les tueries,
la première action de génocide
sur le sol européen
depuis l'Holocauste.
Pas un seul corps
ne doit rester inconnu ou
non identifié.
Une fois récupérés,
ces éléments que les victimes
portaient avec eux
sur le chemin de leur exécution
sont soigneusement nettoyés, analysés,
répertoriés et stockés.
Des milliers d'objets sont emballés
dans des sacs en plastique blancs,
tout comme ceux que vous voyez
dans « Les Experts ».
Ces objets sont utilisés
comme un outil médico-légal
pour l'identification
visuelle des victimes,
mais ils sont également utilisés comme
preuves médico-légales très précieuses
dans les procès en cours
pour crimes de guerre.
Les survivants sont parfois appelés
pour essayer d'identifier
ces objets physiquement,
mais les parcourir physiquement
est un processus extrêmement difficile,
inefficace et douloureux.
Une fois que la médecine légale,
les médecins et les avocats
en ont fini avec ces objets,
ils deviennent orphelins du récit.
Beaucoup d'entre eux sont détruits,
croyez-le ou non,
ou ils sont simplement remisés,
loin des yeux, loin du cœur.
Il y a quelques années j'ai décidé
de photographier chaque élément exhumé
afin de créer une archive visuelle
que des survivants pourraient
facilement parcourir.
En tant que conteur,
j'aime bien rendre à la communauté.
J'aime aller au-delà de
la sensibilisation.
Et dans ce cas, quelqu'un peut
reconnaître ces éléments
ou du moins
leurs photographies resteront
comme un rappel permanent,
impartial et précis
de ce qui s'est passé.
La photographie
est une question d'empathie,
et la familiarité de ces éléments
garantit l'empathie.
Dans ce cas, je suis simplement un outil,
un légiste, si vous voulez,
et le résultat
est une photographie qui est
aussi proche
que possible d'être un document.
Une fois que toutes les personnes
manquantes seront identifiées,
il ne restera plus que les corps
en décomposition dans leur tombes
et ces objets du quotidien.
Dans toute leur simplicité,
ces éléments sont le dernier témoignage
de l'identité des victimes,
le dernier rappel permanent
que ces gens aient jamais existé.
Merci beaucoup.
(Applaudissements )