(Musique sautillante et drôle)
(Voix F) Tribu - Laurent Caspary.
(Laurent Caspary) Bonjour, bienvenue dans Tribu.
Ils portent un étrange acronyme anglais: les MOOCs, pour Massive Open Online Courses
ou, en français, on pourrait traduire par "les cours ouverts et massifs en ligne".
Concrètement, ça donne la possibilité à un étudiant de suivre des cours
un peu partout dans le monde en direct.
Ça n'a l'air de rien, mais les premières tentatives ont eu lieu il y a deux ans à peine
et cela transforme déjà un peu notre système de formation
et ce n'est qu'un début: les perspectives sont immenses, les craintes aussi,
mais comme nous avons désormais déjà un petit peu d'expérience en la matière,
hé bien certaines de ces craintes disparaissent ou s'amenuisent.
On va en parler, de ces cours en ligne,ces fameux MOOCs,
avec vous, Pierre Dillenbourg: bonjour.
(Pierre Dillenbourg) Bonjour.
(Caspary) Vous êtes professeur, directeur du Centre pour l'éducation digitale à l'EPFL
ou, dit en anglais, la MOOC Factory ...
(Dillenbourg) Exactement.
(Caspary) C'est ça. Merci d'être avec nous en direct dans Tribu pour nous parler
de ce qui pourrait être effectivement un phénomène de société au sens large du terme.
Vous êtes en plein dedans, puisque vous êtes le directeur de la Mooc factory,
vous rencontrez des gens, vous travaillez avec des gens qui parlent de MOOCs toute la journée,
vous êtes interviewé très régulièrement sur les MOOCs.
Est-ce que, lorsque vous allez dans un dîner chez des gens, on va dire, hors du sérail,
et que vous dites: "Ben, je travaille dans les MOOCs," on vous regarde encore de travers?
(Dillenbourg) Ce matin, sur le quai de la gare, j'ai rencontré un vieil ami qui m'a dit:
"J'ai pris tel MOOC de l'EPFL et c'était vraiment bien."
Donc, je pense que ça, effectivement, ça touche maintenant l'ensemble des milieux.
(Caspary) D'accord, très bien, bon, j'ai des exemples inverses,
en en discutant dans ma famille, on ouvre encore des grands yeux:
"Les MOOCs, mais qu'est-ce que c'est?"
Mais voilà: on est en train d'en parler, on en parle pas mal, effectivement, depuis quelques années,
depuis deux ans, depuis l'apparition des MOOCs
et on va en parler probablement ces prochaines années, parce que c'est en train de se faire connaître.
Alors peut-être, pour être très clairs, pour commencer avec la base,
qu'est-ce que c'est qu'un MOOC ou un cours massif en ligne?
(Dillenbourg) Alors, prenons un cours typique de l'EPFL, "Dynamique des fluides."
Normalement, ce cours est donné sur le campus,
le professeur donne un cours ex-cathedra de deux heures,
suivies de deux heures d'exercices ou de travaux pratiques dans des laboratoires.
Quand il est placé sur internet, ce cours devient une série de vidéos de 10-12 minutes,
donc la leçon typique de 50 minutes est divisée en 4-5 vidéos de 10 minutes.
Ces vidéos sont saupoudrées de quiz, de questions:
de temps en temps, la vidéo s'arrête et une question apparaît pour maintenir l'attention de l'étudiant.
Donc, première chose: il y a des vidéos de cours, comme des cours ex-cathedra.
Deuxième chose, il y a les travaux à rendre chaque semaine
et ces travaux sont aussi difficiles que tous les travaux de l'EPFL:
les étudiants y passent 4 à 5 heures par semaine,
donc c'est des vrais cours avec des exigences tout à fait sérieuses.
Et finalement, il y a des forums online:
vous savez, des endroits où on peut poser des questions auxquelles le professeur va répondre,
les assistants vont répondre.
Mais si vous êtes 20'000 online, il y a beaucoup de chances que le premier qui vous réponde,
c'est un autre étudiant qui se trouve quelque part dans le monde.
Donc, il y a une vie sociale assez forte dans ces forums online qui accompagnent le cours.
(Caspary) Donc, c'est une extension, parce que c'est vrai que les cours à distance, c'était connu,
voire même par correspondance, l'université par correspondance, c'est connu.
Là, c'est vraiment une nouvelle méthode
qui est favorisée, évidemment, par internet et par le haut débit?
(Dillenbourg) Alors, personnellement, j'ai donné cours online de 94 à 2004.
On pourrait dire, c'est pas très nouveau, les MOOCs.
Sauf que j'avais 15 étudiants.
Maintenant, nos professeurs ont 15'000, 20'000, 30'000,
il y a même un professeur qui en a eu 50'000.
Donc, il y a des choses qui ont changé.
Il y a dix ans, il y avait internet, mais il n'y avait pas internet partout, comme maintenant.
Il y a dix ans, il n'y avait pas d'iPhone, il n'y avait pas de tablette, il n'y avait pas de Facebook:
ça n'existait pas.
Les universités américaines n'étaient pas en crise comme aujourd'hui.
Donc, voilà: le monde a changé
il y a des choses qui vivotaient il y a dix ans qui ont tout d'un coup pris un essor très fort il y a deux ans,
notamment avec une formule nouvelle: ces cours ont un timing très strict.
Chaque semaine, vous participez, chaque semaine vous devez rendre vos travaux,
ce qui crée une dynamique sociale forte.
Si vous allez dans les forums, vous avez des questions sur le travail à rendre demain,
pas des questions que quelqu'un a posées il y a six mois.
C'est comme courir le marathon de Lausanne:
vous pouvez le courir demain matin, à 6 heures du matin, vous serez tout seul,
il n'y aura pas 10'000 glus qui vous empêchent de courir aussi vite que vous voulez.
Mais c'est plus facile de le courir en même temps que 10'000 personnes,
parce qu'il y a une dynamique sociale.
On aime bien, ensemble, affronter des épreuves, et ça marche assez bien dans les MOOCs.
(Caspary) Donc, l'aspect massif qui est primordial?
(Dillenbourg) L'aspect massif était la grosse surprise, en effet.
(Gaspary) Alors --
(Dillenbourg) -- En deux ans, si je peux dire, on a récolté 650'000 inscriptions à l'EPFL:
pour une université qui compte 7'000 étudiants, 8'000 étudiants, pardon, c'est intéressant.
Alors, on va voir qu'ils ne vont pas tous jusqu'au bout,
mais il y a quand même un phénomène qui nous dépasse un peu, là.
Ce succès est assez extraordinaire.
(Caspary) Oui, ça, l'EPFL pionnière en Europe dans les MOOCs,
on sait que ça vient des Etats-Unis, enfin les Etats-Unis sont évidemment un peu en avance,
mais l'EPFL, au niveau européen, très forte?
(Dillenbourg) L'EPFL est No 1 en Europe, on était dès le début --
vous savez, notre Président a un flair assez bon, donc il a senti qu'il se passait quelque chose.
On a été très vite, on est associés aux deux grandes plateformes,
ce qui nous donne une position très, très forte
et on a pris, en effet, le leadership en Europe sur ce thème là.
(Caspary) Alors, qui s'inscrit à ces MOOCs,
et surtout pourquoi, à ces cours massifs en ligne?
Vous dites 650'000 étudiants: ils viennent d'où? D'Europe, du monde entier?
Ce sont des universitaires, des gens qui font des postgrads, qui sont-ils?
(Dillenbourg) Alors, il y a d'abord nos étudiants qui prennent les MOOCs.
Il n'y a pas que les gens dans le monde entier, il y a aussi nos étudiants:
on peut y revenir par la suite, et c'est quand même le public No 1 de l'EPFL.
Ensuite, il y a effectivement des gens du monde entier.
On a, par exemple, sur les 650'000 inscrits, 120'000 Américains.
C'est intéressant, parce qu'on nous dit parfois:
"Mais, les MOOCs, c'est la macdonaldisation de l'éducation américaine,
alors que là, ce sont des Américains qui viennent manger la raclette, en quelque sorte.
(Caspary) Les cours sont en anglais, alors, rassurez-moi?
(Dillenbourg) Alors, dans les 120'000, il y en a 25'000 inscrits à des MOOCs francophones.
(Caspary) D'accord
(Dillenbourg) Alors il y a des choses --
parce qu'on a à peu près fifty-fifty, moitié-moitié, de cours anglais et francophones.
Alors, est-ce que ce sont vraiment des Américains qui veulent prendre des cours en français?
Il y a par exemple un Japonais qui a pris notre cours de physique en français,
parce qu'il apprenait à la fois la physique et le français.
Voilà. Donc, un grand succès à l'étranger, beaucoup, beaucoup de succès en France,
un succès en Afrique qui commence à monter, on y reviendra tout à l'heure,
et en Suisse aussi.
C'est intéressant de voir qu'on a beaucoup, beaucoup de Zurichois qui viennent s'inscrire à nos cours,
plus que de Lausannois.
On a cité ces chiffres à notre Secrétaire d'Etat pour la science, Maurizio dell'Ambrogio,
c'est intéressant, les choses bougent.
(Caspary) Oui, parce que du côté de Zurich, on a été un peu plus réticents,
on a été un peu moins, on va dire, on s'est un peu moins jeté sur les Moocs,
et puis là, on voit qu'en fin de compte, les Zurichois s'y intéressent,
en tout cas, les étudiants zurichois s'y intéressent?
(Dillenbourg) Les étudiants s'y intéressent,
le leadership de l'ETHZ s'en est rendu compte maintenant,
ils commencent un peu, avec deux ans de retard, mais comme nous sommes très gentils,
nous allons les aider à avancer dans ce jeu-là.
(Caspary) Est-ce que ça coûte cher de s'inscrire à un de ces cours,
parce que, c'est 650'000, alors on sait qu'en Suisse, les universités sont normalement peu chères,
elles sont abordables par rapport aux universités américaines,
dont les cours, évidemment, l'entrée est très chère.
Comment est-ce que ça se passe? Est-ce qu'il faut payer quelque chose?
Est-ce qu'il faut avoir aussi un diplôme, éventuellement, pour suivre ces cours?
(Dillenbourg) Alors, deux choses:
Le mot "Open" - dans M.O.O.C., MOOC, la deuxième lettre vient de "Open" - veut dire deux choses.
D'abord, il n'y a pas de conditions d'entrée.
On a parfois des gamins de 15 ans qui viennent prendre des MOOCs de l'EPFL
et, ma foi, certains réussissent,
ou des dames de 65 ans, qui n'ont jamais été à l'université,
qui ne pourraient pas rentrer à l'EPFL, et qui y réussissent, donc --
(Caspar) Donc il y a partage de la connaissance de manière incroyable, aussi,
parce que là, on parlait des étudiants, mais tout un chacun peut, a accès tout d'un coup,
à des choses qui étaient réservées à un cénacle, une sorte d'élite, en fin de compte?
(Dillenbourg) Tout un chacun peut accéder: c'est l'idée.
Nous sommes huit millions en Suisse,
il y a à peu près 100'000 étudiants dans les universités,
donc pourquoi ne pas partager nos connaissances?
Ça, c'est l'idée.
Dans la réalité, on en est loin.
En moyenne, l'étudiant qui fait un MOOC est plutôt un mâle blanc de trente ans
qui a déjà un diplôme universitaire et qui vit dans une grande ville.
On est quand même encore, pour le moment, dans --
on n'atteint pas tout le monde, quoi, un peu encore un public de privilégiés,
mais le but, c'est vraiment d'étendre ça le plus possible.
Evidemment, les MOOCs qu'on met online sont des MOOCs assez pointus:
le Digital Signal Processing de l'EPFL, je peux vous dire que c'est un MOOC qu'il faut y aller.
Donc c'est normal qu'on touche un peu plus à la formation continue qu'à la formation initiale:
deux tiers des participants ont déjà un Bachelor et un Master.
Mais l'objectif global des MOOCs, pour une société, c'est effectivement
que tout le monde puisse accéder au savoir dont disposent les universités.
(Caspary) Et vous nous disiez tout à l'heure que sur les 650'000 qui se sont inscrits,
à ces cours en ligne, à ces MOOCs de l'EPFL, il faut évidemment, quelque part, pondérer le chiffre,
parce qu'entre les gens qui s'inscrivent et les gens qui, peut-être, à la fin,
vont faire un examen final ou vont jusqu'au bout, on arrive à quelle proportion?
(Dillenbourg) Alors, on arrive à 10%, mais ça se passe comme ceci:
Sur les 650'000, à peu près un tiers s'inscrivent, puis viennent voir les premières vidéos
et se rendent compte que c'est des contenus mathématiques poussés, etc.
et se disent "Oh, ce n'est pas pour moi, d'accord."
Donc, ce n'est pas qu'ils ont abandonné, c'est qu'ils se sont inscrits pour voir,
en général, bon, ils viennent quand même visiter l'EPFL online,
donc ce n'est pas négatif du tout pour l'EPFL.
Le deuxième tiers sont des -- on les appelle les auditeurs.
C'est des gens qui s'inscrivent au MOOC,
mais ils n'ont pas du tout l'intention de suivre l'entièreté du cours,
parce qu'ils ont peut-être déjà suivi ce cours il y a cinq ans.
Ils veulent prendre certains chapitres qui les intéressent
ou mon ami Maurizio, croisé sur le quai de la gare ce matin,
il m'a dit: "J'ai pris tous les cours du professeur Vetterli, mais pas l'examen;
je n'avais pas le temps de rendre tous les travaux."
Donc, il y a des gens qui viennent, ils prennent un MOOC comme un wiki.
(Caspary) Un peu à la carte?
(Dillenbourg) A la carte, et ils sont très contents.
Et ensuite, il y a à peu près un tiers qui s'inscrit pour le cours,
et dans ce tiers-là, il n'y a à peu près qu'un tiers qui réussit,
parce que ce sont des cours difficiles, il y a ce termin très strict.
Donc, on en arrive, au bout, à environ un peu moins de 10% qui arrivent,
donc ça fait quand même 50'000 diplômes, certificats, délivrés par l'EPFL pour des choses difficiles, hein?
C'est pas une vidéo sur le Gangnam Style, c'est à 14 semaines, 4 à 5 heures de travail par semaine.
Donc, 50'000 certificats qui ont une vraie valeur.
Alors je n'ai pas fini sur le coût d'inscription.
Donc l'inscription est gratuite pour tous et va le rester.
On a la garantie de nos partenaires.
Dans certain cas, les étudiants peuvent choisir entre deux certificats.
Il y a le certificat normal, qui est délivré, qui est gratuit à la fin,
et puis un certificat dans lequel il y a plus de contrôle.
A chaque exercice ou test, il y a quelqu'un qui vérifie online votre identité, pour vérifier que c'est bien vous.
Ce certificat-là coûte $49, enfin, les prix varient,
mais disons, coûtent une somme non négligeable, mais quand même tout à fait gérable.
Donc, alors, est-ce que le certificat à $50 vaut vraiment plus que le certificat gratuit?
Ce n'est pas nous, l'EPFL, qui allons décider, c'est le marché de l'emploi qui va dire:
"A vous, je vous donne le job, parce que l'autre candidat avait un certificat. [sic; lapsus?]" Voilà.
Donc ça, on va voir comment ça évolue.
Est-ce qu'on va continuer à donner des certificats gratuits, ça, c'est une grande question.
Les techniques de contrôle online s'améliorent tellement
que je pense que d'ici deux ans, on pourra même délivrer des crédits CTS,
donc des vrais crédits universitaires sur la base des MOOCs.
(Caspary) Petit aspect technique: lorsque vous avez 50'000 étudiants qui certes,
pas tous en même temps, mais enfin,
qui se rajoutent aux étudiants qui sont sur le campus, qui suivent les cours, on va dire, plus normalement,
il faut des gens pour contrôler tout ça, il faut -- comment ça se passe?
Il faut pas mal de monde, j'imagine, pour vérifier les épreuves?
(Dillenbourg) Alors, il y a deux sortes d'épreuves.
Il y a des choix multiples: ça, c'est corrigé automatiquement.
Et on a pas mal de MOOCs dans le domaine de la programmation, donc on a --
les étudiants rédigent un programme et on a un autre programme qui analyse leur programme.
Ils peuvent recommencer cent fois.
Ça, ça marche assez bien.
Et puis, il y a les cas plus difficile, voilà.
On fait de l'urbanisme, on doit décrire la situation d'une ville, avec un texte.
Comment, si je reçois chaque semaine 10'000 textes à corriger,
qu'est-ce que je fais?
J'ai un vrai problème.
Par contre, j'ai aussi une solution: j'ai 10'000 personnes online.
Donc qu'est-ce que je fais?
Je prends le premier essai, je le distribue aléatoirement à cinq étudiants
et je fais la même chose avec le deuxième, je continue,
donc je reçois de leur part cinq notes,
puis, par exemple, j'élimine les deux extrêmes,
je calcule la moyenne sur les trois qui restent
et ça me donne une note dont on a pu montrer,
parce que dans certains cas, on a contrôlé
et on a demandé à quelqu'un de corriger 1'000 copies,
on a montré que cette note d'auto-évaluation, ou d'évaluation par les pairs,
est en fait bien corrélée avec la note que donne le professeur,
à une seule condition: c'est que le professeur ait défini des critères très stricts.
Mais donc, ça, ça se passe assez bien; c'est quand même nouveau que les étudiants se disent:
"Bon, mais moi j'ai un cours gratuit et en échange, je participe à ce système d'évaluation par les pairs,"
qui est d'ailleurs formateur.
Quand je corrige le travail de quelqu'un d'autre, ça, c'est formateur, de devoir le faire.
(Caspary) Ah, c'est intéressant: nouvelle méthode.
On va continuer à en parler jusqu'à 11 heures avec vous, Pierre Dillembourg,
sur ces MOOCs, ces cours massifs online.
On va se retrouver dans moins de trois minutes après cette chanson,
"Don't let me be misunderstood" chantée par Jamie Cullum et Gregory Porter
♫ intro orchestre ♫
♫ Baby, you understand me now.
Sometimes you see that I'm mad ♫
♫ Don't you know that no one can always be an angel? ♫
♫ When everything goes wrong you see some bad ♫
♫ But I'm just a soul whose intentions are good ♫
♫ Oh Lord, please don't let me be misunderstood ♫
♫ Understand me, understand me. ♫
♫ Baby, sometimes I'm so carefree ♫
♫ with a joy that's hard to hide ♫
♫ Sometimes it seems again that all I have is worry ♫
♫ Then you're bound to see my other side ♫
♫ I'm just a soul whose intentions are good ♫
♫ Oh Lord, please don't let me be misunderstood ♫
♫ If I seem edgy I want you to know ♫
♫ That I never mean to take it out on you ♫
♫ Life has its problems and I've got my share ♫
♫ That's one thing I never meant to do ♫
♫ Now, baby, I'm only human ♫
♫ And I've got thoughts like anyone ♫
♫ Sometimes I find myself long regretting ♫
♫ Some of the foolish things some simple things I've done ♫
♫ I'm just a soul whose intentions are good ♫
♫ Oh Lord, please don't let me be misunderstood ♫
♫ Understand me, understand me, understand me ♫
♫ I'm just a soul whose intentions are good ♫
♫ Oh Lord, please don't let me be misunderstood. ♫
(Caspary) "Don't let me be misunderstood" - Jamie Cullum et Gregory Porter.
Nous parlons des Massive Open Online Courses, ou plutôt des Cours Ouverts et Massifs En Ligne
avec Pierre Dillembourg, directeur du Centre pour l'éducation digitale à l'EPFL,
professeur également.
Pierre Dillembourg, est-ce que ces cours massive online
qui fonctionnent assez bien, vous venez de nous le dire tout à l'heure, ça a un succès considérable,
on peut imaginer que dans dix ans, ben les campus physiques vont disparaître?
(Dillembourg) Non, je ne le pense pas.
D'abord les étudiants qui peuvent, qui ont la chance de pouvoir venir sur le campus à l'EPFL
ont une expérience beaucoup plus riche que juste les MOOCs,
donc ils sont -- il y a toute la vie estudiantine, pardon.
Surtout, il y a l'accès dans les laboratoires.
On travaille beaucoup par projet dans nos laboratoires.
Donc, la formation d'un étudiant sur le campus va bien au delà de ces cours online.
Mais je pense qu'on fait souvent une erreur de confondre le digital et le virtuel.
On peut être digital et totalement physique, si vous voulez.
L'EPFL est déjà, aujourd'hui, un animal digital.
Tous nos travaux sont digitaux, toutes nos (check) publications, avant d'être sur papier,
sont des fichiers, nos données sont des fichiers,
tous nos instruments scientifiques sont connectés de manière digitale.
L'ouverture de mes rideaux au Rolex Learning Center est digitale.
Donc, il faut bien comprendre
que c'est une transformation beaucoup plus profonde de campus.
Nous sommes des entités digitales avec un élément physique très agréable, le campus.
C'est pour ça qu'on offre des conditions de rêve à nos étudiants avec ce Rolex Learning Center.
Mais donc, ça, je ne pense pas que ça va disparaître.
Simplement, on donne accès à nos connaissances à une population bien plus large
que les privilégiés qui sont sur le campus.
(Caspary) Les craintes, c'est aussi les contacts entre professeurs et étudiants.
Alors là, effectivement, on va, on comprend bien,
on va peut-être se concentrer sur des travaux pratiques.
Malgré tout, le cours où on allait dans un auditoire, même s'il est plein,
on a toujours la possibilité à la fin d'avoir un contact avec le professeur:
ça, ça ne sera plus possible?
(Dillembourg) Alors, nos étudiants étaient très nerveux sur ce point là.
Ils étaient plutôt contre les MOOCs.
Ils avaient cette crainte de perdre le contact avec les enseignants.
L'idée du MOOC, c'est l'inverse, donc clarifions.
Le MOOC est utilisé par deux sortes d'étudiants, ceux qui sont dans le monde entier, voilà,
et puis aussi, les étudiants du professeur sur le campus.
Pour ces étudiants-là, l'idée est la suivante:
le professeur va demander aux étudiants de voir les vidéos à la maison,
donc d'écouter la théorie à la maison,
et quand ils viendront sur le campus, au lieu d'avoir le professeur qui redonne la théorie,
ils viendront pour faire des choses plus interactives, plus riches, avec l'enseignant.
Par exemple, prendre un problème un peu compliqué qu'on n'a pas eu le temps de développer,
et le développer avec les étudiants.
Donc le but des MOOCs, en interne pour nos étudiants,
c'est un contact plus riche avec le professeur.
Quand vous êtes dans un auditoire avec 300 places, celui qui est dans le fond,
il a -- il voit le professeur, il a un contact, mais --
(Caspary) C'est presque un MOOC, quoi.
(Dillembourg) Voilà.
La taille du professeur est à peu près la même que sur son iPhone.
Donc voilà. Et les étudiants qui étaient plutôt contre, quand ils ont fini un MOOC, ils nous disent:
"C'était pas mal, en fait, c'était pas mal; j'ai pu arrêter le professeur," par exemple,
"arrêter le professeur, discuter avec mon voisin, puis cont..."
Je ne peux pas, dans l'auditoire, dire
"Monsieur, vous pourriez vous taire deux secondes pendant que je parle avec mon voisin."
Donc les étudiants, avant, ont un peu peur, puis en fait, ils se rendent compte que ça marche pas mal.
(Caspary) On parle beaucoup d'étudiants d'université, mais l'industrie, par exemple, pourrait être intéressée,
le monde de l'entreprise, tout ce qui est management ou tout ce qui est formation continue, par exemple?
(Dillembourg) Un immense intérêt de l'industrie, avec un changement, un peu:
il ne s'agit pas seulement de former leur personnel.
Bien sûr, les grandes multinationales suisses, françaises et certaines américaines
sont déjà venues nous voir.
Mais il s'agit d'aller un peu plus loin, de former mes distributeurs,
parce que s'ils vendent mal mon produit, c'est pas bon pour mon business,
et même de former mes clients, de telle sorte que mes clients soient plus satisfaits du produit.
Ce n'est pas de la publicité, c'est qu'ils puissent utiliser le produit,
ou qu'il y ait moins d'appels au Help Desk, ou moins de retours.
Donc la formation s'élargit bien au delà --
enfin les MOOCs s'élargissent bien au delà de juste la formation du personnel.
Donc un immense intérêt des entreprises, oui.
(Caspary) Et puis, un grand fantasme aussi, peut-être, c'est l'aide au développement
dans des continents comme l'Afrique, qui ont un peu plus de peine.
Je vous propose d'écouter un extrait d'une interview de Patrick Aebischer,
votre patron, le patron de l'EPFL, qui rentrait d'Afrique d'un congé sabatique
justement consacré aux MOOCs.
C'était en février de cette année.
Bastien Confignon de l'équipe de CQFD était allé lui poser quelques questions sur cette thématique,
c'était donc au début de cette année.
Ecoutez ce que dit Patrick Aebischer à propos du rôle des MOOCs
dans certaines régions du monde, notamment en Afrique.
(Aebischer) Alors, on a un certain nombre de cours
et c'est étonnant de voir plusieurs milliers d'étudiants africains les prendre.
Il y a des problèmes supplémentaires, c'est-à-dire que la bande passante, souvent,
n'est pas suffisante pour accéder aux vidéos.
Mais c'est juste des problèmes temporaires.
Alors souvent, l'université là-bas, il vaut mieux aller dans le cybercafé du coin,
donc on voit des choses tout à fait étonnantes, là bas,
mais ce qui est sûr, c'est que j'ai été même dans des coins tout à fait perdus de l'Afrique:
souvent, il n'y a pas d'eau, pas d'électricité, mais ils sont connectés.
Donc au fond, cet effet -- les Américains disent ça "leap-frogging",
c'est-à-dire, vous avez un saut technologique
qui fait qu'au fond, c'est une solution possible.
Alors, le problème de massification de l'éducation est énorme,
avec cette jeune population qui arrive au stade où elle peut faire des études supérieure.
Je crois que c'est aussi la seule manière d'offrir un avenir à l'Afrique,
c'est de lui donner une éducation, c'est-à-dire de lui mettre à disposition une éducation.
Et je crois que là, c'est clair, en tout cas les gens,
les étudiants que j'ai rencontrés au fin fond de l'Afrique, prenaient des cours MOOC
dans des conditions difficiles.
Et on voit qu'il y a de jours qu'ils ont faim et soif d'éducation
et je crois que c'est ça qui est remarquable.
Alors oui, il y a une série de problèmes.
Ça ne se fera pas aussi facilement que chez nous,
mais je crois que c'est la seule possibilité pour l'Afrique de vraiment pouvoir se développer
au travers d'une éducation de très bonne qualité, au travers justement de ces nouvelles technologies.
(Caspary) Alors on l'entend, l'enthousiasme de Patrick Aebischer sur les MOOCs en Afrique,
il y était, il est allé voir comment ça se passe.
Il n'empêche -- est-ce que ce n'est pas un voeu pieux,
parce qu'on parle de technologie de pointe, de bande passante:
au final, on va se retrouver avec les pays occidentaux qui seront très bien développés en MOOCs,
et puis l'Afrique qui sera à la traîne,
parce que précisément, les conditions techniques ne sont pas là?
(Dillembourg) Non, ce n'est pas un voeu pieux, on a reçu pas mal de ces enseignants africains
qui viennent voir les enseignants qui ont produit les MOOCs,
qui travaillent ensemble.
Ils retournent là-bas, ils utilisent les MOOCs dans leur université.
Ça démarre doucement, c'est vrai, c'est difficile,
la bande passante est l'obstacle actuel le plus important,
mais ça avance, il y a un grand enthousiasme de leur part, un immense intérêt
et on voit émerger des MOOCs collaboratifs, justement,
qui sont co-produits par des étudiants, donc de l'Afrique sub-saharienne francophone
avec laquelle on travaille, et nos enseignants, ensemble,
pour éviter, effectivement, un point de vue qui serait uniquement
l'Europe qui envoie ses MOOCs en Afrique,
on veut éviter effectivement ce piège-là et --
(Caspary) Oui, il faut que tout le monde
puisse en faire dans le monde entier, afin que tous les points de vues soient partagés, en fin de compte?
(Dillembourg) Voilà. Au début, c'était une histoire américaine,
l'EPFL, je pense, a bien rectifié le tir, et on le fait avec les Africains.
(Caspary) La langue française, vous le disiez, elle se défend bien sur les MOOCs?
Vous disiez, vous, à peu près fifty-fifty.
Dans le reste du onde, j'imagine, c'est encore massivement anglais?
(Dillembourg) Oui, il faut dire, quand on fait un MOOC en anglais,
on a une audience beaucoup plus grande que quand on fait un MOOC en français,
mais on voit beaucoup de MOOCs francophones pris en Russie, au Japon,
donc il y a aussi un intérêt de la -- je ne sais pas si c'est la diaspora francophone dans le monde,
ou bien des étudiants qui s'intéressent à la langue française.
(Caspary) Pierre Dillembourg, vous nous avez expliqué ce matin
ce que c'est que les MOOCs, on en a appris --
ben on a appris pas mal de chose, j'ai l'impression.
On va encore pas mal en parler, de ces MOOCs, vu le développement futur
qu'on a l'impression qu'ils vont pouvoir avoir.
Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin dans cette émission.
(Dillembourg) Je vos en prie.
(Caspary) On vous souhaite une excellente journée.
"Tribu", c'est terminé pour aujourd'hui: merci de votre écoute.
Demain nous aborderons, ben une tribu bien particulière,
celle des supporters, notamment des supporters de football.
On a très vite une image négative véhiculée par les débordements de certains.
Toutefois, ce monde est bien plus complexe qu'il n'y paraît,
et vous l'entendrez avec l'historien Thomas Vussey (check) qui a étudié la question.
Aujourd'hui, à la technique, c'était Max Boot, à la programmation musicale Carine Vuillamoz,
à l'assistance de production, Céline Zufferey (vérifier noms)
Dans quelques instants, hé bien, vous avez rendez-vous
avec toute l'équipe des Dicodeurs et leur invité.
"Tribu", c'est à ré-écouter en tout temps sur www.rts.ch/tribu .
Excellente fin de journée, à demain.
♫ mélodie mineure à la guitare ♫
(Annonceur) Du 26 au 28 septembre,
Delémont devient la capitale des musiques du monde
en accueillant les notes d'Equinoxe, co-produite par Espace 2.
♫ (une femme chante) ♫
Au programme, du fado portugais,
du baglama turc, de la musique des Balkans et bien d'autres encore.
La 1ère vous y donne rendez-vous en direct avec Paradiso le vendredi 26..