Bonjour tout le monde. Public : Bonjour. (Rires) Vincent Quélo : Je suis sur cette scène aujourd'hui, pour partager avec vous, avec vous tous, l'état de ma réflexion sur les modes de transport que nous utilisons et l'énergie que nous dépensons pour nous déplacer sur notre île. Mon histoire a commencé il y a une trentaine d'années, quand j'étais adolescent, à Lorient, dans le sud de ma Bretagne natale. Je rêvais de créer des objets, je m'imaginais construire des objets qui faciliteraient la vie des gens. Au fil des années qui ont passé, c'est devenu une idée fixe. Ça a mûri, progressé, jusqu'à une dizaine d'années plus tard. Quand j'étais jeune élève ingénieur, on m'a fait une proposition que je n'ai pas pu refuser. Une proposition inouïe en ce qui me concerne ! J'ai conçu un moteur pour une voiture électrique. C'était il y a 20 ans, déjà. La moitié de ma vie. Diplôme en poche, je suis arrivé en région parisienne où j'ai travaillé dans l'industrie automobile, chez un équipementier. Après l'euphorie des débuts, de l'indépendance du jeune homme, financière, de ses parents, de l'autonomie, de tout cet engouement, de la nouveauté, de la création, de ce premier poste que j'occupais, deux éléments sont venus frapper mon esprit et ça a été une vraie révélation. Ces éléments, vous les avez à l'écran, c'est les embouteillages et la pollution. Et là, le drame ! Je travaillais dans l'industrie automobile. J'y participais ! Il y a 15 ans, je suis arrivé à la Réunion. Comme beaucoup de Lorientais l'ont fait, il y a deux siècles, en partant de la compagnie des Indes, qui faisait escale à Madagascar, à la Réunion, à Maurice... Wow ! La Réunion. Sûrement une des plus belles îles du monde. Magnifique. Des paysages tellement divers. Des populations mélangées, des goûts, des odeurs... C'est splendide ! On ne peut pas se tromper : l'Unesco a reconnu le cœur de notre île comme étant patrimoine mondial de l'humanité. Mais le paradoxe, après ces débuts-là aussi, cette première impression, c'est que, quand je me suis mis à vivre concrètement, au jour le jour, à la Réunion, c'est ça qui m'est arrivé : des kilomètres d'embouteillage, vous les connaissez tous. Il y a des gens qui viennent du sud, on a de la chance, on est samedi ! Ça se passe pas trop mal généralement le samedi ! Des kilomètres d'embouteillage et des heures passées généralement seul au volant d'une voiture ! Tout ce temps perdu, c'est autant de temps qu'on n'a pas pour profiter de notre île magnifique. On gaspille notre temps. Mais c'est surtout sur l'énergie que ça me frappe. Nous consommons des quantités d'énergie incroyables dans tous ces empilements de voitures. L'énergie. Physiquement, l'énergie, ça s'apparente à un travail. C'est ce qui nous a permis de sortir du Moyen Âge. Quand nous avons domestiqué les différentes sources d'énergie, nous avons pu compléter ou remplacer le travail physique de l'homme. Cette énergie, aujourd'hui, elle nous sert à des choses très simples. On ne s'en rend même plus compte. Avoir de la lumière à la maison, de l'eau courante -- eh oui, sans énergie, il n'y a pas d'eau -- avoir des réfrigérateurs qui nous permettent une certaine sécurité alimentaire. Elles nous permettent d'avoir des beaux bâtiments bien climatisés, où on est bien assis, de fabriquer des fauteuils, d'avoir des hôpitaux pour nous soigner. Des choses aussi simples que ça. En ce qui concerne les transports, aujourd'hui, la façon dont nous nous déplaçons à La Réunion, en ce qui nous concerne, c'est le pétrole sous ces deux formes : essence, gasoil. Et peu importe le discours qui vient, ça ne change pas grand chose que ce soit l'un ou l'autre. Dans un litre de carburant, il y a 10 kWh. C'est abstrait, 10 kWh ! C'est quoi un kWh, hormis les euros sur la facture d'électricité de fin de mois ? Alors je vous propose de changer d'unité, on va la ramener à nous, humains. On va convertir cette quantité d'énergie en travail physique d'un homme. Dans un litre d'essence, vous avez l'équivalent du travail de 50 hommes pendant une heure. 50 hommes. Quelqu'un qui vient de Saint-Pierre, dans le sud de l'île, et qui nous rejoint ici, à l'opposé dans le nord, -- en gros, il y a 100 km -- avec une voiture qui consommerait 5 litres au 100 -- c'est pas beaucoup -- consomme pour venir ici, le travail de 250 hommes pendant une heure. L'aller-retour, c'est 500 hommes pendant une heure ! C'est ça, la consommation énergétique d'une automobile. C'est colossal ! Ce geste est très simple et nous le faisons tous : on met la clé dans le contact, on tourne et on lance le moteur. Satané moteur ! Son rendement énergétique est d'environ 20 %. Ce qui veut dire que quand on consomme 100 litres de carburant, il y en a 80 qui partent directement à l'atmosphère pour réchauffer les oiseaux. Les 20 qui restent servent à déplacer le véhicule et le conducteur. Moi, ma voiture, elle pèse 20 fois plus que moi. Ce qui veut dire : sur les 20 qui restent, il y a un litre, un petit litre, qui me sert à me déplacer, moi. Les 99 autres : 19 pour déplacer la voiture et 80 qui ne servent à rien ! Nous meurtrissons la Terre, notre planète, pour en extraire les dernières gouttes de pétrole. Nous la meurtrissons, nous récupérons le pétrole et nous le gaspillons. Je dois vous l'avouer, j'éprouve un sentiment de colère assez profond, quasi-permanent par rapport à cet état de fait. Quel gaspillage ! Le pétrole, il n'y en aura quasiment plus demain. Je pense qu'il est temps d'agir. Il est grand temps. On va parler de lui, un petit peu, maintenant. Mon vélo électrique. Alors mon vélo électrique, lui, pour faire 100 km, il consomme l'énergie de cinq hommes pendant une heure. Ramené aux 250 de tout à l'heure : 50 fois moins ! Pourquoi ? Parce qu'il est léger, parce que, quand je tourne le contact, il ne se passe rien. Je ne consomme que si je roule. Avec lui, je peux aller partout, même dans des endroits inaccessibles aux voitures. Je vais plus vite que les voitures. Elles arrivent au feu rouge en premier, mais, une fois qu'elles sont au feu rouge, je les rattrape. Avec lui, je peux rentrer dans un ascenseur. Je ne l'ai pas porté sur mon dos pour venir dans cette salle. Avec lui, je ne paie pas de parcmètre, et surtout, je n'ai pas besoin de temps pour me garer. On l'a tous fait, hein ! Faire trois fois le tour du quartier pour trouver une place disponible. Mais il a ses limites. Je ne peux pas tout faire avec lui. Car son autonomie est de 50 kilomètres. Donc je ne peux pas aller à Saint-Pierre avec. Je ne peux pas ! Il manque quelque chose. Il me manque quelque chose. Contrairement à certaines personnes qui peuvent toujours se déplacer en vélo parce qu'ils travaillent où ils habitent, moi, je travaille au Port, dans l'ouest. Et je ne peux pas non plus aller travailler en vélo électrique. Ce quelque chose qui manque, ça pourrait être ceci... Imaginez : je fais ce que j'ai à faire à Saint-Denis, dans la ville où j'habite. Le matin, j'achète ma baguette de pain, prends mon petit-déj, bois mon café. Je rentre dans le train ou dans un bus, électrique de préférence, comme ça, je peux recharger mon vélo pendant que je suis dedans. J'arrive à l'autre bout et je peux sortir. Pendant le trajet, au lieu d'être seul devant mon volant à ne pouvoir rien faire et surtout pas téléphoner (Rires) - je vois qu'il y en a pas mal qui se sont fait prendre - je ne peux rien faire dans ma voiture. Le seul sentiment qu'on a dans les embouteillages, c'est qu'on est en colère, excité, énervé contre son voisin, alors qu'en fait, il est dans le même état que nous. Dans le train, je peux me déplacer, prendre un café, me connecter à un wifi, travailler... Utiliser ce temps de transport de façon à pouvoir optimiser ma vie personnelle. Une fois que je descends du train, mon vélo électrique s'est rechargé. Je peux à nouveau me déplacer avec lui, libre d'aller où je veux, quand je veux ! Je pars quand je veux, j'arrive quand je veux et je vais où je veux. 50 kilomètres d'autonomie. C'est une belle machine, mais elle ne peut pas tout faire. C'est une belle alternative, mais il manque des choses. Voilà ! Avant de vous quitter, j'ai une dernière réflexion à vous soumettre. Je ne supporte pas les embouteillages mais j'ai besoin de ma voiture parce que je n'ai pas le choix. J'ai besoin de ma voiture pour aller travailler. Je n'aime pas les embouteillages, mais j'ai besoin d'aller travailler pour payer ma voiture. Je vous remercie beaucoup ! (Applaudissements)