Chris Anderson : Voici une interview pas comme les autres. Basée sur le fait qu'une image vaut bien plus que les mots, j'ai demandé à Bill et Melinda de dénicher dans leurs archives des images qui pourraient aider à comprendre une partie de leurs actions. Nous allons procéder ainsi. Nous allons commencer avec cette photo. Melinda, quand et où était-ce, et qui est ce bel homme à vos côtés ? Melinda Gates : Avec ces grosses lunettes ? C'est en Afrique, notre premier voyage, notre première fois en Afrique, à l'automne 1993. Nous étions déjà fiancés. Nous nous sommes mariés peu après, et c'est le voyage où nous voulions voir les animaux et la savane. C'était incroyable. Bill n'avait jamais pris autant de temps pour ses congés. Mais ce qui nous a vraiment émus, ce sont les gens, et l'extrême pauvreté. Nous nous posions des questions. Est-ce qu'il doit en être ainsi ? A la fin du voyage, à Zanzibar, nous avons pris le temps de nous promener sur la plage, ce que nous faisions souvent lorsque nous sortions ensemble. Nous avions déjà commencé à évoquer l'idée à cette époque que notre fortune acquise à Microsoft serait rendue à la société, mais c'est lors de cette promenade que nous avons commencé à parler de ce que nous pourrions faire et la façon de nous y prendre. CA : Etant donné que ces vacances ont amené à la création d'une des plus grandes fondations privées au monde, ça fait plutôt chères comme vacances. (Rires) MG : Je crois, oui. Nous en avons profité. CA : Qui d'entre vous a été le principal instigateur ? Ou était-ce symétrique entre vous ? Bill Gates : Je pense que nous étions enthousiastes d'être à une phase de notre vie où nous allions travailler ensemble à trouver un moyen de rendre cet argent. A ce stade, nous parlions des plus pauvres, pouvions-nous avoir un impact sur eux ? Qu'est-ce qui ne se faisait pas ? Nous ignorions beaucoup de choses. Notre naïveté était assez incroyable, lorsqu'on y pense. Mais nous étions enthousiastes, nous savions que le moment était venu, que l'après-Microsoft serait notre philanthropie. MG : Ce que Bill avait toujours imaginé après ses 60 ans, mais il n'a pas encore 60 ans, donc certaines choses changent en route. CA : C'était le début, mais ça s'est accéléré. C'était en 1993, mais ce n'est qu'en 1997 que la fondation a vu le jour. MA : Oui, en 1997, nous avions lu un article sur les maladies diarrhéiques qui tuaient tant d'enfants dans le monde, et nous nous disions : « Il ne peut pas en être ainsi. Aux Etats-Unis, on va à la pharmacie. » Nous avons commencé à rassembler des scientifiques et à nous renseigner sur la population, sur les vaccins, sur ce qui avait marché et ce qui avait échoué, c'est vraiment là que nous avons débuté, à la fin des années 1998, 1999. CA : Vous avez donc une grosse tirelire et un monde plein de problèmes différents. Comment décidez-vous sur quoi vous concentrer ? BG : Nous avions décidé de choisir deux causes, quelle que soit la plus grande iniquité mondiale, et nous avons choisi la mortalité infantile, les carences alimentaires pour leur développement, et les pays vraiment mal en point, parce qu'avec ce niveau de mortalité, et avec les parents ayant tant d'enfants, les supercroissances démographiques, les enfants étaient tellement malades qu'ils ne recevaient pas d'éducation et ne pouvaient pas s'en sortir. C'était notre cible globale. Ensuite aux Etats-Unis, nous avions tous les deux reçu une excellente éducation et nous avons vu cela comme un moyen pour les Etats-Unis de tenir leur promesse d'égale opportunité à travers un système éducatif de grande ampleur. Plus nous en apprenions, plus nous prenions conscience que nous ne tenions pas cette promesse. Nous avons donc choisi ces deux choses, et tout ce que fait la fondation est concentrée sur cela. CA : Je vous ai demandé de choisir chacun une image que vous aimez, pour illustrer votre travail. Melinda, voici ce que vous avez choisi. De quoi s'agit-il il? MG : L'une des choses que j'adore faire quand je voyage, c'est aller dans les zones rurales et parler aux femmes, que ce soit au Bangladesh, en Inde, en Afrique, et j'y vais en tant que femme occidentale lambda. Je ne leur dis pas qui je suis. En pantalons kakis. Et les femmes me disent constamment, toujours et encore, à chaque voyage : « Je veux pouvoir utiliser cette seringue. » Je leur parle de vaccins pour les enfants, et elles ramènent la conversation à la question : « Qu'en est-il de l'injection que moi je reçois ? » Il s'agissait de l'injection de Depo-Provera, un contraceptif. En rentrant, je parle à des experts en santé mondiale, et ils me disent : « Oh, non, les contraceptifs sont en stock dans les pays en développement. » On a dû fouiller dans les rapports, et voici ce que l'équipe m'a montré, la première chose que les femmes en Afrique veulent utiliser est hors stock 200 jour par an ce qui explique pourquoi les femmes me disaient : « J'ai marché 10 kilomètres sans que mon mari le sache, je suis arrivée à la clinique, et il n'y avait rien là-bas. » Les préservatifs sont en stock en Afrique à cause de l'aide pour le SIDA que les Etats-Unis et d'autres apportent. Mais les femmes vous diront encore et encore : « Un préservatif n'est pas négociable avec mon mari. Je suggère soit qu'il a le SIDA, soit que j'ai le SIDA, et j'ai besoin de ce moyen pour espacer les naissances de mes enfants, pour les nourrir, et leur donner une chance d'être éduqués. » CA : Melinda, vous êtes catholique romaine, et vous avez souvent été mêlée à des controverses sur ce problème, et sur la question de l'avortement, de la part des deux camps. Comment gérez-vous cela ? MG : Oui, je pense que c'est très important. nous avions abandonné les contraceptifs en tant que communauté mondiale. Nous savions que 210 millions de femmes voulaient avoir accès aux moyens de contraception, même à ceux dont nous disposons aux Etats-Unis, et nous ne leur donnions pas à cause de la controverse politique dans notre pays. Pour moi c'était un crime. J'ai continué à chercher la personne qui ramènerait le problème sur le devant de la scène. J'ai réalisé que je devais le faire. Même en étant catholique, je crois en la contraception comme la plupart des femmes catholiques américaines qui déclarent utiliser la contraception. Je ne devrais pas laisser cette controverse nous retenir d'agir. Nous avions un consensus aux Etats-Unis sur les contraceptifs. Nous sommes donc revenus à ce consensus général. Nous avons levé 2,6 milliards de dollars pour ce problème précis pour les femmes. (Applaudissements) CA : Bill, c'est votre graphe. De quoi s'agit-il ? BG : Eh bien, mon graphe comporte des chiffres. (Rires) J'aime beaucoup cette courbe. Il s'agit du nombre d'enfants qui meurent avant l'âge de 5 ans. Il s'agit réellement d'un succès phénoménal qui est peu connu, c'est que l'on fait des progrès incroyables. Nous passons de 20 millions d'enfants peu après que je sois né à environ 6 millions. C'est une histoire de vaccins, principalement. La variole tuait 2 millions d'enfants par an. Elle a été éradiquée. Ce nombre est descendu à 0. La rougeole tuait 2 millions d'enfants par an, descendue à quelques 100.000. C'est une courbe où vous voulez voir ce nombre encore diminuer, et ça sera possible en utilisant la science, en donnant les nouveaux vaccins aux enfants. Nous pouvons accélérer le progrès. Pendant les 10 dernières années, ce nombre a chuté plus vite que jamais dans toute l'histoire. J'aime le fait que vous puissiez dire, ok, si nous pouvons inventer de nouveaux vaccins si nous pouvons les acheminer, utiliser nos dernières connaissances dans ce domaine, si nous délivrons comme il faut, nous pouvons faire des miracles. CA : Vous avez fait le calcul, et ça marche: littéralement, des milliers d'enfants sont sauvés chaque année comparé à l'année précédente. On n'en parle pas. Un crash d'avion qui fait 200 morts est une histoire de loin bien plus médiatisée. Est-ce que ça vous rend fou ? BG : Oui, car tout cela intervient dans le silence. Il s'agit d'un enfant, un enfant à chaque fois. 98% de tout cela n'est pas lié aux catastrophes naturelles. Mais les donations pour les catastrophes naturelles sont énormes. C'est incroyable, comment les gens pensent "ça pourrait être moi", et l'argent coule. Ces causes sont un peu invisibles. Avec les objectifs du Millénaire pour le développement et de nombreux projets, nous assistons à une générosité accrue. Le but est de descendre ce chiffre en dessous du million, ce qui devrait être possible de notre vivant. CA : Peut-être qu'il fallait quelqu'un enthousiasmé par les chiffres au lieu d'un grand visage triste pour s'engager là-dedans. Vous l'avez écrit dans votre lettre, vous avez utilisé cet argument pour dire que l'aide d'urgence, contrairement à la pensée selon laquelle elle serait inutile et inefficace, est en fait efficace. BG : Oui, par exemple, il y a eu des aides d'urgences bien intentionnées qui se sont mal passées. Il y a eu des investissements de capital-risque qui étaient bien intentionnés et qui ont mal tourné. Vous ne devriez pas simplement dire, ok, à cause de ça, parce que le bilan n'est pas parfait, ça ne fonctionne pas. Demandez-vous plutôt : quel est votre but ? Comment essayez-vous d'améliorer la nutrition, la survie, et l'alphabétisation afin que ces pays puissent être autonomes, qu'ils puissent dire que les choses vont bien et s'améliorent ? Nous pouvons mieux organiser l'aide d'urgence. Ce n'est pas une panacée. Nous pouvons faire mieux que le capital-risque, je pense, comme des grandes réussites comme celle-ci. CA : La sagesse traditionnelle dit qu'il est assez dur pour des couples mariés de travailler ensemble. Comment avez-vous réussi ? MG : Beaucoup de femmes m'ont dit : « Je ne saurais pas travailler avec mon mari. Ça ne pourrait pas marcher. » Vous savez, nous apprécions ça, cette fondation a été une bonne chose pour nous deux dans ce parcours d'apprentissage continuel. Nous ne voyageons pas tant que cela ensemble pour la fondation comme nous en avions l'habitude lorsque Bill travaillait à Microsoft. Nous faisons plus de voyages séparément, mais je sais toujours que lorsque je rentre, Bill sera intéressé par ce que j'ai appris, que ce soit sur les femmes, les filles, ou sur la chaîne d'approvisionnement de vaccins, ou sur un grand dirigeant. Il va écouter et sera très intéressé. Et il sait, lorsqu'il rentre, même si c'est pour parler de son discours, ou des données, ou de ce qu'il a appris, que je suis réellement intéressée, et je pense que nous avons une relation très collaborative. Mais nous ne passons pas chaque minute ensemble, c'est sûr. (Rires) CA : Mais là c'est le cas, et nous en sommes heureux. Melinda, au début, vous étiez principalement celle qui menait la danse. Il y a six ans, il me semble, Bill est arrivé, il quitté Microsoft, et a travaillé à plein temps. Ça a dû être dur, de s'ajuster à ça, non ? MG : Oui. Je pense qu'en fait, pour les employés de la fondation, l'angoisse était bien plus grande que pour moi à propos de l'arrivée de Bill. Moi, j'étais très excitée. Bill avait pris la décision, avant même qu'il ne l'annonce en 2006, et c'était vraiment sa décision. Mais c'était en vacances sur la plage lors de notre promenade, qu'il avait commencé à y penser. Pour moi, l'excitation de Bill pour mettre son cerveau et son coeur à contribution contre d'immenses problèmes mondiaux, ces inégalités, c'était passionnant. Oui, les employés de la fondation angoissaient un peu. (Applaudissements) CA : C'est super. MG: Mais c'était fini dans les 3 mois, dès qu'il était là. BG : Y compris quelques employés. MG : Oui, pour les employés, c'était fini trois mois après ton arrivée. BG : Je plaisante. MG : Oh, les employés ne sont pas partis. BG : Quelques-uns sont partis, mais-- (Rires) CA : Sur quoi vous disputez-vous ? Le dimanche à 11h du matin, vous êtes loin du travail, qu'est-ce qui se passe ? Quelle est la dispute ? BG : Parce qu'on a créé tout cela ensemble depuis le début, c'est un grand partenariat. J'avais la même relation avec Paul Allen dans les premiers temps de Microsoft. Tout comme avec Steve Ballmer lorsque Microsoft se développait, et maintenant, Melinda, de façon encore plus forte est également une partenaire. Alors nous parlons des causes que nous devrions plus aider, et de quels groupes travaillent bien. Elle y voit très clair. Elle s’assoit souvent avec les employés. Nous faisons les voyages qu'elle a décrits. Il y a donc beaucoup de collaboration. Je n'arrive pas à penser à un moment où l'un de nous avait une opinion tranchée sur une chose ou une autre. CA : Et vous Melinda, vous y arrivez ? (Rires) On ne sait jamais. MG : Nous abordons les choses sous différents angles, et je pense que c'est vraiment bien. Bill peut regarder les données et dire : « Je veux agir selon ces statistiques générales. » Moi, j'aborde les choses avec intuition. Je rencontre beaucoup de personnes sur le terrain. Bill m'a appris à confronter cette réalité avec les données globales pour voir si elles collent. Je pense lui avoir appris à confronter les données avec les gens sur le terrain pour savoir, peut-on vraiment distribuer ce vaccin ? Une femme peut-elle accepter ces goûtes pour la polio dans la bouche de son enfant ? Parce que le produit fini est aussi important que la science sous-jacente. Donc je pense qu'avec le temps nous avons composé avec le point de vue de l'autre, et franchement, le travail est meilleur grâce à cela. CA : Pour les vaccins, la polio, et ainsi de suite, vous avez rencontré beaucoup de succès. Qu'en est-il de l'échec ? Peut-on parler d'un échec et peut-être de ce que vous en avez appris ? BG : Oui. Heureusement, nous pouvons nous en permettre, parce qu'on en a certainement eu beaucoup. Nous travaillons beaucoup sur des médicaments et des vaccins qui échoueront de différentes façons, nous le savons. Un projet qui a reçu beaucoup d'attention devait concevoir un meilleur préservatif. Nous avons eu des centaines d'idées. Peut-être que quelques-unes d'entre elles marcheront. Nous étions très crédules, en tout cas moi, sur un médicament pour une maladie en Inde, la leishmaniose viscérale. Je pensais que dès qu'on aurait le médicament, on éradiquerait la maladie. Il s'avère qu'il fallait une injection tous les jours pendant 10 jours. Cela a pris 3 années de plus que prévues, et ensuite il n'y avait pas de moyen de l'administrer efficacement. Heureusement, nous avons découvert que si vous tuez les phlébotomes, vous pouvez probablement réussir; Mais nous avons passé 5 ans, pour ainsi dire, gâché 5 ans, et environ 60 millions de dollars, sur une voie qui s'est révélée très modeste en résultats une fois arrivés au bout. CA : Vous dépensez un milliard de dollars par an dans l'éducation, il me semble, quelque chose comme ça. L'histoire qui s'opère dans ce domaine est assez longue et complexe. Y a-t-il des échecs dont vous pouvez parler ? MG : Une grande leçon pour nous, est que nous pensions au début que ces petites écoles étaient la réponse. Les petites écoles aident vraiment. Le taux d'abandon scolaire est bas. Il y a moins de violence et de délits. Mais ce que l'on a appris de ce travail, et ce qui s'est avéré être la clé fondamentale, c'est le rôle d'un bon enseignant dans la classe. Faute d'enseignant efficace au devant de la salle de classe, que l'établissement soit grand ou petit, vous ne changerez pas la trajectoire qui rendra cet étudiant prêt pour les études supérieures. (Applaudissements) CA : Melinda, c'est vous et Jenn, votre fille aînée. C'était il y a 3 semaines, je crois, 3 ou 4 semaines. Où était-ce ? MG : Nous sommes allées en Tanzanie. Jenn y est allée. Tous nos enfants ont beaucoup voyagé en Afrique, en fait. Nous avons fait quelque chose de différent. Nous avons décidé de passer deux nuits et trois jours avec une famille. Anna et Sanare sont les parents. Ils nous ont invitées à venir et à rester dans leur maison. En fait, les chèvres vivaient dans cette petite hutte, dans leur petit enclos, avant notre arrivée. Nous sommes restées avec leur famille, et nous avons vraiment appris ce à quoi ressemble la vie rurale en Tanzanie. La différence entre simplement visiter une demie journée ou les trois-quarts d'une journée et rester jour et nuit était profonde, laissez-moi vous en donner une explication. Ils avaient six enfants, et en parlant à Anna dans la hutte de cuisine -- nous y avions passé 5 heures ce jour-là, elle me disait qu'elle avait prévu et espacé avec son mari les naissances de leurs enfants. C'était une relation très tendre. C'était un guerrier Maasaï et sa femme, mais ils avaient décidé de se marier. Il se respectaient et s'aimaient visiblement. Leurs six enfants, deux d'entre eux étaient des jumeaux de 13 ans, un garçon, et une fille nommée Grace. Lorsque nous allions couper du bois, En faisant les choses que Grace et sa mère faisaient, Grace n'était pas une enfant, c'était une adolescente, mais ce n'était pas une adulte. Elle était très, très timide. Elle voulait me parler ainsi qu'à Jenn. Nous essayions de la faire participer, mais elle était timide. Une nuit, cependant, quand toutes les lumières s'éteignaient sur la Tanzanie rurale, c'était une nuit sans Lune, la première nuit, et sans étoiles, Jenn est sortie de notre hutte avec sa petite lampe frontale, Grace est immédiatement allée chercher le traducteur, elle est allée voir Jenn, et lui a dit : « Quand tu rentres chez toi, puis-je avoir ta lampe frontale pour étudier la nuit ? » CA : Oh, waouh. MG : Son père m'avait dit qu'il avait peur que, contrairement à son fils, qui venait de passer son baccalauréat, à cause de ses tâches ménagères, elle ne réussissait pas si bien et elle n'était pas encore à l'école publique. Il m'a dit : « Je ne sais pas comment payer pour son éducation. Je ne peux pas payer l'école privée. Elle risque de finir dans cette ferme comme ma femme. » Ils connaissent la différence qu'une éducation peut avoir de façon importante et profonde. CA : Voici une autre photo de vos deux autres enfants, Rory et Phoebe, avec Paul Farmer. Élever trois enfants lorsque vous êtes la famille la plus riche au monde semble être une expérience sociale sans précédent. Comment avez-vous fait ? Quelle a été votre approche ? BG : Je dirais que dans l'ensemble les enfants ont une bonne éducation mais vous devez leur donner un sens de leur propre faculté et de ce qu'ils vont faire. Notre philosophie est d'être très clair avec eux -- la majorité de l'argent part dans la fondation -- et nous les aidons à trouver quelque chose qui les passionne. Nous voulons trouver un juste équilibre où ils ont la liberté de tout faire mais pas avec beaucoup d'argent, afin qu'ils ne finissent pas par rien faire. Jusqu'à maintenant, ils ont été plutôt diligents, et excités de choisir leur propre voie. CA : Vous avez soigneusement préservé leur vie privée pour des raisons évidentes. Je suis curieux de savoir pourquoi vous m'avez donné la permission de montrer cette photo ici et maintenant à TED. MG : C'est intéressant. Alors qu'ils grandissent, ils savent que la croyance de notre famille, c'est la responsabilité, que nous avons une chance incroyable simplement de vivre aux Etats-Unis et d'avoir une très bonne éducation. Nous avons la responsabilité de redonner au monde. Donc, en grandissant, nous leur apprenons -- ils ont voyagé dans tellement de pays à travers le monde -- ils disent : « Nous voulons que les gens sachent que nous croyons en ce que vous faites, Maman et Papa, et on est d'accord pour être plus exposés. » Nous avons donc leur permission de montrer cette photo, Paul Farmer va probablement la faire figurer dans un de ses travaux. Ils s'intéressent profondément à la mission de la fondation, eux aussi. CA : Vous avez facilement assez d'argent, malgré vos importantes donations à la fondation, pour en faire des millionnaires. C'est ce que vous voulez pour eux ? BG : Non. Non. Ça ne se passera pas comme ça. Ils doivent avoir la notion que leur propre travail a du sens et est important. Nous avions lu un long article avant de nous marier, où Warren Buffett parlait de cela, et nous sommes convaincus que ce n'est ni un service pour la société, ni pour les enfants. CA : En parlant de Warren Buffett, quelque chose d'extraordinaire est arrivé en 2006, lorsque votre seul rival en termes de personne la plus riche d'Amérique a soudainement décidé de donner 80% de sa fortune à votre fondation. Comment cela a bien pu arriver ? Il y a sans doute une version longue et une courte. Donnez-nous plutôt la courte. BG : Très bien. Warren était un ami proche, et il allait laisser sa femme Suzie donner tout l'argent. Malheureusement, elle est décédée avant lui. Il est bon en délégation, et -- (Rires) -- il a dit -- CA : Il faut tweeter ça. BG : S'il a quelqu'un qui fait quelque chose de bien, et est prêt à le faire gratuitement, c'est peut-être d'accord. Mais nous étions stupéfaits. MG : Entièrement stupéfaits. BG : Nous ne nous y attendions pas. Ce fut incroyable. Ça nous a aidé à élever notre ambition dans ce que la fondation peut faire de façon considérable. La moitié de nos ressources provient de la générosité époustouflante de Warren. CA : Je crois que vous vous êtes engagés, avant la fin de vos activités, à ce que 95% ou plus de votre fortune aille à la fondation. BG : Oui. CA : Comme cette relation, c'est incroyable -- (Applaudissements) Récemment, vous et Warren avez essayé de persuader d'autres milliardaires et gens riches de s'engager à donner plus de la moitié de leurs actifs à la philanthropie. Commence cela se passe-t-il ? BG : Nous avons environ 120 personnes qui s'y sont maintenant engagés. Ce qui est génial, c'est que nous nous rencontrons tous les ans et nous discutons - embauchez-vous, combien vous payez ? Nous n'essayons pas d'homogénéiser tout ça. La beauté de la philanthropie vient de cette superbe diversité. Les gens donnent à des causes. Nous regardons et nous disons « woaouh ». Mais c'est génial. Le rôle de la philanthropie est de choisir différentes approches, y compris dans un seul domaine, comme l'éducation. Nous avons besoin de plus d'expérimentations. Mais c'est fabuleux, de rencontrer ces gens, de partager leur parcours vers la philanthropie, comment ils impliquent leurs enfants, ce qu'ils font de différent. Le succès est bien plus grand que ce que l'on croit. On dirait que cela va juste continuer à prendre de l'ampleur dans les années à venir. MG : Faire en sorte que les gens voient que d'autres personnes apportent le changement avec la philanthropie -- ce sont des gens qui ont créé leurs propres entreprises, qui ont mis leur ingéniosité dans des idées incroyables. S'ils mettent leur idées et leur cerveau au service de la philanthropie, ils peuvent changer le monde. Ils commencent à voir d'autres personnes y parvenir, et il disent : « Waouh, je veux faire ça avec mon argent. » Pour moi, c'est vraiment ce qui est incroyable. CA : J'ai l'impression qu'il est assez dur pour certaines personnes de trouver comment dépenser autant d'argent dans quelque chose d'autre. Il y a probablement des milliardaires dans la salle et certainement des gens qui ont réussi. Je suis curieux, pouvez-vous leur tenir votre discours ? Quel est le discours ? BG : C'est la chose la plus satisfaisante que nous ayons fait, et ça ne vous appartient pas, si ce n'est pas bon pour vos enfants, réunissons-nous pour en parler et voir ce que nous pouvons faire. Le monde est bien meilleur grâce aux philanthropes du passé. La tradition américaine, qui est la plus forte, attire la convoitise du monde entier. Si je suis si optimiste, c'est parce que je pense que la philanthropie va se développer et s'occupera de ces choses où les gouvernements ne sont pas efficaces pour faire briller la lumière dans la bonne direction. CA : Il y a cette inégalité terrible dans le monde, une inégalité accrue qui semble structurelle. Il me semble que si davantage de vos semblables prenaient l'approche que vous avez prise, cela créerait une brèche à la fois dans ce problème et dans la perception de ce problème. Est-ce un commentaire juste ? BG : Oh, oui. Si vous prenez aux plus riches et donnez aux moins riches, c'est bien. On essaie d'avoir un équilibre, et c'est bien. MG : Mais vous changez les systèmes. Aux Etats-Unis, nous essayons de réformer le système éducatif afin qu'il soit juste pour tout le monde et qu'il fonctionne pour tous les élèves. Cela, pour moi, change réellement la balance inégalitaire. BG : C'est le plus important. (Applaudissements) CA : Je pense vraiment que la plupart des gens ici et plusieurs millions à travers le monde sont juste en admiration de la trajectoire que vos vies ont prises et de l'angle spectaculaire avec lequel vous façonnez le futur. Merci beaucoup d'être venus à TED, et merci pour tout ce que vous faites. BG : Merci. MG : Merci. (Applaudissements) BG : Merci. MG : Merci beaucoup. BG : Parfait, bravo. (Applaudissements)