Bonjour à tous. Les quelques pas que je viens de faire pour quitter ce fauteuil assez confortable et venir au centre de la scène, m'a rappelé un peu le parcours de l'entrepreneur qui doit savoir sortir de sa zone de confort pour prendre des risques, pour trouver de nouvelles zones de développement. Sortir de sa zone de confort, c'est ce que j'ai décidé de faire il y a cinq ans de cela, en prenant le pari fou de lancer à l'Ile de le Réunion, une nouvelle filière tournée autour de la valorisation des algues, pour différents types d'applications, et notamment avec une application énergétique, dont je vais vous parler. Jamais l'enfant que j'étais dans les années 70, jouant avec sa pelle et son seau, comme mon fils, jouant sur cette plage de St Gilles à l'Ile de la Réunion, n'aurait pu imaginer que de l'énergie pouvait naitre de l'océan. Oui, de l'énergie. On peut produire du biocarburant à partir de l'océan. Alors comment, me direz-vous, comment produire cette énergie ? Pour le comprendre, il faut se plonger derrière un microscope et regarder attentivement. Ce que vous voyez derrière moi, sont des micro-algues ; les micro-algues sont des micro-organismes vivants. Il en existe plusieurs centaines de milliers de variétés. Certaines d'entre-elles sont déjà consommées. Elles peuvent être utilisées dans l'alimentation, la plus connue d'entre-elles étant la spiruline, qui était déjà à l'époque utilisée par les Incas. Et d'autres ont fait l'objet de recherches très approfondies, pour connaitre leur potentiel en huile, depuis les années 70. Les années 70, il faut se le rappeler, c'est le premier choc pétrolier. Durant cette période, le monde connait une crise majeure : difficulté à se fournir en pétrole, le pétrole devient cher, et pourtant il faut faire tourner les industries. Alors, les chercheurs ont réfléchi. Certaines sources de biocarburant paraissaient accessibles assez facilement. Je pense notamment au biocarburant produit à partir du colza, au biocarburant produit à partir du maïs, ou encore celui produit à partir du palmier. Donc ces biocarburants ont été utilisés rapidement, et pendant ce temps-là, les premières recherches ont démarré sur les biocarburants à partir des micro-algues. Alors, les biocarburants de seconde génération, ceux que je viens de citer préalablement, qui ont été produits à partir des végétaux terrestres, ont eu un intérêt. Simplement très rapidement, on s'est posé la question de savoir si le remède qui était proposé, ne serait finalement pas pire que le mal. Pourquoi ? Parce qu'on s'est rendu compte... Excusez-moi... on s'est rendu compte que produire des biocarburants à partir du palmier notamment, aboutissait à des désastres écologiques. Je vais vous donner des exemples très concrets : Bornéo. Bornéo, où des forêts primaires ont été complètement rasées pour pouvoir produire du palmier. Ou encore l'exemple du Brésil, qui est devenu un important producteur de palme mais au détriment de sa filière agricole traditionnelle, qui a conduit aux émeutes de la faim, en 2008. Dans ce contexte, il y a une prise de conscience mondiale, que ces biocarburants, ne pourraient peut-être pas effectivement remplacer le pétrole. D'autres solutions ont été trouvées et notamment celles concernant les micro-algues. Pourquoi les micro-algues ? Parce que les micro-algues ont un intérêt majeur par rapport à ces biocarburants dont je viens de parler, produits à partir du palmier ou à partir du colza notamment, c'est qu'elles n'entrent pas en concurrence avec l'agriculture traditionnelle, dans la mesure où ce n'est pas la qualité de la terre qui compte quand on produit de la micro-algue. On peut se situer sur des terres qui n'ont pas d'intérêt agricole. De la même manière, la micro-algue n'a pas besoin de beaucoup d'eau. Elle vit dans l'eau, mais elle n'en consomme pas Et le plus grand intérêt de la micro-algue, c'est sa capacité de reproduction. Quand vous plantez un palmier, vous allez pouvoir faire une récolte par an. Vous allez pouvoir faire cette récolte, et produire votre biocarburant. Avec la micro-algue, la récolte se fait toutes les 24 à 48 heures. La micro-algue a une faculté de reproduction très rapide. C'est cet intérêt qui a été montré en avant dans les années 70, et il a fallu quarante ans de recherche pour arriver à des développements industriels. Alors, produire du biocarburant à partir des micro-algues, rêve ou réalité ? C'est vrai que c'était un rêve dans les années 70. C'était une ambition scientifique. On avait démontré la capacité, mais il fallait encore trouver les systèmes qui permettent de dupliquer ce que fait naturellement la nature. Parce que, Yves l'a dit tout à l'heure, quand on fait simplement, quand on produit de la micro-algue, pour la transformer en carburant, on ne fait qu'accélérer un processus. Le pétrole est produit à partir du phytoplancton, qui pendant des millénaires va tomber au fond de l'océan, et qui va finir par se transformer. Produire et transformer de la micro-algue en carburant, c'est accélérer ce processus, et extraire de l'huile, qui est contenue dans cette micro-algue. Alors, rêve ou réalité ? C'est une question que tout le monde est en train de se poser. Eh bien le rêve est devenu une réalité... pardon, le rêve est devenu une réalité, en 2010, donc c'était en juin 2010, où un premier avion a volé avec un plein 100% micro-algues. Cette première mondiale a eu lieu en Allemagne à ILA, au salon aérien de ILA, et a été permis grâce à une société, qui est devenue notre partenaire technique. C'est une société allemande, alors non pas l'avionneur, mais la société technique qui a permis la production de ce biocarburant, et c'est au cours de ce salon aérien, que nous avons signé ce partenariat gagnant-gagnant, Nord-Sud, entre un groupe qui avait la compétence également et un petit territoire, une petite startup que nous avions créée deux ans avant. Alors c'est là dessus peut-être que je voulais maintenant revenir pour vous parler de l'exemple de l'entreprise, notre entreprise a été créée en 2008. Elle est née d'une ambition, ambition de vouloir contribuer au développement du territoire, qui m'a vu naitre. Ça n'a pas été facile. Il faut le savoir, parce que ça peut ressembler à un conte de fées. Quand on voit cette histoire: une petite startup, qui a été reconnue parmi les 30 projets pour faire bouger la France, au niveau national. Il ne faut pas que ça fasse gonfler les chevilles, mais on ne les as pas, puisque les difficultés permettent de garder cette humilité dans la vie. Donc les choses n'ont pas toujours été faciles. Aux chefs d'entreprise qui sont là, ou aux chefs d'entreprise potentiels, à ceux qui ont la fibre TEDx dans les gènes, parce que je pense qu'on l'a génétiquement inscrite en soi, cette volonté de faire de l'entrepreneuriat, la plus grande difficulté, quand on a une startup, quand on a une idée, c'est de convaincre. Vous croyez en votre projet, mais l'autre ne croit pas nécessairement en votre projet. Il ne vous connait pas. Le plus souvent, on parlait des banquiers tout à l'heure, ils ont tendance à projeter sur vous leurs propres limites. Et dans ce cadre là, on l'a dit également, on est capables à La Réunion, on l'est pas plus, on l'est pas moins. Il faut arriver à le démontrer. Alors vous prenez l'avion. Vous allez voir des sociétés de financement, puisqu'on n'a pas nécessairement tous les dispositifs sur le territoire. On entre en compétition, et il s'agit d'une compétition internationale. Il faut le savoir. Les américains ont investi des centaines de millions d'euros sur cette thématique. Il en est de même au Japon, en Europe également. Donc vous vous rapprochez de la concurrence. Vous allez voir ce que fait la concurrence. Vous souhaitez accéder aux mêmes sources de financement que la concurrence. Alors là, on prend l'avion, malheureusement encore avec du pétrole. Pour y aller, la taxe carbone, ce n'est pas bon ! Mais bon y va. On frappe à des portes. On est reçu, puisqu'on est reconnu parmi les 30 startups les plus influentes, en tout cas les plus avancées sur la thématique: on est reçu. Signe de communication verbale très ouverte, le banquier ou la société d'investissement, vous reçoit avec les yeux qui brillent quand ils voient le projet, le potentiel que peut porter un tel projet. Mais d'un coup à un moment le banquier vous pose la question et vous dit : « moi, je trouve que le projet est magnifique, il est super, vous avez réussi à être en avance, 2008, vous êtes dans le bon timing, effectivement. Vous avez réussi à signer un beau partenariat, avec le leader mondial de production de carburant, ce n'est pas rien.» Le banquier, enfin pas le banquier, la société d'investissement en question, vous pose la question et vous dit : « moi, je crois en ce projet, mais il y a un problème.» Alors là vous vous dites : « un problème technique ? qu'est-ce qui se passe ? est-ce qu'on va pouvoir le résoudre ? » Mais il vous dit : « le problème, c'est le siège social de votre entreprise. Ça serait bien que vous puissiez rapprocher votre siège social du centre financier, de là où tout se passe, soit sur Paris, soit en Europe.» Et la réponse du Réunionnais que je suis a été naturellement de dire : « Écoutez, ce projet est génétiquement Réunionnais. Je l'ai conçu à La Réunion, nous l'avons conçu à La Réunion, Nous l'avons conçu peut-être aussi pour l'extérieur, mais nous souhaitons qu'il voie le jour sur notre territoire.» Et là on comprend que ce n'est pas la peine d'aller plus loin. On revient dans l'autre sens. On refait une nuit de vol. On se pose. On est un petit peu déçu, quand on entend des choses comme ça, car on s'entend dire aussi que, La Réunion, certains ne connaissent pas. Les centres financiers métropolitains ne connaissent pas nécessairement où se trouve La Réunion. Ils ont du mal à la mettre sur une carte. Et d'autres vous diront même que : nous ne faisons pas partie des zones d'investissement prioritaires, c'est statutaire, dans leur contrat. Donc, on revient nécessairement un peu déçu, les bras qui tombent. On se dit : qu'est-ce que je vais faire ? Et là, quand on revoit son île, à travers le hublot, On ressent le volcan qui re-coule en nous, qui est dans notre sang, et qui fait qu'on retrouve cette énergie, en se disant : « On va continuer à se battre. On va trouver. On va trouver des sources de financement.» Alors cette source de financement, on l'a trouvée, on l'a trouvée localement. Donc un projet 100% financé localement. Et le projet verra le jour... enfin la phase industrielle de ce projet démarre au premier semestre 2014. Donc on va enfin passer du stade pré-industriel, du laboratoire pré-industriel, à la phase industrielle, au premier semestre 2014, alors non pas pour permettre la production de carburant pour des véhicules. Dans un premier temps, nous allons produire de l'électricité. Et c'est là où je me disais, quand j'entendais les interventions de tout à l'heure, je pense que la boucle se boucle; le biocarburant peut aussi servir à permettre la production d'électricité, qui permettra à des véhicules électriques de rouler, et peut-être à des vélos électriques de rouler. C'est ça l'avenir. Je pense qu'il est temps de changer de paradigme. et d'inscrire notre territoire dans cette nouvelle forme d'économie, en sachant que le développement endogène a du sens, et doit pouvoir voir le jour. Merci à vous. (Applaudissements)