Rien à cacher Datalove#1 Nos carnets de santé Nos poèmes, nos dessins Nos demandes de congé Nos premiers tchats coquins Nos recettes de cuisine Nos relevés bancaires Nos rancards, notre planning Et notre compte à découvert Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher (bis) Si tu n’as rien à cacher, alors on pourrait mettre une caméra dans ta chambre à coucher et dans ta salle de bains, et en publier les images sur internet. Ou alors si tu n’as rien à cacher, on peut prendre ton login et ton mot de passe sur facebook ou sous google, les publier et que chacun puisse aller fouiller dedans. Nos listes de choses à faire Nos tendres sms Nos écrits de colère Et nos carnets d’adresses Nos cafés préférés Nos horaires de piscine Nos ennemis jurés Et le nom de la voisine Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher Se dire : « oh ! j’ai rien à me reprocher donc je n’ai rien à cacher », est un petit peu absurde dans un monde où la surveillance est généralisée et où on a vu que c’est à trois niveaux de relations que les individus sont surveillés par la NSA. Donc si vous connaissez quelqu’un qui connaît quelqu’un qui est le frère, peut-être perdu de vue, d’un type barbu qui est soupçonné de commettre des actes de terrorisme, si vous n'avez rien à voir avec cette personne, alors c’est potentiellement tous vos emails, toute votre navigation, tous vos coups de fil, tous vos sms, qui sont espionnés par la NSA. Nos cartes d’adhérents Nos radios, nos scanners Les photos de nos parents Nos bulletins de salaires Notre poids en chocolat Nos drogues favorites Les vidéos du chat Et nos idées politiques Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher Ces choses que l’on a envie de garder pour soi, c’est son intimité. C’est là que tu peux expérimenter avec des théories, des hypothèses. Tu peux dire et si… oh et puis non. C’est là que se niche ce qu’on pourrait appeler la créativité. Et c’est ça qui est menacé lorsque l’on se sent surveillé, lorsque l’on est surveillé. Nos mails inachevés L’adresse de notre docteur Nos trajets détaillés Nos relevés de compteur Nos préférences sexuelles À bien y réfléchir Ne sont pas si personnelles Que l’on veut bien le dire Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher En fait on a tous quelque chose à cacher. Quelque chose à cacher de son petit copain, de sa femme, de son patron, de son collègue, de ses amis. On a tous au moins un quelque chose à cacher de quelqu’un. On voit bien que les comportements changent quand on se sent espionnés, quand on se sent surveillés, quand on ne peut plus bénéficier de cet anonymat qui fait partie, directement, de la protection de notre vie privée comme il fait partie de la liberté d’expression. Nos lectures matinales Nos clics et nos cauchemars Les sources de notre journal Si on se lève tôt ou tard Nos entretiens d’embauche Le montant de nos impôts Notre conception de la gauche Et la taille de notre bureau Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher Rien, rien, rien, à se reprocher Rien, rien, rien, rien à cacher Si toi tu penses que t’as rien à cacher, et que du coup tu t’en fous, et que tu as envie de tout donner à google et facebook, hé bien tu ne te rends pas compte qu’en faisant ça, tu vas aussi donner une partie des communications de tes correspondants, de ta famille, de tes amis, à google et facebook. On devrait exiger des pouvoirs publics qu’ils imposent des régulations strictes de la protection des données personnelles et de la vie privée, de la même façon qu’on devrait exiger un encadrement strict des activités de renseignement et des activités de surveillance. À part, bien sûr, notre vie privée On n’a rien, rien, rien, rien à cacher À part, bien sûr, nos petits secrets On n’a rien, rien, rien, rien à cacher !