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Manger pour aimer vivre | Hervé FLEURY | TEDxLyon

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    Je suis un gastronome, et pour beaucoup,
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    cela se réduit à fréquenter
    les grands restaurants,
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    à déguster foie gras poêlé
    et autres pigeons farcis.
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    En somme, à être très éloigné
    du commun des mortels
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    et à se limiter à une élite.
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    C'est en partie vrai.
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    J'ai la chance de fréquenter
    de belles maisons
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    et de rencontrer des gens passionnés.
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    Mais pas que.
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    Mon travail me conduit
    à m’intéresser aux pratiques
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    en matière de l'alimentation de l'Homme.
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    J'ai une appétence particulière
    pour les lieux où
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    manger est souvent un défi.
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    Les environnements de haute dépendance
    où le repas est crucial.
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    Les cantines scolaires :
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    le repas doit être un marqueur
    d'éducation de goût,
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    et de sociabilité.
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    Les résidences pour personnes âgées :
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    le repas doit être un marqueur
    de bien-être,
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    et de plaisir.
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    Et l’hôpital :
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    le repas doit être un marqueur
    de nutrition, et d'envie.
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    Je vais m’arrêter sur l’hôpital.
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    Savez-vous que la dénutrition y est
    une des causes premières de mortalité ?
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    Quand on n'a plus envie de manger,
    on n'a plus envie de vivre.
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    Manger, c'est se préoccuper
    de son bien-être.
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    Je parle ici de manger,
    non pas être nourri.
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    On peut être nourri à coup de
    pilules ou de perfusions.
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    Manger à l’hôpital est considéré
    comme un soin.
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    C'est un moyen de lutter
    contre la maladie.
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    En mars 2006,
    je mets une blouse blanche,
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    pour répondre à la demande du docteur
    Cécile Chambrier
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    qui dirige un service
    dans un hôpital lyonnais.
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    Et dans ce service, les malades
    qu'elle accueille
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    sont tellement dénutris
    qu'elle a du mal à les soigner.
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    Bien sûr, beaucoup a déjà été fait mais
    les résultats ne sont pas satisfaisants
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    et 70% du plateau-repas
    part souvent à poubelle.
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    Alors elle s'est dit que
    l'institut Paul Bocuse pourrait l'aider.
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    Je passe une matinée à observer
    le travail des aides-soignantes.
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    Je dissèque leur organisation,
    j'ai besoin de comprendre
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    comment le repas est servi.
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    Ce qui me frappe, c'est la rapidité,
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    la discrétion avec laquelle le repas
    est apporté au malade dans la chambre.
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    Le plateau :
    « Je vous apporte le plateau. »
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    Le plateau est déposé sur la table
    qui s'appelle l'adaptable,
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    très souvent, presque toujours encombrée
    de revues, de journaux, d'ordinateurs
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    et régulièrement d'urinoirs.
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    Donc tout ce qui touche à l'environnement
    du repas n'est pas mis en œuvre.
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    J'ai une intuition :
    je pense que ce manque d'actes
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    liés à l'environnement du repas
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    peut être l'une des causes de
    la difficulté de cette prise alimentaire.
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    Je convaincs l’hôpital de
    me confier les aides-soignantes
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    et je les invite
    à l'institut Paul Bocuse.
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    Elles sont impressionnées par le lieu
    et elles sont étonnées par le fait que
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    je ne remette absolument pas
    en cause leur métier --
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    elles le font avec beaucoup d'efficacité.
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    En fait, mon but est de
    leur faire comprendre que
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    la grande humanité qu'elles déploient
    dans le nettoyage de la chambre,
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    dans la propreté du lit,
    dans la toilette du corps,
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    cette grande humanité est absente
    ou insuffisante
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    lorsqu'il s'agit d'apporter
    le repas aux malades.
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    Parmi les exercices,
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    je leur fais dresser le plateau
    comme elles le font ordinairement
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    et avec les mêmes éléments,
    je demande aux experts
  • 4:55 - 4:58
    de l'art de la table,
    de l'Institut
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    de dresser le plateau.
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    Elles découvrent alors avec étonnement
    que ce plateau peut être sublimé,
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    qu'il a une autre allure,
    qu'il est beaucoup plus attrayant.
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    Elles comprennent que servir à manger
    n'est pas un protocole comme un autre.
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    Elles prennent conscience de
    l'importance de la symbolique.
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    C'est-à-dire de ces petits gestes,
    de ces paroles, de ce regard,
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    qui paraissent anodins
    mais qui ont une grande importance.
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    De retour dans leur service,
    elles mettent en œuvre un plan d'action.
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    Le pliage de la serviette qui va
    être en harmonie avec la période de Noël.
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    Elles dessinent, elles confectionnent
    des sets pour les plateaux-repas.
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    En fait, leur humanité est libérée
    lorsqu'il s'agit du repas.
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    Cette expérience inspire
    le professeur Pierre Singer
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    qui dirige un service de nutrition
    dans un hôpital à Tel Aviv.
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    Il fait une expérience sur 300 repas
    servis sur une période de 28 jours.
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    La prise alimentaire augmente de 30%.
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    L'expérience est donc concluante.
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    Alors, et vous maintenant ?
    Comment avez-vous déjeuné ?
  • 6:32 - 6:38
    Vous êtes-vous assis ? Avez-vous
    déjeuné devant votre ordinateur ?
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    Avez-vous mis un set, une nappe
    pour le repas partagé avec vos enfants ?
  • 6:48 - 6:52
    Ce matin,
    avez-vous pris votre petit déjeuner ?
  • 6:54 - 6:58
    Quand on se lève, normalement
    on petit déjeune.
  • 6:58 - 7:01
    C'est-à-dire que l'on casse le jeûne.
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    Personnellement, chaque soir,
    je dresse la table,
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    je prends le bol, l'assiette, les couverts
    avec lesquels j'ai l'habitude
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    de prendre ce repas.
  • 7:15 - 7:20
    Je le complète le matin en étant attentif
    aux gestes qui sont les miens.
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    Et je prends quelques secondes
    pour regarder cette mise en scène.
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    Chaque objet familier a un impact.
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    Et en fait, ils deviennent une présence
    qui développe une énergie
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    dont je vais me servir
    au cours de la journée.
  • 7:44 - 7:48
    Je suis en plein accord
    avec l'historien Pascal Ory
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    qui dit que la gastronomie n'est
    ni la haute cuisine ni la bonne chair,
  • 7:54 - 7:58
    c'est la mise en règle - « nomos » -
    du manger et du boire
  • 7:58 - 8:02
    transformés de ce fait
    en art de la table.
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    Être gastronome, c'est être capable
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    de se créer, quel que soit
    le contexte, le lieu,
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    un moment où il se passe
    quelque chose d’étonnant.
  • 8:15 - 8:21
    Être capable d’être absolument présent
    et ne souhaiter être nulle part ailleurs
  • 8:21 - 8:22
    que devant son repas.
  • 8:23 - 8:28
    Que l'on soit au bureau,
    sous les cocotiers ou à l’hôpital.
  • 8:29 - 8:32
    C'est cette capacité à mettre
    tous ses sens en éveil
  • 8:32 - 8:34
    pour profiter de l'instant.
  • 8:35 - 8:42
    En fait, c'est le désir,
    le désir d'avoir de la joie,
  • 8:43 - 8:49
    le désir d'un moment
    qui est ressenti comme un cadeau,
  • 8:49 - 8:54
    un cadeau que je me fais,
    un cadeau que je fais à l'autre.
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    En novembre 2010,
    le repas gastronomique des Français
  • 9:00 - 9:04
    est inscrit au patrimoine
    culturel immatériel de l'UNESCO.
  • 9:05 - 9:07
    Mais qu'en faisons-nous ?
  • 9:08 - 9:12
    Je suis de ceux qui pensent,
    que ce patrimoine, cette tradition,
  • 9:13 - 9:18
    est une réponse à cette recherche
    de bonheur dans le quotidien de nos vies.
  • 9:20 - 9:24
    Il ne faut pas avoir peur de la tradition,
    la tradition nous donne du lest,
  • 9:24 - 9:25
    elle nous libère.
  • 9:26 - 9:30
    A travers le rituel, elle nous oblige
    à être attentif
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    aux détails, aux petites choses.
  • 9:33 - 9:39
    Le rituel finalement installe un rythme,
    une impression de lenteur, de déjà vu,
  • 9:40 - 9:41
    mais qui donne de l’épaisseur au temps.
  • 9:42 - 9:47
    Mettre une nappe, un set,
    dresser une table, un plateau,
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    choisir un verre pour boire un vin,
    ce sont des détails
  • 9:52 - 9:54
    mais qui subliment l'instant du repas.
  • 9:55 - 9:58
    L'acte de manger ne doit pas
    être mécanique.
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    Encore moins une mode.
  • 10:01 - 10:04
    C'est une manière de vivre
    qui devient un art.
  • 10:05 - 10:06
    Un art de vivre.
  • 10:07 - 10:12
    Le docteur Jean Trémolières,
    mort il y a 40 ans,
  • 10:14 - 10:16
    est un des fondateurs
    de l’école nutritionnelle française.
  • 10:18 - 10:23
    Il a compris que l'alimentation
    contribue à façonner l'Homme.
  • 10:24 - 10:28
    Non pas sur un plan strictement physique,
    mais global.
  • 10:31 - 10:33
    Alors face aux pressions
    qui sont les nôtres
  • 10:33 - 10:36
    dans le monde moderne
    où l'on parle sans cesse
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    d'efficacité, de productivité,
    de rentabilité
  • 10:40 - 10:45
    et donc ce bric-à-brac intérieur
    avec lequel nous devons composer,
  • 10:46 - 10:51
    il nous reste un pouvoir de réenchanter
    le quotidien de notre vie,
  • 10:52 - 10:57
    réenchanter le quotidien de notre vie
    en réenchantant notre manière de manger.
  • 10:58 - 11:03
    Penser aux petits détails ne signifie pas
    penser petit lorsque l'on mange.
  • 11:03 - 11:08
    Il contribue à faire briller à chaque
    repas des étoiles dans nos yeux.
  • 11:10 - 11:11
    Alors ce soir, j'ai un souhait.
  • 11:12 - 11:16
    C'est que TEDxLyon,
    dans le cadre de cette rencontre,
  • 11:16 - 11:21
    soit une étincelle,
    une étincelle qui allume un feu de joie.
  • 11:22 - 11:25
    La joie de la gastronomie. Merci.
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    (Applaudissements)
Title:
Manger pour aimer vivre | Hervé FLEURY | TEDxLyon
Description:

En s'appuyant sur des expériences dans le milieu hospitalier, Hervé Fleury nous invite à penser le moment du repas comme un moment vital. Manger, ce n'est pas se nourrir. Ce talk est une invitation au réenchantement de notre quotidien à travers la mise en lumière d'un rituel qui se perd et qui est pourtant fondateur.

#loveandotherfundamentals

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Hervé Fleury est Vice-Président de l’Institut Bocuse. Gastronome et esthète, il s’intéresse à l’évolution de l’art de manger et de la table et crée des ponts entre la recherche et le grand public.

http://www.institutpaulbocuse.com

Cette présentation a été donnée lors d'un événement TEDx local utilisant le format des conférences TED mais organisé indépendamment. En savoir plus : http://ted.com/tedx

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
11:33

French subtitles

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