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Monde à plat, monde en relief | Antoine Le Bos | TEDxRennes

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    Est-ce que vous savez,
    qu'à l'origine de la photographie,
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    donc on est à la fin 19e siècle,
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    à l'origine de la photographie,
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    la photographie à plat
    n'intéressait pas grand monde.
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    Ce qui fascinait le monde des photographes
    amateurs, professionnels,
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    comme étant l'étape d'après la peinture,
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    c'est-à-dire une manière
    de continuer à explorer le monde,
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    c'était la photographie en relief.
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    Les grosses boites en bois
    dans les greniers des grand-mères,
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    avec les plaques en verre.
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    Guerre industrielle ensuite,
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    c'est la photographie à plat
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    qui a pu été reproduite dans les journaux.
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    La photographie à plat a gagné la guerre
    contre la photographie en relief.
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    Et la photo à plat,
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    l'image à plat, est devenue
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    communément admise comme
    fenêtre sur le monde, pour nous.
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    Aujourd'hui, y compris,
    une fenêtre toute petite,
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    vous le savez, avec des portables.
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    L'histoire que je veux vous raconter
    démarre en Finistère,
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    avec ce décor-là :
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    Côte-Nord.
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    On est chez les durs,
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    granite,
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    on est du côté de Kerlouan, Brignogan.
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    Dans ce coin, on a mis en place un lieu
    qui s'appelle le Groupe Ouest,
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    un lieu un peu décroché du monde,
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    se servant de la force de ce paysage
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    pour essayer d'aider des auteurs
    à accoucher d'histoires.
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    Donc c'est devenu un lieu de résidence
    coachée pour des auteurs,
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    surtout pour le cinéma.
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    Des auteurs qui viennent
    du monde entier pour travailler là.
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    Et c'est devenu le premier lieu
    en Europe en la matière.
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    Dans cet endroit, notre obsession,
    c'est d'essayer de faire que,
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    dans un monde devenu par moment
    un poil désespérant,
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    ce contre quoi TED lutte,
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    dans ce monde-là,
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    l'idée est d'aider des auteurs à fabriquer
    des histoires qui fabriquent du sens.
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    Pour nous, pour la société
    des hommes globalement,
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    pour nos enfants demain,
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    donc de préférence un peu à l'opposé
    d'une vision un peu mécanisée du récit,
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    qu'Hollywood nous envoie
    trop souvent en ce moment,
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    avec le super-héros comme figure modèle.
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    Il se trouve que dans ce lieu, en 2010,
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    alors que notre métier,
    c'est de fabriquer des films,
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    de fabriquer des récits pour des films,
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    dans du cinéma « à plat »,
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    on peut dire maintenant aujourd'hui.
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    On ne voyait pas la différence.
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    Pour nous, le cinéma,
    c'était forcément à plat.
  • 2:51 - 2:53
    On fabriquait le relief par le récit.
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    Et on a vécu une expérience en 2010,
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    une expérience assez folle qu'on a vécue
    avec le Pôle Images et Réseaux breton,
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    donc groupe de laboratoires de recherche,
    universités etc.,
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    qui s'intéresse à l'avenir de l'image,
    du son, et de l'Internet, etc.
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    Et ce projet de recherche
    avait comme objectif
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    d'étudier
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    la question fondamentale :
  • 3:26 - 3:29
    est-ce qu'à partir d'un moment
    où on se met
  • 3:29 - 3:33
    à fabriquer des images en relief,
    est-ce qu'il faut écrire différemment ?
  • 3:37 - 3:41
    En faisant des essais à partir de récits
    qu'on a inventés au Groupe Ouest,
  • 3:41 - 3:44
    en faisant des essais
    dans les rochers à Kerlouan,
  • 3:44 - 3:50
    on a fait venir avec nous un grand
    Monsieur de l'image en relief,
  • 3:50 - 3:52
    un Professeur Tournesol
    du relief, qui est français,
  • 3:52 - 3:55
    le grand Monsieur du relief en Europe,
    qui s'appelle Alain Derobe.
  • 3:57 - 4:02
    Et Alain nous fait travailler
    avec cet engin étrange que vous voyez là :
  • 4:02 - 4:04
    une caméra, plus complexe qu'une caméra.
  • 4:05 - 4:07
    Il appelle ça un rig-miroir.
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    Nous, on est dans l'écriture,
    on ne connaît pas ces machines,
  • 4:11 - 4:16
    et on découvre que le relief à l'origine,
    c'est deux caméras mises côte à côte,
  • 4:16 - 4:19
    avec un écart entre les deux centres
    optiques des caméras
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    de 6,5 cm en théorie.
  • 4:21 - 4:23
    C'était la théorie,
    notamment américaine, sur le sujet.
  • 4:23 - 4:27
    6,5 cm étant l'écart moyen
    entre les deux yeux humains.
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    Effectivement, deux caméras côte-côte,
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    ça fabriquait le fait que compte tenu
    de l'encombrement des caméras,
  • 4:34 - 4:38
    c'était difficile de les rapprocher,
    et puis c'était très bien comme ça,
  • 4:38 - 4:43
    parce que le cinéma américain cherchait
    surtout à explorer du cinéma d'action,
  • 4:44 - 4:45
    en relief.
  • 4:48 - 4:50
    Sauf que dès le moment
    où on a voulu essayer
  • 4:51 - 4:54
    de faire que ce cinéma explore
    autre chose que de l'action,
  • 4:55 - 4:58
    du cinéma épileptique,
    on s'est dit : « On a un problème,
  • 4:58 - 5:02
    dès qu'on veut essayer de rapprocher
    les caméras écartées
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    pour filmer ce qui est proche,
    l'intime, on a un problème :
  • 5:05 - 5:09
    les droites se croisant tout près,
    les axes optiques,
  • 5:09 - 5:14
    l'arrière-plan devient complétement
    insynchronisable pour le cerveau humain.
  • 5:15 - 5:18
    C'est là qu'Alain Derobe
    et toute son équipe de fous furieux
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    ont inventé un système,
    qui a servi sur Avatar ensuite,
  • 5:22 - 5:24
    qui s'appelle le rig-miroir.
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    Au lieu de placer les caméras côte-côte,
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    on les place l'une dans l'axe,
    l'autre au dessus ou en dessous.
  • 5:30 - 5:34
    Par le biais d'un miroir, on fait
    que l'axe optique de la caméra
  • 5:34 - 5:36
    se rapproche de celui
    de la caméra de face,
  • 5:36 - 5:40
    et on peut quasiment venir rapprocher
    les deux axes optiques.
  • 5:40 - 5:44
    Donc avec cette invention très technique,
  • 5:44 - 5:49
    on a là un outil qui nous permet d'aller
    filmer l'intime, le tout près, la présence
  • 5:49 - 5:51
    pour la première fois.
  • 5:51 - 5:54
    Et là, dans les rochers à Kerlouan,
  • 5:55 - 5:58
    on se retrouve complétement sidérés
    par les images qu'on découvre.
  • 5:58 - 6:03
    Dans les rochers, on découvre
    une sensation très étrange
  • 6:03 - 6:05
    comme si les rochers
    se mettaient à parler.
  • 6:05 - 6:07
    Le comédien qui est au premier plan,
    on s'en fout.
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    L'égo du comédien disparaît.
  • 6:09 - 6:12
    Par contre, la matière minérale
    se met à nous parler.
  • 6:12 - 6:14
    On dit : « Merde ! »
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    Il y a des druides là-bas.
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    Du coup, on est tellement sidérés
    par ce qu'on voit qu'on se dit :
  • 6:27 - 6:30
    « C'est pas possible, il faut
    en faire en projet de recherche. »
  • 6:30 - 6:32
    On crée, avec les Anglais
  • 6:32 - 6:35
    et avec des partenaires
    des deux côtés de la Manche,
  • 6:35 - 6:38
    une douzaine, des centres de recherche,
    des lieux de création,
  • 6:38 - 6:40
    Sud Angleterre et Bretagne,
  • 6:40 - 6:43
    on a créé ce projet de recherche
    qui a duré quatre ans.
  • 6:44 - 6:49
    Dans ce projet qui mêle esprit français
    et pragmatisme anglo-saxon,
  • 6:49 - 6:50
    passionnant, pas toujours simple,
  • 6:50 - 6:53
    -- en tout cas,
    on s'enrichit mutuellement, --
  • 6:53 - 6:57
    on met autour de la table des auteurs,
  • 6:58 - 7:00
    on a fait preuve d'une certaine naïveté,
  • 7:00 - 7:03
    des gens qui normalement
    ne se parlent pas,
  • 7:03 - 7:05
    il a fallu qu'ils se parlent :
  • 7:05 - 7:08
    des auteurs, des cinéastes,
    des chercheurs en neurosciences,
  • 7:08 - 7:11
    des gens de l'informatique de l'image,
    de la post-production,
  • 7:11 - 7:14
    de la diffusion en salles...
  • 7:15 - 7:18
    Les premiers jours, c'était
    un peu la cacophonie,
  • 7:18 - 7:21
    et puis au bout d'un moment
    on se parlait un langage commun.
  • 7:22 - 7:25
    Et au fil du temps,
  • 7:25 - 7:29
    - là vous êtes à l'intérieur
    de l'ancien hangar à échalottes
  • 7:29 - 7:31
    du Groupe Ouest, à l'étage,
  • 7:31 - 7:35
    où il y a tout un tas de cerveaux-clés
    du relief européen autour de la table -
  • 7:35 - 7:42
    et là, on découvre,
    via une chercheuse anglaise,
  • 7:42 - 7:46
    la différence d'impact sur le cerveau
    entre de l'image à plat en 2D
  • 7:46 - 7:48
    et l'image en 3D en relief.
  • 7:49 - 7:53
    Et on découvre, sidérés,
    que, d'accord !
  • 7:53 - 7:55
    les sensations incroyables qu'on ressent
  • 7:55 - 7:59
    sur lesquelles on ne sait pas mettre
    de nom, sont provoquées par le fait
  • 7:59 - 8:01
    que la région du cerveau
    provoquée par des images à plat
  • 8:01 - 8:05
    n'est pas du tout la même que celle
    provoquée par de l'image en relief.
  • 8:05 - 8:08
    La région du cerveau provoquée
    par de l'image à plat
  • 8:08 - 8:11
    est la région du cerveau cognitif,
  • 8:11 - 8:13
    - ça parlera peut-être
    à certains d'entre vous -
  • 8:13 - 8:16
    la partie du cerveau
    qui s'intéresse à l'analyse,
  • 8:16 - 8:19
    qui met à distance, qui analyse,
    qui rationalise.
  • 8:19 - 8:24
    Et puis, le cerveau stimulé
    majoritairement par l'image en relief,
  • 8:24 - 8:27
    c'est complètement de l'autre côté,
    c'est le cerveau reptilien,
  • 8:28 - 8:32
    le cerveau lié aux émotions fondamentales,
    à la peur, au désir.
  • 8:33 - 8:36
    C'est pas ça, le geste,
    comme mimer le désir ?
  • 8:36 - 8:37
    (Rires)
  • 8:37 - 8:39
    Tu me diras...
  • 8:46 - 8:49
    Dans la foulée de cette découverte,
    quand même assez étonnante,
  • 8:51 - 8:53
    il s'agit vraiment de deux choses
  • 8:53 - 8:55
    qui relèvent de quelque chose
    d'absolument différent
  • 8:55 - 8:58
    - on comprend via le travail
    de cette chercheuse anglaise,
  • 8:58 - 9:01
    on approche ce phénomène
    qui est la résonance motrice.
  • 9:01 - 9:05
    Par le biais de l'image en relief,
    notamment avec de l'image en mouvement,
  • 9:05 - 9:08
    des chaînes musculaires
    toutes petites dans le corps
  • 9:08 - 9:11
    sont stimulées, c'est-à-dire
    que l'intérieur du corps
  • 9:11 - 9:13
    est en prise avec l'image.
  • 9:15 - 9:17
    On découvre aussi
    qu'une neurologue américaine,
  • 9:17 - 9:19
    Susan Barry,
  • 9:20 - 9:22
    a fait cette étude assez étonnante
  • 9:23 - 9:25
    parce que, brillante neurologue,
  • 9:26 - 9:28
    à l'âge de 6 ans, elle a été opérée
    pour un strabisme,
  • 9:29 - 9:33
    et pour remettre les deux yeux dans l'axe,
  • 9:33 - 9:35
    ils lui ont enlevé la stéréopsie,
  • 9:35 - 9:40
    c'est-à-dire la capacité à appréhender
    la réalité avec les deux yeux,
  • 9:40 - 9:43
    donc en construisant un relief.
  • 9:44 - 9:46
    Elle ne voit pas en relief,
    elle voit à plat.
  • 9:46 - 9:48
    Elle a un œil qui voit correctement
  • 9:48 - 9:50
    et l'autre qui fait comme il peut.
  • 9:52 - 9:53
    Elle traîne ça toute sa vie
  • 9:53 - 9:56
    comme ceux qui ont
    ce type de problématique,
  • 9:56 - 9:59
    sans doute 3 ou 4% la population.
  • 10:01 - 10:04
    Elle arrive à peu près à conduire,
    certes plus lentement que les autres,
  • 10:04 - 10:07
    mais elle s'en débrouille, et à 50 ans,
    elle se dit :
  • 10:07 - 10:09
    « Ça me plairait bien d'essayer. »
  • 10:09 - 10:13
    On lui parle de systèmes
    de kinésithérapie des yeux
  • 10:13 - 10:18
    qui permet de remuscler ce manque,
  • 10:18 - 10:21
    et à 50 ans elle découvre la stéréopsie,
  • 10:21 - 10:25
    c'est-à-dire la possibilité d'appréhender
    la réalité avec les deux yeux.
  • 10:26 - 10:30
    Et là, pareil, elle se dit : « Merde !
    c'est exactement pareil, ce que je vois,
  • 10:30 - 10:32
    sauf que c'est complètement différent. »
  • 10:34 - 10:37
    Elle va voir des médecins : tabou,
    pas question d'en parler.
  • 10:39 - 10:42
    Puis elle se dit : « Ok, c'est mon métier
    d'étudier ces trucs-là,
  • 10:42 - 10:44
    je m'y colle en tant que neurologue. »
  • 10:44 - 10:47
    Elle passe des années
    à étudier le phénomène.
  • 10:47 - 10:52
    Elle découvre des enfants autistes
    coupés du monde
  • 10:52 - 10:57
    qui quand on leur corrige
    un défaut de stéréopsie
  • 10:57 - 11:01
    et que via par exemple des nouvelles
    lunettes, on leur redonne la stéréopsie,
  • 11:01 - 11:03
    l'appréhension du relief,
  • 11:04 - 11:10
    l'enfant sort avec ses nouvelles lunettes
    de la voiture, un exemple sidérant,
  • 11:10 - 11:13
    et se retrouve à quatre pattes
    dans les pâquerettes :
  • 11:13 - 11:17
    « La coccinelle, ouah !
    Les hautes herbes, ah ! »
  • 11:17 - 11:20
    Le gamin fasciné par le monde,
    et plus sidérant encore,
  • 11:21 - 11:23
    le gamin se met à devenir,
    lui qui était coupé des autres,
  • 11:23 - 11:26
    un assoiffé des rapports humains.
  • 11:26 - 11:27
    Merde !
  • 11:30 - 11:32
    On découvre, dans la foulée de ce bouquin
  • 11:32 - 11:34
    et de cette chercheuse américaine,
  • 11:34 - 11:38
    d'abord c'est les Russes qui attirent
    notre attention sur Susan Berry :
  • 11:38 - 11:41
    ils ont fait des études incroyables
    sur le sujet dans les années 50, 60,
  • 11:41 - 11:43
    avant que ça s'effondre,
  • 11:44 - 11:46
    et on découvre qu'à l'IRCAM,
  • 11:46 - 11:50
    lieu fantastique en France
    de recherche sur le son, à Paris,
  • 11:50 - 11:55
    il y a des chercheurs qui travaillent
    sur comment le son en relief,
  • 11:55 - 11:59
    comment l'appréhension via le son
    de la profondeur de l'espace,
  • 11:59 - 12:04
    sert à aider des enfants autistes
    à se reconnecter au monde
  • 12:04 - 12:07
    via le son en relief.
  • 12:07 - 12:09
    Tout ça ça va quand même
    dans le même sens
  • 12:10 - 12:13
    et on essaie de trouver des mots
    pour comprendre ce truc.
  • 12:15 - 12:17
    Et les mots, on ne les trouve pas !
  • 12:18 - 12:20
    Comme on perd un peu
    toutes les nuances
  • 12:20 - 12:23
    pour décrire les couleurs, le toucher,
    les textures, etc,
  • 12:23 - 12:26
    les mots pour décrire
    les différences de profondeur
  • 12:26 - 12:29
    et de ce qui entre en contact avec moi
    par le biais de la profondeur,
  • 12:29 - 12:30
    on ne les trouve pas.
  • 12:32 - 12:36
    On cherche et on tombe sur
    un chorégraphe néo-zélandais nous dit :
  • 12:36 - 12:41
    « Mais vous êtes cons ! Il y a un Français
    qui s'appelle Maurice Merleau-Ponty,
  • 12:42 - 12:45
    fantastique philosophe, français,
    phénoménologue,
  • 12:45 - 12:48
    Maurice a les clés. »
  • 12:49 - 12:56
    On se plonge dans Merleau-Ponty,
    et on découvre qu'il a découvert,
  • 12:56 - 13:01
    dans la foulée d'un bouquin immense,
    « La Phénoménologie de la perception »,
  • 13:01 - 13:03
    dans la deuxième partie de son œuvre,
    après 1945,
  • 13:03 - 13:08
    il découvre une fascination
    pour l'image en relief. Pourquoi ?
  • 13:09 - 13:13
    Il dit dans ses écrits, le relief,
    l'image en relief,
  • 13:13 - 13:17
    est ce qui permet de prendre conscience,
    qui permet de réouvrir l'être humain
  • 13:17 - 13:21
    trop habitué à une perception
    du monde arithmétique,
  • 13:21 - 13:23
    euclidienne, pour les matheux,
  • 13:23 - 13:27
    une perception du monde basée sur la
    quantité, sur la mesure de la quantité,
  • 13:28 - 13:31
    l'image en relief attire notre attention
    sur le fait que finalement,
  • 13:31 - 13:35
    on perd, à force d'être obsédé
    par des logiques cartésiennes
  • 13:35 - 13:38
    et par un balisage quantitatif du monde,
  • 13:38 - 13:40
    on perd l'appréhension,
  • 13:40 - 13:42
    la conscience de l'épaisseur du monde.
  • 13:44 - 13:51
    Il a cette phrase très belle :
    « La profondeur n'est pas mesurée,
  • 13:51 - 13:52
    elle est habitée. »
  • 13:55 - 13:56
    Maurice...
  • 13:57 - 13:59
    Et, notamment,
  • 14:01 - 14:04
    il nous dit, face à un arbre,
    par exemple,
  • 14:04 - 14:06
    - mettons cet arbre au fond,
    dans le brouillard.
  • 14:07 - 14:09
    Face à un arbre,
  • 14:09 - 14:13
    dans une photo à plat,
    l'arbre, ok, c'est un arbre.
  • 14:13 - 14:17
    je peux débouler avec ma tronçonneuse,
    le dégommer, où est le problème ?
  • 14:17 - 14:20
    C'est quoi mon lien avec l'arbre ?
    Aucune idée.
  • 14:20 - 14:21
    Dans une photo en relief,
  • 14:21 - 14:25
    si je vous montrais la même chose
    en relief, cet arbre devient
  • 14:25 - 14:29
    une présence dans le monde
    au même titre que la mienne.
  • 14:30 - 14:34
    Et cette chose très étrange, même
    si je suis à distance de l'arbre,
  • 14:34 - 14:37
    j'ai l'impression que je peux le toucher
    et que je pressens déjà à distance
  • 14:37 - 14:41
    quel va être le contact que j'aurais
    avec l'écorce si je le touche.
  • 14:41 - 14:43
    Est-ce que c'est l'arbre
  • 14:43 - 14:47
    qui rentre en moi,
    pour que je le sente, à distance,
  • 14:47 - 14:49
    ou moi qui me jette sur lui
    et le prends dans mes bras ?
  • 14:49 - 14:53
    Aucune idée, en tout cas s'établit
    une conscience symétrique
  • 14:53 - 14:56
    dans laquelle l'arbre est présent,
  • 14:56 - 14:57
    l'arbre est presque conscient de moi
  • 14:57 - 14:59
    en même temps que moi de lui.
  • 14:59 - 15:02
    Pour le dégommer
    avec ma tronçonneuse, plus compliqué.
  • 15:03 - 15:08
    On se met du coup à courir partout
    en disant : « Attendez, les gars !
  • 15:08 - 15:10
    le cinéma, ce que nous envoient
    les Américains,
  • 15:10 - 15:18
    avec du cinéma en relief, très...
    d'action, violent, brutal en montage,
  • 15:18 - 15:21
    épileptique, presque, avec des effets
    spéciaux dans tous les sens,
  • 15:21 - 15:25
    c'est absurde, totalement incohérent
    avec le fonctionnement du cerveau humain,
  • 15:25 - 15:28
    qui a besoin de temps pour synchroniser
    cette complexité de la profondeur.
  • 15:30 - 15:33
    Et on se dit, merde, il n'y a aucun
    cinéaste qui s'y colle !
  • 15:33 - 15:35
    Pourquoi, parce qu'on est tous envahis
  • 15:35 - 15:38
    par cette vision
    d'un cinéma d'entertainment
  • 15:38 - 15:40
    qui n'est pas là pour enrichir
    nos palettes de sensations,
  • 15:40 - 15:44
    il est là pour nous en coller
    plein la gueule, si on peut dire.
  • 15:46 - 15:49
    Et là, il y a quinze jours,
    Festival de Cannes.
  • 15:50 - 15:53
    Grand moment, d'abord parce que
  • 15:54 - 15:58
    cinq auteurs passés
    par le Groupe Ouest dans le Finistère
  • 15:58 - 16:02
    se retrouvent sélectionnés à Cannes,
    pour nous c'était... dont le Grand Prix.
  • 16:02 - 16:06
    Mais à Cannes, il se passe aussi le fait
    qu'on a un face à face
  • 16:06 - 16:10
    entre deux mondes :
    Mad Max d'un côté, Le Duel, relief,
  • 16:10 - 16:12
    Love de l'autre.
  • 16:14 - 16:17
    Un film de guerre contre un film d'amour.
  • 16:21 - 16:25
    Donc un film de la logique quantitative
    du chiffre, des effets spéciaux partout,
  • 16:25 - 16:27
    on augmente la quantité partout !
  • 16:27 - 16:29
    Ta ta ta !
  • 16:29 - 16:32
    Mon fils va faire la gueule
    parce qu'il adore Mad Max.
  • 16:33 - 16:36
    De l'autre côté, un film d'amour
  • 16:36 - 16:39
    qui arrête tout, qui pose la caméra,
    sur un pied, tranquille,
  • 16:39 - 16:41
    qui regarde des êtres humains s'approcher,
  • 16:41 - 16:45
    s'aimer à la folie et qui s'intéresse
    à leur interaction avec le monde.
  • 16:46 - 16:49
    Un bijou, il sortira en salle
    d'ici quelque temps,
  • 16:49 - 16:50
    un petit peu scandaleux,
  • 16:51 - 16:53
    mais incroyable, un virage !
  • 16:55 - 16:56
    Miracle pour nous,
  • 16:56 - 16:59
    et qui m'amène à poser
    cette question de fond :
  • 17:01 - 17:03
    après avoir été pendant un siècle,
  • 17:04 - 17:06
    plus d'un siècle, un siècle et demi,
  • 17:07 - 17:10
    après que les technologies de l'image
  • 17:10 - 17:13
    ont été souvent
    un vecteur de rétrécissement
  • 17:14 - 17:16
    de notre connexion avec le monde,
  • 17:17 - 17:21
    je dirais presque un facteur d'autisme,
  • 17:23 - 17:24
    pour qu'on considère
  • 17:24 - 17:27
    qu'une fenêtre sur le monde valable
    est un objet grand comme ça
  • 17:27 - 17:28
    dans la poche toute la journée
  • 17:28 - 17:31
    qui nous permet de rentrer
    en contact avec le monde,
  • 17:31 - 17:34
    il faut qu'on soit devenus
    abîmés d'une certaine manière
  • 17:34 - 17:35
    - désolé, Orange ! -
  • 17:41 - 17:45
    Dans le même temps, il y a là un truc
    super étonnant de se dire, tiens,
  • 17:45 - 17:48
    mais pourquoi, ces mêmes technologies,
  • 17:48 - 17:51
    prises autrement, en reprenant
    l'embranchement là où on l'a raté.
  • 17:53 - 17:56
    Fin 19e siècle,
    le relief nous fascinait,
  • 17:56 - 17:59
    dans quelle mesure,
    en reprenant là où on a raté le pas,
  • 17:59 - 18:04
    peut-être fin 19e, dans quelle mesure
    il n'y a pas là, au travers du relief,
  • 18:04 - 18:09
    une manière de reprendre le chemin
    de là où le monde palpite.
  • 18:09 - 18:10
    Voilà.
  • 18:12 - 18:15
    (Applaudissements)
Title:
Monde à plat, monde en relief | Antoine Le Bos | TEDxRennes
Description:

Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.

Antoine Le Bos nous raconte son histoire avec la vision 3D stéréoscopique et dans quelle mesure au travers du relief, le monde reprend le chemin là où il palpite.

Antoine fait partie d’un groupe qui a pour objet de soutenir la création cinématographique en Bretagne dans une démarche de coopération européenne et d’encouragement à l’innovation. C'est donc en débutant l'aventure dans le Finistère, que le groupe s'est demandé de quelle façon est-ce que les récits d'auteurs Bretons ou peu connus peuvent être mis en avant grâce à l'innovation. Comment peut-on donner du sens à de telles si histoires alors qu’aujourd’hui notre principale fenêtre sur le monde se trouve être un écran de smartphone ? C’est grâce à l’intervention d’un imagiste, Alain Derobe, qui leur propose de travailler avec un rig-miroir. Le résultat est stupéfiant.

Diplômé de l’ESCP-Europe, il démarre une première vie professionnelle dans le monde de la voile, en travaillant pour le défi français pour la Coupe de l’America, ou comme marin en charter. Il reprend alors des études (doctorat de philosophie à la Sorbonne entre autres), puis devient scénariste pour le cinéma (une vingtaine de scénarii au compteur), metteur en scène, et coach/consultant en écriture de scénario dans une vingtaine de pays. Il crée en 2006 Le Groupe Ouest en Finistère, premier « Film Lab » français et désormais référence à l’échelle européenne en training d’auteurs et de cinéastes en résidence.

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Video Language:
French
Team:
closed TED
Project:
TEDxTalks
Duration:
18:24

French subtitles

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