De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis
-
0:05 - 0:08Voici un scénario
qui m'a toujours interpellé : -
0:09 - 0:12je tombe malade, j'appelle mon médecin
pour un rendez-vous, -
0:13 - 0:16et j'ai ma visite pour le lendemain.
-
0:18 - 0:21Le jour de la visite,
le médecin m'examine par observation, -
0:21 - 0:23puisqu'il n'a pas accès
aux liquides internes, -
0:23 - 0:26et il pense à deux ou trois
infections possibles. -
0:26 - 0:30Alors, soit il me prescrit
un traitement à spectre large -
0:30 - 0:32pour couvrir toutes les possibilités,
-
0:32 - 0:35ou bien, il tente un traitement
contre une maladie, -
0:35 - 0:38et si ça ne marche pas,
on le changera à la prochaine visite. -
0:38 - 0:41Ensuite, il me demande
de faire des analyses. -
0:41 - 0:44Donc, je fais mes analyses
le troisième jour au matin, -
0:44 - 0:47et je récupère les résultats
le quatrième jour. -
0:47 - 0:49J'appelle le médecin,
-
0:49 - 0:53et j'ai ma seconde visite
avec les résultats le cinquième jour. -
0:53 - 0:55Combien de temps faut-il à l'organisme
-
0:55 - 0:57pour réagir à une infection ?
-
0:57 - 0:59Quelques heures.
-
0:59 - 1:01Après quelques heures,
nous avons dans le sang -
1:01 - 1:04les informations nécessaires
pour comprendre ce qui nous arrive. -
1:04 - 1:07Sauf que le médecin
n'a accès à cette information -
1:07 - 1:09que cinq jours plus tard.
-
1:10 - 1:13C'est trop long, inefficace,
et ça coûte beaucoup d'argent. -
1:14 - 1:18Pendant ma thèse de doctorat que j'avais
préparée à l'Université de Lille, -
1:19 - 1:22j'avais toujours l'idée
que les gros laboratoires d'analyses -
1:22 - 1:25étaient un peu comme les cabines
téléphoniques des années 80 -- -
1:26 - 1:30c'est une comparaison qui va plus parler
aux gens qui ont plus de 30 ans -- -
1:30 - 1:35donc je pensais que les analyses médicales
allaient suivre le même chemin, -
1:35 - 1:41et qu'on finirait tous par avoir
nos propres autotests à domicile. -
1:41 - 1:42Ce que je ne comprenais pas,
-
1:42 - 1:44c'était pourquoi --
-
1:44 - 1:49alors que les autotests de grossesse
étaient commercialisés depuis 1970, -
1:49 - 1:51on n'arrive toujours pas en 2013,
-
1:51 - 1:54à généraliser ce concept
aux maladies infectieuses. -
1:56 - 2:00Après ma thèse de doctorat, et un passage
par l'Université de Californie, -
2:00 - 2:01j'ai rejoint celle de Washington,
-
2:01 - 2:04où j'ai commencé à travailler
spécifiquement sur les autotests. -
2:04 - 2:08J'ai compris à ce moment,
qu'il y avait deux obstacles majeurs -
2:08 - 2:11qui empêchaient la généralisation
de cette technologie. -
2:11 - 2:13Il y a d'abord le problème de sensibilité.
-
2:15 - 2:17Dans la majorité des infections,
-
2:17 - 2:20les molécules qu'on veut détecter
se trouvent en très faible concentration, -
2:20 - 2:23ce qui exige des tests
d'une très grande sensibilité. -
2:23 - 2:27A cause de ce problème,
le premier autotest à domicile -
2:27 - 2:29n'a été autorisé qu'en 2012
aux États-Unis. -
2:29 - 2:32C'est le test pour le SIDA.
-
2:32 - 2:34D'ailleurs, la France vient
d'émettre un avis favorable -
2:34 - 2:37pour leur commercialisation,
il y a à peine quelques semaines. -
2:39 - 2:41Le problème de ces tests,
-
2:41 - 2:46c'est qu'ils sont basés sur une bandelette
en papier de forme rectangulaire. -
2:46 - 2:49Ce qui est à l'origine
d'une certaine limitation de sensibilité. -
2:50 - 2:52D'ailleurs, le test pour le SIDA
-
2:52 - 2:55ne peut être utilisé
que trois mois après l'infection, -
2:55 - 2:58parce qu'il faut laisser le temps
au virus de se multiplier -
2:58 - 3:01et d'atteindre
des concentrations suffisantes, -
3:01 - 3:02et en même temps, faire ses ravages.
-
3:02 - 3:06Donc, pour éviter cette perte de temps,
-
3:06 - 3:10et arriver à détecter
de très faibles concentrations, -
3:10 - 3:14nous avons au cours de l'année dernière
développé une approche différente. -
3:15 - 3:19Comme toujours,
le vrai défi en technologie, -
3:19 - 3:21ce n'est pas de trouver
une solution à un problème, -
3:21 - 3:23mais de trouver une solution simple.
-
3:23 - 3:26Donc, au lieu de découper ce papier
en forme rectangulaire, -
3:26 - 3:32nous l'avons découpé
en forme d'étoile à plusieurs pointes. -
3:32 - 3:37Avec ce principe, il suffit de déposer
votre échantillon au centre de l'étoile, -
3:37 - 3:41et l'échantillon va être spontanément
séparé en plusieurs composants. -
3:41 - 3:45Par exemple, pour le sang, vous allez
voir les globules rouges partir d'un côté, -
3:45 - 3:49et les virus -- si le patient
est infecté, de l'autre coté. -
3:49 - 3:54Après séparation, les virus vont migrer
du centre de l'étoile vers les pointes. -
3:55 - 3:56Au niveau des pointes,
-
3:56 - 4:00l'eau s'évapore très rapidement,
laissant derrière les virus s'accumuler. -
4:00 - 4:02Cette accumulation
-
4:02 - 4:05va augmenter considérablement
la concentration des virus, -
4:05 - 4:08ce qui nous a permis
d'atteindre des sensibilités -
4:08 - 4:11un milliard de fois supérieures
au test classique. -
4:13 - 4:17Une fois les virus au niveau
des pointes, il faut les détecter, -
4:17 - 4:19et pour le faire,
il faut utiliser des anticorps. -
4:19 - 4:22Et c'est là qu'intervient
le second obstacle des autotests, -
4:22 - 4:27qui est la fragilité et la cherté
des anticorps naturels. -
4:27 - 4:30Donc il fallait trouver une alternative.
-
4:31 - 4:32Pour comprendre nos travaux,
-
4:32 - 4:35il faut d'abord comprendre
comment fonctionne un anticorps. -
4:35 - 4:38Lorsque quelqu'un
est infecté par un virus, -
4:38 - 4:42l'organisme réagit
en produisant des anticorps. -
4:42 - 4:46Ces anticorps sont capables
de reconnaître et de capturer le virus, -
4:46 - 4:48grâce à trois propriétés.
-
4:48 - 4:52D'abord, il faut que l'anticorps
ait une conformation spatiale, -
4:52 - 4:54une forme complémentaire à celle du virus.
-
4:54 - 4:58C'est un peu le principe de la clé
dans la serrure, la clé étant le virus. -
4:58 - 5:00Deuxièmement, il faut
qu'à la surface de l'anticorps, -
5:00 - 5:03il y ait des charges positives
et négatives, pour simplifier, -
5:03 - 5:06qui sont opposées à celles présentes
à la surface du virus. -
5:06 - 5:08C'est donc un phénomène
très exigeant. -
5:08 - 5:12Et enfin, il faut que le virus
soit assez flexible -
5:12 - 5:16pour pouvoir s'adapter
aux petites variations de forme. -
5:18 - 5:21Le principe est très simple,
mais ce qui est compliqué, -
5:21 - 5:24c'est sa réalisation
à l'échelle nanométrique. -
5:24 - 5:27Ce que vous voyez ici
est une nanoparticule d'or, -
5:27 - 5:31dont la taille est 1000 fois plus petite
que l'épaisseur d'un cheveu. -
5:32 - 5:35Si on veut fabriquer
un anticorps artificiel -
5:35 - 5:36qui remplace les anticorps naturels,
-
5:36 - 5:39il faut pouvoir reproduire
ces trois propriétés. -
5:40 - 5:41Donc, ce que nous avons fait :
-
5:41 - 5:46pour fabriquer un anticorps
qui puisse reconnaître un virus, -
5:46 - 5:50on va d'abord accrocher
le virus à cette particule. -
5:50 - 5:54Je décris ici une technique appelée :
« l'impression moléculaire ». -
5:54 - 5:58Donc, avant de suivre l'étape suivante --
vous allez comprendre en quelques phrases. -
5:59 - 6:04Imaginez un virus comme quelque chose
que vous pouvez tenir dans votre main. -
6:04 - 6:07Si vous mettez ce virus
dans une pâte à modeler et le retirez, -
6:07 - 6:09vous laisserez derrière une empreinte
-
6:09 - 6:11dont la forme est complémentaire
à celle du virus. -
6:11 - 6:15Cette empreinte est maintenant capable
de reconnaître le même type de virus, -
6:15 - 6:17c'est un anticorps artificiel.
-
6:17 - 6:22Donc, pour fabriquer un anticorps
artificiel qui peut reconnaître un virus, -
6:22 - 6:24on va d'abord accrocher les virus,
comme je viens de le dire, -
6:24 - 6:28on va ensuite faire croître ce polymère
qui est une sorte de pâte à modeler -
6:28 - 6:30tout autour,
-
6:30 - 6:35on retire le virus, et on obtient
cette empreinte magique, -
6:35 - 6:38qui est capable de reconnaître
le même type de virus. -
6:39 - 6:41Pourquoi on fait ça
sur des nanoparticules d'or ? -
6:41 - 6:48C'est parce que, lorsque l'anticorps
artificiel reconnaît le virus, -
6:48 - 6:50les nanoparticules commencent
à se rassembler. -
6:51 - 6:54Et lorsque ces particules d'or
se rassemblent, elles changent de couleur. -
6:54 - 6:59Ce changement de couleur, peut se traduire
par l'apparition d'une bande colorée -
6:59 - 7:01sur votre autotest.
-
7:01 - 7:02Ce que je viens de décrire,
-
7:02 - 7:06est un exemple de ce qu'on peut appeler :
les technologies médicales préventives. -
7:06 - 7:11Ces technologies vous aident
à connaître vos risques de santé, -
7:11 - 7:14et à suivre personnellement
et en temps réel son évolution. -
7:14 - 7:17Je vous ai parlé
de deux problèmes techniques -
7:17 - 7:19que nous avons réussi
à résoudre au laboratoire. -
7:19 - 7:24Mais, en fait, le vrai problème,
l'obstacle majeur de tout ça, -
7:24 - 7:28n'est même pas scientifique.
D'ailleurs, c'est un obstacle commun -
7:28 - 7:30à toutes les technologies
médicales préventives. -
7:30 - 7:32Je vais donc vous parler rapidement
-
7:32 - 7:34de deux autres technologies
médicales préventives, -
7:34 - 7:37et vous expliquer où se situe
l'obstacle majeur, -
7:37 - 7:41et pourquoi tout ça est si important
pour la médecine de demain. -
7:42 - 7:43La seconde technologie,
-
7:43 - 7:47c'est les dispositifs
portables ou implantés. -
7:47 - 7:49On reste sur les exemples.
-
7:49 - 7:54Aujourd'hui, les diabétiques contrôlent
leur glycémie grâce à des autotests. -
7:55 - 7:58Demain, ils auront des dispositifs
implantés sous la peau, -
7:58 - 8:02qui mesurent et régulent en même temps
les paramètres physiologiques, -
8:02 - 8:03et donc la glycémie,
-
8:03 - 8:07et qui transmettent cette information
sur un portable pour le patient, -
8:07 - 8:09et vers le médecin.
-
8:09 - 8:11Ce qui est nouveau et important ici,
-
8:11 - 8:14ce n'est pas le fait d'avoir
un dispositif implanté. -
8:14 - 8:18Le premier pacemaker
a été implanté en 1958, -
8:18 - 8:20et c'est l'image que vous voyez
au niveau du cœur. -
8:20 - 8:22Donc, ce qui est nouveau et important,
-
8:22 - 8:25c'est cette capacité
à collecter de l'information -
8:25 - 8:28directement à partir du dispositif
et à la transmettre au médecin, -
8:28 - 8:31et la possibilité que le médecin a
-
8:31 - 8:33pour influencer à distance
sur les dispositifs. -
8:33 - 8:35C'est la convergence des technologies.
-
8:37 - 8:43Donc, cette technologie a le potentiel
de détacher complètement le patient -
8:43 - 8:45du système centralisé qui est l'hôpital,
-
8:45 - 8:49tout en gardant un contact continu
avec le médecin. -
8:49 - 8:53La troisième et dernière technologie
est encore plus impressionnante. -
8:54 - 8:58Si quelqu'un vous offre une boîte
et vous dit que dans cette boîte, -
8:58 - 9:02il y a les trois maladies
que vous risquez d'avoir dans votre vie -
9:02 - 9:03si vous ne faites rien.
-
9:03 - 9:06Combien d'entre vous ouvriront la boîte ?
-
9:07 - 9:08Rappelez-vous bien,
-
9:08 - 9:12cette boîte ne contient pas les trois
maladies que vous allez avoir -
9:12 - 9:15mais les maladies que vous risquez d'avoir
si vous ne faites rien. -
9:15 - 9:18Pour faire quelque chose,
moi, j'ouvre la boîte. -
9:18 - 9:24Cette boîte, vous l'avez tous reçue,
c'est votre patrimoine génétique. -
9:25 - 9:28Nous avons tous des prédispositions
à certaines maladies, -
9:28 - 9:32et il faut connaître les risques
pour prévenir les conséquences. -
9:32 - 9:36Il y a 10 ans, il fallait 10 millions
de dollars et plusieurs mois -
9:36 - 9:38pour séquencer un génome humain.
-
9:38 - 9:41Aujourd'hui, vous pouvez le faire
pour 100 dollars, 77 euros, -
9:41 - 9:43et recevoir en quelques semaines,
-
9:43 - 9:46la liste de vos prédispositions
génétiques. -
9:46 - 9:49Je sais qu'il y a des problèmes
d'éthiques et de régulation, -
9:49 - 9:54mais face à la technologie,
la seule réponse valable, -
9:54 - 9:57ce n'est pas l'interdiction,
mais la régulation. -
9:57 - 10:02Ces technologies ont besoin
d'un environnement de régulation, -
10:02 - 10:05et vous avez certainement
tous observé comme moi, -
10:05 - 10:09que ces dernières années,
tous les gouvernements du monde -
10:09 - 10:14se plaignent du coût incontrôlable
de la santé et de la sécurité sociale. -
10:15 - 10:18Mais à chaque nouvelle réforme,
on remet le même modèle de santé, -
10:18 - 10:21et on cherche une nouvelle façon
de le financer. -
10:22 - 10:27Ma conviction est la suivante :
ce n'est pas un problème de budgétisation. -
10:27 - 10:31La seule façon pour nous
de construire un modèle de santé durable -
10:31 - 10:35est de déplacer notre attention
de l'industrie des soins curatifs -
10:35 - 10:37vers les technologies préventives.
-
10:37 - 10:40De la médecine réactive et centralisée,
-
10:40 - 10:43vers une médecine
préventive et personnalisée. -
10:43 - 10:47Il faut que le patient
devienne l'acteur central -
10:47 - 10:49dans la surveillance de sa propre santé.
-
10:49 - 10:52C'est plus qu'une alternative,
c'est une nécessité. -
10:52 - 10:53Merci de m'avoir écouté.
-
10:53 - 10:55(Applaudissements)
- Title:
- De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis
- Description:
-
Cette présentation a été faite lors d'un événement TEDx local, produit indépendamment des conférences TED.
Formé à l'Université de Lille, il est aujourd'hui jeune professeur et directeur du laboratoire « Biocapteurs et Bionanotechnologies » à l'Université du Minnesota , Twin Cities, aux États-Unis. Convaincu que l'autodiagnostic à domicile sera la « prochaine grande transformation sanitaire », il s'est fixé un objectif : faire des biocapteurs des dispositifs « populaires » pouvant être commercialisés « dans n'importe quelle pharmacie ». Pour y parvenir, il a conçu une nouvelle méthode de détection déjà testée avec succès dans son laboratoire et jugée un milliard de fois plus sensible que les précédentes.
- Video Language:
- French
- Team:
- closed TED
- Project:
- TEDxTalks
- Duration:
- 11:02
eric vautier approved French subtitles for De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis | ||
eric vautier accepted French subtitles for De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis | ||
eric vautier edited French subtitles for De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis | ||
eric vautier edited French subtitles for De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis | ||
Mohand Habchi edited French subtitles for De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis | ||
Mohand Habchi edited French subtitles for De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis | ||
Mohand Habchi edited French subtitles for De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis | ||
Mohand Habchi edited French subtitles for De la médecine réactive vers la médecine préventive | Abdennour Abbas | TEDxParis |