Le point final du journaliste
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0:00 - 0:07(Thierry Fischer) 23 journalistes,
5 graphistes,2 iconographes, 1 correctrice -
0:07 - 0:111 comptable, 1 secrétaire,
3 employés du marketing. -
0:12 - 0:17Jeudi dernier la Société des rédacteurs
et du personnel de RIngier/Axel Springer -
0:17 - 0:18a diffusé son communiqué,
-
0:18 - 0:23une information qui précise le nombre
de collaborateurs congédiés -
0:23 - 0:28après la décision de l'éditeur germano
-suisse de supprimer la publication -
0:28 - 0:31du magazine romand L'Hebdo.
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0:31 - 0:32Michel Danthe, bonjour.
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0:32 - 0:34(Michel Danthe) Bonjour, Thierry Fischer.
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0:34 - 0:36(TF) Merci beaucoup d'être en direct
dans Médialogues ce matin, -
0:36 - 0:39(MD) Oui, il y a cette - on sort
de trois longues semaines. -
0:39 - 0:43Si vous me demandez comment je vais,
je vous dirai que j'ai très mal dormi -
0:43 - 0:44ces derniers temps.
-
0:44 - 0:47On va rassurer nos auditeurs:
lorsqu'on a posé la même question -
0:47 - 0:52à Ralph Büchi qui est notre
directeur général, qui est rentré -
0:52 - 0:56de ses vacances ensoleillées à Verbier
mercredi pour nous annoncer -
0:56 - 0:59la triste nouvelle avant un peu
tout le monde, -
0:59 - 1:01il nous a confié, lui,
qu'il dormait très bien, -
1:01 - 1:05il s'est un peu excusé d'être
aussi bronzé, mais voilà: -
1:05 - 1:10il nous a annoncé cette nouvelle et depuis
je pense qu'il n'y a pas seulement -
1:10 - 1:12l'équipe de négociation et l'équipe des--
-
1:12 - 1:16la société des rédacteurs
qui dort très mal, mais également -
1:16 - 1:19toutes les personnes qui ont vu
brutalement mettre fin -
1:19 - 1:23à leur carrière professionnelle
dans les journaux qu'ils ont aimés, -
1:23 - 1:24dans les journaux qu'ils ont défendus
-
1:24 - 1:29dans les journaux qu'ils ont vraiment
habité de leur présence, de leur plume, -
1:29 - 1:30de leur intelligence.
-
1:30 - 1:33Ça fait quand même 36 personnes,
-
1:33 - 1:3836 personnes qui sont touchées dans
leur destin professionnel. -
1:38 - 1:42Alors voilà, c'est effectivement une --
des semaines assez tristes. -
1:43 - 1:47Ça arrive après une longue préparation,
on va dire que nous avons un éditeur -
1:48 - 1:50qui est un spécialiste
de la cuisson lente -
1:50 - 1:55et qui nous avait déjà laissé entendre
en septembre de l'année dernière -
1:55 - 1:57qu'il y allait avoir des choses.
-
1:57 - 2:02Ces choses, elles ont nourri ensuite,
évidemment, l'anxiété des collaborateurs, -
2:02 - 2:06l'anxiété de tous ceux et celles
qui se battaient pour que L'Hebdo survive, -
2:06 - 2:09pour que Le Temps, également,
puisse défendre sa place -
2:09 - 2:11dans ce paysage médiatique suisse romand.
-
2:12 - 2:15Donc de longs mois d'attente,
de longs mois d'angoisse. -
2:15 - 2:20Et puis, bien, cette angoisse
et cette attente ont culminé, -
2:20 - 2:23si j'ose dire, une première fois
le 23 janvier, -
2:23 - 2:25lorsqu'on est venu nous annoncer
-
2:25 - 2:28qu'il fallait faire l'économie
de 37 postes. -
2:28 - 2:33Après quoi notre éditeur s'est lancé
dans une Blitzkrieg, un peu. -
2:33 - 2:36C'est un peu les divisions Guderian
qui débarquent sur la Pologne, -
2:36 - 2:38si j'ose dire.
-
2:38 - 2:43Ils nous ont laissé 10 jours pour réagir
à cet état de fait: -
2:43 - 2:4937 postes à économiser, à supprimer,
10 jours pour réfléchir, -
2:49 - 2:5210 jours pour constituer
une équipe de négociaiton. -
2:52 - 3:0010 jours pour consulter, rendre notre avis
et nos mesures alternatives d'économie. -
3:00 - 3:02C'est ce qu'on a fait la semaine passée.
-
3:02 - 3:06En 5 jours la direction s'est prononcée
sur ces mesures alternatives, -
3:06 - 3:09elle les a toutes refusées et déclinées.
-
3:09 - 3:13Elles consistaient, pour mémoire,
si les gens ne le savent pas, -
3:13 - 3:21à envoyer à la retraite anticipée le cadre
qui avait mené à une telle catastrophe, -
3:21 - 3:28le directeur de Ringier Romandie et un
des rédacteurs en chef de cette newsroom, -
3:28 - 3:30de cette armée mexicaine qui a --
-
3:30 - 3:33(TF) Daniel Pillard et Alain Jeannet,
respectivement. -
3:34 - 3:35(MD) Voilà, oui.
-
3:36 - 3:38Economiser également sur les locaux,
-
3:38 - 3:40parce qu'on a des locaux extrêmement
bling-bling, -
3:40 - 3:42des locaux qui sont un peu pour la montre,
-
3:42 - 3:47pour pouvoir exposer les oeuvres d'art de
la collection Michael Ringier. -
3:47 - 3:53Et donc, on proposait de se serrer
un peu plus pour économiser de l'argent, -
3:53 - 3:55de se serrer un peu plus
pour sauver des postes. -
3:55 - 3:59Tout cela a été refusé et aujourd'hui,
on est devant ce désastre. -
4:00 - 4:01(TF) Comment allez-vous --
-
4:01 - 4:05c'est précisément la question que j'allais
vous poser, vous m'avez devancé, -
4:05 - 4:08Michel Danthe, on sent
dans votre témoignage, -
4:08 - 4:10et je vous remercie d'être venu
dans notre studio ce matin, -
4:10 - 4:15on sent évidemment dans votre
témoignage qu'il est chargé. -
4:15 - 4:17On va rentrer dans les détails
de ce qui s'est déroulé -
4:17 - 4:19durant les 3 semaines précédentes,
juste avant ça. -
4:20 - 4:23Evidemment, le public romand,
les lecteurs romands -
4:23 - 4:25ont croisé votre signature,
inévitablement, -
4:25 - 4:27parce que vous avez une longue expérience,
-
4:27 - 4:30vous faites partie des journalistes
qui comptent en Suisse romande, -
4:30 - 4:33vous êtes journaliste depuis
près de 40 ans -
4:34 - 4:36au sein de nombreuses rédactions romandes.
-
4:36 - 4:39Formation au Journal de Genève,
-
4:39 - 4:42aujourd'hui licencié de la rédaction
du Temps, -
4:42 - 4:47entre les deux et en vrac, Le Courrier,
Le Nouveau Quotidien, -
4:47 - 4:48vous avez été rédacteur en chef
du Matin Dimanche -- -
4:48 - 4:50(MD) Alors au Courrier, je n'ai jamais
travaillé au Courrier, -
4:50 - 4:51mais par contre à La Suisse, oui.
-
4:51 - 4:55(TF) Voilà, j'ai lu un de vos articles
publié aujourd'hui sur le site du Courrier. -
4:56 - 4:58(MD) Oui, ça, c'est quand j'étais
au chômage, je -- -
4:58 - 5:01parce que j'ai été au chômage dans ma vie
et donc une fois, effectivement, -
5:01 - 5:02j'ai écrit un article en freelance
-
5:02 - 5:05que, entre autres, Le Courrier,
par syndication, a repris. -
5:05 - 5:07Et donc aussi La Liberté, je crois.
-
5:07 - 5:09(TF) Voilà, ce qui --
-
5:09 - 5:10(MD) Ce qui ne manque pas non plus
d'ailleurs de piquant -
5:10 - 5:13parce que je ne suis pas connu
pour être un journaliste de gauche, -
5:13 - 5:16je suis plutôt du camp, on va dire,
opposé. -
5:16 - 5:19(TF) Vous avez participé au lancement
du Matin Bleu, -
5:19 - 5:22pris aussi le train
des nouvelles technologies, puisque -
5:22 - 5:24vous vous êtes lancé dans une formation,
-
5:24 - 5:27vous avez été chef de la rubrique
Opinions et débats au Temps: -
5:27 - 5:31responsabilités donc diverses, on le voit,
responsabilités rédactionnelles, -
5:31 - 5:33responsabilités d'encadrement,
aujourd'hui encore, -
5:33 - 5:37président de la Société des rédacteurs et
du personnel de Ringier / Axel Springer. -
5:37 - 5:40Dans votre communiqué,
vous n'y allez pas de main morte, -
5:40 - 5:42vous parlez de carnage.
-
5:42 - 5:43(MD) Oui, c'est un carnage,
-
5:43 - 5:45parce qu'il faut savoir
le carnage au Temps. -
5:45 - 5:48D'abord, c'est un enterrement définitif
de l'Hebdo, -
5:48 - 5:54dont l'équipe rédactionnelle a été,
j'allais dire, quasiment éradiquée -
5:54 - 5:58à l'exception de son rédacteur en chef
et de quelques autres rédacteurs -
5:58 - 6:02qui travaillaient déjà en pool
dans la rédaction du Temps. -
6:03 - 6:08Mais ce qu'a fort bien communiqué
de son point de vue, bien entendu, -
6:08 - 6:12l'éditeur le 23 janvier,
c'est que 37 postes disparaissaient, -
6:12 - 6:14dû à la suppression de L'Hebdo.
-
6:14 - 6:16Ce sont de pures calembredaines,
bien entendu. -
6:16 - 6:2237 postes disparaissent, mais on ne
faisait pas L'Hebdo avec 37 personnes. -
6:22 - 6:24On faisait L'Hebdo
avec beaucoup moins de personnes. -
6:24 - 6:26Où sont les autres?
-
6:26 - 6:28Hé bien les autres, elle sont
dans la rédaction du Temps, -
6:28 - 6:32rédaction du Temps qui aujourd'hui,
est amputée d'un quart de ses effectifs. -
6:33 - 6:38Il faut savoir que c'est la sixième
restructuration depuis que Le Temps existe, -
6:38 - 6:42que l'avant-dernière avait eu lieu en 2015
et qu'elle avait touché 15 personnes, -
6:42 - 6:45que l'avant-avant-dernière
avait eu lieu en 2012 -
6:45 - 6:47et qu'elle avait touché
une dizaine de personnes. -
6:47 - 6:51Vous pouvez donc vous imaginer aujourd'hui
quel est l'état, si vous voulez, -
6:51 - 6:57de la rédaction de ce "quality paper" que
l'éditeur aimait à qualifier auparavant -
6:57 - 7:00de journal de référence - il n'utilise
plus aujourd'hui ce "claim", -
7:00 - 7:01comme on dit en anglais.
-
7:02 - 7:05On est évidemment,
comme dit le cliché journalistique -
7:05 - 7:07que je conseille
à tous les jeunes journalistes d'éviter -
7:07 - 7:10lorsqu'ils font des titres, mais
on va le réutiliser aujourd'hui. -
7:10 - 7:14Quand on est très ému, c'est
les clichés qui viennent à la bouche: -
7:14 - 7:19on est évidemment sous le choc, atterrés
et fort en colère. -
7:19 - 7:22C'est 25% de l'effectif du Temps
qui aujourd'hui, -
7:22 - 7:25en plus de la suppression de L'Hebdo,
disparaissent. -
7:25 - 7:29C'est vous dire qu'à partir de lundi,
à partir des mois qui viennent, -
7:29 - 7:32c'est d'un autre Temps
dont on devra parler. -
7:32 - 7:33(TF) Qu'est-ce qui vous met
le plus en colère? -
7:33 - 7:35(MD) Mais ce qui me met
le plus en colère, c'est que -
7:36 - 7:41on ait été menés, si vous voulez,
dans cette, dans ce désastre -
7:41 - 7:47par des gens qui, aujourd'hui, n'ont plus
l'énergie de se battre -- -
7:47 - 7:50(TF) Mais les titres, il faut bien
les rentabiliser, Michel Danthe! -
7:50 - 7:51(MD) Bien sûr qu'il faut
rentabiliser les titres. -
7:51 - 7:53Mais pour rentabiliser les titres,
il ne faut pas mettre -
7:53 - 7:56à leur direction générale des gens
qui attendent leur retraite anti... -
7:56 - 8:00qui attendent leur retraite et
sauver leurs fesses, -
8:00 - 8:04et qui n'ont plus aucune énergie
ni aucune niaque -
8:04 - 8:06pour essayer de défendre cette affaire!
-
8:06 - 8:07(TF) Vous avez été trahis?
-
8:07 - 8:10(MD) J'ai le sentiment, en tout cas
l'équipe a sans doute le sentiment -- -
8:10 - 8:14je ne veux pas parler pour elle, mais
si je peux interpréter son sentiment, -
8:14 - 8:16d'avoir étés effectivement trahis.
-
8:16 - 8:19Il faut savoir que lorsque Le Temps
a été repris par Ringier, -
8:19 - 8:21il y avait des propositions alternatives,
-
8:21 - 8:23des propositions, par exemple,
d'un groupe d'investisseurs -
8:23 - 8:25qui étaient prêts à s'engager
pour Le Temps, -
8:25 - 8:30des propositions de son management
pour racheter le titre et pour le défendre -
8:30 - 8:33dans des petites structures
adaptées à la Suisse romande. -
8:33 - 8:35On a été repris par un mastodonte
-
8:35 - 8:41qui a ensuite été se mettre en bouche
avec un mastodonte encore plus grand. -
8:41 - 8:44Nous sommes une espèce
de petite entité suisse romande -
8:44 - 8:50qui ne fait aucun sens dans un pareil,
si vous voulez, cimetière de dinosaures. -
8:50 - 8:52Que voulez-vous que je vous dise?
-
8:52 - 8:54On ne peut avoir que de la colère
lorsqu'on constate cela. -
8:54 - 8:56(TF) Ce lieu commun dont on parle,
à savoir -- -
8:56 - 8:57(MD) Être sous le choc?
-
8:57 - 9:01(TF) l'arrogance alémanique,
l'arrogance des centres de décision -
9:01 - 9:03à l'égard d'un pays
comme la Suisse romande, -
9:03 - 9:07pour en arriver à supprimer l'Hebdo et
à amputer la rédaction du Temps, -
9:07 - 9:09c'est approprié?
-
9:10 - 9:13(MD) Écoutez, des gens disent l'arrogance,
-
9:13 - 9:16ce sont des gens
qui défendent leur logique. -
9:16 - 9:20Ce que je critique aujourd'hui, c'est
le fait que connaissant leur logique, -
9:20 - 9:24ils aient racheté,
ils se soient emparés du Temps -
9:24 - 9:26qui fonctionnait
dans une toute autre logique. -
9:27 - 9:31Alors, si vous voulez, si un mastodonte
décide de racheter un tout petit, -
9:31 - 9:34une toute petite entité qui aurait
très bien pu se défendre, -
9:34 - 9:37en Suisse Romande,
avec des moyens appropriés, -
9:37 - 9:38hé bien, j'ai de la peine à le comprendre.
-
9:38 - 9:41Alors, appelez ça de l'arrogance,
appelez ça de l'inconscience, -
9:41 - 9:42appelez ça du cynisme,
-
9:43 - 9:46moi, je n'ai pas de mot pour qualifier ça,
j'hésite entre les trois, -
9:46 - 9:50et ma colère est nourrie
de ces trois qualificatifs. -
9:50 - 9:53(TF) Michel Danthe, le journalisme,
c'est votre vie. -
9:53 - 9:55Qu’est-ce qui disparaît, aujourd'hui?
-
9:55 - 9:57(MD) Mais aujourd'hui disparaît
une certaine idée -
9:57 - 9:59qu'on pouvait se faire du journalisme.
-
9:59 - 10:02Je ne suis pas quelqu'un qui va vous dire:
"C'était mieux avant." -
10:02 - 10:04(TF) Mais pour vous,
qu'est-ce qui disparaît? -
10:04 - 10:07(MD) Disparaît, si vous voulez,
une manière de faire du journalisme -
10:07 - 10:10comme on a pu le faire jusque dans
les années 2000, -
10:10 - 10:13avant qu'interviennent massivement,
si vous voulez, l'arrivée de l'internet -
10:13 - 10:15et l'arrivée de la dé...
-
10:15 - 10:19si vous voulez, du fait qu'on peut
parfaitement aujourd'hui, finan... -
10:19 - 10:22on ne peut plus financer les journaux
aujourd'hui comme on les a financés -
10:22 - 10:27de 1848, l'arrivée d’Émile Girardin
qui a inventé l'annonce -
10:27 - 10:32pour pouvoir financer les journaux,
de 1848 à peu près aux années 2000. -
10:32 - 10:34On est dans un nouveau paradigme.
-
10:34 - 10:38Je ne vais pas nier ce nouveau paradigme,
ce que je regrette, si vous voulez, -
10:38 - 10:42c'est que les éditeurs aient si peu
préparé leurs équipes, -
10:42 - 10:46aient si peu éduqué leurs équipes
à survire dans un monde -
10:46 - 10:47qu'ils nous préparent aujourd'hui.
-
10:47 - 10:50Ils sont un peu,
si vous me permettez l'expression, -
10:50 - 10:55comme les généraux chinois qui,
lorsqu'ils bâtissaient leur marine, -
10:55 - 11:00n'apprenaient surtout pas aux marins
à nager, parce qu'ils se disaient: -
11:00 - 11:01"Comme ça ils vont se battre jusqu'au bout
-
11:01 - 11:04et quand le navire coulera,
ils couleront avec." -
11:04 - 11:05Voilà le sentiment que j'ai,
si vous voulez, -
11:05 - 11:09lorsque je regarde comment les éditeurs
ont préparé leurs équipes: -
11:09 - 11:14fort mal, avec beaucoup de mesquinerie,
et ça, je le regrette infiniment. -
11:14 - 11:16(TF) C'est le deuil d'un idéal?
-
11:16 - 11:17(MD) Bien sûr que c'est
le deuil d'un idéal. -
11:18 - 11:21Mais vous savez, c'est le deuil d'un idéal
avec un sentiment raisonnable, -
11:21 - 11:24et ce sentiment raisonnable et
l'espoir que j'ai aujourd'hui, -
11:24 - 11:28c'est que des titres comme Le Temps,
des titres comparables à L'Hebdo, -
11:28 - 11:31parce que comme dit Jacques Pillet,
on ne va pas ressusciter un mort, -
11:31 - 11:35mais que des titres comparables à L'Hebdo,
des titres comme Le Temps -
11:35 - 11:38puissent vivre demain
de leurs propres ailes -
11:38 - 11:42avec les moyens qui seront les leurs
dans un paysage suisse romand -
11:42 - 11:45où on n'aura pas besoin d'en référer
à Berlin, à Zurich, -
11:45 - 11:48pour savoir si on peut ou non
engager des forces -
11:48 - 11:50et engager son enthousiasme
dans la bonne direction. -
11:50 - 11:53(TF) Pendant trois semaines, vous avez été
totalement investi, -
11:53 - 11:55c'est trois semaines absolument douloureuses,
-
11:55 - 11:59depuis l'annonce de la suppression
de la publication de L'Hebdo -
11:59 - 12:00jusqu'à aujourd'hui, ce matin --
-
12:00 - 12:03(MD) Oui, on est drainés, c'est le moins
qu'on puisse dire. -
12:03 - 12:05(TF) -- dans Médialogues, qu'est-ce qui
a été le plus difficile, Michel Danthe? -
12:05 - 12:08(MD) Écoutez, le plus difficile, pour moi,
ça a été d'accompagner, -
12:09 - 12:11je le dis
avec une certaine forme d'émotion, -
12:11 - 12:15accompagner des collègues qui,
parce qu'on a accompagné -
12:15 - 12:21certains de nos collègues licenciés,
des gens qui ont pleuré, si vous voulez, -
12:21 - 12:30qui ont pleuré un idéal qui disparaissait.
Je suis très ému, donc, voilà. -
12:31 - 12:37(TF) Michel Danthe, je vous remercie
beaucoup de venir apporter de l'émotion -
12:37 - 12:40en ce qui concerne le déroulement
des faits qui se sont déroulés -
12:40 - 12:43à l'intérieur de vos rédactions.
-
12:43 - 12:49On va, je crois que tout le monde
a compris que ça a été des jours -
12:49 - 12:52et des semaines difficiles, et
Médialogues ne peut que témoigner -
12:52 - 12:57sa solidarité en tout cas à l'égard des
journalistes qui ont perdu leur travail. -
12:57 - 12:58Je vous laisse poursuiver.
-
12:58 - 13:02(MD) On ne va pas finir sur une note,
j'allais dire, presque sentimentale. -
13:02 - 13:05Je pense qu'aujourd'hui,
ce qu'il faut souhaiter, -
13:05 - 13:10c'est que les équipes du Temps
puissent reprendre leur destin en main -
13:10 - 13:12et que tous les talents qui y restent,
qui survivent, -
13:12 - 13:15parce qu'il faut aussi penser à ceux qui
restent et qui survivent, -
13:15 - 13:17puissent aujourd'hui
donner le meilleur d'eux-mêmes -
13:17 - 13:19pour que ce journal survive.
-
13:20 - 13:21(TF) Qu’est-ce qui vous ferait plaisir,
à l'avenir? -
13:22 - 13:25(MD) Que je puisse lire Le Temps
jusqu'à ma mort. -
13:27 - 13:31(TF) Michel Danthe, vous avez
une certaine autorité dans le métier, -
13:31 - 13:35en raison même de votre expérience.
-
13:35 - 13:40On constate, mois après mois que
certaines rédactions, -
13:40 - 13:43nombreuses en Suisse romande, partent
en déliquescence. -
13:44 - 13:47On a préparé ensemble une partie
de cet entretien -
13:47 - 13:50et je vous avais proposé de dire:
-
13:50 - 13:54"Voilà, au regard de ce délitement des
rédactions romandes -
13:54 - 13:58et de ce qu'on considère comme essentiel
pour la marche démocratique, -
13:58 - 14:03la bonne marche de la démocratie,
que faire, quelles solutions?" -
14:03 - 14:07La semaine dernière, Géraldine Savary,
conseillère aux États vaudoise, socialiste, -
14:07 - 14:09disait: "Il faut changer la constitution."
-
14:10 - 14:15Fathi Derder, PLR, conseiller national,
disait: "Il faut utiliser, -
14:15 - 14:20pour le développement des nouveaux médias,
il faut utiliser un budget favorable -
14:20 - 14:22et qui soutient l'innovation."
-
14:23 - 14:26Vous avez la parole, vous avez
quelque chose à proposer. -
14:26 - 14:27Qu'est-ce que vous proposez?
-
14:27 - 14:30(MD) Moi, je pense qu'il faut
qu'on redéfinisse, si vous voulez, -
14:30 - 14:32à la fois le rôle des médias
et leur financement, -
14:32 - 14:35en faisant table rase du passé
et en discutant, -
14:35 - 14:38de manière non dogmatique et pragmatique.
-
14:38 - 14:40Tout le monde est persuadé aujourd'hui,
-
14:40 - 14:43y compris les gens qui nous gouvernent
à Berlin et à Zurich -
14:43 - 14:47que le journalisme et son financement
tel qu'on l'a connu, son financement, -
14:47 - 14:53son business model, si vous me permettez
l'expression anglo-saxonne, ont vécu. -
14:53 - 14:55Il faut trouver des nouvelles formes
de financement, -
14:55 - 14:58il faut trouver des nouvelles formes
d'engagement financier -
14:58 - 15:02pour pouvoir permettre
à ce Quatrième Pouvoir d'exister. -
15:02 - 15:04Et donc, aujourd'hui, je pense
qu'il faut vraiment, -
15:04 - 15:08de manière extrêmement non dogmatique,
se mettre à table et discuter. -
15:08 - 15:11Il y a des gens qui sont très effrayés
lorsqu'on dit: -
15:11 - 15:13"L’État pourrait subventionner les médias."
-
15:13 - 15:16Peut-être que l’État
ne subventionnera pas des médias, -
15:16 - 15:19mais l’État pourrait par exemple
"subventionner" entre guillemets -
15:19 - 15:21la formation des journalistes,
si vous voulez. -
15:21 - 15:26Actuellement, c'est une formation qui est
bipartite, avec l'employeur l'employé, -
15:27 - 15:30les gens ont toutes les peines du monde
à trouver un stage etc. -
15:30 - 15:32Peut-être que ça serait une forme,
si vous voulez, -
15:32 - 15:37de formation qui pourrait être fournie
par l’État. -
15:37 - 15:42On pourrait également imaginer
qu'on puisse créer des fondations -
15:42 - 15:46qui réuniraient un certain nombre de gens
intéressés à avoir une presse de qualité -
15:46 - 15:50en Suisse romande ou en Suisse,
de manière à lui permettre de vivre. -
15:50 - 15:56Je pense que vraiment, aujourd'hui,
de manière pragmatique, non dogmatique, -
15:56 - 15:59non clivée idéologiquement, avec toujours
les mêmes slogans -- -
15:59 - 16:00(TF) Mais vous demandez quoi, finalement?
Concrètement, c'est quoi? -
16:00 - 16:03Un engagement beaucoup plus fort
de la part des politiques, -
16:03 - 16:06parce que pour le moment, beaucoup
de déclarations d'intention, -
16:06 - 16:10notamment Pascal Broulis
et Monsieur Maillard -
16:10 - 16:11témoignent leur empathie,
-
16:11 - 16:14mais en ce qui concerne les solutions,
il n'y en a pas beaucoup. -
16:14 - 16:16Donc finalement,
qu'est-ce que vous demandez, -
16:16 - 16:17qu'est-ce que vous demandez
d'une manière très concrète? -
16:17 - 16:20Une mobilisation généralisée
des politiciens? -
16:20 - 16:25(MD) Mais par exemple, qu'on investisse
et qu'on utilise de manière pragmatique -
16:25 - 16:30beaucoup plus d'argent pour assurer
la métamorphose numérique -
16:30 - 16:31de toute cette profession.
-
16:32 - 16:38Assurer l'enseignement ou si vous voulez,
la formation de tous ces journalistes -
16:38 - 16:40qui, aujourd'hui,
ne se rendent pas encore compte -
16:40 - 16:43que leur métier va changer
de fond en comble. -
16:43 - 16:48Ça serait déjà une immense chose,
une sensibilisation à ce niveau-là, -
16:48 - 16:52et puis ensuite, proposer
des moyens de financement -
16:52 - 16:56avec peut-être une fiscalisation
un tout petit peu plus favorable, -
16:56 - 17:00de manière à ce que des fondations,
de manière à ce que des investisseurs, -
17:00 - 17:04en ayant évidemment établi
le Chinese Wall, c'est-à-dire le mur -
17:04 - 17:08qui leur interdira de prendre
de l'influence, si vous voulez, -
17:08 - 17:13politique ou idéologique sur les journaux
qu'ils financeraient via ces fondations, -
17:13 - 17:17que ces choses-là puissent émerger,
exister, et voilà: c'est ça que je demande. -
17:17 - 17:20C'est qu'on redéfinisse maintenant
de fond en comble -
17:20 - 17:24le business model et le financement
de cette presse Quatrième Pouvoir. -
17:24 - 17:26Aujourd'hui, on peut plus penser
comme hier. -
17:26 - 17:29(TF) L'enjeu, c'est lequel?
C'est corporatiste? -
17:29 - 17:30(MD) Mais ce n'est pas du tout
un enjeu corporatiste! -
17:30 - 17:32C'est un enjeu démocratique et citoyen.
-
17:32 - 17:35Si vous n'avez plus,
aujourd'hui et demain, -
17:35 - 17:39une presse qui peut faire contre-pouvoir
à tout ce que l'on voit. -
17:39 - 17:40On a beaucoup parlé aujourd'hui,
par exemple, -
17:40 - 17:44beaucoup de mes collègues m'ont dit:
"C'est quand même incroyable de penser -
17:44 - 17:47qu'on décime aujourd'hui un journal
-
17:47 - 17:53qui s'était engagé dans la voie des
quality papers etc., -
17:53 - 17:57le jour où arrive au pouvoir
Donald Trump et ses fake news, -
17:57 - 18:00arrivera peut-être au pouvoir
Marine Le Pen, arrive... etc. -
18:00 - 18:02C'est quand même très paradoxal de penser
-
18:02 - 18:04que ces choses-là
arrivent au même moment." -
18:04 - 18:07Donc, il faut repenser à nouveaux frais
ce financement, -
18:07 - 18:12afin de permettre à cette presse-là
de subsister dans l'avenir. -
18:12 - 18:15Elle ne peut pas, à mon avis, subsister
dans des grands groupes -
18:15 - 18:18qui ont des objectifs de rentabilité
tout à fait fantaisistes -
18:18 - 18:23par rapport à ce que peut aujourd'hui,
in se per se, rapporter l'information. -
18:23 - 18:27Aujourd'hui, vous faites votre blé
avec les petites annonces, -
18:27 - 18:29vous faites votre blé avec
les petites annonces érotques, -
18:29 - 18:32vous faites votre blé avec
les petites annonces d'autos, etc. -
18:32 - 18:36Les éditeurs n'ont plus besoin d'accoler
à ces produits-là -
18:36 - 18:37des contenus journalistiques.
-
18:37 - 18:40Ils l'ont parfaitement compris et
ils désinvestissent dans ce domaine. -
18:40 - 18:44Il faut donc séparer maintenant,
si vous voulez, -
18:44 - 18:47la fonction informative de ces
grands groupes de presse -
18:47 - 18:50qui, de toute façon,
n'y voient plus clair. -
18:50 - 18:53(TF) Pourquoi ne pas avoir lancé
ce cri d'alarme plus tôt, Michel Danthe? -
18:53 - 18:57Avec la conviction que vous témoignez
ce matin? -
18:57 - 19:01(MD) Thierry Fischer, il n'est jamais
trop tard pour voir en face de soi -
19:01 - 19:03la triste réalité.
-
19:03 - 19:04Nous avons été sans doute aveuglés,
-
19:04 - 19:06nous avons sans doute
effectivement été aveuglés -
19:06 - 19:08par le confort dans lequel nous étions,
-
19:08 - 19:12nous avons sans doute été aveuglés par
les succès qu'on a pu avoir. -
19:12 - 19:15Vous savez, quand on a eu du succès
dans un certain nombre de domaines -
19:15 - 19:18de par le passé -- moi, j'ai été
rédacteur en chef d'un journal -
19:18 - 19:22dont le principal souci -- c'était
Le Matin Dimanche à la belle époque -- -
19:22 - 19:24c'était de créer
des contenus rédactionnels -
19:24 - 19:28parce qu'on n'arrivait pas à absorber
toutes les publicités -
19:28 - 19:30qui nous sautaient contre.
-
19:30 - 19:32Vous voyez, donc j'avais un éditeur
qui m'avait dit: -
19:32 - 19:35"Écoutez, Michel Danthe, démerdez-vous,
faites des cahiers en plus -
19:35 - 19:37parce qu'on a tellement de publicité
qu'on ne sait plus où la mettre." -
19:38 - 19:41Quand on a été nourri dans cet univers-là,
-
19:41 - 19:44hé bien le retour à la réalité d'aujourd'hui
est difficile. -
19:45 - 19:48Je bats ma coulpe,
je bats vraiment ma coulpe, -
19:48 - 19:52mais voilà: aujourd'hui, on commence
à y voir très clair, et c'est là -- -
19:52 - 19:56donc notre cri a deux fois plus
de profondeur. -
19:57 - 20:00(TF) Michel Danthe, président de
la Société des rédacteurs et du personnel -
20:00 - 20:05de RIngier / Axel Springer,
lundi commence un dernier volet, -
20:05 - 20:06on va conclure avec ça,
-
20:06 - 20:08c'est la discussion autour
des plans sociaux, -
20:08 - 20:13car de nombreux journalistes
sont licenciés, -
20:13 - 20:16il n'en restera plus que 16
dans la rédaction du Temps -- -
20:16 - 20:18(MD) Non, il n'en restera pas
plus que 16 dans la rédaction du Temps, -
20:18 - 20:20il en restera un certain nombre, mais --
-
20:20 - 20:22(TF) 16 journalistes
(MD) Non, 25 journalistes, -
20:22 - 20:25il ne va pas rester 16 journalistes,
il va en rester quand même un peu plus. -
20:25 - 20:29(TF) Oui, le Temps perd 16 journalistes.
(MD) Oui, le temps a 78 journalistes -
20:29 - 20:35mais il en perd environ... (TF) un tiers,
(MD) 20.... 16, 16. -
20:36 - 20:37On parle de journalistes-journalistes,
-
20:37 - 20:39on n'a pas compté les graphistes,
on n'a pas compté les iconos,. -
20:39 - 20:44Oui, hé bien il va y avoir évidemment
la redéfinition du projet du Temps, -
20:44 - 20:48Thierry Fischer, qui va se faire lundi,
et puis il y a négociation du plan social. -
20:48 - 20:54Alors effectivement, la négociation
du plan social, on a commencé à la faire -
20:54 - 20:58mercredi, en ouvrant ce que l'on appelle,
en termes militaires, -
20:58 - 21:01c'est l'ancien officier qui parle,
un tir d'artillerie sur ... -
21:01 - 21:03une préparation d'artillerie
sur nos éditeurs, -
21:03 - 21:07afin qu'ils soient
un tout petit peu plus généreux -
21:07 - 21:10que ce qu'ils ont compté être
aujourd'hui -
21:10 - 21:15afin que ces 36 licenciés puissent, dans
un marché du travail en déliquescence -
21:15 - 21:17et en décomposition, aller,
aux âges qu'ils ont, -
21:17 - 21:19parce que ce n'est pas des petits jeunes
qu'on a licenciés, -
21:19 - 21:26c'est en majorité des gens qui ont entre
la cinquantaine et 61, 62 et même 64 ans, -
21:26 - 21:29que ces gens là puissent partir dignement
-
21:29 - 21:35et avec un package qui soit un package
honorable, fair play -
21:36 - 21:39et à la mesure du carnage
qui a été opéré. -
21:39 - 21:44(TF) Michel Danthe, on va conclure avec
cette question en guise de point final: -
21:44 - 21:48Je suppose votre réponse, mais
je vous la pose quand même: -
21:48 - 21:54Faut-il laisser aux seuls éditeurs le soin
d'avoir le droit de vie ou de mort -
21:54 - 21:58sur des publications que l'on considère
indispensables pour la démocratie? -
21:58 - 22:02(MD) Bien sûr que non, moi je suis
pleinement de l'avis de Klaus Schwab, -
22:02 - 22:05ça va surprendre tout le monde, mais il a
développé la théorie des stakeholders, -
22:05 - 22:07les parties prenantes.
-
22:07 - 22:10L'éditeur n'est qu'une partie prenante,
les autres parties prenantes, ce sont -
22:10 - 22:13les citoyens, les lecteurs,
les journalistes, -
22:13 - 22:15les gens qui vivent de cette information,
-
22:15 - 22:17et il n'y a pas que les journalistes
qui vivent de cette information, -
22:17 - 22:20il y a également les lecteurs,
il y a également les politiciens. -
22:20 - 22:24Et je pense que c'est à ces gens là,
à ces stakeholders là, aujourd'hui, -
22:24 - 22:26de prendre leur destin en main.
-
22:26 - 22:31(TF) MIchel Danthe, journaliste
d'expérience, depuis près de 40 ans -
22:31 - 22:35dans le journalisme, dans de nombreuses
rédactions de Suisse romande, -
22:35 - 22:40aujourd'hui licencié du groupe
Ringier / Axel Springer et surtout -
22:40 - 22:43encore président de la Société
des rédacteurs et du personnel -
22:43 - 22:45de Ringier / Axel Springer,
-
22:45 - 22:49Médialogues vous souhaite pleine réussite
dans votre toute prochaine négociation, -
22:49 - 22:52Médialogues vous remercie également
d'être venu en direct -
22:52 - 22:55pour témoigner de votre passion,
de votre idéal. -
22:55 - 22:57(MD) Merci, Thierry Fischer.
-
22:57 - 22:59(Jingle) Médialogues.
- Title:
- Le point final du journaliste
- Description:
-
RTS Médialoigues, 28 février 2017, https://www.rts.ch/play/radio/medialogues/audio/le-point-final-du-journaliste?id=8367771 :
"Trente-six postes supprimés parmi les équipes du Temps et de feu L'Hebdo à Lausanne. Un journaliste qui figure au nombre des personnes licenciées après la disparition de lʹHebdo témoigne.
Avec :
Michel Danthe, journaliste, ex représentant de la société des rédacteurs et des personnels de la newsroom Ringier Axel Springer. " - Video Language:
- French
- Team:
- Captions Requested
- Duration:
- 23:04
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